Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 11 MAI 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03862 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDF7U
Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2021 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS – RG n° 19/09536
APPELANTE
S.A.S. MEDICA FRANCE pour le compte de son établissement KORIAN LES CEDRES, situé [Adresse 3], agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège,
RCS 341 174 118
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP CHRISTINE LAMARCHE BEQUET- CAROLINE REGNIER AUBERT – BRUNO R EGNIER, AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050
Ayant pour avocat plaidant : Me Jean-Baptiste BADO de la SELARL ABEILLE & Associés, avocat au barreau de LYON
INTIMES
Monsieur [C] [W]
pris en sa qualité de Tuteur de
M. [G] [M]
demeurant [Adresse 7]
[Adresse 3]
[Localité 6]
[Adresse 2]
[Localité 5]
Représenté par Me Ben DINGA ATIPO, avocat au barreau de PARIS, toque : D1048
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 2021/013147 du 07/05/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de PARIS)
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :
François LEPLAT, président
Anne-Laure MEANO, président
Aurore DOCQUINCOURT, conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Joëlle COULMANCE
ARRET :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François LEPLAT, Président de Chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffière, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Le 8 mars 2018, M. [G] [M] a conclu un contrat de séjour hébergement permanent avec la résidence Korian les Cèdres située [Adresse 3]) exploitée par la SAS Medica France.
Par jugement du 21 février 2019, le Tribunal d’Instance de Bobigny a placé sous tutelle M. [M] et a désigné en qualité de tuteur M. [C] [W].
Par lettres recommandées avec demande d’avis de réception en date des 2 mai et 12 juin 2019, la SAS Medica, puis son conseil, ont mis en demeure M. [W] ès qualité de tuteur de M. [M] de payer les arriérés de frais de séjour.
En l’absence de paiement, par acte d’huissier du 15 juillet 2019, la SAS Medica a fait assigner devant le Tribunal judiciaire de Paris M. [M] représenté par son tuteur M. [W] afin de solliciter la résiliation judiciaire du contrat à compter de juin 2019 et le paiement des arriérés de loyer.
Dans ses dernières conclusions, la SAS Medica demandait, au visa des articles 1103, 1104 et 1224 du code civil et sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– le débouté des demandes formées par M. [M] représenté par son tuteur,
– la résiliation judiciaire du contrat à compter du mois de février 2020,
– l’allocation pour la période postérieure à la résiliation du contrat d’une indemnité d’occupation équivalente au montant des frais de séjour dont aurait dû s’acquitter le résident en cas de maintien du contrat, soit à compter du mois de mars 2020,
– la condamnation de M. [M] représenté par son tuteur à lui payer la somme de 61.359,32 euros avec intérêts de droit à compter du 2 mai 2019,
– la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– son expulsion,
– sa condamnation à lui payer la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
Par jugement contradictoire entrepris du 7 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Paris a ainsi statué :
– dit que la SAS Medica France a commis des fautes dans l’exécution du contrat de séjour hébergement conclu avec M. [G] [M],
– déboute la SAS Medica France de ses demandes tendant à la résolution judiciaire du contrat de séjour hébergement conclu avec M. [G] [M], à son expulsion et à sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation et de la clause pénale,
– condamne M. [G] [M] à verser à la SAS Medica France la somme de 6135,93 euros au titre des frais de séjour non réglés après déduction des dommages et intérêts dus par elle, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
– ordonne la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil,
– dit que M. [G] [M] pourra se libérer de la somme de 6135,93 euros due à la SAS Medica France en 11 mensualités consécutives de 511 euros et une 12ème mensualité de 514,93 euros payables le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision,
– dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à sa date et quinze jours après mise en demeure restée infructueuse, la totalité de la somme restant due sera immédiatement exigible,
– dit que chaque partie conservera la charge des dépens exposés par elle,
– déboute les parties de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– déboute les parties de toute demande contraire ou plus ample,
– ordonne l’exécution provisoire du présent jugement,
– dit qu’une copie de la présente décision sera transmise à titre d’information du juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Bobigny en charge de la mesure de tutelle de M. [G] [M] par les soins du greffe de la présente juridiction.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 26 février 2021 par la SAS Medica France,
Vu les dernières écritures remises au greffe le 16 janvier 2023 par lesquelles la SAS Medica France demande à la cour de :
Vu les articles 440 et suivants, 1103, 1104, 1224, 1231-1 du code civil ;
-infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a :
– dit que la Société MEDICA FRANCE a commis des fautes dans l’exécution du contrat de séjour hébergement conclu avec Monsieur [G] [M] ;
– débouté la Société MEDICA FRANCE de ses demandes tendant à la résolution judiciaire du contrat de séjour hébergement conclu avec Monsieur [G] [M], à son expulsion et à sa condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation et de la clause pénale ;
– condamné Monsieur [G] [M] à verser à la Société MEDICA FRANCE la somme de 6.135,93 € au titre des frais de séjour non réglés après déduction des dommages et intérêts dus par elle, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
– ordonné la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du code civil ;
– dit que Monsieur [G] [M] pourra se libérer de la somme de 6.135,93 euros due à la Société MEDICA FRANCE en 11 mensualités consécutives de 511 euros et une 12ème mensualité de 514,93 euros, payables le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision ;
– dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à sa date et quinze jours après mise en demeure restée infructueuse, la totalité de la somme restant due sera immédiatement exigible ;
– dit que chaque partie conservera à sa charge les dépens exposés par elle ;
– débouté les parties de leur demande formée au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– débouté les parties de toute demande contraire ou plus ample ;
Et statuant de nouveau :
– dire et juger que la Société MEDICA France n’a commis aucune faute dans l’exécution du contrat de séjour conclu avec Monsieur [G] [M],
– condamner Monsieur [G] [M], représenté par son tuteur Monsieur [C] [W] au paiement de la somme de 48.504,46 € et ce avec intérêts de droit à compter à compter du 2 mai 2019,
– condamner Monsieur [G] [M], représenté par son tuteur Monsieur [C] [W] au titre de la clause pénale stipulée au contrat au paiement de la somme de 4.850,44 euros et ce avec intérêts de droit à compter à compter du 2 mai 2019,
– ordonner la capitalisation des intérêts conformément aux dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil.
– condamner Monsieur [G] [M], représenté par son tuteur Monsieur [C] [W], au paiement d’une somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.
Vu les dernières écritures remises au greffe le 2 février 2023 par lesquelles M. [G] [M] représenté par son tuteur, M. [C] [W] demande à la cour de :
Vu les articles 464, 1343-5 et 1224 du Code civil,
Vu l’article 1343-5 du Code civil
Vu l’article 1224 du Code civil
– confirmer le jugement rendu le 07 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Paris au profit de Monsieur [M] [G], représenté par son tuteur, Monsieur [C] [W] ;
Et en conséquence :
– débouter la société MEDICA France, gestionnaire de la Maison de retraite KORIAN les Cèdres de toutes ses demandes, et en particulier, de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [M] [G], représenté par son tuteur Monsieur [C] [W], au paiement de la somme de 48.504,46 euros, avec intérêts de droit à compter du 2 mai 2019 ;
– débouter la société MEDICA France de sa demande tendant à voir condamner Monsieur [M] [G] représenté par son tuteur, au titre de la clause pénale, au paiement de la somme de 4.850,44 euros avec intérêts de droit à compter du 02 mai 2019 ;
En tout état de cause :
– condamner la société MEDICA France à payer à Monsieur [M] [G] représenté par M. [W] [C], tuteur, la somme de 3000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
La SAS Medica France ne maintient pas en appel ses demandes de résiliation du contrat de séjour, d’expulsion et de condamnation au paiement d’une indemnité d’occupation.
Sur la demande de paiement des arriérés
Selon l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.
En l’espèce, M. [M], âgé de 91 ans lors de la signature du contrat de séjour le 8 mars 2018, était une personne isolée puisqu’il n’avait désigné aucune personne de confiance ni fourni de caution. Les frais de séjour, qu’il a eu des difficultés à régler dès le mois d’avril 2018, et qu’il a cessé de régler dès le mois de juillet 2018, s’élèvent à plus de 3400 euros par mois, tandis qu’il ne perçoit qu’une pension de retraite de 1500 euros, ce dont la SAS Medica France avait connaissance puisqu’elle disposait de son avis d’imposition.
C’est par des motifs exacts et pertinents, qui ne sont pas utilement contredits par l’appelante, laquelle ne produit en cause d’appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l’appréciation faite par le tribunal, et que la cour adopte, que le premier juge a considéré qu’il appartenait à la SAS Medica France, en sa qualité de professionnel de l’hébergement des personnes âgées, de s’assurer de la capacité de M. [M] à assumer les frais de séjour, et si tel n’était pas le cas, de l’aider à entreprendre des démarches afin qu’il bénéficie de l’aide sociale légale pour la prise en charge de ses frais d’hébergement et de l’allocation personnalisée d’autonomie, et ce d’autant qu’il résulte du jugement de tutelle du 21 février 2019 que M. [M] présentait une altération de ses facultés mentales ou corporelles de nature à empêcher l’expression de sa volonté au moins depuis le 23 juin 2018, date de l’établissement du certificat médical circonstancié ayant fondé l’ouverture de la mesure de tutelle.
Le premier juge a exactement relevé qu’il résultait d’un courriel du 21 juin 2019 adressé au tuteur de M. [M] qu’aucune demande d’aide sociale pour la prise en charge d’hébergement n’avait été déposée précédemment, tandis que la demande d’allocation personnalisée d’autonomie n’a été déposée que le 22 mai 2019.
Le premier juge en a déduit avec pertinence que le défaut de règlement des frais de séjour était dû à la négligence de la SAS Medica France, qui avait conclu un contrat de séjour avec une personne de 91 ans, isolée, dont l’autonomie était limitée, prévoyant des frais de séjour excédant largement ses ressources, sans pour autant l’aider à entreprendre des démarches qui auraient permis que ces frais soient pris en charge par l’aide sociale légale et l’allocation personnalisée d’autonomie, le privant ainsi d’aide sociale pour la période du 8 mars 2018 au 1er juillet 2019.
La cour ajoute que, contrairement à ce qu’allègue la SAS Medica France dans ses écritures, celle-ci ne justifie pas avoir saisi le Procureur de la République aux fins de voir prononcer une mesure de protection en faveur de son résident, et n’a pas davantage conseillé à M. [R], ami de M. [M] présent à l’admission, de l’aider à former les demandes d’aide sociale ou d’APA, et/ou de saisir le juge des tutelles d’une demande de protection.
C’est donc par une parfaite appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré qu’il était justifié de laisser à la charge de la SAS Medica, à titre de dommages et intérêts, sur le fondement de l’article 1231-1 précité, les 90% des frais d’hébergement qui auraient été pris en charge par l’aide sociale si les démarches avaient été effectuées dès son entrée en établissement.
Compte tenu du décompte actualisé de créance, il convient de condamner M. [M] représenté par son tuteur M. [W] au paiement de la somme de :
(48504,46 x 10 %) = 4850,44 euros, qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision, infirmant le jugement entrepris sur le montant de la somme due.
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu’il a ordonné la capitalisation des intérêts par application de l’article 1343-2 du code civil.
Sur la demande au titre de la clause pénale
En vertu de l’article 1231-5 du code civil, ‘lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l’exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte ni moindre.
Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire’.
En l’espèce, c’est par une exacte appréciation des éléments de la cause que le premier juge a considéré que, dès lors que M. [M] n’avait pas été mis en mesure de régler les sommes dues à la SAS Medica France à raison des manquements commis par cette dernière, celle-ci devait être déboutée de sa demande de paiement au titre de la clause pénale.
Le jugement entrepris sera donc confirmé sur ce point.
Sur les délais de paiement
Selon l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.
En l’espèce, M. [M] représenté par son tuteur M. [W] sollicite la confirmation du jugement entrepris.
Compte tenu des ressources de M. [M], bénéficiaire de l’aide juridictionnelle partielle, et des besoins du créancier, qui est une société commerciale au capital de plus de 50 millions d’euros, il convient de confirmer les délais de paiement octroyés par le premier juge, sauf à en modifier le terme car le montant de la somme due est moindre qu’en première instance, selon les modalités décrites au dispositif.
Sur l’article 700 du code de procédure civile
Il est équitable d’allouer à M. [M] représenté par son tuteur, M. [W], une indemnité de procédure de 2500 euros.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Constate que la SAS Medica France ne sollicite plus la résiliation judiciaire du contrat, l’expulsion et la condamnation de M. [G] [M] représenté par son tuteur M. [C] [W] au paiement d’une indemnité d’occupation,
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris, sauf en ce qui concerne le montant de la condamnation pécuniaire de M. [G] [M] représenté par son tuteur, M. [C] [W], et les modalités des délais de paiement octroyés à ce dernier,
Et statuant à nouveau,
Condamne M. [G] [M] représenté par son tuteur M. [C] [W] à verser à la SAS Medica France la somme de 4850,44 euros au titre des frais de séjour non réglés après déduction des dommages et intérêts dus par elle, somme qui portera intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Dit que M. [G] [M] représenté par son tuteur M. [C] [W] pourra se libérer de la somme de 4850,44 euros en 9 mensualités de 511 euros et une dernière mensualité comportant le solde de la dette en principal, intérêts et frais, payables le 10 de chaque mois à compter du mois suivant la signification de la présente décision,
Dit qu’à défaut de paiement d’une seule échéance à sa date et quinze jours après mise en demeure restée infructueuse, la totalité de la somme restant due sera immédiatement exigible,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,
Et y ajoutant,
Condamne la SAS Medica France à payer à M. [G] [M] représenté par son tuteur, M. [C] [W], la somme de 2500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SAS Medica France aux dépens d’appel, qui seront recouvrés conformément aux règles de l’aide juridictionnelle,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière Le président