Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 4 – Chambre 3
ARRET DU 11 MAI 2023
(n° , 7 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/03534 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CDFGO
Décision déférée à la Cour : Jugement du 02 Juin 2020 -Tribunal de proximité d’Aubervilliers – RG n° 11-19-0002
APPELANTS
Madame [U] [M]
[Adresse 7]
[Localité 6]
née le [Date naissance 4] 1972 à [Localité 8] (99)
représentée et assite par Me Akil HOUSSAIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 92 substitué par Me Eizer SOUIDI, avocat au barreau de PARIS
Monsieur [I] [M]
[Adresse 7]
[Localité 6]
né le [Date naissance 2] 1994 à [Localité 9] (99)
comparant en personne, assisté de Me Akil HOUSSAIN, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 92 substitué par Me Eizer SOUIDI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
S.C.I. SCI LIAH
[Adresse 3]
[Localité 5]
N° SIRET : 799 915 145
représentée par Me Catherine COMME, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : 250
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Anne-Laure MEANO, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. François LEPLAT, Président de chambre
Mme Anne-Laure MEANO, Présidente de chambre
Mme Aurore DOCQUINCOURT, Conseiller
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie THOMAS
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par François LEPLAT, Président de chambre et par Joëlle COULMANCE, Greffier, présente lors de la mise à disposition.
*****
EXPOSÉ DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 3 mai 2014, Mme [V] [L] a donné à bail, qualifié de « contrat de location meublée », à Mme [U] [M] et M. [I] [M] un appartement au 2e étage, [Adresse 1], situé [Adresse 1]) moyennant un loyer de 1.000 euros par mois outre 125 euros de charges forfaitaires mensuelles et pour une durée d’un an renouvelable.
Par acte d’huissier du 27 juillet 2018, un commandement de payer visant la clause exécutoire a été délivré aux consorts [M], portant sur des loyers impayés depuis novembre 2017.
Par acte du 6 février 2019, remis en l’étude , la SCI Liah a assigné Mme [U] [M] et M. [I] [M] en résiliation du bail par acquisition de la clause résolutoire, expulsion et condamnation à lui payer 11.585,16 euros au titre de la dette locative outre une indemnité d’occupation.
À l’audience, les consorts [M] n’ont pas comparu ; la société a précisé qu’ils avaient quitté les lieux.
Par jugement réputé contradictoire entrepris du 6 avril 2020, le juge des contentieux de la protection du tribunal de proximité d’Aubervilliers a ainsi statué :
JUGE que le bail conclu entre la société Liah et M. et Mme [M] est résolu de plein droit en vertu de l’acquisition de la clause résolutoire constatée le 27 septembre 2018,
DIT n’y avoir lieu d’ordonner l’expulsion de M. et Mme [M] des lieux objets du bail, ceux-ci ayant quitté les lieux au mois d’octobre 2019,
CONDAMNE M. et Mme [M] à payer à la société Liah :
-la somme de 11.585,16 euros avec intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation, au titre des loyers et charges impayés,
-1.000 euros au titre de la clause pénale,
– la somme de 1.080 euros au titre de l’indemnité mensuelle d’occupation équivalente au loyer et charges si le bail avait été poursuivi dès après le délai de 2 mois suivant la délivrance du commandement, jusqu’à libération des lieux,
– la somme de 300 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
DÉBOUTE la société Liah du surplus de ses demandes,
CONDAMNE M. et Mme [M] aux dépens,
ORDONNE l’exécution provisoire.
PRÉTENTIONS DES PARTIES
Vu l’appel interjeté le 20 février 2021 par les consorts [M],
Vu les dernières écritures remises au greffe le 19 mai 2021 par lesquelles les consorts [M] demandent à la cour de :
« Il est demandé à la Cour, sur les exceptions de nullité de l’assignation de première instance et de la fin de non recevoir soulevée pour défaut de qualité à agir de la SCI LIAH en première instance, la mention de la bailleresse étant Mme [V] [L], agissant à titre « prersonnel », »
Infirmer le jugement du tribunal de proximité d’Aubervilliers du 2 juin 2020 en toutes ses dispositions,
Recevoir la demande reconventionnelle en dommages et intérêts de Mme [U] [M] et M. [I] [M],
Vu les faits et méfaits de Mme [V] [L],
Vu l’article 1240 du code civil, condamner la SCI LIAH à payer aux consorts [M], mère et fils, la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts,
Vu l’article 1289 du Code civil,
Dire que cette somme de 10 000 euros se compensera avec tout montant que les consorts [M] resteraient devoir, après calcul fait à l’égard de la SCI LIAH au titre de loyers restant dus.
Condamner la SCI LIAH à payer aux consorts [M] la somme de 3000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui pourront être recouvrés par Me HOUSSAIN dans les termes de l’article 699 du même code.
Vu les dernières écritures « d’intimé et d’intervention volontaire » remises au greffe le 12 juillet 2021 au terme desquelles la SCI Liah et Mme [V] demandent à la cour de:
-DECLARER Monsieur et Madame [M] irrecevables en leur appel
-JUGER recevable l’intervention volontaire de Madame [V], et l’en juger bien fondée,
-JUGER que le montant des loyers dus n’a pas été exagéré et que les consorts [M] ne justifiaient pas de la preuve d’un départ des lieux le 4 mars 2019,
En conséquence,
CONFIRMER en tous points la décision du tribunal de proximité d’AUBERVILLIERS en date du 2 juin 2020,
DEBOUTER les époux [M] de toutes leurs autres demandes,
CONDAMNER les époux [M] à payer la SCI LIAH et Madame [V] la somme de 4000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, la cour, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, renvoie aux conclusions qu’elles ont remises au greffe et au jugement déféré.
MOTIFS DE LA DÉCISION
En application de l’article 954 alinéa 2 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif des conclusions et n’est pas tenue de statuer sur les demandes tendant à » constater « , » donner acte « , » dire et juger » en ce qu’elles ne sont pas, exception faite des cas prévus par la loi, des prétentions, mais uniquement des moyens, comme c’est le cas en l’espèce.
Aux termes de l’article 554 du code de procédure civile, peuvent intervenir en cause d’appel, dès lors qu’elles y ont intérêt, les personnes qui n’ont été ni parties, ni représentées en première instance ou qui ont figuré en une autre qualité.
Mme [L] [V] n’était pas partie en première instance ; la SCI Liah et Mme [L] [V] produisent une attestation notariée du 31 mars 2014 d’où il résulte que l’appartement litigieux a été acquis par la société Liah ; ils indiquent que Mme [V] en est la gérante.
La recevabilité de son intervention volontaire, par les conclusions précitées, du 12 juillet 2021, n’est pas contestée par les appelants et il n’y a pas lieu de déclarer cette intervention recevable, étant observé qu’elle n’est qu’accessoire, l’intéressée appuyant les prétentions de la SCI.
Sur la recevabilité de l’appel
La SCI Liah et Mme [L] [V] soulèvent l’irrecevabilité de l’appel aux motifs d’une part que le jugement n’aurait été susceptible que d’opposition et non d’appel, ayant été qualifié à tort de réputé contradictoire, et, d’autre part, que « les conditions de l’appel nullité ne sont manifestement pas remplies ».
L’article 914 du code de procédure civile dispose que :
« Les parties soumettent au conseiller de la mise en état, qui est seul compétent depuis sa désignation et jusqu’à la clôture de l’instruction, leurs conclusions, spécialement adressées à ce magistrat, tendant à:
(…)
– déclarer l’appel irrecevable et trancher à cette occasion toute question ayant trait à la recevabilité de l’appel ; les moyens tendant à l’irrecevabilité de l’appel doivent être invoqués simultanément à peine d’irrecevabilité de ceux qui ne l’auraient pas été (…)
Les parties ne sont plus recevables à invoquer devant la cour d’appel la caducité ou l’irrecevabilité après la clôture de l’instruction, à moins que leur cause ne survienne ou ne soit révélée postérieurement. »
Ainsi, seul le conseiller de la mise en état était compétent pour statuer sur la fin de non-recevoir soulevée par les intimées ;il convient dès lors de la déclarer irrecevable devant la cour.
À toutes fins utiles, la cour observe que l’affirmation selon laquelle le jugement aurait été qualifié à tort de réputé contradictoire n’est étayée d’aucune explication juridique ou factuelle; par aillleurs, si la déclaration d’appel du 20 février 2021 mentionne « appel nullité », elle comporte également la liste de chefs de dispositif critiqués ; la cour est en réalité bien saisie d’une demande d’infirmation du jugement, ce que corrobore le dispositif des conclusions des appelants.
Sur le dispositif des conclusions des consorts [M] et les prétentions saisissant la cour
En application de l’article 954 du code de procédure civile, les conclusions d’appel « doivent formuler expressément les prétentions des parties et les moyens de fait et de droit sur lesquels chacune de ces prétentions est fondée », la cour ne statuant « que sur les prétentions énoncées au dispositif » ; les moyens développés dans le corps des conclusions ne tiennent pas lieu de prétentions saisissant la cour.
En l’espèce, en premier lieu, le dispositif des conclusions des consorts [M] énonce de façon inintelligible:
« Il est demandé à la Cour, sur les exceptions de nullité de l’assignation de première instance et de la fin de non recevoir soulevée pour défaut de qualité à agir de la SCI LIAH en première instance ».
Ce chef de dispositif ne saisit en réalité la cour d’aucune prétention sur laquelle il y a lieu de statuer.
A toutes fins utiles et surabondamment, la cour constate que l’assignation du 6 février 2019 n’est pas produite devant la cour.
En second lieu, les consorts [M], qui ont visé,dans leur déclaration d’appel, les chefs de dispositif du jugement statuant sur la dette locative et la clause pénale et demandent « l’infirmation du jugement » dans le dispositif de leurs conclusions, développent à ce sujet des moyens dans le corps de ces conclusions sans, toutefois, énoncer, dans le dispositif de leurs conclusions, qui seul saisit la cour, de demandes relatives à la dette locative et à la clause pénale, en leur principe ou en leur montant, ni de demande de rejet des prétentions adverses sur ces points.
Les intimés demandent la confirmation du jugement.
En application de l’article 954 précité et d’une jurisprudence constante, en l’absence de prétention sur des demandes tranchées dans le jugement, la cour ne peut que constater qu’elle n’est pas saisie de prétention relative à ces demandes et ne pourra que confirmer le jugement sur ces points (2ème Civ., 5 décembre 2013, n° 12-23.611, bull n°230, 2e civ., 23 février 2017, pourvoi n° 16-12.288, 1re Civ., 17 mars 2016, pourvoi n° 14-27.168, Bull. n° 64, 2ème civ 10 décembre 2020, n°1921187, 2ème Civ., 4 février 2021, n°19-23.915).
Au vu de ces éléments, le jugement ne peut donc qu’être confirmé en ce qu’il a condamné les consorts [M] à payer la somme de 11.585,16 au titre des loyers et charges impayés et 1.000 euros au titre de la clause pénale.
Sur la demande de dommages-intérêts des consorts [M]
Les consorts [M] demandent la condamnation de la SCI Liah à leur payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 1240 du code civil ; ils font valoir que la bailleresse a refusé de leur remettre les quittances de loyer pour la période d’août 2015 à novembre 2017 alors qu’ils payaient systématiquement leur loyer à cette période, que Mme [V] a domicilié dans les lieux loués sa société de kinésithérapie, que le bail été qualifié à tort de meublé.
Les griefs invoqués relèvent en réalité de la responsabilité contractuelle et de l’article 1147 du code civil dans sa version applicable au litige, antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016. En application de l’article 1134, les contrats doivent être exécutés de bonne foi.
L’article 25-5 de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs dispose que s’agissant des baux portant sur un local meublé, ‘un inventaire et un état détaillé du mobilier sont établis dans les mêmes formes et en autant d’exemplaires que de parties lors de la remise et de la restitution des clés. Ces documents, établis contradictoirement et amiablement, sont signés par les parties ou par un tiers mandaté par elles et joints au contrat de location. Ces documents ne peuvent donner lieu à aucune autre facturation que celle liée à l’établissement de l’état des lieux.’
En l’espèce, le contrat de bail indique être un contrat de location meublée et précise qu’un inventaire contradictoire des meubles « sera établi lors de la remise des clés et lors de la restitution de celle-ci l’inventaire étant annexé au contrat » ; cette pièce n’est cependant pas produite ; il convient de constater que l’état des lieux d’entrée n’est pas non plus produit (pas plus que celui de sortie) de sorte que les locataires sont présumés avoir reçu les lieux en bon état ; de plus il résulte des pièces produites qu’ils n’ont formé de réclamation à ce sujet que par courrier du 24 mars 2018, par l’intermédiaire de leur conseil, alors que des loyers impayés depuis fin 2017 leur étaient réclamés, et qu’ils ne démontrent l’existence d’aucun préjudice justifiant l’octroi de dommages-intérêts à ce titre.
Par ailleurs, s’agissant de la domiciliation de la société de kinésithérapie de Mme [V], Eurokiné, la cour relève que le conseil des consorts [M] a lui même écrit à Mme [V], personnellement, le 24 mars 2018, au 109, Boulevard Pasteur à la Courneuve, qui est la même que celle du logement loué; ainsi le fait que sa société soit domiciliée à cette adresse ne saurait suffire à prouver que l’association était alors domiciliée chez les consorts [M]; ceci n’est pas non plus démontré par une photo prétendue de la boîte à lettres, qui n’est pas contextualisée. Aucun autre élément ne démontre la véracité de cette allégation.
Par ailleurs, l’article 21 de la même loi, applicable aux locations meublées en application de l’article 25-3, impose au bailleur de remettre gratuitement au locataire qui en fait la demande les quittances de loyer ; cette demande a clairement été faite par le conseil des consorts [M] par le courrier précité du 24 mars 2018 et n’a reçu aucune réponse, alors qu’il résulte des éléments du dossier qu’aucun impayé n’a été reproché à ces derniers avant novembre 2017.
Il en résulte une mauvaise foi dans l’exécution des obligations contractuelles du bailleur ayant causé aux consorts [M] un préjudice justifiant l’octroi d’une somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts.
Conformément à l’article 1347 du code civil, il convient – dès lors qu’elle est invoquée – d’ordonner la compensation des dettes connexes entre les parties à due concurrence, aux fins d’extinction simultanée de leurs obligations réciproques.
Sur l’article 700 du code de procédure civile :
Il est équitable de ne pas faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire,
Déclare la fin de non-recevoir soulevée par SCI Liah et Mme [L] [V] irrecevable ;
Confirme, en ses dispositions frappées d’appel, le jugement entrepris,
Rejette toutes demandes plus amples ou contraires,
Et y ajoutant,
Condamne la SCI Liah à payer à Mme [U] [M] et M. [I] [M] la somme de 1.000 euros à titre de dommages-intérêts,
Ordonne la compensation des dettes connexes entre les parties à due concurrence ;
Dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens d’appel,
Rejette toutes autres demandes.
La greffière Le président