N° 497
SE
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délivrée à :
– Me Mikou,
Le 14.12.2022.
Copie authentique délivrée à :
– Me Tauniua Céran J,
le 14.12.2022.
REPUBLIQUE FRANCAISE
COUR D’APPEL DE PAPEETE
Chambre Commerciale
Audience du 8 décembre 2022
RG 20/00407 ;
Décision déférée à la Cour : jugement n° 2020/176, rg n° 2019 000778 du Tribunal Mixte de Commerce de Papeete du 27 novembre 2020 ;
Sur appel formé par requête déposée et enregistrée au greffe de la Cour d’appel le 28 décembre 2020 ;
Appelante :
Mme [B] [C] [L], née le 19 avril 1990 à [Localité 2], de nationalité française, commerçante à l’enseigne commerciale ‘Dans la cuisine de [B]’ immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° Tpi 14860 A, inscrite au répertoire territorial des entreprises au n° Tahiti 931535, demeurant à [Adresse 3] ;
Représentée par Me Tauniua CERAN-JERUSALEMY, avocat au barreau de Papeete ;
Intimée :
La Sarl Drole de Zèbre (2DZ),société à responsabilité limitée au capital de 100.000 FCP immatriculée au Rcs de Papeete sous le n° 18 106 B, n° Tahiti C75369,dont le siège social est sis à [Adresse 1], prise en la personne de son gérant, M. [F] [I] ;
Ayant pour avocat la Selarl Mikou, représentée par Me Mourad MIKOU, avocat au barreau de Papeete ;
Ordonnance de clôture du 22 août 2022 ;
Composition de la Cour :
La cause a été débattue et plaidée en audience publique du 27 octobre 2022, devant M. SEKKAKI, conseiller faisant fonction de premier président, Mme SZKLARZ, conseiller, Mme TEHEIURA, magistrat honoraire de l’ordre judiciaire aux fins d’exercer à la cour d’appel de Papeete en qualité d’assesseur dans une formation collégiale, qui ont délibéré conformément à la loi ;
Greffier lors des débats : Mme SUHAS-TEVERO ;
Arrêt contradictoire ;
Prononcé par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 264 du code de procédure civile de Polynésie française ;
Signé par M. SEKKAKI, président et par Mme SUHAS-TEVERO, greffier, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
A R R E T,
EXPOSE DU LITIGE :
Faits :
Par acte sous seing privé en date du 1er juin 2018, la SARL DROLE DE ZEBRE (2DZ), ci-après dénommée « la SARL » et Madame [B] [C] [L], exerçant à l’enseigne commerciale « Dans la cuisine de [B] », ont conclu un contrat dit de « gestion de carrière », Madame [L] confiant la gestion de ses activités professionnelles et la défense de ses intérêts professionnels à la SARL.
Procédure :
Par requête enregistrée au greffe le 11 juillet 2019, Madame [L] a saisi le tribunal mixte de commerce de Papeete pour lui demander la condamnation de la SARL :
– A lui payer la somme de 377 000 F CFP au titre de sa rémunération
– A lui payer la somme de 11 000 000 F CFP à titre de dommages et intérêts,
– A lui rendre compte de la comptabilité tenue, conformément à l’article 3.3 du contrat de gestion de carrière, sous astreinte de 5000 F CFP par jour de retard,
– A lui payer la somme de 300 000 F CFP au titre des frais irrépétibles.
Par jugement n° RG 2019/000778 en date du 27 novembre 2020, le tribunal mixte de commerce de Papeete a :
– Condamné la SARL à payer à Madame [L] la somme de 371 500 F CFP au titre de l’indemnité forfaitaire de responsabilité,
– Condamné Madame [L] à payer à la SARL la somme de 1 142 000 F CFP au titre de la rémunération due après la fin de la convention sur les sommes versées en application de contrats conclus avant la fin de la convention,
– Débouté les parties de leurs plus amples demandes,
– Laissé à chaque partie la charge de ses dépens.
Le tribunal a jugé en premier lieu que le cumul de défaillances de la SARL dans l’exécution du contrat, leur caractère répété, sont constitutifs de faute, lesquelles ont justifié la résiliation unilatérale du contrat.
Il a fait application de l’article 7 de la convention pour écarter d’une part les demandes ayant trait aux préjudices moraux, économiques et commerciaux, et ne retenir que la responsabilité de la SARL à hauteur de la somme de 371 500 F CFP correspondant à la rémunération perçue par celle-ci au titre de la convention au cours de ses 6 mois d’effectivité.
Il a considéré par ailleurs que la SARL avait suffisamment rendu compte de l’exécution du contrat, la reddition des comptes entre les parties par le courriel du 7 février 2020 répondant parfaitement au standard de cet exercice.
Enfin, il a jugé que la SARL reconnu responsable de fautes ne pouvait demander réparation de ses préjudices moraux, économiques et d’images, mais pouvait sur le fondement de l’article 6.2 du contrat, non paralysée par l’article 7 qui ne prévoit pas la mise en cause de la responsabilité de la SARL, percevoir les rémunérations dues sur les contrats obtenus au cours de l’année précédant la rupture.
Madame [L] a relevé appel de ce jugement par requête enregistrée au greffe le 28 décembre 2020.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 21 février 2012, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 24 mars 2022.
A l’issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 28 avril 2022 par mise à disposition au greffe.
Par arrêt avant-dire droit en date du 28 avril 2022, la cour d’appel de Papeete a :
– Révoqué l’ordonnance de clôture,
– Fait injonction à Madame [B] [C] [L] de faire assigner Monsieur [F] [I] dans les plus brefs délais afin que l’intéressé puisse constituer avocat le cas échéant avant la prochaine audience,
– Renvoyé l’affaire à la mise en état du lundi 20 juin 2022 à 8h30, audience physique,
– Réservé la décision sur les frais et dépens.
Monsieur [F] [I] a été assigné à sa personne le 2 juin 2022 à la demande de Madame [B] [L].
L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 août 2012, et l’affaire fixée à l’audience de plaidoirie du 27 octobre 2022.
A l’issue de celle-ci, les parties ont été informées que la décision, mise en délibéré, serait rendue le 8 décembre 2022 par mise à disposition au greffe.
Prétentions et moyens des parties :
Madame [L], appelante, demande à la Cour par dernières conclusions régulièrement transmises le 17 septembre 2021, de :
-Confirmer le jugement dont appel en ce qu’il a retenu la faute grave de la SARL et en ce que cette faute justifie la résiliation par Madame [L] du contrat de gestion de carrière en date du 1er juin 2018,
– Infirmer le jugement pour le surplus,
– Dire et juger que la résiliation du contrat de gestion de carrière en date du 1er juin 2018 est intervenue à compter du 15 novembre 2018,
– Dire et juger abusive la clause prévue à l’article 7 du contrat qui stipule l’exclusion à réparation des dommages immatériels et des dommages indirects de Madame [L] ainsi que la stipulation d’une limitation de responsabilité en ce qui concerne les dommages matériels,
– Les déclarer en conséquence réputées non écrites,
– Dire et juger inopposable à Madame [L] la création de la société L2F MEDIAS par Monsieur [F] [I],
– Condamner in solidum la SARL et Monsieur [F] [I] à verser à Madame [L] la somme de 377 010 F CFP au titre de sa rémunération,
– Condamner in solidum la SARL et Monsieur [F] [I] à verser à Madame [L] la somme de 11 000 000 F CFP à titre de dommages et intérêts,
– Enjoindre la SARL et Monsieur [F] [I] à rendre compte conformément à l’article 3.3 du contrat de gestion de carrière et ce, sous astreinte de 5000 F CFP par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
– Condamner in solidum la SARL et Monsieur [F] [I] à verser à Madame [L] la somme de 500 000 F CFP au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
– Les condamner de même in solidum aux entiers dépens.
La SARL, intimée et appelante incidente, et Monsieur [F] [I], intimé, par dernières conclusions régulièrement transmises le 19 août 2022 demandent à la Cour de :
– Infirmer le jugement déféré sauf en ce qu’il a :
o Condamné Madame [L] à payer à la SARL la somme de 1 142 000 F CFP par application de l’article 6.2 du contrat de gestion de carrière,
o Débouté Madame [L] de sa demande de reddition de compte,
o Fait application de la clause limitative de responsabilité stipulée dans le contrat de gestion de carrière du 1er juin 2018 (article 7 du contrat),
Statuant à nouveau,
– Rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions de Madame [L],
– Condamner Madame [L] à verser à la SARL la somme de 262 500 F CFP en réparation de son préjudice économique,
– Condamner Madame [L] à verser à la SARL la somme de 1 500 000 F CFP en réparation de son préjudice d’image,
– Condamner Madame [L] à verser à la SARL la somme de 2 000 000 F CFP en réparation de son préjudice moral,
– Condamner Madame [L] à verser à la SARL la somme de 550 000 F CFP au titre des frais irrépétibles de première instance et la somme de 650 000 F CFP au titre des frais irrépétibles d’appel, ainsi qu’aux entiers dépens.
Sur la mise en cause de Monsieur [F] [I] en cause d’appel,
– Condamner Madame [B] [L] à verser à Monsieur [F] [I] la somme de 500 000 F CFP à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
– Condamner Madame [B] [L] à verser à Monsieur [F] [I] la somme de 150 000 F CFP à titre de frais irrépétibles, ainsi qu’aux entiers dépens.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause, des procédures, des prétentions et moyens dont la Cour est saisie, il est renvoyé à la décision déférée et aux dernières conclusions d’appel des parties.
L’exposé des moyens des parties, tel que requis par les dispositions de l’article 268 du code de procédure civile de la Polynésie française, sera renvoyé à la motivation ci-après à l’effet d’y répondre.
MOTIFS DE LA DECISION :
La cour rappelle, à titre liminaire, qu’elle n’est pas tenue de statuer sur les demandes de » constatations » ou à » dire et juger » qui ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions, en ce qu’elles ne sont pas susceptibles d’emporter des conséquences juridiques, mais uniquement des moyens.
1. Sur la responsabilité contractuelle de la SARL et les demandes indemnitaires :
Madame [L] met en avant des fautes contractuelles nombreuses et graves justifiant la résiliation unilatérale du contrat. Elle énumère sur les 6 mois de relations contractuelles, 8 comportements fautifs : des réponses tardives à ses sollicitations, des courriels adressés aux mauvais destinataires violant la confidentialité des échanges, l’absence de la SARL censée la représenter lors de rendez-vous client, l’absence de signature de contrat et des prestations non payées pour 7 projets, un solde de tout compte non réclamé auprès d’un précédent client, des retards de règlement, la non-réservation d’un billet d’avion, le comportement du gérant qui a usé de la notoriété de Madame [L] pour son propre bénéfice et créé une société similaire pour y attirer la clientèle de la SARL.
Elle demande confirmation de la décision du tribunal, mais souhaite que la résiliation du contrat soit fixée au 15 novembre 2018 et non 2019.
La SARL expose que le tribunal a méconnu les dispositions de l’article 7 du contrat liant les parties qui exclut tout obligation de résultat, mais uniquement une obligation de moyens. Sur les manquements allégués, elle fait valoir ainsi que :
– elle a rendu compte à Madame [L] chaque semaine des actions menées et projets à développer, elle a remis une copie de chaque contrat à celle-ci, elle a été informée de la réception des fonds et payée par la suite, la SARL avançant même sur fonds propres le règlement des factures émises,
– elle a bien relancé les clients qui ne payaient pas les factures émises et en justifie,
– les retards allégués de réponse aux sollicitations des clients ont été limités à 7 jours,
– Elle a sollicité l’établissement de crédit dès que Madame [L] l’a mise en contact avec celui-ci,
– l’erreur d’adressage de courriel n’est arrivé qu’une fois,
– il a assisté à tous les rendez-vous client, n’en manquant qu’un seul avec l’enseigne CHAMPION après avoir proposé plusieurs autres dates et alors que Madame [L] a accepté de l’assurer seule pour ne pas le différer, le second rendez-vous étant un live facebook et non un rendez-vous client,
– sur les projets non concrétisés, elle souligne soit qu’ils ont été concrétisés, soit qu’ils ne l’ont pas été à l’initiative de Madame [L], soit que leur non survenue n’est pas liée à son inaction, ayant satisfait à son obligation de moyens,
– sur la non réclamation d’un solde de tout compte, elle fait valoir que les prestations au profit de Radio 1 ont été effectuées avant la conclusion du contrat, de sorte qu’étant étrangère à leur relation elle n’était pas tenue d’intervenir,
– sur le billet d’avion non obtenu, elle fait valoir que sa gratuité a été refusée par ATN qui aurait dû le budgéter en début d’année, soit avant la signature du contrat entre la SARL et Madame [L],
– le travail de Monsieur [I] s’assoit sur ses seules compétences, sans qu’il ait besoin de la notoriété de Madame [L], et sur 30 années d’expérience professionnelle dans le milieu des médias.
Sur ce :
S’il résulte de les articles 1134 et suivants du code civil dans leur numérotation et rédaction applicables en Polynésie française que les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites, doivent être exécutées de bonne foi et qu’il ne peut y être mis fin que dans les conditions et formes prévues contractuellement, la gravité du comportement d’une partie peut toujours justifier que l’autre partie y mette fin de façon unilatérale à ses risques et périls, sans avoir à justifier de l’accomplissement des formalités de résiliation prévues au contrat.
En l’espèce, le contrat de gestion de carrière en date du 1er juin 2018 conclut entre la SARL, désigné « le manager », et Madame [B] [L] prévoyait au titre de l’article 3 « obligations du manager » :
« 3.1 Pour l’exécution de ses missions, le MANAGER disposera d’une entière liberté d’exécution, étant toutefois précisé que le REPRESENTE sera régulièrement tenu informé dans la mesure du possible de l’activité déployée par le MANAGER pour son compte.
3.2 Le MANAGER aura toute latitude pour représenter le REPRESENTE mais devra cependant requérir son accord préalable avant de conclure un contrat pour son compte.
3.3 Le MANAGER devra tenir une comptabilité précise des paiements et mouvements de fonds relatifs à l’activité professionnelle du REPRESENTE et lui rendre compte à sa demande. En tout état de cause, le MANAGER s’engage à rendre compte de son activité au REPRESENTE au moins une fois par an sous la forme d’un exposé oral d’information étant précisé qu’un rapport écrit pourra être fourni au REPRESENTE sur demande écrite de sa part.
3.4 Le MANAGER s’engage à ne rien faire qui pourrait nuire au REPRESENTE. »
Le Contrat précise par ailleurs en son article 7 « Responsabilité » :
« Le MANAGER s’engage à exécuter ses missions au titre de la présente Convention avec ses meilleurs efforts et en y consacrant ses meilleurs soins.
Cependant, il est expressément convenu entre les PARTIES que le MANAGER ne pourra jamais être tenu à une quelconque obligation de résultat envers le REPRESENTE. »
Madame [L] détaille une multitude de fautes graves qu’il convient d’examiner.
1°) Sur les réponses tardives, elle fait reproche à Monsieur [I], destinataire d’une prestation de la société EICO le 10 août 2018, et alors que Madame [L] lui avait communiqué son devis dès le 13 août 2018, de ne pas avoir répondu avant la relance du 21 août 2018 alors que la prestation portait sur un évènement du 25 août 2018. Pour autant, la SARL a bien répondu après cette relance et ce retard n’a eu aucune conséquence, de sorte que le manquement à ses obligations par la SARL n’est pas caractérisé.
Elle reproche par ailleurs à la SARL de ne pas avoir contacté son chargé de compté bancaire, alors qu’elle avait elle-même précisé à ce chargé de compte par courriel du 25 juin 2018 que la SARL prendrait contact avec la banque, laquelle par courriel du 14 août 2018 adressait une relance en ce sens. Pour autant, la lecture des propres courriels fournis par Madame [L] (pièce n°3 de l’appelante), permet de constater qu’elle n’apporte pas la preuve de ce qu’elle a demandé à la SARL de satisfaire à l’engagement qu’elle avait pris pour elle auprès de la banque, la SARL, dès qu’elle a été destinataire en copie du courriel de Madame [L] a accompli des diligences 2 jours plus tard, soit le 16 août 2018. Aucun manquement à ses obligations contractuelles ne peut lui être reproché.
2°) Madame [L] fait état d’une erreur d’adressage et fournit pour cela un échange de courriels du 17 juillet 2018 (pièce n°4 de l’appelante). Or la lecture de ces courriels permet de constater que les informations échangées sont limitées, et Madame [L] ne justifie en rien de ce que l’erreur d’adressage aurait pu avoir des conséquences quelconques, ni d’aucune autre information permettant à la cour de juger que cette erreur ponctuelle caractériserait une faute grave de la SARL.
3°) Sur la représentation déficiente lors de rendez-vous client, Madame [L] fournit deux échanges de courriels (pièce n° 5 et 6 de l’appelante), lesquels font état d’une proposition de rendez-vous pour le premier, et d’une proposition d’échange téléphonique plutôt qu’en présentiel de la SARL avant un évènement. En tout état de cause Madame [L] ne détaille que par des allégations, non prouvées, l’importance des rendez-vous manqués, du reste limité à 2, sans permettre à la cour d’y trouver le caractère de faute grave allégué.
4°) Sur les 7 projets n’ayant pas abouti, la cour note dans les conclusions de Madame [L] qu’elle fait reproche, pour chacun de ces projets, sous couvert de ne pas avoir mis en ‘uvre les moyens pour qu’ils puissent s’engager, non l’obligation de moyen à laquelle la SARL était tenue, mais une obligation de résultat. La circonstance qu’elle ait eu des relations contractuelles avant ou après ses relations avec la SARL avec ces mêmes clients ne saurait démontrer que la SARL a manqué à ses obligations.
Ainsi, pour les projets Brapack, cours de cuisine pour touristes, Polynésie première, « Le meilleur Pâtissier » en Polynésie française, Madame [L] se contente d’expliquer qu’elle a pu facilement convaincre ces clients pour souligner en creux l’inertie supposée de la SARL auparavant. Cependant, elle ne démontre pas en quoi, en 2018, les projets auraient pu être recherchés par la SARL, ni en quoi cette dernière se serait abstenu de mettre en ‘uvre son obligation de moyen en la matière, alors même que les pièces versées par la SARL démontrent que pendant la période contractuelle, elle a permis de nombreuses activités ayant procuré un revenu mensuel conséquent à Mme [L], démontrant par là même l’exécution de ses obligations de recherche, négociation et conclusion de contrats conformément à l’article 2.1 du contrat. Il n’en résulte aucune faute de la SARL.
Pour les autres projets, Madame [L] procède par allégations desquelles il résulte au demeurant qu’elle attendait de la SARL une obligation de résultat qui ne résulte pas du contrat conclu entre elles. Au contraire, l’ensemble des pièces versées montre les diligences et négociations accomplies par la SARL. Aucun manquement ne peut être relevé.
5°) Sur le solde de tout compte non réclamé à un précédent client, Madame [L] produit un courriel de 16 juillet 2018 (pièce n°12 de l’appelante) dans lequel elle fait part des prestations qu’elle vient de facturer et informe la SARL de ce que Radio 1 lui doit : » les factures du mois de JUIN et JUILLET » pour sa prestation d’émission radio car ils ont utilisé ses rediffusions, et les commissions de TNTV par sa prestation d’émission TV. Ces dernières correspondent à des prestations dont la date n’est pas précisée. La SARL répond le jour même avoir transmis, après avoir déjà été sollicité par courriel le 2 juillet 2018 par Madame [L]. Un retard de 15 jours dans le traitement d’une demande pour réclamé des sommes, dont la date à laquelle elles étaient dues n’est pas précisée, ne caractérise pas suffisamment une faute, ni sa particulière gravité.
6°) Sur les retards de règlement, Madame [L] fournit une série de courriels échangés avec la SARL entre le 8 juin 2018 et le 13 juillet 2018 (pièce n°13 de l’appelante) qui ne permet ni d’identifier les règlements concernés, ni le délai de recouvrement, ni d’imputer à la SARL les retards, de sorte qu’aucune faute ne peut être relevée.
7°) Madame [L] souligne l’amateurisme de la SARL pour ne pas avoir sollicité la compagnie ATN pour un sponsoring pour plusieurs billets dès lors que cette compagnie budgétise des billets d’avion en début d’année, les courriels d’ATN en date des 16 octobre 2018 montrant qu’il s’y prenait tardivement (pièce n°15 de l’appelante). Pour autant, le contrat liant Madame [L] à la SARL ayant été conclu le 1er juin 2018, il n’est pas démontré qu’à cette date la SARL aurait pu y remédier, dès lors que la société ATN évoque le début d’année. Aucun manquement n’est donc caractérisé.
8°) Sur le comportement du gérant de la SARL, Madame [L] entreprend de démontrer que Monsieur [I], gérant de la SARL a transféré illégalement la clientèle de cette société vers la société L2F MEDIAS. Cependant, le contrat signé entre Madame [L] et la SARL ne s’opposait pas à une autre activité du gérant, pas plus qu’à la création d’une autre société, et faute pour Madame [L] de démontrer en quoi les autres activités du gérant ont eu un quelconque effet sur leur relation contractuelle, toute faute doit être écartée.
Par ailleurs, l’examen par la cour de l’ensemble des documents fournis par les parties ne lui a pas permis de retrouver dans le comportement de la SARL, un manquement grave à ses obligations contractuelles et les griefs ci-dessus vérifiés ne sont constitutifs de faute grave ni pris séparément, ni pris ensemble, de sorte que c’est à tort que la responsa-bilité de la SARL a été retenue pour justifier la résiliation unilatérale de Madame [L], laquelle est intervenue en violation du contrat.
Par conséquent, les demandes indemnitaires fondées sur ces griefs, non constitués, doivent être rejetées dans leur globalité, tout comme la mise en cause de Monsieur [I] qui n’a commis aucune faute susceptible d’engager sa responsabilité.
Le jugement sera donc infirmé et Madame [L] sera déboutée de l’intégralité de ses demandes indemnitaires.
Par ailleurs, les demandes tendant à voir les clauses de limitation de l’indemnisation due déclarée non écrite sont sans objet dès lors que l’indemnisation n’est pas due et Madame [L] en sera déboutée.
Ensuite, la demande de voir la création de la société L2F MEDIAS inopposable à Madame [L] n’est pas fondée, Madame [L] ne démontrant pas, autrement que par des généralités et des allégations non prouvées, en quoi cette société a été fondée en fraude de ses droits. Elle sera déboutée de cette demande.
2. Sur le remboursement de la rémunération et l’obligation de rendre compte :
Madame [L] affirme que la SARL est tenue de lui rembourser la somme de 418 900 F CFP déduite de 10% représentant la rémunération de celle-ci. Elle affirme également qu’aux termes du contrat en litige, la SARL est tenue de tenir une comptabilité et de rendre compte, et elle demande qu’il lui soit fait injonction de le faire.
La SARL affirme que le solde de tout compte adressé le 7 février 2019 réduisait à la somme de 47 400 HT les sommes dues, la SARL restant dans l’attente de la facture de Madame [L] pour procéder à ce règlement. Sur la reddition des comptes, elle affirme avoir fait le nécessaire lors des réunions hebdomadaires et que suite à la résiliation unilatérale, elle a adressé par courriel du 7 février 2019 un décompte final.
Sur ce :
La rémunération de la SARL est réglée à l’article 6 du contrat et prévoit notamment une commission de 10 % sur les sommes perçues par Madame [L], augmentée à 15 % en cas de diligences particulières, outre les frais engagés par la SARL dans le cadre de la mission (déplacement, hébergement, restauration, de production).
Madame [L], pour justifier des sommes lui restant dues, fournit le courriel de la SARL du 7 février 2019 (pièce n°16 de l’appelante) qui fait état de 418 900 F CFP perçues pour le compte de celle-ci au titre de ses prestations. Cependant Madame [L], qui souhaite uniquement qu’y soit retranchée la rémunération de 10%, omet de préciser que le même courriel détaille également les frais engagés, dont elle ne contredit pas la réalité, de sorte que les sommes restant dues par la SARL sont limitées à 47 400 F CFP HT, somme que la cour retient, au contraire du tribunal dont la décision sera infirmée, et que la SARL doit être condamnée à payer en exécution du contrat.
Sur la reddition des comptes, l’article 3.3 du contrat déjà détaillé supra ne prévoit pas de formalisme particulier à cette comptabilité, si ce n’est un exposé oral annuel, outre un compte-rendu à demande. Or le courriel du 7 février 2019 satisfait pleinement à cette obligation. et la demande d’injonction doit donc être rejetée. Le dispositif du jugement comportant un rejet global des demandes ne permettant pas de scinder les prétentions rejetées, il sera infirmé en totalité et la cour statuant à nouveau rejettera la demande d’injonction de reddition des comptes sous astreinte.
3. Sur les demandes dirigées contre Monsieur [I] :
Les demandes souvent mêlées, dirigées par Madame [L] à l’encontre ne trouvent pas plus de fondement que contre la SARL. Par ailleurs aucune des fautes alléguées par celle-ci sur son comportement personnel tendant à détourner une clientèle, n’est caractérisée. Elle sera déboutée de ses demandes à l’encontre de celui-ci.
4. Sur les demandes de la SARL :
La SARL fait valoir que le contrat était conclu pour un an et qu’il ne pouvait être résilié avant son terme, le 31 mai 2019, qu’en cas d’inexécution grave par l’autre partie conformément à l’article 10.2 et selon un formalisme que Madame [L] n’a pas respecté. Elle considère que faute d’avoir été résilié de manière régulière, elle peut engager la responsabilité contractuelle de Madame [L] sur le fondement de l’article 1147 du code civil. Elle demande réparation de son préjudice économique, 262 500 F CFP, correspondant à 10% des revenus mensuels moyens de Madame [L] sur les 5 mois restant, de son préjudice d’image, 1 500 000 F CFP, en ce que la rupture brutale avec les clients a eu une répercussion sur l’image de la SARL et de son préjudice moral, 2 000 000 F CFP, la rupture brutale ayant causé soucis et tracas à la SARL qui a dû gérer avec tact et professionnalisme l’extrême négligence de Madame [L].
Sur ce :
Il résulte de l’article 1147 du code civil que le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.
Il résulte des développements précédents et des stipulations contractuelles que Madame [L] a résilié unilatéralement le contrat alors même qu’aucune cause grave ne le justifiait, ni aucune inexécution grave de la SARL.
En procédant de la sorte, en mettant fin à l’ensemble des engagements pris avec la SARL et les clients que celle-ci lui avait présentés, elle a commis une faute contractuelle.
La SARL justifie suffisamment de ce que cette faute lui a causé un préjudice économique qui peut être évalué aux sommes qu’elle aurait dû percevoir au titre des commissions sur les rémunérations de Madame [L]. Il est constant que pendant la durée de leur collaboration, celle-ci a perçu une somme mensuelle moyenne de 525 000 F CFP, de sorte qu’il convient de l’indemniser à hauteur de 10% de cette somme pour les 5 mois pendant lesquels Madame [L] aurait dû poursuivre sa collaboration, soit la somme globale de 262 500 F CFP. Le jugement sera infirmé et Madame [L] sera condamnée à payer cette somme à la SARL.
Sur la préjudice d’image et la préjudice d’image, les pièces versées par la SARL viennent contredire l’existence d’un tel préjudice puisqu’il ressort du seul courriel versé prouvant les conséquences de la rupture pour la société (pièce D de l’intimée), qu’il a été fait la part entre le comportement de Madame [L] à l’origine de la rupture brutale de son engagement, et la réputation de la SARL et de son gérant, de sorte que les préjudices ne sont pas établis, la SARL ne justifiant pas par des preuves autres les éventuels tracas ou soucis, ni des démarches qu’elle a dû effectuer et qui l’aurait atteinte en lui causant un préjudice moral. Elle sera déboutée de ses demandes à ce titre.
5. Sur la demande de versement de la rémunération de la SARL :
Madame [L] fait reproche au premier juge de l’avoir condamnée à payer la somme de 1 142 000 F CFP pour 4 contrats (TNTV, SIPAC, SAGES et EICO) conclus postérieurement à la fin des relations contractuelles, soit en 2019.
La SARL fait valoir que sur les 4 contrats :
– le contrat TNTV a été signé avant le 31 décembre 2018 ce qui résulte d’un aveu judiciaire de Madame [L],
– le contrat SAGES résulte d’un devis en date du 28 décembre 2018,
– le contrat EICO résulte d’un devis du 17 décembre 2018.
Elle demande donc que soit appliqué l’article 6.2 du contrat et qu’elle puisse percevoir la commission prévue.
Sur ce :
L’article 6.2 du contrat du 1er juin 2018 prévoit que la SARL continuera à percevoir sa rémunération après la fin de la Convention sur toutes les sommes qui seront versées en application de contrats conclus avant la fin de la Convention et ce pendant les 12 mois qui suivront la fin de ladite convention.
Il résulte des écritures des parties et du message de Monsieur [I] reproduit par Madame [L] dans ses écritures que le jeudi 15 novembre 2018 les relations contractuelles ont pris fin entre les parties à l’initiative de Madame [L]. En revanche, la cour n’a retrouvé dans aucune des pièces versées par les parties la mention de ce que cette relation contractuelle devait se poursuivre jusqu’au 31 décembre 2018.
Par conséquent, les contrats conclus par Madame [L] postérieurement à cette date ne peuvent donner lieu à paiement d’une prestation en exécution du contrat, car si la résiliation unilatérale est fautive et a pu donner lieu à indemnisation des préjudices subis, la SARL précise dans ses écritures qu’elle n’en demande pas l’exécution forcée, mais entend uniquement faire application des dispositions de l’article 1147 du code civil pour être indemnisée.
Il convient par conséquent d’infirmer le jugement et de débouter la SARL de ses demandes à ce titre.
6. Sur les frais et dépens :
Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de chacune des parties les sommes exposées par elle et non comprises dans les dépens, il convient par conséquent de confirmer la décision du tribunal sur ce point et de débouter les parties de leurs demandes en appel au titre de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française.
Le tribunal a justement laissé à chacune des parties la charge de ses propres dépens, et la décision en ce sens sera confirmée, chaque partie supportant ses dépens d’appel.
PAR CES MOTIFS,
La Cour, statuant par mise à disposition, publiquement, contradictoirement, en matière commerciale et en dernier ressort ;
INFIRME le jugement n° RG 2019/000778 en date du 27 novembre 2020 du tribunal mixte de commerce de Papeete SAUF en ce qu’il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 407 du code de procédure civile et laissé à chaque partie la charge de ses dépens,
Statuant à nouveau de ces chefs infirmés,
DEBOUTE Madame [B] [L] de ses demandes indemnitaires,
DEBOUTE Madame [B] [L] de sa demande tendant à voir les clauses de limitation de responsabilité du contrat du 1er juin 2018 déclarées non écrite,
DEBOUTE Madame [B] [L] de sa demande tendant à ce que la création de la société L2F MEDIAS lui soit inopposable,
DEBOUTE Madame [B] [L] de sa demande d’injonction à la SARL DROLE DE ZEBRE à rendre compte conformément à l’article 3.3 du contrat de gestion de carrière et ce, sous astreinte de 5 000 F CFP par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir,
CONDAMNE la SARL DROLE DE ZEBRE à verser à Madame [B] [L] la somme de 47 400 F CFP HT (quarante-sept mille quatre cents francs pacifique hors taxes) due au titre de sa rémunération en exécution du contrat du 1er juin 2018,
DEBOUTE Madame [B] [L] de l’ensemble de ses demandes dirigées contre Monsieur [F] [I],
CONDAMNE Madame [B] [L] à payer à la SARL DROLE DE ZEBRE la somme de 262 500 F CFP (deux cent soixante-deux mille cinq cents francs pacifique) en réparation de son préjudice économique,
DEBOUTE la SARL DROLE DE ZEBRE de ses demandes indemnitaires au titre de ses préjudices d’image et moral,
DEBOUTE la SARL DROLE DE ZEBRE de sa demande de condamnation de Madame [B] [L] à lui verser la somme de 1 142 000 F CFP au titre de la rémunération due après la fin de la convention sur les sommes versées en application de contrats conclus avant la fin de la convention,
Y ajoutant,
DEBOUTE les parties de leurs demandes au titre de ses frais d’appel non compris dans les dépens par application de l’article 407 du code de procédure civile de la Polynésie française,
DÉBOUTE les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
LAISSE à chaque partie la charge de ses dépens d’appel.
Prononcé à Papeete, le 8 décembre 2022.
Le Greffier, Le Président,
signé : M. SUHAS-TEVERO signé : K. SEKKAKI