Clause limitative de responsabilité : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03196

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Clause limitative de responsabilité : 9 décembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/03196

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 4 – Chambre 6

ARRET DU 09 DECEMBRE 2022

(n° /2022, 32 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/03196 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBPMO

Décision déférée à la Cour : Jugement du 15 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2019023715

APPELANTE

SA RTE – RÉSEAU DE TRANSPORT ELECTRICITÉ Société RTE – RESEAU DE TRANSPORT D’ELECTRICITE – prise en la personne de son Président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 13]

[Adresse 13]

Assistée et représentée par Me Marie LHÉRITIER de la SELEURL Cabinet LHERITIER Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : A0594

INTIMEES

SELARL SCHAMING FIDRY & CAPPELLE SOCIETE ELARL SCHAMING FIDRY & CAPPELLE prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège, Maître [N] [D] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SARL ALICOTE »et dont le siège social était [Adresse 4] et qui était représentée par son représentant légal en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Adresse 1]

N’a pas constitué avocat

SCP BTSG prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Maître [K] [S] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SA DG CONSTRUCTION » et dont le siège était [Adresse 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

N’a pas constitué avocat

SAS DEKRA INDUSTRIAL Agissant poursuites et diligences en la personne de son président domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]

Représentée par Me Luca DE MARIA de la SELARL SELARL PELLERIN – DE MARIA – GUERRE, avocat au barreau de PARIS, toque : L0018

Assistée de Me Jean-Pierre LOCTIN, avocat au barreau de Paris, toque : A158

S.A.R.L. ORDOTEC INGENIERIE Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 11]

[Adresse 11]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

Assistée de Me Hélène CHAUVEL, de la SELARL CHAUVEL GICQUEL, avocat au barreau de PARIS, toque : P03

S.A.R.L. DK ARCHITECTES Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 6]

[Adresse 6]

Représentée par Me Anne-Marie MAUPAS OUDINOT, avocat au barreau de PARIS, toque : B0653

SAS SOCIÉTÉ ALORIS Représentée par son représentant légal en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 10]

N’a pas constitué avocat

Entreprise ETUDE MAITRE HERVE [M] ETUDE MAITRE HERVE [M], prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

Maître [P] [M] Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la « SOCIETE ALORIS » dont le siège est [Adresse 3].

[Adresse 8]

[Localité 10]

N’a pas constitué avocat

SELARL KREBS-SUTY-GELIS SELARL KREBS-SUTY-GELIS, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège,

SELARL KREBS-SUTY-GELIS Es qualité de « Administrateur judiciaire » de la ‘SOCIETE ALORIS’ SAS immatriculée au RCS de BAR LE DUC, sous le n° 510 393 291 dont le siège est [Adresse 3]

[Adresse 12]

[Adresse 12]

N’a pas constitué avocat

S.A. AXA FRANCE IARD recherchée en qualité d¿assureur de la société DG CONSTRUCTION, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés, avocat au barreau de PARIS, toque : K0111

Assisté de Me Véronique GACHE-GENET, avocat au barreau de PARIS, toque : B950

S.A. COMPAGNIE AXA FRANCE IARD, es qualité de la société ALICOTE

[Adresse 9]

[Adresse 9]

Représentée par Me Laurence CAMBONIE, avocat au barreau de SEINE-SAINT-DENIS, toque : BOB183

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président

Mme Valérie GEORGET, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère

qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Madame Alexandra PELIER-TETREAU dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN

ARRET :

– par défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement fixé au 02 décembre 2022 puis prorogé au 09 décembre 2022 les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCÉDURE

La société RTE, gestionnaire du réseau de transport d’électricité français, a entrepris la réalisation d’un nouveau poste de transformation d’électricité sur la commune de [Localité 14], dit poste Seine.

Pour les besoins de cette réalisation, il était prévu la construction de murs architecturés autour des pylônes aéro-souterrains.

Sont intervenus à la construction :

– un groupement momentané d’entreprises solidaires de maîtrise d »uvre composé des sociétés :

Dekonink – Kuhn Architectes (DK Architectes),

Ordotec Ingénierie (Ordotec),

– un groupement d’entreprises solidaires composé des sociétés :

DG Construction en charge du lot béton armé (réalisation de la banquette d’assise de la clôture),

Alicote chargée de la structure porteuse des panneaux constituant les murs de clôture, fixés sur la banquette d’assise en béton armé,

– la société I3 Ingénierie, aux droits de laquelle vient la société Aloris, sous-traitante de la société Alicote pour les études structurelles (notes de calculs),

– la société Ineo Est, sous-traitante du groupement pour la pose des clôtures,

– la société MM, fournisseur des profilés,

– la société Dekra Inspection, aux droits de laquelle vient la société Dekra Industrial (Dekra), en qualité de contrôleur technique des études et des travaux des deux enceintes pylones du poste.

Le 31 août 2010, en cours de montage des poteaux en profilés pultrudés, une fissuration est apparue à la liaison âme-semelle du profilé d’embase en I.

Le sinistre a été dénoncé le 31 août 2010.

Une solution réparatoire a été proposée courant novembre 2010 par la société Alicote mais a fait l’objet d’un avis défavorable du contrôleur technique.

Compte tenu des divergences sur les moyens de remédier aux désordres, la société RTE a saisi le tribunal de commerce de Bobigny en référé aux fins de désignation d’un expert, au contradictoire des sociétés DK Architectes, Ordotec, Dekra Inspection, DG Construction, Axa France Iard, assureur de DG Construction, Alicote, Ineo Est.

M. [H] [T] a été désigné par ordonnance du 8 mars 2011, avec pour mission de décrire et examiner les désordres mentionnés dans l’assignation et de présenter les solutions réparatoires.

Selon ordonnance du 13 avril 2011, les opérations d’expertise ont été rendues communes à la société MM et à la société 3I Ingénierie, devenue Aloris, à la demande de la société Alicote. Par ordonnance du 16 juin 2011, les opérations ont également été rendues communes à la société Axa France Iard, prise en qualité d’assureur de la société Alicote.

Courant 2013, la société DG Construction, puis la société Alicote, ont fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, la société RTE régularisant alors la procédure à l’encontre de leurs mandataires judiciaires respectifs.

M. [T] a déposé son rapport le 30 janvier 2017.

Par actes notifiés les 15, 16, 20, 21 et 28 mars 2017, la société RTE a fait assigner devant le tribunal de commerce de Paris :

– la société Dekra,

– la société Ordotec,

– la société DK Architectures,

– Me [N] [D], mandataire liquidateur de la société Alicote,

– Me [K] [S] (SCP BTSG), mandataire liquidateur de la société DG Construction,

– la SAS Aloris,

– Me [P] [M], mandataire judiciaire de la société Aloris,

– la SELARL Krebs-Suty Gelis, administrateur judiciaire de la société Aloris,

– et la société Axa France Iard, prise en sa qualité d’assureur, d’une part, de la société DG Construction et, d’autre part, de la société Alicote,

sollicitant leur condamnation in solidum à lui payer, en principal, les sommes de :

498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état,

100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image.

Par jugement du 15 novembre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

– Dit que les sociétés Alicote, 3I Ingénierie, Aloris, Ordotec Ingénierie et Dekra Industrial sont responsables in solidum du sinistre subis par RTE – Réseau de Transport d’Electricité ;

– Dit que la société Axa France Iard n’apporte pas la preuve que ‘les travaux litigieux sont de technique non courante’ ;

– Dit que les garanties de la société Axa France Iard, assureur de DG Construction, peuvent être mobilisées ;

– Dit que la responsabilité d’Axa France Iard, assureur de DG Construction, société contractuellement solidaire de la société Alicote dans le contrat signé avec RTE – Réseau de Transport d’Electricité est engagée dans le cadre de ce sinistre ;

– Dit que la société Axa France Iard, assureur de la société Alicote, est mise hors de cause dans ce litige ;

– Débouté la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de l’ensemble des demandes à l’encontre de la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société Alicote ;

– Débouté la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande de fixer la créance de la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité au passif de la société Alicote ;

– Fixé la créance de RTE – Réseau de Transport d’Electricité à la somme de 101 942,38 euros HT euros au passif de chacune des sociétés DG Construction et Aloris (ex 3I Ingénierie) ;

– Débouté la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande de fixer une créance au passif de la société DG Construction à la somme de 4 000 euros au titre de la facture n° 2011/0220 ;

– Débouté RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande de fixer une créance au passif de la société DG Construction à la somme de 874 973 euros au titre de la facture n° 2012/0207 ;

– Débouté la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande à titre de dommages et intérêts ;

– Mis hors de cause la société DK Architectes ;

– Condamné la société Axa France Iard, en qualité d’assureur de la SA DG Construction et de la SARL Alicote, la SARL Ordotec Ingénierie et la SAS Dekra Industrial in solidum à payer à la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité la somme de 17 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile déboutant pour le surplus ;

– Condamné la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité à payer à la société DK Architectes la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 code de procédure civile, déboutant pour le surplus ;

– Rejeté les demandes des parties autres, plus amples ou contraires ;

– Condamné la société Axa France Iard, assureur de DG Construction et Alicote, la SARL Ordotec Ingénierie et la SA Dekra Industrial in solidum aux dépens qui comprendront les frais d’expertise à hauteur de 34 440 euros ;

– Ordonné l’exécution provisoire ;

– Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 264,58 euros dont 43,88 euros de TVA.

***

Par déclaration en date du 12 février 2020, la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité a interjeté appel du jugement, intimant les sociétés DK Architectes, Dekra Industrial, Me [P] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Aloris, la société Axa France Iard en qualité d’assureur des société DG Construction et Alicote, la société Ordotec Ingénierie, Me [N] [D], ès qualités de liquidateur de la société Alicote et Me [K] [S], ès qualités de liquidateur de la société DG Construction, devant la cour d’appel de Paris.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 26 octobre 2020, la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité demande à la cour, au visa des articles 1134, 1147 et suivants du code civil, de :

Déclarer son appel recevable ;

Réformer le jugement n° RG 2019023715 de la 10ème chambre du tribunal de commerce de Paris en date du 15 novembre 2019 en ce qu’il :

Met hors de la cause la société DK Architectes, maître d »uvre de l’opération (en groupement solidaire avec la société Ordotec) en raison de l’absence de faute commise par cette dernière et a, par voie de conséquence, mis à sa charge la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Dit que la société Axa France Iard, assureur de la société Alicote, est mise hors de cause dans ce litige dès lors que la faute commise par cette société n’est pas couverte par la garantie souscrite auprès de la société Axa France Iard ;

Limite son préjudice d’un montant de 498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état à la somme de 101 942,38 euros HT ;

Comporte une erreur matérielle dès lors que si le jugement mentionne expressément en page 16 que les différents responsables sont condamnés in solidum à réparer son préjudice subi à hauteur de 101 942,38 euros HT, et indique dans le dispositif la responsabilité in solidum des différents intervenants, ainsi que l’inscription de sa créance à la somme de 10 942,38 euros HT au passif de chacune des sociétés DG Construction et Aloris (ex 3I Ingénierie), en revanche, il n’est pas indiqué dans le dispositif que les autres responsables sont condamnés au paiement de ladite somme ;

Par voie de conséquence, la déboute de sa demande de fixer sa créance au passif de la société Alicote, et fixe sa créance à la somme de 101 942, 38 euros HT au passif de chacune des sociétés DG Construction et Aloris (ex 3I Ingénierie) alors que le préjudice de remise en l’état est établi à 498 015,39 euros HT ;

La déboute de sa demande de condamner in solidum les intervenants à l’opération au paiement de la somme de 100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image au motif que celui-ci n’est pas établi ;

La déboute de sa demande de fixer une créance au passif de la société DG Construction à la somme de 4 000 euros au titre de la facture n°2011/0220 au motif que la créance n’est pas suffisamment fondée et justifiée ;

La déboute de sa demande de fixer une créance au passif de la société DG Construction à la somme de 874 973,00 euros au titre de la facture n°2012/0207 au motif que la réalité de la créance n’est pas établie ;

En conséquence,

Rejeter les appels incidents ;

Condamner in solidum la société Dekra Industrial, la société Ordotec Ingénierie, la société DK Architectes, la société Aloris (3I Ingénierie), la société Axa France Iard, prise en sa qualité d’assureur d’une part de la société DG Construction et, d’autre part, de la société Alicote, à lui payer les sommes de :

498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

186 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de retard ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Fixer sa créance au passif de la société Alicote et au passif de la société Aloris (ex 3I Ingénierie) à la somme de 848 455,39 euros HT se décomposant comme suit :

498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

186 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de retard ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt intervenir ;

30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

les dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise à hauteur de 34 440 euros ;

Fixer sa créance au passif de la société DG Construction à la somme de 1 727 428,39 euros HT se décomposant comme suit :

498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

186 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de retard ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

30 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

4 000 euros HT au titre de la facture n°2011/0220 en date du 20 décembre 2011 ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de son émission et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

874 973 euros HT au titre de la facture n° 2012/0207 en date du 10 septembre 2012 ainsi que les intérêts au taux légal à compter de la date de son émission et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

les dépens de l’instance, comprenant les frais d’expertise à hauteur de 34 440 euros ;

Ordonner l’exécution provisoire de l’arrêt à intervenir.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 29 septembre 2020, la société DK Architectes demande à la cour, au visa des articles 1147, 1315 et 1382 anciens du code civil, et de l’article L. 124-3 du code des assurances, de :

Sur la confirmation du jugement en ce qu’elle a été mise hors de cause,

Confirmer le jugement en ce qu’elle a été mise hors de cause ;

Rejeter 1’appe1 de la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité ;

Rejeter l’appel en garantie de la société Dekra Industrial et/ou de tout autre intimé ;

Subsidiairement, sur l’absence de condamnation solidaire et/ou in solidum, si par extraordinaire, la cour infirmait le jugement en ce qu’elle a été mise hors de cause et, statuant à nouveau, entrait en voie de condamnation à son encontre,

Juger que la condamnation susceptible d’être prononcée à son encontre ne pourrait être prononcée solidairement qu’avec la société Ordotec dans la limite de la part de responsabilité qui serait in fine mise à la charge du groupement de maîtrise d’oeuvre ;

Débouter la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande de condamnation solidaire et/ou in solidum à son encontre avec les autres intervenants à l’acte de construire et/ou leurs assureurs ;

Tout aussi subsidiairement, sur les quanta, si par extraordinaire, la cour infirmait le jugement en ce que la société DK Architectes a été mise hors de cause et statuant à nouveau entrait en voie de condamnation à son encontre,

Rejeter l’appel de la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité tendant à l’infirmation du jugement en ce qu’elle a été déboutée de sa demande indemnitaire de 498 0l5,39 euros HT au titre des travaux de reprise ;

Confirmer le jugement en ce que la demande indemnitaire de la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité a été limitée à la somme de 101 942,38 euros HT au titre de son préjudice matériel du fait des travaux de remise en état ;

Rejeter 1’appel de la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité tendant à 1’infirmation du jugement en ce qu’elle a été déboutée de sa demande indemnitaire de 100 000 euros au titre d’un préjudice moral, économique et d’image ;

Confirmer le jugement en ce que la demande indemnitaire de la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité au titre d’un préjudice moral, économique et d’image été rejetée ;

Confirmer le jugement en ce que la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité a été condamnée au paiement d’une somme de 2 000 euros à son profit au titre de 1’article 700 du code de procédure civile ;

Tout aussi subsidiairement, sur les appels en garantie, si par extraordinaire, la cour infirmait le jugement en ce qu’elle a été mise hors de cause et statuant à nouveau entrait en voie de condamnation à son encontre,

Consacrer la responsabilité des sociétés Dekra Industrial, I3 Ingénierie devenue Aloris, Alicote et DG Construction ;

Infirmer le jugement en ce que la société Axa France Iard assureur de la société Alicote a été mise hors de cause ;

Statuant à nouveau,

Condamner la société Dekra Industrial et la société Axa France Iard, ès qualités d’assureur des sociétés Alicote et DG Construction à la relever et la garantir de 1’ensemble des condamnations susceptibles d’être prononcées à son encontre ;

Pour le surplus,

Rejeter toutes demandes, fins et conclusions dirigées contre elle ;

Condamner la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité et/ou tout autre succombant, à lui verser une somme de 5 000 euros sur 1e fondement de l’artic1e 700 du code de procédure civile ;

Condamner la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité ou tout autre succombant, aux entiers dépens dont distraction, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2020, la société Dekra Industrial demande à la cour, au visa des articles 564 du code de procédure civile, 1147, devenu 1231-1, du code civil, 1382, devenu 1240, du code civil et 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au litige, de :

La recevoir en son appel incident et l’en déclarer fondé,

En conséquence,

Infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris de ses chefs suivants :

«- Dit que les sociétés Alicote, 3I Ingénierie / Aloris, Ordotec Ingénierie et Dekra Industrial sont responsables in solidum du sinistre subis par la RTE ‘ Réseau de Transport d’Electricité,

[‘]

– Dit que la société Axa France Iard assureur de la société Alicote est mise hors de cause dans ce litige,

[‘]

« – Condamne Axa France Iard assureur des sociétés DG Construction et de Alicote, la SARL Ordotec Ingénierie et la SA Dekra Industrial in solidum aux dépens qui comprendront les frais d’expertise à hauteur de 34 440 euros [‘] ».

En conséquence,

Rejeter les demandes formées à son encontre,

Rejeter les appels incidents formés par la compagnie Axa France Iard, la société DK Architectes, la société Ordotec et d’une manière générale toute demande qui serait formée à son encontre,

Prononcer sa mise hors de cause,

Subsidiairement,

Infirmer le jugement rendu le 15 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris de son chef suivant :

« Rejette les demandes des parties autres, plus amples ou contraires [‘] » mais uniquement ce qui concerne ses demandes soutenues par devant le tribunal de commerce à l’audience du 13 juin 2019 »,

En conséquence,

Condamner in solidum, sur le fondement quasi-délictuel, la société Ordotec Ingénierie, la société DK Architectes et la compagnie Axa France Iard, ès qualités d’assureur de la société Alicote et de la société DG Construction, à la relever et la garantir intégralement de toute condamnation qui serait prononcée contre elle,

Confirmer le jugement rendu le 15 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Paris de ses chefs attaqués par RTE dans sa déclaration et qui ne font pas l’objet d’un appel incident de sa part et notamment en ce qu’il a :

limité le montant du préjudice matériel de la société RTE à la somme de 101 942,38 euros,

rejeté la demande de dommages et intérêts formée par la société RTE au titre du préjudice moral,

Rejeter la demande de dommages et intérêts formée par la société RTE au titre du préjudice allégué lié au retard,

Plus subsidiairement,

Dire que les intérêts ne pourront courir qu’à compter de l’arrêt à intervenir et dans les limites des dispositions de l’article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable au litige,

Débouter la société RTE de ses demandes formées à son encontre excédant la somme de 9 120 euros par application de la clause limitative de responsabilité,

Rejeter toute demande de condamnation in solidum,

En tout état de cause,

Condamner la société RTE, in solidum avec tous succombants, à lui payer la somme de 7000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamner la société RTE, in solidum avec tous succombants, en tous les dépens dont distraction, s’agissant des dépens d’appel, opérée dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 17 août 2020, la société Ordotec Ingénierie demande à la cour de :

– Faire droit à son appel incident,

– Infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 15 novembre 2019 en ce qu’il a retenu sa responsabilité et l’a condamnée au paiement de la somme de 17 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens ;

– Déclarer mal fondée l’action de la société RTE à son encontre en l’absence de démonstration d’une faute à son encontre à l’origine du préjudice qu’elle aurait subi ;

Subsidiairement,

– Infirmer le jugement sur le quantum du préjudice matériel,

– Retenir la somme de 101 942,38 euros – 54 470 euros, soit 47 472,38 euros à titre d’indemnisation du préjudice matériel subi par RTE ;

Subsidiairement,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a retenu la somme de 101 942,38 euros comme étant le montant du préjudice subi par la société RTE,

– Rejeter l’appel formé par la société RTE sur le quantum de son préjudice matériel,

Plus subsidiairement, s’il était fait droit à l’appel de la société RTE,

– Déduire du montant de la réclamation le solde de marché de l’entreprise Alicote non réglé par la société RTE à hauteur de 50 466 euros HT, sauf à constituer un enrichissement sans cause au bénéfice de la société RTE,

– Confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral, économique et d’image à hauteur de 100 000 euros,

– Dire irrecevable comme constituant une demande nouvelle en cause d’appel, la demande de pénalités de retard à hauteur de186 000 euros ;

Subsidiairement,

– La dire mal fondée en ce qu’elle est dirigée à son encontre,

– Ramener à de plus justes proportions la demande d’indemnité au titre de l’articIe 700 formée par la société RTE à hauteur de 30 000 euros,

– Rejeter toute demande de condamnation solidaire ou in solidum à son encontre ;

Subsidiairement,

– Infirmer le jugement en ce qu’il a rejeté les appels en garantie réciproques,

– Faire droit à son appel en garantie sur un fondement quasi délictuel à l’encontre de la société Dekra Inspection devenue Dekra Industrial et de la compagnie Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société Alicote ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il a prononcé la condamnation de la compagnie Axa France Iard en sa qualité d’assureur de la société DG Construction, membre du groupement momentané d’entreprises solidaires formé avec la société Alicote,

– Condamner tout succombant au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2020, la société Axa France Iard, prise en qualité d’assureur de la société DG Construction, demande à la cour de :

– Constater que les dommages sont survenus avant réception,

– Dire que seule la responsabilité contractuelle de droit commun des constructeurs est susceptible d’être engagée,

– Dire que les travaux litigieux sont de technique non courante,

– Dire à tout le moins qu’il n’est pas établi le contraire,

– Dire qu’en conséquence, ses garanties ne peuvent être mobilisées,

– Rejeter purement et simplement les demandes formées à son encontre en sa qualité d’assureur de la société DG Construction,

– Infirmer en conséquence le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée en qualité d’assureur de la société DG Construction,

– Dire que la responsabilité de la société DG Construction ne peut être recherchée que parce qu’elle a signé un contrat par laquelle elle s’est engagée solidairement à l’égard du maître de l’ouvrage avec la société Alicote,

– Dire que les conséquences d’un tel engagement sont formellement exclues des garanties souscrites par la société DG Construction,

– Rejeter en conséquence de plus fort toutes les demandes formées à son encontre ;

– Infirmer de plus fort le jugement entrepris en ce qu’il l’a condamnée en qualité d’assureur de la société DG Construction et la mettre hors de cause,

Si parextraordinaire la cour venait à en juger autrement,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a fixé le préjudice matériel de la société RTE à la somme de 101 942,38 euros,

– Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a rejeté la demande formée par la société RTE au titre de son prétendu préjudice moral, économique et d’image,

– A défaut le ramener à de plus justes proportions,

– Déclarer irrecevable et à défaut rejeter la demande de la société RTE au titre des préjudices de retard,

A défaut,

– Rejeter toute demande à ce titre à son encontre, le contrat excluant formellement ces préjudices,

– Dire que tous les préjudices immatériels allégués ne pourraient être imputables qu’au seul contrôleur technique Dekra qui a refusé à tort la solution de réparation proposée par Alicote,

– La dire fondée à opposer à tous y compris aux demandeurs les franchises prévues au contrat,

En conséquence,

– Rejeter la demande de la société RTE et de toutes parties à hauteur de 20 000 euros au titre des dommages matériels et 20 000 euros au titre des dommages immatériels, chacune actualisées conformément au contrat,

En toute hypothèse,

– Rejeter toutes les demandes formées par les maîtres d »uvre, (Ordotec et DK Architectes) et Dekra dès lors qu’aucun d’eux ne peut établir la faute de la société DG Construction et qu’ils ne peuvent invoquer la solidarité contractuelle qu’a consentie DG Construction au seul bénéfice du maître de l’ouvrage ;

Vu l’article 1240 anciennement 1382 du code civil,

– Condamner les sociétés Dekra Industrial et Ordotec Ingénierie dont les fautes sont parfaitement décrites par l’expert judiciaire à la relever et la garantir de toute condamnation ;

En tout état de cause,

– Rejeter toute demandes et appels en garantie dirigés contre la concluante,

– Condamner tout succombant à lui verser la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Les condamner aux entiers dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées par voie électronique le 7 août 2020, Axa France Iard, prise en qualité d’assureur de la société Alicote, demande à la cour de :

Confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris en tous ses chefs ;

Condamner la société RTE à lui régler une somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction en application de l’article 699 du code de procédure civile.

***

Me [K] [S], ès qualités de liquidateur de la société DG Construction, Me [N] [D], ès qualités de liquidateur de la société Alicote, la SARL Krebs-Gélis, ès qualités d’administrateur de la société Aloris, Me [P] [M], ès qualités de liquidateur de la société Aloris,

et la société Aloris, n’ont pas constitué avocat.

***

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 30 juin 2022.

MOTIFS

Sur les désordres, leur nature et leur origine

La construction des murs architecturés autour de pylônes aéro-souterrains a été entreprise pour la réalisation du nouveau poste de transformation d’électricité. En cours de montage desdits poteaux, une fissuration est apparue sur la liaison âme-semelle des poteaux pultrudés lors du serrage des fixations de ceux-ci sur le flanc intérieur de la banquette béton.

Après avoir confirmé la réalité des désordres allégués, l’expert conclut que la fissuration résulte d’une fragilité aux sollicitations secondaires du matériau composant les poteaux en raison de son caractère anisotropique.

ll souligne que les règles de calcul des charpentes métalliques étaient inappropriées et ne pouvaient conduire qu’à des résultats erronés.

L’expert note également que la solution proposée par la société Alicote avec l’aide de la société MM a fait l’objet d’un avis défavorable du contrôleur technique particulièrement injustifié.

Sur les responsabilités

Exposé des moyens des parties

La société RTE développe des moyens concernant chacun des intervenants.

– Société DK Architectes

La société RTE poursuit l’infirmation du jugement en ce qu’il n’a pas retenu la responsabilité de la société DK Architectes. Elle précise que même dans l’hypothèse où aucune faute n’aurait été commise par cette société, la solidarité contractuelle la liant à la société Ordotec, co-contractant membre du groupement solidaire ayant commis une faute, impose que soit retenue sa responsabilité, la circonstance selon laquelle elle n’aurait pas participé aux travaux ayant conduit au manquement étant, selon elle, inopérante. Elle ajoute subsidiairement que, si la solidarité des sociétés DK Architectes et Ordotec n’était pas reconnue, il conviendrait de retenir la faute contractuelle de la société DK Architectes qui a validé un CCTP erroné, de nature à engager sa responsabilité.

– Société Ordotec

Agissant en tant que co-traitant du groupement de maîtrise d’oeuvre formé avec la société DK Architectes, la société RTE expose que la société Ordotec a réalisé sa prestation sans veiller préalablement à la faisabilité du procédé employé et a validé sans réserve la première note de calcul qui s’est révélée erronée, engageant ainsi sa responsabilité, conformément à ce qu’a retenu le tribunal.

– Société Dekra

La société RTE soutient que la société Dekra a commis une double faute, d’une part, en validant le projet initial pour avoir émis un avis favorable sans réserve, d’autre part, en émettant un avis défavorable infondé sur la solution réparatoire proposée, engageant ainsi sa responsabilité sans qu’aucune clause limitative de responsabilité puisse être invoquée. Elle demande ainsi la confirmation du jugement.

– Société DG construction

La société RTE énonce qu’il résulte du contrat qu’elle a conclu avec les sociétés Alicote et DG Construction constituant un groupement momentané d’entreprises solidaires que chacune d’elles est responsable non seulement de l’exécution de son lot mais aussi de l’exécution de la totalité du contrat. Elle déduit de cette solidarité contractuelle qu’en l’absence de toute clause d’exclusion de responsabilité et dès lors que les travaux sont de technique courante, la responsabilité de la société Axa France Iard en sa qualité d’assureur de la société DG Construction, ne peut qu’être engagée indépendamment de toute faute.

– Société Alicote

La société RTE expose que la société Alicote devait obligatoirement souscrire une assurance pour tous les dommages résultant du chantier et qu’à la lecture des conditions générales et particulières de la police souscrite auprès de la société Axa France Iard, les dommages causés dans le cadre d’une activité de conception et fabrication de matériaux, métaux et produits de négoce étaient bien garantis. Elle conclut à l’infirmation du jugement de ce chef.

La société DK Architectes soutient qu’elle n’a commis aucune faute dès lors que les désordres sont apparus lors du serrage de fixation des poteaux dû, ainsi que l’expert le relève, à une erreur de calcul de la société 3I Ingénierie, une erreur de conception de la société Alicote, un défaut d’information de la société Alicote et un avis favorable du contrôleur technique Dekra. Elle poursuit donc la confirmation du jugement en ce qu’il l’a mise hors de cause.

La société Dekra soutient qu’elle n’a commis aucune faute puisqu’elle pouvait, en sa qualité de contrôleur technique, émettre des avis tant que la construction n’était pas achevée et que son rapport final n’était pas établi sans pour autant engager sa responsabilité. Elle ajoute que son avis défavorable s’explique par l’absence de documents justificatifs et de réponses à ses commentaires malgré ses sollicitations. La société Dekra demande donc l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité. Subsidiairement, elle fait état d’une clause de limitation de responsabilité insérée dans les conditions générales d’intervention la liant à la société RTE.

La société Ordotec prétend que le tribunal n’a pas tenu compte de l’étendue de la mission qui lui avait été confiée ni des circonstances de son exécution. Elle précise qu’elle n’a commis aucune faute et qu’elle a même fait preuve de diligence en sollicitant des documents que les autres intervenants ont tardé à lui communiquer. Elle demande par conséquent l’infirmation du jugement en ce qu’il a retenu sa responsabilité.

La société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société Alicote, soutient que la mise en jeu de sa garantie doit être exclue, ainsi qu’il a été jugé par le tribunal, dès lors que celle-ci ne concerne que l’activité de négoce, alors qu’en l’espèce, l’activité exercée était une activité de conception. Elle sollicite la confirmation du jugement de ce chef.

La société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société DG Construction, déclare qu’il ressort des conditions particulières de son contrat d’assurance que la garantie s’applique aux ouvrages réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante, alors qu’en l’espèce, les travaux réalisés relevaient de technique non courante, de sorte que sa garantie ne peut trouver à s’appliquer. Elle poursuit à ce titre l’infirmation du jugement.

Réponse de la cour

Il résulte des articles 1134 et 1147 du code civil (en leur version applicable en l’espèce, antérieure au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des obligations) que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites et se résolvent en dommages et intérêts à raison de l’inexécution par le débiteur de son obligation.

Selon l’article 1200 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, il y a solidarité de la part des débiteurs, lorsqu’ils sont obligés à une même chose, de manière que chacun puisse être contraint pour la totalité, et que le paiement fait par un seul libère les autres envers le créancier.

La solidarité ne se présumant pas (article 1202 du code civil), en l’absence de solidarité expresse, légale ou conventionnelle, aucune responsabilité solidaire ne saurait être retenue ni, partant, de condamnation solidaire prononcée. Les intervenants à l’opération de construction qui ont, chacun de son propre fait, concouru ensemble à la réalisation d’un même dommage peuvent voir leur garantie, ou responsabilité, engagée in solidum au titre de leur obligation à la dette, et un partage de responsabilité est alors prévu, dans le cadre des recours entre les parties sur un fondement délictuel et de la contribution définitive de chacun à la dette.

En l’espèce, l’expert a conclu, en substance, que les désordres avaient pour origine :

– Une erreur de calcul de la société I3 Ingénierie assimilant les poteaux pultrudés à des poteaux métalliques, les caractéristiques réelles du matériau n’ayant pas été prises en compte pour concevoir la fixation des poteaux sur les supports en béton ;

– Une erreur de conception de la société Alicote concernant la fixation des poteaux entre deux éléments ayant des tolérances différentes, les caractéristiques particulières des poteaux pultrudés n’ayant pas été prises en compte dans la conception et la fixation des poteaux sur les supports en béton ;

– Une absence d’information de la société Alicote à destination du monteur, la société Ineo Est, sur les conditions de serrage des boulons différentes de celles de l’acier ;

– Un avis favorable du contrôleur technique, la société Dekra, concernant la solution proposée par la société Alicote conduisant à une suspension des travaux jusqu’à la saisine de l’expert ;

– Une inertie de la société Ordotec, à qui toutes ces erreurs ont échappé dans le cadre de sa mission de visa sur les études d’exécution.

Il convient en l’espèce d’examiner la responsabilité de chacune des parties à l’encontre desquelles la société RTE dirige son action.

Sur la responsabilité du groupement solidaire de maîtrise d’oeuvre

Lorsque les entreprises ont formé un groupement solidaire, chacun des membres du groupement s’engage à réaliser une partie des travaux du marché et chacun est solidaire envers le maître de l’ouvrage de la défaillance, le cas échéant, de l’un d’entre eux. Le mandataire commun assume une fonction de représentation et de coordination de l’activité de chacun des membres du groupement, mais ne se voit pas confier un statut spécial concernant la solidarité différente de celui des co-traitants.

En l’espèce, la société RTE a conclu avec la société DK Architectes un contrat de maîtrise d’oeuvre avec un groupement momentané d’entreprises solidaires, pour un montant de rémunération globale et forfaire de 2 219 751 euros HT, pour la réalisation des murs architecturés pour pylônes aéro-souterrains du poste situé à [Localité 14].

Ledit groupement est constitué des sociétés DK Architectes et Ordotec.

Le contrat prévoit expressément, en son article 4.1.1, que chacun des co-traitants est engagé vis-à-vis de la société RTE pour la totalité du contrat conformément aux articles 1200 du code civil, la représentation par le mandataire [étant] sans effet sur les obligations solidaires des co-traitants représentés par le mandataire. Le contrat stipule en outre que la solidarité des co-traitants s’étend à toutes les responsabilités et garanties.

La société DK Architectes y est désignée mandataire dudit groupement et titulaire de la maîtrise d’oeuvre.

En outre, il ressort expressément de la déclaration de groupement momentané d’entreprises que les deux sociétés se sont engagées solidairement : L’entreprise mandataire est responsable, en plus de l’exécution de son propre lot, de l’exécution des autres lots par les autres entreprises.

Aux termes du contrat, il était confié à la maîtrise d’oeuvre une mission de base comprenant les seuls éléments suivants, le maître d’ouvrage s’étant réservé les missions DET (direction et exécution des contrats de travaux) et AOR (assistance aux opérations de réception et pendant la garantie de parfait achèvement) ce qui ressort, au demeurant, des comptes rendus de chantiers sur lesquels la société RTE figure en qualité de maître d’oeuvre d’exécution :

– ESQ : étude d’esquisses,

– AVP : étude d’avant-projet,

– APS : avant-projet sommaire,

– APD : avant-projet définitif, y compris dossier de permis de démolir, de construire, et autres autorisations administratives,

– PRO : étude de projet, y compris descriptif détaillé qui définit la conception, la nature et les caractéristiques des ouvrages et le coût des travaux composés par corps d’états d’un avant métré,

– ACP : assistance pour la passation des contrats de travaux,

– VISA : visa des études d’exécution.

Au sein de la maîtrise d’oeuvre, la société DK Architectes s’est vu confier la conformité architecturale et la société Ordotec, la description des lots techniques.

L’expert n’a relevé aucune faute de la société DK Architectes, soulignant qu’elle n’est pas intervenue à la réalisation des piliers litigieux, mais a, en revanche, considéré que la société Ordotec a fait preuve d’une inertie fautive.

Sur la responsabilité de la société Ordotec

Le tribunal a retenu la responsabilité de la société Ordotec, en sa qualité de co-traitant du groupement de maîtrise d’oeuvre formé avec la société DK Architectes, sur un fondement contractuel, considérant, à l’instar de l’expert, que le bureau d’études avait fait preuve d’inertie et que des erreurs lui avaient échappé dans le cadre de sa mission de visa sur les études d’exécution.

L’expert considère en effet que le dommage n’a aucun rapport avec l’exécution des travaux mais résulte d’une erreur de conception par l’adoption d’une référence de calcul erronée.

Il ajoute que la société Ordotec a commis plusieurs erreurs importantes dans la réalisation du dommage, dans le cadre de sa mission de visa sur les études d’exécution, en ce qu’elle a prescrit au CCTP, qu’elle a rédigé, une prestation concernant la charpente et le bardage en polyester armé de fibres de verre pour réaliser l’enceinte architecturée, sans veiller préalablement à la faisabilité du procédé employé, et a validé sans réserve la première note de calcul en l’affirmant conforme alors même qu’elle était erronée.

Il conclut qu’en procédant ainsi sur des bases erronées ne permettant pas de s’assurer de la stabilité des composants polyester dans leur fonction projetée, la société Ordotec a rendu possible la commande des matériaux et le démarrage des travaux, engageant par conséquent sa responsabilité.

Enfin, la société Ordotec prétend qu’elle aurait fait preuve de diligence en demandant des documents que les autres intervenants ont tardé à lui communiquer. Or, il est observé que non seulement elle a reçu, le 3 juin 2020, une note qui rappelle les références des calculs (règles CM66), mais encore elle n’établit pas le lien entre le prétendu retard dans la transmission des documents sollicités et les manquements qu’elle a commis.

Il résulte de ce qui précède que le jugement sera confirmé en ce qu’il a reconnu la responsabilité de la société Ordotec. Par conséquent l’appel incident de cette dernière ne pourra qu’être rejeté.

Sur la responsabilité de la société DK Architectes

Il est rappelé que l’expert n’a relevé aucune faute de la société DK Architectes, au motif qu’elle n’est pas intervenue à la réalisation, ni au stade de la conception, ni au stade de l’exécution, des piliers litigieux.

Cependant, la solidarité convenue contractuellement par les membres d’un groupement permet d’engager la responsabilité de tous les membres dudit groupement et ce, même s’il l’un d’entre eux n’a pas participé à la réalisation de la faute, à moins que les missions propres à chaque entreprise soient expressément et clairement réparties au sein du contrat signé par le maître d’ouvrage.

En l’espèce, la société DK Architectes ne peut échapper à sa responsabilité solidaire avec l’autre entreprise co-contractante au motif qu’elle n’aurait pas réellement participé aux travaux révélant les manquements.

La cour observe par ailleurs qu’aucune répartition des missions de maître d »uvre de la société DK Architectes de celles de la société Ordotec n’est prévue au contrat, mais au contraire que les missions du mandataire et celles de son co-traitant sont imbriquées.

Ainsi, la société Ordotec, qui s’est vu confier la mission de réaliser le CCTP, était donc investie d’une partie de la mission ACT (assistance pour la passation des contrats de travaux) qu’elle partageait avec la société DK Architectes.

En outre, il est indiqué à l’article 4.1.2 relatif aux dispositions communes de la co-traitance que Le mandataire exerce sous sa responsabilité la coordination des co-traitants en assurant l’ordonnancement et le pilotage des prestations objet du Contrat.

De même, tous les articles du contrat ne visent que le ‘Titulaire’ du contrat, sans aucune distinction entre les sociétés DK Architectes et Ordotec, notamment l’article 12 relatif à la responsabilité, l’article 13.1 relatif aux obligations générales du titulaire et l’article 15 relatif à la modification des études, étant précisé que l’expert retient que la faute commise par le groupement de maîtrise d »uvre résulte notamment de la modification du CCTP. L’article 20.1 du contrat stipule, quant à lui, que les documents de la consultation devant être remis à la société RTE, y compris le CCTP rédigé par la société Ordotec, doivent être préalablement validés par le mandataire.

Force est donc de constater que la réalisation des prestations n’était pas répartie strictement par mission préalablement définie, le mandataire – la société DK Architectes – devant, en tout état de cause, valider les prestations exécutées par son co-traitant la société Ordotec.

Il s’en déduit que la société DK Architectes a engagé sa responsabilité contractuelle envers la société RTE solidairement avec la société Ordotec.

Par conséquent, le jugement sera infirmé en ce qu’il a mis hors de cause la société DK Architectes.

Il conviendra dès lors de condamner solidairement les sociétés DK Architectes et Ordotec à indemniser la société RTE dans les conditions fixées ci-après.

Sur la responsabilité de la société Dekra Industrial

L’expert a estimé que plusieurs erreurs avaient concouru à la formation du sinistre, notamment un avis favorable, sans aucune restriction ou réserve, du contrôleur technique Dekra, précisant que, sans cette erreur d’appréciation validant la note de calcul établie sur la base d’une analogie avec la règle CM66 – analogie qu’il qualifie de totalement invraisemblable – , le projet aurait dû et pu faire l’objet d’une nouvelle note de calcul.

L’expert indique que la société Dekra a commis une autre faute lorsqu’elle a émis un avis défavorable infondé sur la solution réparatoire proposée par la société Alicote.

La circonstance opposée par la société Dekra selon laquelle elle pouvait émettre ses avis tant que la construction n’était pas achevée et que son rapport final n’était pas encore établi est inopérante dès lors qu’à la date du 6 janvier 2011, date de sa note, le sinistre avait déjà eu lieu.

C’est donc à juste titre que le tribunal a retenu la responsabilité contractuelle du contrôleur technique à l’égard du maître de l’ouvrage. La société Dekra sera déboutée de son appel incident et le jugement sera confirmé de ce chef.

Enfin, la société Dekra fait état d’une clause limitative de responsabilité contenue dans les conditions générales d’intervention de la convention de contrôle technique signée par la société Dekra et la société RTE, libellée à l’article 5 comme suit : Dans les cas où les dispositions de l’article L. 111-24 du code de la construction et de l’habitation ne sont pas applicables, elle [la responsabilité] ne saurait être engagée au-delà de deux fois le montant des honoraires perçus par le contrôleur technique au titre de la mission pour laquelle sa responsabilité serait retenue.

Cette stipulation doit être déclarée inapplicable compte-tenu des conditions générales d’achat de la société RTE qui prévalent et qui sont prévues au contrat conclu avec la société Dekra.

En effet, il est stipulé à l’article 1er des conditions générales d’achat du contrat conclu entre les sociétés RTE et Dekra que :

1.1 La présente Commande et ses annexes (ci-après ‘la Commande’) sont exclusivement régies par les conditions énoncées au recto et les présentes conditions générales d’achat (ci-après les ‘CGA’), à l’exclusion des conditions générales et/ou particulières du Titulaire et de toute clause contraire. Tout autre usage ou précédent contraire invoqué par le Titulaire est inopposable à RTE. 

De plus, l’article 9 des conditions générales d’achat précitées prévoit : Le Titulaire est responsable des dommages de toute nature causés à RTE et à son personnel, de son fait, du fait de ses préposés, du fait de ses fournisseurs ou du fait de ses sous-traitants. Cependant, pour les dommages aux biens de RTE tels que notamment la détérioration, la destruction, la dénaturation, la perte, l’impropriété l’usage d’une chose ou d’une substance, l’indemnisation par le Titulaire est limitée à 150l pour la présente Commande.

Il est observé que la société Dekra a accepté ces conditions puisqu’elle a signé le contrat le 25 février 2010, valant rencontre des volontés et consentement à cette date.

Il s’ensuit que la clause limitative de responsabilité invoquée par la société Dekra est inopposable en l’espèce et ne peut donc trouver à s’appliquer.

Il résulte de ce qui précède que le jugement sera confirmé en ce qu’il a reconnu la responsabilité de la société Dekra sans limitation.

Sur la responsabilité du groupement solidaire de construction des enceintes architecturées

Sur la responsabilité de la société Alicote et la mobilisation de sa garantie

Le tribunal a mis hors de cause la société Axa France Iard en sa qualité d’assureur de la société Alicote au motif que la faute commise par cette dernière durant sa mission de conception n’était pas couverte par le contrat d’assurance.

L’assureur ne conteste pas les constatations de l’expert selon lesquelles la société Alicote a engagé sa responsabilité du fait d’une erreur de conception, mais prétend que cette activité n’est pas couverte par la garantie souscrite.

En l’espèce, la société Axa France Iard a conclu un contrat en date du 28 octobre 2005, reconduit chaque année, avec la société Alicote, portant, ainsi qu’il résulte des conditions particulières, sur l’activité de :

Négoce sans importation de métaux non précieux SANS RECUPERATION, de boulonnerie, polyester, plastique, inox et capotage machine, SANS STOCKAGE SANS CONDITIONNEMENT,

Négoce avec importation d’équipements de sécurité en matériaux composites à destination de l’industrie et des collectivités : barrières de sécurité, capots de protection, planchers ajourés antidérapants, cuves doubles coques à détecteurs de fuite, bacs de rétention, échelles, garde-corps’

L’article 1.1 Objet du contrat des conditions générales (page 3) stipule que Le contrat garantit l’assuré, sous réserve des exclusions visées au chapitre IV « exclusions générales », contre les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile découlant de l’activité définie aux conditions particulières, et résultant de dommages corporels, matériels et immatériels causés aux tiers avant ou après la livraison d’un produit ou l’achèvement d’une prestation ou de travaux.

Ce contrat s’applique :

A la responsabilité civile avant livraison des produits ou réception des travaux qui s’exerce du fait :

– Des biens qu’il exploite,

– Des moyens humains et matériels qu’il met en ‘uvre,

– D’une prestation ou de travaux ;

A la responsabilité civile après livraison des produits ou réception des travaux qui s’exerce en raison des dommages ayant pour origine :

– Une erreur de conception,

– Un vice caché de fabrication, de montage, de matière,

– Un défaut de sécurité,

– Une erreur dans l’exécution de prestations,

– Une erreur dans la rédaction des instructions et préconisations d’emploi, des documents techniques et d’entretien de ces produits, matériaux ou travaux,

– Une malfaçon des travaux exécutés,

– Un défaut de conseil lors de la vente.

Ainsi, seules sont garanties les conséquences des activités définies dans les conditions particulières du contrat.

Si les conditions particulières du contrat d’assurance mentionnent exclusivement l’activité de négoce, les conditions générales prévoient que la garantie s’applique à la responsabilité civile après livraison des produits qui s’exerce en raison des dommages ayant pour origine une erreur de conception.

La société Alicote était chargée de la structure porteuse des panneaux constituant les murs de clôture, fixés sur la banquette d’assise en béton armé.

L’expert a relevé que cette société avait commis une erreur de conception portant sur la fixation des poteaux en adossement du soubassement béton.

Le dommage est donc survenu à l’occasion d’une activité de négoce couverte par l’assurance souscrite auprès de la société Axa France Iard après livraison du produit et a pour origine une erreur de conception.

En conséquence, le jugement sera infirmé en ce que le tribunal a fait une application erronée des stipulations contractuelles liant la société Axa France Iard et la société Alicote en prononçant la mise hors de cause de l’assureur.

Statuant à nouveau, la cour dira que la société Axa France Iard doit sa garantie.

Sur la responsabilité de la société DG Construction et la mobilisation de sa garantie

Le tribunal a jugé que la société Axa France Iard, en qualité d’assureur de DG Construction, devait sa garantie dans le cadre du sinistre au motif qu’elle ne rapportait pas la preuve que les travaux litigieux étaient de technique non courante.

L’assureur expose que la société DG Construction n’a pas commis de faute, mais rappelle que sa responsabilité n’est recherchée par le maître d’ouvrage qu’en raison de la solidarité du groupement constitué avec la société Alicote. Il prétend que la technique utilisée pour la mise en oeuvre des enceintes litigieuses, consistant en la pose de profilés en polyester, n’était pas courante au sens de la police et, partant, n’était pas couverte par la garantie souscrite.

Par application combinée des articles 9 du code de procédure civile qui dispose qu’il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention et 1315 du code civil (dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016) qui dispose que celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver, il appartient à celui qui réclame le bénéfice de l’assurance d’établir que sont réunies les conditions requises par la police pour mettre en oeuvre cette garantie.

Il appartient en revanche à l’assureur de démontrer l’exclusion de garantie qu’il allègue.

En l’espèce, la société DG Construction a souscrit auprès de la société Axa France Iard une police BT Plus à effet du 1er janvier 2009.

Cette police garantit notamment les dommages matériels en cours de chantier à la charge de l’assuré et atteignant ses travaux, pour autant qu’ils n’aient pas été encore réceptionnés (article 2.1 à 2.6 des conditions générales).

L’article 1.1 du chapitre I des conditions générales de la police stipule en outre que l’objet du contrat est de délivrer à l’assuré les garanties relevant de travaux de construction, dans le cadre de marchés publics ou privés, au titre d’un contrat de louage d’ouvrage ou de sous-traitance, avec des produits et selon des procédés de technique courante.

L’attestation d’assurance délivrée par la société Axa France Iard à son assurée, la société DG Construction, précise d’ailleurs également que l’objet du contrat est de couvrir l’assuré pour les ouvrages réalisés suivant des procédés ou avec des produits ou matériaux de technique courante.

Les travaux de technique courante sont définis en page 41 des conditions générales comme les travaux réalisés avec les produits ou procédés de construction :

– soit normalisés ou réputés « traditionnels »,

– soit non « traditionnels », ni normalisés, sous la triple condition qu’à la date d’ouverture de l’opération de construction :

ils aient fait l’objet d’un Avis technique favorable et en cours de validité de la Commission Ministérielle,

ils soient mis en ‘uvre dans les conditions, limites et prescriptions stipulées dans cet Avis Technique,

ils ne fassent pas l’objet d’un communiqué de « mise en observation » de la Commission Prévention Produits (C2P).

– soit ayant fait l’objet d’un cahier des charges de conception, de fabrication et de mise en ‘uvre qui a reçu un agrément temporaire de l’assureur, sous réserve que cet agrément soit en cours de validité à la date de mise en ‘uvre du produit ou procédé (‘).

En l’espèce, l’expert affirme que le comportement des matériaux utilisés était connu naturellement du fabricant, la société MM, et du poseur, la société Alicote, et que ce comportement se distingue totalement du comportement isotopique de l’acier. Il précise en outre que le fabricant avait la maîtrise et la connaissance des limites et des particularités du matériau fourni.

Il ressort également du rapport d’expertise qu’aucune des parties n’a qualifié le projet de non courant ni n’a fait part de technicité ou de difficulté particulière dans la réalisation du contrat, le sinistre relevant uniquement d’un mauvais usage de normes de construction par les parties.

Il est encore indiqué par l’expert que le projet réparatoire proposé par la société Alicote avec le fournisseur de poteaux composites était parfaitement réalisable.

Enfin, la circonstance selon laquelle les désordres sont survenus du fait d’une erreur sur le choix de la méthode de calcul de stabilité des poteaux, les sociétés concernées ayant raisonné par analogie avec les règles de calculs applicables aux structures métalliques traditionnelles, n’établit pas que les matériaux utilisés ne seraient pas courants.

Il résulte de ce qui précède que la société RTE rapporte valablement la preuve de ce que les travaux précités consistant en la pose de profilés en polyester correspondent à une technique courante.

Enfin, s’agissant de l’exclusion de garantie dont fait état la société Axa France Iard à l’article 2.18.12 qui exclut les conséquences d’engagements particuliers (qui viserait, selon elle, notamment la solidarité) que l’assuré aurait accepté par convention et auxquels, il n’aurait pas été tenu sans cette convention. il est observé que cette exclusion ne concerne que la garantie de l’article 2.17, soit la responsabilité civile du chef d’entreprise pour les dommages causés aux tiers, alors que cette garantie n’est pas applicable en l’espèce.

Il y a par conséquent lieu de considérer que le moyen tiré de l’exclusion de solidarité invoquée par l’assureur est inopérant et sera rejeté.

La société RTE établit ainsi que les conditions requises par la police d’assurance sont réunies dès lors que le chantier est visé par la garantie, que les travaux ne font pas l’objet d’une exclusion de garantie et qu’ils sont de technique courante.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société Axa France Iard, assureur de la société DG Construction, devait sa garantie et de rejeter l’appel incident de la société Axa France Iard.

Ajoutant au jugement, la cour dira que s’agissant de garanties étrangères à l’assurance obligatiore prévue à l’annexe II à l’article A. 243-1 du code des assurances, les limites de la police (plafond et franchise) seront opposables au tiers lésé.

Sur les préjudices indemnisables

Sur la demande de réparation du préjudice matériel de remise en l’état

Le jugement a limité le préjudice matériel du fait des travaux de remise en l’état à la somme de 101 942,38 euros HT au motif qu’il fallait déduire de la somme sollicitée à titre d’indemnisation soit 498 015, 39 euros HT, d’une part, le solde de 54 470,00 euros HT non payé du marché conclu avec la société Alicote et, d’autre part, le montant des travaux visés par la société RTE et payés à tort à la société Alicote après le sinistre alors même que les travaux étaient à l’arrêt.

Si la société RTE, assurant la direction des travaux en tant que maître d’ouvrage, a payé la somme totale de 341 603,01 euros HT à la société Alicote après avoir visé les situations produites par cette dernière, ce montant ne pouvait toutefois venir réduire le montant du préjudice dès lors que celui-ci doit uniquement prendre en compte les frais de réparation et de remise en l’état, seuls chefs demandés.

Il est observé que l’expert a pu ainsi vérifier que la solution réparatoire mise en ‘uvre par la société RTE était justifiée, adaptée, et correspondait à un juste prix, étant précisé que la solution retenue par le maître d’ouvrage parmi les deux branches de l’alternative qu’il avait présentée en cours d’expertise, s’est avérée être la moins onéreuse.

L’expert valide ainsi, aux termes de son rapport, ainsi que dans sa note de synthèse en date du 13 octobre 2016, le montant de 498 015,39 euros HT comme étant le montant des prestations que la société RTE a dû exposer pour remédier au sinistre, qui comprend les frais de gardiennage, de fermeture provisoire, de changement de portail, d’étude d’une nouvelle solution, de déménagement des panneaux composites et de travaux de finition de l’enceinte.

Toutefois, l’expert a considéré que la société RTE devait prendre en compte le solde restant dû au titre du marché du groupement Alicote-DG Construction, soit 50 470 euros HT, et déduire ce solde du montant du préjudice.

Or, le fait qu’il reste ou non un solde sur le marché de l’un des co-responsables du sinistre ne modifie pas le montant des travaux réparatoires qu’il a fallu exposer en conséquence du sinistre. Cette déduction n’est donc pas justifiée.

Enfin, dans son rapport définitif, l’expert émet une ‘réserve’ sur le montant final du préjudice, qu’il n’avait pas formulée dans sa note de synthèse, et s’interroge sur le point de savoir s’il n’y aurait pas lieu de déduire du montant du surcoût supporté par la société RTE, le montant surpayé à la société Alicote par rapport à l’état d’avancement du chantier, ce qui réduirait le montant du préjudice à la somme de 101 942,38 euros HT dans la mesure où le paiement excédentaire à la société Alicote résulte des visas délivrés par la société RTE au titre de sa mission de direction de travaux.

Or, dès lors que la société RTE n’inclut pas dans sa réclamation le montant de ce qu’elle a déjà payé en perte à la société Alicote pour ses prestations exécutées, même après la réalisation du sinistre, alors que les enceintes n’ont pas été livrées conformément aux termes du marché, une telle déduction est injustifiée.

Par conséquent, en limitant le montant du préjudice à la somme de 101 942,38 euros HT, le tribunal ne permet pas la réparation intégrale du préjudice subi par la société RTE qui implique que, selon l’article 1149 du code civil, applicable avant 1’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, les dommages et intérêts alloués à une victime réparent le préjudice subi, sans qu’il en résulte pour elle ni perte, ni profit.

Dès lors, le préjudice matériel correspondant au surcoût des travaux (frais de reprise) doit être fixé à la somme de 498 015,39 euros HT.

Il résulte de ce qui précède qu’à titre principal, la société RTE est bien fondée à demander l’infirmation du jugement et à ce que le préjudice de remise en l’état soit fixé à la somme de 498 015,39 euros HT.

Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 15 novembre 2019 et les intérêts seront capitalisés à compter de la présente décision.

Sur la demande de réparation du préjudice moral, économique et d’image

S’il est admis qu’une personne morale puisse invoquer et être dédommagée d’un préjudice moral, la société RTE ne rapporte pas la preuve, en l’espèce, d’un préjudice moral, économique et d’image.

Elle fait notamment état de l’inertie des intervenants au chantier dans l’élaboration de solutions de réparation ayant entraîné un retard de chantier de plusieurs années.

La cour observe que si le sinistre est survenu en 2010 et qu’aucune solution réparatoire n’a pu être mise en place avant l’été 2015, la société RTE n’établit pas que ce préjudice est distinct de celui d’ores et déjà réparé par les dommages-intérêts alloués au titre du préjudice matériel et des pénalités de retard examinées ci-après.

En tout état de cause, la société RTE ne verse aux débats aucune pièce de nature à établir un quelconque préjudice moral, économique ou d’image.

Il convient par conséquent de confirmer le jugement en ce qu’il a débouté l’appelante de sa demande formée de ce chef.

Sur la demande de réparation du préjudice de retard dans la réalisation de l’ouvrage

Sur la recevabilité de la demande

Par application de l’article 566 du code de procédure civile, les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l’accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

Ainsi, une demande indemnitaire portée en appel pour la première fois n’est pas considérée comme une prétention nouvelle irrecevable lorsque cette demande a le même fondement et poursuit la même fin d’indemnisation en ce qu’elle en constitue le complément.

En l’espèce, d’une part, le préjudice de retard dont il est demandé réparation trouve son fondement dans le marché de travaux conclu entre la société RTE et la société DG Construction en groupement avec la société Alicote et, d’autre part, le préjudice de retard poursuit la même fin d’indemnisation que celle demandée en première instance, puisqu’elle constitue le complément du préjudice matériel.

Il y a par conséquent lieu de considérer que la demande de réparation du préjudice de retard n’est pas nouvelle et de la déclarer recevable.

Sur le bien-fondé de la demande

Il résulte de l’article 1152 du code civil, dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, que lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire, toute stipulation contraire étant réputée non écrite.

Constitue une clause pénale d’un contrat la clause par laquelle les parties évaluent forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractée, étant précisé que l’inexécution de l’obligation sanctionnée par ladite clause doit être imputable au débiteur. La clause pénale, sanction contractuelle du manquement d’une partie à ses obligations, s’applique du seul fait de cette inexécution, de sorte que la justification d’un préjudice par le créancier n’est pas requise.

En l’espèce, le contrat conclu entre la société RTE et la société DG Construction, titulaire du marché d’exécution en groupement avec la société Alicote, fixe un délai d’exécution des travaux de 5 mois en son article 8.2. Ce même contrat prévoit des pénalités de retard pouvant être mises à la charge des titulaires fixées à 0,3% du montant HT du contrat par jour calendaire de retard, étant précisé que le montant des pénalités de retard est plafonné à 10% du montant HT du contrat.

L’article 10 du contrat conclu avec la société DK Architectes, titulaire du marché de maîtrise d’oeuvre en groupement avec la société Ordotec, fixe des délais pour la remise des avant-projets, projets, études de projet, dossier de consultation des entreprises et rapport d’analyse des offres des entreprises. De même, le contrat prévoit des pénalités de retard pouvant être mises à la charge des titulaires fixées à 0,2 % du montant HT du contrat par jour calendaire de retard, étant précisé que le montant des pénalités de retard est plafonné à 10 % du montant HT du contrat.

Il n’est pas contesté que les travaux ont été achevés en 2016, soit six ans après la date de réception prévue de l’ouvrage, alors même, comme le souligne l’expert dans son rapport, qu’aucune solution réparatoire n’a jamais été présentée par les intimés.

Force est donc de constater qu’un retard d’exécution des travaux est imputable aux sociétés DG Construction et Alicote, au regard des stipulations contractuelles précitées.

Il est observé que l’article 11-1 du contrat conclu avec sociétés DG Construction et Alicote, qui constitue une clause pénale en ce qu’elle fixe forfaitairement et d’avance l’indemnité à laquelle donnera lieu l’inexécution de l’obligation contractuelle, a été librement acceptée par les deux parties et qu’elle a donc force obligatoire, conformément à l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016.

Etant relevé que le montant de l’indemnité n’est pas discuté et qu’il n’est pas soutenu qu’elle aurait un caractère excessif ou disproportionné au sens de l’article 1152 précité, le montant forfaitaire et plafonné de 10 % du montant du contrat, soit la somme de 186 000 euros, sera retenu à titre de pénalités de retard.

Par conséquent, ajoutant au jugement, la cour appliquera le montant de la pénalité prévue au contrat en condamnant solidairement les sociétés DG Construction et Alicote à payer à la société RTE, en plus des dommages-intérêts au titre du préjudice matériel, une indemnité de 186 000 euros pour le préjudice de retard dans l’exécution des prestations.

Cette somme sera assortie des intérêts au taux légal à compter de la présente décision. N’étant pas dus depuis plus d’un an, ces intérêts ne seront pas capitalisés, conformément à l’article 1154 du code civil dans sa version applicable antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016.

En revanche, aucun retard ne peut valablement être imputé au groupement d’entreprises de maîtrise d’oeuvre, de sorte que toute demande au titre des pénalités de retard formée à l’encontre des sociétés DK Architectes et Ordotec sera rejetée.

Enfin, la société RTE sera déboutée de ses demandes à l’encontre de la société Dekra, en ce que le contrôleur technique n’est pas concerné par ces dispositions contractuelles en raison de l’effet relatif des contrats.

Sur l’obligation à la dette

Il résulte des développements précédents que les parties qui ont été déclarées responsables des désordres seront condamnées in solidum à payer à la société RTE les dommages-intérêts tels que déterminés ci-dessus.

S’agissant des deux groupements d’entreprises solidaires, les membres le constituant seront tenus solidairement envers le maître d’ouvrage.

Sur les appels en garantie et la contribution à la dette

Exposé des moyens des parties

La société RTE sollicite la condamnation in solidum des sociétés Dekra Industrial, Ordotec, DK Architectes, Aloris (3I Ingénierie), Axa France Iard, prise en sa qualité d’assureur d’une part de la société DG Construction et, d’autre part, de la société Alicote, à lui payer les sommes de :

498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

186 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de retard ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir.

Elle demande en outre la fixation de sa créance au passif de la société Alicote, au passif de la société Aloris (ex 3I Ingénierie) et au passif de la société DG Construction à une somme se décomposant comme suit :

498 015,39 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel du fait des travaux de remise en état ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

100 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral, économique et d’image ainsi que les intérêts au taux légal à compter du jugement de première instance en date du 15 novembre 2019 et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt à intervenir ;

186 000 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice de retard ainsi que les intérêts au taux légal et la capitalisation des sommes dues à compter de l’arrêt intervenir ;

La société DK Architectes forme un recours en garantie à l’encontre des sociétés Dekra, Axa France Iard en qualité d’assureur des sociétés Alicote et DG Construction.

La société Ordotec forme un recours en garantie à l’encontre des sociétés Dekra et Axa France Iard en qualité d’assureur de la société Alicote.

La société Dekra forme un recours en garantie à l’encontre des sociétés Ordotec, DK Architectes, Axa France Iard en qualité d’assureur des sociétés Alicote et DG Construction.

La société Axa France Iard, assureur de la société Alicote, ne forme aucun recours en garantie.

La société Axa France Iard, assureur de la société DG Construction, forme un recours en garantie à l’encontre des sociétés Dekra et Ordotec.

Réponse de la cour

Dans leurs relations entre eux, les responsables ne peuvent exercer de recours qu’à proportion de leurs fautes respectives, sur le fondement des dispositions de l’article 1382 ancien du code civil s’agissant des locateurs d’ouvrage non liés contractuellement entre eux, ou de l’article 1147 ancien du code civil s’ils sont contractuellement liés.

Un codébiteur tenu in solidum, qui a exécuté l’entière obligation, ne peut donc, comme le codébiteur solidaire, répéter contre les autres débiteurs que les parts et portions de chacun d’eux.

Enfin, il résulte des dispositions de l’article L. 124-3 du code des assurances que le tiers lésé dispose d’un droit d’action directe à l’encontre de l’assureur garantissant la responsabilité civile de la personne responsable.

En l’espèce, dès lors que chacune des fautes respectives des co-auteurs a concouru à causer l’entier dommage et eu égard aux procédures de liquidation judiciaire concernant les sociétés Aliote et DG Construction et aux conséquences imposées par l’article L. 622-22 du code de commerce qui dispose que l’instance ne peut tendre qu’à la détermination de l’existence de la créance et à la fixation de son montant, impliquant une déclaration de créance et la mise en cause de l’organe représentant l’intérêt collectif des créanciers, ce qui a valablement été accompli, il conviendra de :

Condamner in solidum les sociétés suivantes à payer à la société RTE la somme de 498 015,39 euros au titre du préjudice matériel :

– la société Dekra,

– les sociétés DK Architectes et Ordotec, tenues solidairement,

– la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société DG Construction et la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur la société Alicote, tenues solidairement ;

Condamner solidairement les sociétés suivantes à payer à la société RTE la somme de 186 000 euros au titre de la pénalité de retard :

– la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société DG Construction,

– la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société Alicote ;

Fixer la créance de la société RTE à l’encontre de la société DG Construction à la somme de 684’015,39 euros (498 015,39 + 186 000) ;

Fixer la créance de la société RTE à l’encontre de la société Alicote à la somme de 684’015,39 euros (498 015,39 + 186 000) ;

Dire que les condamnations prononcées ci-dessus interviendront in solidum avec les fixations de créances.

Enfin, au regard des éléments qui précèdent, notamment des manquements imputables aux parties condamnées, des recours en garantie exercés entre elles et de l’appréciation de l’expert qui a considéré que les auteurs du dommage s’étaient chacun rendus responsables à parts égales, la cour retient le partage de responsabilités suivant :

– la société DK Architectes et la société Ordotec, tenues solidairement : 1/3,

– la société DG Construction (représentée par son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, et la société Alicote (représentée par son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, tenues solidairement : 1/3,

– la société Dekra : 1/3.

Aussi, dans leurs recours entre elles, les parties sont garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé.

Il convient par conséquent d’infirmer le jugement sur les montants d’indemnisation des préjudices, l’obligation à la dette et la contribution à la dette.

Enfin, en l’absence de faute reprochée par la société RTE à la société Aloris et en l’absence de recours en garantie à son encontre, aucune condamnation ni fixation de créance ne sera prononcée contre elle.

Sur la demande de fixation de créance à l’encontre de la société DG Construction

Exposé des moyens des parties

La société RTE sollicite la fixation d’une créance à hauteur de 874 973 euros à l’encontre de la société DG Construction au titre d’une facture du 10 septembre 2012 correspondant à des pénalités de retard, outre une créance à hauteur de 4 000 euros au titre d’une facture du 20 décembre 2011 correspondant à des pénalités pour manquement aux règles de sécurité.

Réponse de la cour

Il résulte de l’article 1134 du code civil, dans sa version applicable antérieurement à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016, que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits et qu’ils doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.

En outre, toute créance, pour être valablement recouvrée, doit être certaine, liquide et exigible.

Enfin, par application combinée des articles 9 du code de procédure civile et 1315 du code civil, également dans sa version précitée, il appartient à celui qui réclame l’exécution d’une obligation de la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation.

En l’espèce, la cour relève que, dans la mesure où ces factures ne sont pas la conséquence du sinistre, l’expert a considéré, à juste titre, qu’il n’avait pas à en tenir compte dans le calcul des conséquences dommageables du sinistre.

S’agissant de la première facture de 4 000 euros, il est observé que la facture émise par la société RTE sous la référence 2011/0220 du 20 décembre 2011 mentionne exclusivement le motif de facturation suivant : ‘Manquements aux règles de sécurité commande 4500396884″ mais ne précise pas leur nature, ni leur nombre, ni le montant de la pénalité y afférente, ni les dates auxquelles ils sont survenus, de sorte que c’est à bon droit que le tribunal n’a pas retenu que ce montant de 4 000 euros HT correspondait au montant des pénalités infligées pour manquements aux règles de sécurité.

Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande fondée sur cette facture.

S’agissant de la seconde facture de 874 973 euros HT émise par la société RTE, le tribunal a justement constaté qu’elle mentionne exclusivement le motif de facturation suivant : ‘Pénalités de retard ‘ Construction du siège GETNO ; Clo-couvert : Gros ‘uvre (LOT 3), Charpente (LOT 4), Bardage couverture (LOT 5), Menuiserie extérieures (LOT 6) ‘ N° Commande : 4500396881″, mais ne précise ni le lieu, ni le ou les montants de base sur lesquels s’appliquaient les pénalités, ni les dates de début et de fin des retards motivant leur application, ni le pourcentage applicable au montant de base pour leur calcul, ni le montant des pénalités par jour de retard.

Le tribunal a ainsi exactement déduit de ses constatations et énonciations que la société RTE devait être déboutée de sa demande de fixation de créance, dès lors que l’émission d’une facture est impropre à justifier à elle seule une créance dont il est demandé le paiement.

Sur les demandes accessoires

Le sens du présent arrêt conduit à infirmer le jugement sur les dépens et l’application qui y a été faite des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

La société Dekra, les sociétés DK Architectes et Ordotec (tenues solidairement), Me [K] [S], ès qualités de liquidateur de la société DG Construction, assurée auprès de la compagnie Axa France Iard, Me [N] [D], ès qualités de liquidateur de la société Alicote, assurée auprès de la compagnie Axa France Iard (tenues solidairement), parties perdantes, doivent être condamnée in solidum aux dépens qui comprendront les frais d’expertise, ainsi qu’à payer à la société RTE la somme de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile.

Dans leurs recours entre elles, les parties sont garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité fixé comme suit :

– la société DK Architectes et la société Ordotec, tenues solidairement : 1/3,

– la société DG Construction (représentée par son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, et la société Alicote (représentée par son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, tenues solidairement : 1/3,

– la société Dekra : 1/3.

Il est ici précisé que la créance de dépens et des frais résultant de l’application de l’article 700 du code de procédure civile prononcée à l’encontre des sociétés DG Construction et Alicote trouve son origine dans la décision qui statue sur ces frais et dépens et entre, dès lors, dans les prévisions de l’article L. 622-17 du code de commerce, puisque cette décision est postérieure au jugement d’ouverture de la procédure collective, et bénéficie ainsi du traitement préférentiel.

Le sens du présent arrêt conduit à rejeter les autres demandes formées sur le fondement de l’article 700 précité.

Enfin, l’arrêt n’étant pas susceptible d’une voie ordinaire de recours est exécutoire de droit. La demande de l’appelant tenant à ce que l’exécution provisoire soit ordonnée est donc sans objet.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Confirme le jugement en ce qu’il :

– Dit que la société Axa France Iard n’apporte pas la preuve que ‘les travaux litigieux sont de technique non courante’ ;

– Dit que les garanties de la société Axa France Iard, assureur de DG Construction, peuvent être mobilisées ;

– Déboute la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande de fixer une créance au passif de la société DG Construction à la somme de 4 000 euros au titre de la facture n° 2011/0220 ;

– Déboute la société RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande de fixer une créance au passif de la société DG Construction à la somme de 874 973 euros au titre de la facture n° 2012/0207 ;

– Déboute RTE – Réseau de Transport d’Electricité de sa demande à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral, économique et d’image ;

Infirme le jugement pour le surplus ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare recevable la demande formée par la société RTE au titre du préjudice de retard ;

Dit que la société Axa France Iard, assureur de la société Alicote, doit sa garantie ;

Condamne in solidum les sociétés suivantes à payer à la société RTE la somme de 498 015,39 euros au titre du préjudice matériel :

– la société Dekra Industrial,

– les sociétés DK Architectes et Ordotec Ingénierie, tenues solidairement,

– la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société DG Construction et la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société Alicote, tenues solidairement ;

Dit que cette somme portera intérêts au taux légal à compter du jugement du 15 novembre 2019 et que les intérêts seront capitalisés à compter de la présente décision ;

Condamne solidairement les sociétés suivantes à payer à la société RTE la somme de 186 000 euros au titre de la pénalité de retard :

– la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société DG Construction,

– la société Axa France Iard, en sa qualité d’assureur de la société Alicote ;

Fixe la créance de la société RTE à l’encontre de la société DG Construction à la somme de 684’015,39 euros ;

Fixe la créance de la société RTE à l’encontre de la société Alicote à la somme de 684’015,39 euros ;

Dit que les condamnations prononcées ci-dessus interviendront in solidum avec les fixations de créances ;

Dit que dans les rapports entre co-obligés, le partage de responsabilité s’effectuera de la manière suivante :

– la société DK Architectes et la société Ordotec Ingénierie, tenues solidairement : 1/3,

– la société DG Construction (prise en la personne de son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, et la société Alicote (prise en la personne de son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, tenues solidairement : 1/3,

– la société Dekra Industrial : 1/3 ;

Dit que dans leurs recours entre elles, les parties sont garanties des condamnations prononcées à leur encontre à proportion du partage de responsabilité ainsi fixé ;

Déboute la société RTE de toute demande à l’encontre de la société Aloris et de ses mandataires judiciaires ;

Condamne in solidum les sociétés suivantes aux dépens qui comprendront les frais d’expertise, ainsi qu’à payer à la société RTE la somme de 20 000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile :

– la société Dekra Industrial,

– les sociétés DK Architectes et Ordotec Ingénierie (tenues solidairement en leur qualité de membres d’un groupement solidaire),

– Me [K] [S], ès qualités de liquidateur de la société DG Construction, assurée auprès de la compagnie Axa France Iard, et Me [N] [D], ès qualités de liquidateur de la société Alicote, assurée auprès de la compagnie Axa France Iard (tenues solidairement en leur qualité de membres d’un groupement solidaire) ;

Dit que la charge finale des dépens et des frais irrépétibles sera répartie entre les parties succombantes au prorata des responsabilités retenues, ainsi qu’il suit :

– la société DK Architectes et la société Ordotec Ingénierie, tenues solidairement : 1/3,

– la société DG Construction (prise en la personne de son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, et la société Alicote (prise en la personne de son mandataire liquidateur), assurée auprès de la société Axa France Iard, tenues solidairement : 1/3,

– la société Dekra Industrial : 1/3 ;

Rejette les autres demandes formées sur le fondement de l’article 700 précité.

La greffière, La Conseillère faisant fonction de Président,

 


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