REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 9
ARRET DU 11 MAI 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N°RG 22/10297 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CF4Q4
Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Mai 2022 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2022005069
APPELANT
Monsieur [I] [C]
Né le [Date naissance 2] 1977 [Localité 7] (ALGERIE)
[Adresse 4]
[Adresse 4]
Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS – AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque B1055, avocat postulant
Assisté de Me Thierry DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque A0436, substitué par Me Romain DAVID, avocat au barreau de PARIS, toque A0436, avocats plaidants.
INTIMEES
S.C.I. FONCIERE CITY agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège
immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de NANTERRE sous le numéro 530 649 771
[Adresse 6]
[Adresse 6]
Représentée et assistée par Me Jacques GOURLAOUEN, avocat au barreau de PARIS, toque A0396
S.E.L.A.R.L. BDR & ASSOCIES prise en la personne de Maître [D] [H] es qualités de mandataire liquidateur judiciaire de Monsieur [I] [C]
immatriculée au RCS de PARIS sous le numéro 844 765 487
[Adresse 5]
[Adresse 5]
Représentée et assistée par Me Georges-Henri LAUDRAIN, avocat au barreau de PARIS, toque A0174
COMPOSITION DE LA COUR :
L’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme Sophie MOLLAT-FABIANI, Présidente
Mme Isabelle ROHART, Conseillère
Mme Déborah CORICON, Conseillère
qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.
Greffière, lors des débats : Madame Claudia CHRISTOPHE.
ARRET :
– contradictoire,
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente, et par Mme Saoussen HAKIRI Greffière à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.
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M. [C] est titulaire d’un bail commercial conclu le 20 avril 2011 avec la SCI Foncière City portant sur divers locaux à usage commercial, dépendant d’un immeuble situé au [Adresse 1]. Il exerçait une activité de bar restaurant, puis a donné son fonds en location gérance à compter du 24 mai 2019.
Par acte extrajudiciaire en date du 20 février 2020, la SCI Foncière City a fait délivrer congé à son locataire sans offre de renouvellement pour le 30 septembre 2020.
Par jugement en date du 30 octobre 2020, le tribunal de commerce de Paris a ouvert une procédure de liquidation judiciaire, à l’égard de M. [I] [C] et a désigné la SCP Brouard-[H], prise en la personne de Maître [H], en qualité de liquidateur judiciaire.
A la date du 17 décembre 2021, il était dû au bailleur la somme de 10 785,98 euros au titre des loyers échus postérieurement au jugement de liquidation judiciaire.
La bailleresse a, par requête du 19 octobre 2021, sollicité la résiliation du bail sur le fondement de l’article L. 641-12 du code de commerce et le locataire a alors effectué plusieurs virements les 16 novembre, 24 novembre et 7 décembre 2021. C’est ainsi que le juge commissaire du tribunal de commerce de Paris a constaté qu’au 17 décembre 2021, les sommes dues au bailleur postérieurement à l’ouverture de la procédure collective avaient été réglées et, par ordonnance du 6 janvier 2022, a débouté la bailleresse de l’intégralité de ses demandes.
Saisi à la suite du recours exercé par la SCI Foncière City contre l’ordonnance du juge commissaire, le tribunal de commerce de Paris a, par jugement du 18 mai 2022, réformé l’ordonnance du juge commissaire rendue le 6 janvier 2022, a constaté la résiliation de plein droit du bail commercial et a fixé la date de résiliation au 31 décembre 2021.
Par déclaration en date du 25 mai 2022, M. [C] a interjeté appel du jugement du tribunal de commerce de Paris.
Par ordonnance du 17 janvier 2023, le délégataire de M.le Premier Président a arrêté l’exécution provisoire.
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Dans ses conclusions notifiées par RPVA en date du 25 novembre 2022, M. [I] [C] demande à la cour de :
INFIRMER le jugement du 18 mai 2022 en toutes ses dispositions et notamment en ce qu’il a réformé l’ordonnance du juge commissaire rendue le 6 janvier 2022 et constaté la résiliation de plein droit du bail commercial en date du 20 avril 2011.
Statuant à nouveau,
DÉBOUTER la SCI Foncière City en toutes ses demandes, fins et conclusions.
CONFIRMER l’ordonnance rendue par le juge commissaire le 6 janvier 2022 en toutes ses dispositions.
CONDAMNER la SCI Foncière City à payer à M. [C] la somme de 5000 euros au titre des frais irrépétibles en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la SCI Foncière City aux entiers dépens.
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Dans ses conclusions notifiées par RPVA en date du 14 février 2023, la SCI Foncière City demande à la cour de :
DIRE l’appel interjeté par M. [C] recevable mais mal fondé.
CONFIRMER le jugement entrepris.
En conséquence,
REFORMER l’ordonnance du juge commissaire du 6 janvier 2022.
CONSTATER la résiliation de plein droit du bail commercial ayant existé entre la SCI Foncière City et M. [C].
FIXER la résiliation de plein droit dudit bail au 31 décembre 2021.
CONDAMNER M. [C] à payer à la SCI Foncière City la somme de 5000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Le CONDAMNER en tous les dépens.
Par conclusions distinctes de procédure du 14 février 2023, la SCI Foncière City demande à la cour de :
DÉCLARER irrecevables les conclusions et pièces notifiées par l’intimée après le prononcé de l’ordonnance de clôture.
REJETER, en l’absence de preuve de l’existence d’une cause grave et légitime, sa demande de rabat de l’ordonnance de clôture.
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Dans ses conclusions notifiées par RPVA le 6 janvier 2023, la SELARL BDR & Associés, prise en la personne de Maître [H], ès qualités de liquidateur judiciaire demande à la cour de :
INFIRMER le jugement rendu en toutes ses dispositions.
En conséquence,
CONFIRMER l’ordonnance rendue par le juge commissaire le 6 janvier 2022 en toutes ses dispositions.
DÉBOUTER la société Foncière City de toutes ses demandes, fins et conclusions.
CONDAMNER la société Foncière City au paiement d’une somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
CONDAMNER la société Foncière City aux entiers dépens.
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SUR CE,
1. Sur la recevabilité des conclusions et pièces notifiées après l’ordonnance de clôture.
Alors que la SCI Foncière City avait notifié ses conclusions le 15 novembre 2022 et que la clôture a été prononcée le 1° décembre 2022, M. [C] a notifié 4 pièces numérotées 27 à 30 et des conclusions le 3 mars 2021.
M.[C] qui sollicite le rabat de l’ordonnance de clôture n’invoque aucun motif grave, de sorte qu’il n’y a pas lieu de rabattre la clôture et les pièces et conclusions notifiées le 3 mars 2023 seront déclarées irrecevables.
2. Sur le champ d’application des ordonnances des 25 mars et 14 novembre 2020
M. [C] fait valoir que le bailleur ne pouvait pas demander la constatation de la résiliation de plein droit du bail commercial puisque M. [C] bénéficiait des dispositions de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020.
Il indique également qu’il remplit les critères d’application de la loi du 14 novembre 2020 dans la mesure où il emploie moins de 50 salariés, il réalise moins de 50 millions de chiffre d’affaires et a réalisé une perte de plus de 50 % de son chiffre d’affaires. Compte tenu de la fermeture de son établissement, il précise qu’il n’a pas reçu la redevance de location gérance de novembre 2020 comme en atteste le relevé de sa balance comptable. Il souligne qu’il n’aurait pas du subir une action en résiliation de son bail jusqu’au 15 mai 2022.
Il fait valoir qu’il a poursuivi de facto son activité malgré le jugement de liquidation judiciaire sans maintien de l’activité, les contrats de bail et location gérance n’ayant pas fait l’objet de résiliation. Selon lui, pour appliquer l’article 14 de la loi du 14 novembre 2020, il convient d’analyser si une activité économique a été maintenue comme en l’espère par un tiers bénéficiant d’un contrat de location gérance. Il ajoute enfin que la loi avait pour but de préserver le bail commercial et donc de garantir son droit de percevoir une indemnité d’éviction.
La SCI Foncière City répond que le régime de protection édicté par le législateur étant successif, seules les dispositions de la loi du 14 novembre 2020 sont en principe applicables pour les loyers dus et impayés au 17 octobre 2020, à l’exclusion des dispositions de l’ordonnance du 25 mars 2020. Elle indique que le recours aux dispositions de la loi du 14 novembre 2020 suppose que l’activité soit poursuivie et souligne qu’en liquidation judiciaire, l’entreprise n’avait plus d’activité puisque celle-ci lui était interdite par la loi. Elle précise que M. [C] avait donné son fonds de commerce en location gérance à son frère et avait cessé de l’exploiter.
De son côté, le liquidateur judiciaire fait valoir qu’en application de la loi du 14 novembre 2020, le locataire ne peut subir aucune sanction au titre des loyers et charges impayés du 11 juillet 2020 jusqu’à l’expiration du délai de 2 mois suivant le 31 juillet 2022, date de la fin de l’état d’urgence.
Il résulte de l’article 4 de l’ordonnance n° 2020-316 du 25 mars 2020 que les personnes mentionnées à l’article 1er ne peuvent encourir de pénalités financières ou intérêts de retard, de dommages et intérêts, d’astreinte, d’exécution de clause résolutoire, de clause pénale ou de toute clause prévoyant une déchéance, ou d’activation des garanties ou cautions, en raison du défaut de paiement de loyers ou de charges locatives afférents à leurs locaux professionnels et commerciaux, nonobstant toute stipulation contractuelle et les dispositions des articles L. 622-14 et L. 641-12 du code de commerce.
Il résulte de l’article 14 de loi du 14 novembre 2020 que les personnes mentionnées au même I ne peuvent encourir d’intérêts, de pénalités ou toute mesure financière ou encourir toute action, sanction ou voie d’exécution forcée à leur encontre pour retard ou non paiement des loyers ou charges locatives afférents aux locaux professionnels ou commerciaux où leur activité est ou était ainsi affectée. Le IV de l’article 14 ajoute que ce texte s’applique aux loyers et charges locatives dus pour la période au cours de laquelle l’activité a été affectée.
En l’espèce, M. [I] [C] avait consenti une location gérance à M. [K] [C] à compter du 21 mai 2019 pour une durée de 3 ans et son activité de location gérance s’est poursuivie malgré la crise sanitaire, d’autant qu’il a perçu pendant cette période les redevances de location gérance, à l’exception du mois de novembre.
Ainsi, compte tenu de la continuation de son contrat de location gérance, M. [C] n’a pas subi d’atteinte à son activité.En effet, l’activité de M. [C], qui a donné son fonds en location gérance ne se confond pas avec l’activité de restauration, exercée par son locataire gérant et il ne peut donc faire valoir les périodes de fermeture administrative.
En conséquence, il ne peut se prévaloir des textes susvivés, qui constituent des textes d’exception et qui sont donc d’application stricte.
3. Sur la résiliation du contrat de bail commercial pour défaut de paiement des loyers postérieurs.
Selon le deuxième alinéa de l’article R. 641-21 du code de commerce, le juge commissaire constate, sur la demande de tout intéressé, la résiliation de plein droit des contrats dans les cas prévus au III de l’article L. 641-11-1 et à l’article L. 641-12 ainsi que la date de cette résiliation.
M.[C] fait valoir qu’au jour où le juge-commissaire a statué il était à jour de ses loyers et charges, le dernier virement ayant été effectué le 7 décembre 2021 et que c’est à tort que le tribunal , infirmant l’ordonnance, a constaté la résilation de plein droit du bail puisqu’au moment où le juge-commissaire a statué, l’ensemble des loyers avait été réglé. . Il ajoute que la créance du quatrième trimestre 2020 d’un montant de 1948,71 euros invoquée par le bailleur était soumise à la règle de l’interdiction des paiements car elle était née le [Date naissance 3] 2020 avant l’ouverture de la liquidation judiciaire en date du 30 octobre 2020. Il souligne également qu’il dispose d’une créance de restitution du dépôt de garantie et a payé le loyer du 1er trimestre 2021 par compensation avec le montant du dépôt de garantie. Il affirme donc avoir payé l’ensemble des loyers postérieurs à l’ouverture de la liquidation judiciaire dans le délai de 3 mois qui expirait 30 janvier 2021.
M. [C] soutient que la SCI Foncière City a agi de mauvaise foi en déposant une requête en résiliation du bail alors qu’elle ne pouvait ignorer que le solde de loyer demandé correspondait à une période juridiquement protégée pendant laquelle il était interdit d’ouvrir au public, qu’elle n’a jamais envoyé le moindre avis d’échéance, ni de lettre de relance ou commandement demandant le paiement de ses indemnités d’occupation, que le solde de loyer a été réglé le 8 décembre 2021 avant l’audience devant le juge commissaire.Selon lui, l’unique objectif poursuivi par le bailleur était donc de récupérer des locaux libres sans versement d’une indemnité d’éviction.
Le liquidateur judiciaire fait valoir que les loyers 2020 et 2021 ont été payés avant l’audience du 17 décembre 2021 et que le contrat de bail a été exécuté de bonne foi malgré la situation sanitaire. Il soutient qu’n tout état de cause le juge-commissaire avait la possibilité d’accorder des délais de grâce au locataire.
La SCI bailleresse répond que la résiliation intervient de plein droit dès que les loyers postérieurs n’ont pas été réglés avant l’expiration du délai de 3 mois à compter du jugement d’ouverture, que le juge-commissaire ne dispose d’aucune liberté d’appréciation et que le juge-commissaire et à sa suite le tribunal n’ont pas le pouvoir d’accorder des délais de paiement.
L’article L.641-12 du code de commerce prévoit que le bailleur peut demander la résiliation de plein droit du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement de liquidation judiciaire, dans les conditions prévues à l’article L.622-14 .
Selon l’article L.622-14 du code de commerce, la résilation du bail des immeubles donnés à bail au débiteur et utilisés pour l’activité de l’entreprise intervient lorsque le bailleur demande la résilation ou fait constater la résilation du bail pour défaut de paiement des loyers et charges afférents à une occupation postérieure au jugement d’ouverture, le bailleur ne pouvant agir qu’au terme d’un délai de 3 mois à compter dudit jugement.Si le paiement des sommes dues intervient avant l’expitration de ce délai, il n’y a pas lieu à résilation.
Il en résulte que le bailleur ne peut agir avant l’expiration du délai de 3 mois prévu par le législateur.
En l’espèce, la SCI bailleresse a agi postérieurement au délai de 3 mois. Les conditions du prononcé de la résiliation de plein droit doivent être appréciées au jour du dépôt de la requête, c’est à dire au 19 octobre 2021, de sorte que les paiements par virements postérieurs au 19 octobre 2021 n’ont pas à être pris en considération dans cette appréciation.
C’est donc en vain que M. [C] et son liquidateur judiciaire invoquent les paiements effectués postérieurement à cette date.
M. [C] soutient que le décompte de loyers n’était pas exact en prétendant que les loyers de novembre et décembre 2020 n’étaient pas dus, au motif que le loyer étant payable trimestriellement et d’avance, ainsi le 4° trimestre étant exigible au 1° octobre 2020, il ne pouvait, compte tenu de la règle de l’interdiction de paiement des créances antérieures, payer les loyers dont l’échéance était née antérieurement au jugement d’ouverture. Cependant, il convient,pour déterminer quelles sont les créances postérieures, non pas de tenir compte de la date d’exigibilité du loyer, mais de la période de jouissance du bien loué postérieurement au jugement d’ouverture.
Enfin, la demande du liquidateur judiciaire d’octroi de délais de grâce pour le paiement des loyers et charges sera rejetée, car il n’entre pas dans les pouvoirs du juge-commissaire d’ordonner de tels délais.
Les conditions prévues par les articles L.641-12 et L.622-14 du code de commerce étant réunies, il convient de confirmer le jugement, qui infirmant l’ordonnance du juge-commissaire, a constaté la résilation de plein droit du bail conclu entre la SCI Foncière City et M.[I] [C].
4. Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile.
Les dépens seront employés en frais privilégiés de procédure collective.
L’équité commande, en application de l’article 700 du code de procédure civile de condamner M. [C] et son liquidateur judiciaire, ès qualités, à payer à la SCI Foncière City, au paiement d’une somme de 3.000 euros.
PAR CES MOTIFS
Rejette la demande de rabat de l’ordonnance de clôture et déclare irrecevables. les pièces et conclusions notifiées le 3 mars 2023 par M.[I] [C],
Confirme le jugement,
Ordonne l’emploi des dépens en frais privilégiés de procédure collective,
Condamne M. [I] [C] et la SELARL BDR & Associés, prise en la personne de Me [H], ès qualités de liquidateur judiciaire de M. [I] [C], à payer à la SCI Foncière City, une somme de 3.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE