COUR D’APPEL DE BORDEAUX
PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE
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ARRÊT DU : 11 MAI 2023
N° RG 20/03773 – N° Portalis DBVJ-V-B7E-LXHB
[U] [L] épouse [B]
[Y] [B]
c/
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT
S.A. CNP ASSURANCES
Nature de la décision : AU FOND
Grosse délivrée le : 11 mai 2023
aux avocats
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 16 septembre 2020 par le Tribunal judiciaire de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 18/00429) suivant déclaration d’appel du 13 octobre 2020
APPELANTS :
[U] [L] épouse [B]
née le 01 Janvier 1971 à [Localité 5] REUNION
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
[Y] [B]
né le 28 Septembre 1966 à [Localité 4] REUNION
de nationalité Française, demeurant [Adresse 2]
Représentés par Me Claire BOURREAU, avocat au barreau de BORDEAUX
INTIMÉ ES :
S.A. CREDIT IMMOBILIER DE FRANCE DEVELOPPEMENT prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 1]
Représentée par Me Victoire DEFOS DU RAU de la SCP CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX
S.A. CNP ASSURANCES prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social [Adresse 3]
Représentée par Me Daniel LASSERRE de la SELAS ELIGE BORDEAUX, avocat au barreau de BORDEAUX
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 mars 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Bérengère VALLEE, conseiller, chargé du rapport,
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Roland POTEE, président,
Bérengère VALLEE, conseiller,
Emmanuel BREARD, conseiller,
Greffier lors des débats : Séléna BONNET
ARRÊT :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.
* * *
EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE
Suivant offre acceptée le 28 mars 2010, la SA Crédit immobilier de France Sud-Ouest a consenti à M. [Y] [B] et Mme [U] [L] épouse [B] :
– un prêt immobilier ‘Rendez-vous’ n° 600600002562001 d’un montant de 176 605 euros remboursable sur 360 mois, au taux nominal de 4%,
– un prêt à taux 0% n° 600600002562002 d’un montant de 52 650 euros remboursable sur 288 mois,tous deux destinés à financer l’acquisition d’un terrain aux fins de construction de leur résidence principale.
Les époux [B] ont adhéré au contrat d’assurance groupe n° 7538T, souscrit par l’établissement bancaire auprès de la SA CNP Assurances, couvrant notamment les risques de décès, perte totale et irréversible d’autonomie (PTIA) et incapacité temporaire totale (ITT) à hauteur de 75% du capital emprunté.
Le 25 août 2013, Mme [B], employée à domicile, a été victime d’un accident du travail se manifestant par des douleurs au niveau de la cheville gauche, justifiant le renouvellement d’arrêts de travail pour persistance de douleurs jusqu’au 3 février 2014, date à laquelle son état de santé a été considéré par le docteur [P], médecin traitant, comme étant consolidé, avec séquelles.
Ce même praticien a établi le même jour, soit le 3 février 2014, un arrêt de travail pour lombalgie, cervicalgie et anxio-dépression réactionnelle.
Egalement le 3 février 2014, Mme [B] a été examinée par la médecine du travail qui, dans le cadre d’une visite de reprise, l’a déclarée inapte à la reprise de son poste d’employée à domicile, mais apte à la reprise d’un poste de type administratif ou à la charge physique légère, un nouvel examen étant prévu dans les 15 jours.
Le 25 février 2014, le docteur [N], médecin du travail, a émis un avis d’inaptitude à l’égard de Mme [B], susceptible d’être en lien avec l’accident de travail en date du 25 août 2013.
Par courrier recommandé du 7 avril 2014, Mme [B] a été informée par son employeur de son licenciement pour inaptitude définitive à son poste d’aide à domicile faisant suite à une impossibilité de reclassement.
Mme [B] a sollicité la prise en charge des échéances des prêts auprès de la société CNP Assurances qui l’a informée, par courrier du 7 août 2014, qu’elle prenait en charge les échéances du prêt au titre de la garantie incapacité temporaire totale (ITT) à compter du 4 mai 2014, après application de la franchise contractuelle, l’invitant à lui transmettre les justificatifs de ses arrêts de travail à compter du 28 juillet 2014.
Par courrier du 26 septembre 2016, les époux [B] ont été informés par l’établissement bancaire du fait qu’ils étaient en situation d’impayés à hauteur de 3 840,13 euros.
Par courriers des 21 mars et 5 et 17 mai 2017, la société CNP Assurances a informé Mme [B] que l’affection dont elle souffrait, à l’origine de l’arrêt de travail du 3 février 2014, faisait partie des risques exclus énumérés dans les conditions générales du contrat d’assurance remises lors de son adhésion, de sorte qu’elle mettait fin à la prise en charge des échéances des prêts à compter du 1er avril 2016, précisant que les sommes versées jusqu’au 31 mars 2016 lui restaient toutefois acquises.
Après délivrance d’une mise en demeure le 26 juin 2017, un plan d’apurement afférent au prêt ‘Rendez-Vous’ a été consenti par la banque sur une durée de 11 mois portant sur la somme de 5 073,13 euros, lequel n’a pu être respecté.
Un commandement aux fins de saisie vente a été délivré par l’établissement bancaire aux époux [B] le 6 septembre 2017.
Par actes d’huissier des 8 et 18 décembre 2017, les époux [B] ont assigné la société CNP Assurances et la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest, aux droits de laquelle vient désormais la SA Crédit Immobilier de France développement, devant le tribunal de grande instance de Bordeaux aux fins d’obtenir de l’assureur la prise en charge de leurs prêts immobiliers en exécution de la garantie souscrite à régler entre les mains de la banque sous astreinte, outre une indemnité en réparation de leur préjudice moral et au titre des frais irrépétibles.
Par jugement du 16 septembre 2020, le tribunal judiciaire de Bordeaux a :
– dit que la société CNP Assurances était bien fondée à opposer à Mme [B] une exclusion de garantie au titre de la garantie incapacité temporaire totale,
– débouté les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société CNP Assurances, y compris au titre des frais irrépétibles,
– débouté la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest, de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de la société CNP Assurances, y compris au titre des frais irrépétibles,
– condamné les époux [B] à payer à la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest, la somme de 161 683,80 euros en deniers ou quittances au titre du prêt immobilier ‘Rendez-Vous’ n° 600600002562001 (capital restant dû au 4 décembre 2018, échéances échues et impayées au 4 décembre 2018 et échéances reportées au 4 décembre 2018 et indemnité pour exigibilité du prêt),
– constaté que, suivant bordereau établi au 10 octobre 2019, le capital à échoir au titre du prêt à taux 0% n° 600600002562002 au 4 décembre 2018 s’élève à la somme de 46 860,70 euros,
– débouté la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest, du surplus de sa demande en paiement,
– condamné les époux [B] à payer à la société CNP Assurances la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné les époux [B] à payer à la société Crédit immobilier de France développement, venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest, la somme de 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire du jugement,
– condamné les époux [B] aux dépens de l’instance.
Les époux [B] ont relevé appel de ce jugement par déclaration du 13 octobre 2020.
Par conclusions déposées le 22 novembre 2022, les époux [B] demandent à la cour de :
– juger recevable et bien fondé l’appel interjeté par les époux [B],
– réformer le jugement en ce qu’il a dit que la société CNP Assurances était bien fondée à opposer à Mme [B] une exclusion de garantie incapacité temporaire totale,
– constater l’absence du bien fondé de l’exclusion de garantie incapacité temporaire totale opposée par la société CNP Assurances à Mme [B],
– En conséquence, condamner la société CNP Assurances à verser à la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest les mensualités impayées par les époux [B] pour le prêt ‘Rendez-Vous’ à compter du mois de mai 2016 au titre de la garantie emprunteur souscrite le 16 mars 2010,
– condamner la société CNP Assurances à rembourser aux époux [B] les mensualités réglées par ces derniers depuis le mois de mars 2016,
– condamner la société CNP Assurances à reprendre le versement des mensualités du prêt ‘Rendez-Vous’ entre les mains de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– condamner la société CNP Assurances à verser aux époux [B] l’intégralité des mensualités versées par eux-mêmes au titre du prêt à taux 0% à compter du mois de mai 2016 jusqu’au jour de la reprise de règlement des mensualités par cette dernière,
– condamner la société CNP Assurances à reprendre le versement des mensualités du prêt à taux 0% entre les mains de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– réformer le jugement en ce qu’il a débouté les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société CNP Assurances y compris au titre des frais irrépétibles,
– En conséquence, condamner la société CNP Assurances à verser aux époux [B] la somme de 5 000 euros en indemnisation de leur préjudice moral,
– réformer le jugement en ce qu’il a condamné les époux [B] à la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest, la somme de 161 683,80 euros en deniers ou quittances au titre du prêt immobilier ‘Rendez-Vous’ n° 600600002562001 (capital restant dû au 4 décembre 2018 échéances et impayées au 4 décembre 2018 et échéances reportées au 4 décembre 2018 et indemnités pour exigibilité du prêt),
– En conséquence, et à titre principal, juger que la déchéance du terme n’ayant pas été prononcée, débouter la société Crédit immobilier de France développement de toute demande de condamnation des époux [B] au titre du prêt ‘Rendez-Vous’,
– A titre subsidiaire, constater qu’au mois de septembre 2022, les sommes restant dues sont les suivantes :
* capital restant dû au 4 décembre 2018 : 140 826,71 euros,
* échéances impayées au 4 décembre 2018 : 7 846,02 – 2 500 = 5 346,02euros,
* échéances reportées : 3 435,25 euros,
Total : 149 607,98 euros
A déduire 42 722,80 euros (règlements effectués par les époux [B])
Total : 106 885,18 euros au 27 septembre 2022
– En conséquence, à titre subsidiaire condamner les époux [B] à régler à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 132 082,14 euros au titre du prêt ‘Rendez-Vous’ en deniers et quittances,
En tout état de cause,
– juger que l’indemnité pour exigibilité du prêt s’assimile à une clause pénale et en conséquence, débouter la société Crédit immobilier de France développement de cette demande,
– juger que la société Crédit immobilier de France développement a commis une faute en arrêtant le prélèvement des mensualités sur le compte des époux [B] pour le prêt à taux0,
– En conséquence, condamner la société Crédit immobilier de France développement à verser aux époux [B] la somme de 20 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– ordonner la compensation entre les condamnations à intervenir,
– confirmer le jugement dans toutes ses autres dispositions,
– condamner la société CNP Assurances et la société Crédit immobilier de France développement à verser aux époux [B] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au bénéfice de Maître Claire Bourreau.
Par conclusions déposées le 15 février 2023, la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest demande à la cour de :
– réformer la décision déférée,
Statuant de nouveau,
– donner acte à la concluante de ce qu’elle s’en rapporte à justice sur les demandes présentées par Mme [B] à l’encontre de la société CNP Assurances,
Sur le prêt ‘Rendez-Vous’ n° 600600002562001 :
– constater la déchéance du terme régulièrement intervenue au 4 décembre 2018,
– constatant qu’elles sont présentées pour la première fois devant la cour, déclarer irrecevables les demandes des époux [B] au titre de l’article XI des conditions générales du contrat ‘Exigibilité anticipée – défaillances de l’emprunteur – clause pénale’,
– constatant subsidiairement qu’ils ne justifient nullement des raisons pour lesquelles le juge devrait écarter les dispositions de la clause pénale conventionnellement acceptée, et qui ne saurait être analysée comme une clause abusive, dès lors qu’elle ne contrevient pas aux dispositions de l’article D. 312-16 du code de la consommation, rejeter les contestations élevées par les époux [B] au titre de l’article XI des conditions générales du contrat ‘Exigibilité anticipée – défaillance de l’emprunteur – clause pénale’ et condamner partie que la cour désignera débitrice au titre des prêts consentis par la concluante à payer le montant de l’indemnité conventionnelle,
condamner la partie que la cour désignera débitrice au titre des prêts consentis par la concluante à payer en deniers ou quittances à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 143 153,31 euros (due au 31 mai 2022) au titre du prêt ‘Rendez-Vous’ n° 600600002562001, dont la déchéance du terme a été actée au 4 décembre 2018,
– débouter les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à ce titre,
Subsidiairement, dans l’hypothèse où la déchéance du terme ne serait pas retenue :
– condamner la partie que la cour désignera débitrice au titre des prêts consentis par la concluante à payer à la société Crédit immobilier de France développement le montant des arriérés d’échéances, en principal et intérêts,
– dire que la partie que la cour désignera débitrice devra poursuivre le règlement mensuel des échéances du prêt,
Sur le prêt à taux zéro n° 600600002562002 :
– constater la déchéance du terme régulièrement intervenue le 4 décembre 2018,
– condamner la partie qu’elle désignera débitrice au titre des prêts consentis par la concluante à régler en deniers ou quittances à la société Crédit immobilier de France développement la somme de 42 646,58 euros au titre du prêt à taux zéro n° 600600002562002, dont la déchéance du terme a été actée au 4 décembre 2018,
– débouter les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes, fins et prétentions à ce titre,
Subsidiairement, dans l’hypothèse où la déchéance du terme ne serait pas retenue:
– condamner la partie que la cour désignera débitrice au titre des prêts consentis par la concluante à payer à la société Crédit immobilier de France développement le montant des arriérés d’échéances, en principal et intérêts,
– dire que la partie que la cour désignera débitrice devra poursuivre le règlement mensuel des échéances du prêt,
En tout état de cause :
– débouter les époux [B] de leur demande de dommages et intérêt à l’encontre de la concluante,
– constatant qu’il serait particulièrement inéquitable de laisser à la charge de la concluante les frais qu’elle a dû engager pour assurer sa défense, condamner la partie succombante à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions déposées le 3 mars 2023, la société CNP Assurances demande à la cour de :
– confirmer le jugement rendu,
En conséquence,
– juger que la société CNP Assurances était bien fondée à opposer à Mme [B] une exclusion de garantie au titre de la garantie incapacité temporaire totale,
– débouter les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes dirigées à l’encontre de la société CNP Assurances, y compris au titre des frais irrépétibles,
– débouter les époux [B] de l’ensemble de leurs demandes,
– condamner les époux [B] au paiement devant la cour d’une indemnité de 1 850 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner les époux [B] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel,
– débouter la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest de ses demandes injustifiées et infondées,
A titre infiniment subsidiaire,
– dire qu’une éventuelle prise en charge ne pourrait intervenir que selon les termes et les limites du contrat et au profit de l’organisme prêteur bénéficiaire du contrat d’assurance, à savoir la société Crédit immobilier de France développement venant aux droits de la société Crédit immobilier de France Sud-Ouest,
– condamner les époux [B] aux entiers dépens tant de première instance que d’appel.
L’affaire a été fixée à l’audience rapporteur du 23 mars 2023.
L’instruction a été clôturée par ordonnance du 9 mars 2023.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur la garantie de la société CNP Assurances
Selon l’article 1134 ancien, alinéa premier, du code civil, dans sa rédaction applicable à la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Parmi les garanties couvertes par le contrat d’assurance groupe auquel Mme [B] a adhéré figure la garantie ITT définie contractuellement comme suit :
‘L’assuré est en état d’incapacité temporaire totale (ITT) lorsque, à l’expiration d’une période d’interruption continue d’activité de 90 jours décomptée à partir du 1er jour d’interruption d’activité consécutive à la maladie ou l’accident, appelée délai de franchise, il se trouve dans l’impossibilité absolue médicalement constatée,
– pour un assuré exerçant une activité professionnelle au jour du sinistre (y compris recherche d’emploi), d’exercer même partiellement son activité professionnelle,
– pour un assuré n’exerçant pas d’activité professionnelle au jour du sinistre, d’exercer même partiellement ses activités habituellement non professionnelles.’
L’article 7 intitulé ‘Risques exclus’ de la notice d’information du contrat d’assurance groupe en couverture de prêts n°7538T, laquelle est expressément mentionnée dans le bulletin d’adhésion signé par Mme [B], stipule :
‘Ne sont pas garanties les Incapacités Temporaires Totales imputables à :
– des affectations psychiatriques, psychiques, neuropsychiques dont les états dépressifs quelle que soit leur nature SAUF si cette affectation a nécessité une hospitalisation en milieu psychiatrique de plus de 10 jours continus,
– des atteintes discales ou vertébrales : lumbago, lombalgie, sciatalgie, dorsalgie, cerivcalgie, névralgie cervico-brachiale, hernie discale SAUF si cette affection a nécessité une intervention chirurgicale pendant la période d’incapacité.’
La société CNP Assurances oppose à son assurée cette exclusion de garantie au motif que l’attestation médicale du 2 décembre 2016 expose que l’affection ayant motivé l’arrêt de travail de Mme [B] à compter du 3 février 2014 était une lombosciatique, hernie discale et dépression, de sorte qu’aucune prise en charge ne pouvait intervenir. Elle ajoute que son intention de ne pas récupérer la prise en charge indue ne peut être source de droit dès lors que toute renonciation doit être expresse et qu’elle a au contraire bien signifié à Mme [B] l’arrêt de la prise en charge.
Les appelants font au contraire valoir que la garantie a été mise en oeuvre en raison des douleurs au niveau de la cheville gauche et que si, par la suite, l’assurée a communiqué des arrêts de travail mentionnant une pathologie de type lombalgie, cervicalgie et anxio-dépression réactionnelle, il n’en demeure pas moins que le motif initial de la mobilisation de la garantie est acquis, les pathologies décrites étant la continuation de l’état initial constaté le 25 août 2013 et ce, d’autant que l’assureur disposait de l’ensemble des éléments médicaux lors de l’instruction du dossier. Ils soutiennent donc que c’est en parfaite connaissance de l’existence de lombalgies, cervicalgies et d’anxio-dépression réactionnelle que l’assureur a accepté de mobiliser sa garantie et qu’il est réputé avoir irrévocablement renoncé au bénéfice des exclusions du contrat d’assurance.
Au terme d’une exacte analyse des pièces que la cour fait sienne, le tribunal a constaté que :
– la période d’arrêt de travail afférente à l’accident du travail survenu le 25 août 2013, relatif à la cheville gauche, a pris fin le 3 février 2014 ainsi qu’en atteste le certificat médical final ‘accident du travail maladie professionnelle’ établi par le docteur [P] (mention ‘final’ cochée) constatant la persistance de douleurs de la cheville et une consolidation avec séquelles.
– le litige sur la garantie ITT porte en réalité sur le nouvel arrêt de travail délivré également le 3 février 2014 par le même médecin, établi sur un imprimé intitulé simplement ‘arrêt de travail’ (distinct de celui spécifique aux pathologies professionnelles quant à lui intitulé ‘certificat médical accident du travail maladie professionnelle’), précisant qu’il s’agit d’un arrêt ‘initial’et indiquant au titre des éléments d’ordre médical : ‘lombalgie -cervicalgie – anxio-dépression réactionnelle.’, étant observé que la demande de prise en charge des échéances de prêts par Mme [B] porte sur l’arrêt du 3 février 2014 qui ne peut correspondre qu’à celui pour ‘lombalgie -cervicalgie – anxio-dépression réactionnelle.’ qui seul constitue le risque, l’autre certificat du même jour mettant fin à l’arrêt de travail précédent.
– il ressort d’ailleurs expressément de l’attestation du 2 décembre 2016 établie par le médecin traitant de Mme [B] que la première constatation médicale de l’affection remonte au 3 février 2014 pour lombosciatique, hernie cervicale et dépression.
Au vu de ces éléments, la cour ne peut qu’approuver le tribunal qui en a déduit que l’assureur était fondé à opposer la clause d’exclusion de garantie précitée et que c’était manifestement par une mauvaise appréciation, probablement commise en raison de la concomitance de l’établissement de deux certificats le 3 février 2014 par le même médecin, que la CNP Assurances a mobilisé sa garantie jusqu’au 31 mars 2016, date à laquelle elle a pris conscience de son erreur.
S’il est exact que lorsqu’un assureur accepte la prise en charge d’un sinistre et verse les indemnités au contrat, il est réputé avoir irrévocablement renoncé au bénéfice des exclusions et des exceptions tirées du contrat d’assurance et qu’en cas de contestation de la part de l’assureur, ce dernier doit rapporter la preuve qu’il n’avait pas l’ensemble des éléments en sa possession pour exclure la garantie, le tribunal précise à juste titre que ces principes ne valent que lorsque l’assureur paie l’indemnité sans réserve, ce n’est manifestement pas le cas en l’espèce puisque dans son courrier initial de prise en charge du 7 août 2014, la CNP Assurances indique expressément qu’elle ‘prend en charge les échéances de vos prêts à compter du 4 mai 2014 après application de la franchise contractuelle et dans les limites du contrat, sous réserve de la présentation des pièces justicatives prévues par le contrat’ (souligné par la cour).
Or, par de justes motifs que la cour adopte, le tribunal relève que Mme [B] ne démontre pas avoir mis l’assureur en mesure d’évaluer suffisamment la situation médicale de l’assurée pour apprécier en connaissance de cause l’existence d’une exclusion de garantie.
En effet,
– l’appelante ne produit pas sa déclaration de sinistre initiale au titre de la garantie ITT qu’elle a adressée à l’établissement bancaire, lequel l’a transmise directement à la CNP Assurances ainsi qu’il résulte du courrier du 3 février 2014 et par lequel le Crédit Immobilier de France indique que ‘la CNP entrera en relation directement avec vous pour vous demander les justificatifs qu’elle jugera nécessaires à l’instruction de votre dossier’. Il n’est donc pas démontré que Mme [B] a joint l’arrêt de travail lié aux pathologies exclues, l’assureur indiquant au contraire, dans son courrier du 5 mai 2017 n’ayant pas appelé de réaction de l’assurée, qu’ ‘en février 2014, vous aviez déclaré être en arrêt de travail en raison d’une entorse de la cheville.’
– par courriers des 12 août 2015, 14 novembre 2016, 10 et 31 janvier 2017, la CNP Assurances fait observer qu’en dépit de ses demandes, Mme [B] n’a pas retourné l’attestation médicale d’incapacité-invalidité qu’elle devait compléter avec son médecin traitant, ni le bulletin de salaire de l’année 2012 ou la notice de prévoyance relative à son invalidité 2ème catégorie, l’assureur précisant que ces documents sont nécessaires à l’étude du dossier,
– ce n’est que lorsque Mme [B] a enfin fait compléter ce document par son médecin traitant le 2 décembre 2016 visant les pathologies exclues que l’assureur a pu fonder sa décision d’exclusion de garantie, après avoir suspendu les indemnités dès le 31 mars 2016, faute d’avoir été destinataire des pièces médicales réclamées depuis août 2015.
Ainsi, il apparaît que lors de sa décision de prendre en charge le sinistre, l’assureur ne disposait pas, en raison de la carence de l’assurée, des éléments lui permettant d’apprécier l’existence d’une exclusion de garantie. Il ne peut donc être valablement soutenu qu’il a renoncé à se prévaloir de celle-ci.
C’est en conséquence à bon droit que le tribunal a considéré que la CNP Assurances était fondée à opposer à Mme [B] une exclusion de garantie tirée des pathologies présentées à laquelle il n’avait pas renoncé. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté les demandes formées à l’encontre de l’assureur par les époux [B] et le Crédit Immobilier de France.
Sur la demande en paiement de la société Crédit Immobilier de France
1) Au titre du prêt Rendez-vous
– Sur la déchéance du terme
Aux termes de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Aux termes de la clause Exigibilité anticipée-Défaillance de l’emprunteur des conditions générales du prêt :
‘A. Le contrat de prêt sera résilié et les sommes prêtées deviendront immédiatement et intégralement exigibles, huit jours après une simple mise en demeure adressée à l’EMPRUNTEUR, par lettre recommandée avec avis de réception ou par acte extrajudiciaire, mentionnant l’intention du prêteur de se prévaloir de la clause de résiliation dans l’un ou l’autre des cas mentionnés ci-après, l’EMPRUNTEUR ne pouvant opposer aucune exception, pas même celle du paiement des intérêts échus :
(…)
2) Au gré du prêteur quel que soit le type de prêt (…) dans les cas suivants :
(…)
– défaut de paiement de tout ou partie des échéances à leur date ou de toute somme avancée par le prêteur.
(…)
Le prêteur pourra exiger de l’EMPRUNTEUR le remboursement immédiat du capital restant dû et le paiement des intérêts échus. Les sommes restant dues produiront des intérêts de retard, jusqu’à la date du règlement effectif. Le prêteur pourra, en outre, demander à l’EMPRUNTEUR une indemnité égale à 7% des sommes dues au titre du capital restant dû ainsi que des intérêts échus et non versés et ce sans préjudice de l’application des articles 1152 et 1231 du code civil.’
En l’espèce, c’est à bon droit que le tribunal a jugé qu’il résultait suffisamment des termes du commandement de payer préalable à la saisie immobilière délivré le 26 novembre 2018 à chacun des co-emprunteurs que ces derniers ont bien été informés qu’à défaut de paiement des arriérés, la déchéance du terme serait prononcée.
La déchéance du terme a donc été valablement prononcée le 4 décembre 2018 s’agissant prêt ‘Rendez-vous’.
– Sur le quantum des sommes dues
Il ressort des pièces produites par le prêteur, spécialement le décompte actualisé au 6 février 2023 (pièce n°23) que la créance de la banque Crédit Immobilier de France s’établit comme suit :
– capital restant dû au jour de la déchéance du terme : 140.826,71 euros
– échéances impayées à cette date : 7.846,02 euros
– intérêts échus au 6 février 2014 : 15.318,09 euros
TOTAL :163.990,82 euros
à déduire les versements effectués depuis la DDT : – 37.691,98 euros
soit 126.298,84 euros
Contrairement à ce que prétendent les appelants, le règlement de 2.500 euros effectué par chèque du 4 mai 2017 a bien été imputé par la banque, ainsi que cela résulte du relevé de compte produit par celle-ci (pièce n°8). En outre, les chèques d’un montant de 893,84 euros émis en mai, octobre et novembre 2019 ont été affectés par la banque au paiement du prêt à taux 0% ainsi qu’il ressort du décompte produit en pièce n°24, de sorte qu’il n’y a pas lieu de les déduire au titre du prêt ‘Rendez-vous’.
Conformément à ce qu’a jugé le tribunal, les frais de poursuite n’ont pas lieu d’être inclus dans le décompte en ce qu’ils concernent la juridiction du juge de l’exécution.
Compte tenu du préjudice réellement subi par le prêteur du fait de la défaillance des emprunteurs, l’indemnité de 7% réclamée à hauteur de 9.857,87 euros , qui est manifestement excessive, sera réduite à la somme de 800 euros en application de l’article 1231-5 du code civil (ancien article 1152 du code civil), étant observé que contrairement à ce que soutient la banque, la demande de rejet de la clause pénale formulée par les époux [B] ne constitue pas une prétention nouvelle au sens de l’article 564 du code de procédure civile puisqu’elle ne tend qu’à faire écarter la demande en paiement adverse.
Les époux [B] seront en conséquence condamnés au paiement de la somme de 127.098,84 euros au titre du prêt ‘Rendez-vous’ suivant décompte arrêté au 6 février 2023.
Au titre du prêt à taux 0%
Le tribunal a jugé à bon droit qu’à défaut pour la banque de démontrer l’existence d’une situation d’impayé au titre de ce prêt, outre l’absence de mise en demeure préalable à la déchéance du terme, la société Crédit Immobilier de France n’était pas fondée à prononcer la déchéance du terme de ce prêt au 4 décembre 2018, la créance ne pouvant être considérée exigible. Le jugement sera confirmé sur ce point.
Subsidiairement, la banque demande à la cour, de condamner les époux [B] à lui payer ‘le montant des arriérés d’échéances, en principal et intérêts’, sans toutefois justifier d’un tel arriéré. Cette demande sera en conséquence rejetée.
Sur la demande de dommages et intérêts des époux [B] à l’encontre de la banque
Les époux [B] sollicitent la somme de 20.000 euros au motif que la banque a eu un comportement dilatoire en arrêtant unilatéralement le prélèvement des mensualités du prêt à taux 0% alors même qu’aucune échéance n’était impayée, que la déchéance du terme ne pouvait être prononcée et qu’ils ont dû adresser tous les mois des chèques à l’établissement bancaire pour régulariser les mensualités.
Faute toutefois de justifier de la réalité du préjudice qu’ils invoquent, les époux [B] seront déboutés de leur demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et les frais irrépétibles
Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les appelants en supporteront donc la charge.
En application de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
En l’espèce, l’équité commande d’allouer à la CNP Assurances une somme de 1.200 euros et de rejeter la demande d’indemnité du Crédit Immobilier de France.
PAR CES MOTIFS
La Cour,
Déclare recevables les demandes des époux [B],
Confirme le jugement déféré sauf à actualiser la somme due par les époux [B] à la société Crédit Immobilier de France, au titre du prêt ‘Rendez-vous’, à la somme de 127.098,84 euros suivant décompte arrêté au 6 février 2023,
Y ajoutant,
Déboute les époux [B] de leur demande de dommages et intérêts,
Condamne in solidum les époux [B] à payer la CNP Assurances la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne in solidum les époux [B] aux dépens d’appel,
Rejette toute demande plus ample ou contraire des parties.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Séléna BONNET, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le Greffier, Le Président,