Clause limitative de responsabilité : 23 avril 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 18/05152

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Clause limitative de responsabilité : 23 avril 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 18/05152

COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 56C

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 23 AVRIL 2020

N° RG 18/05152 – N° Portalis DBV3-V-B7C-SQ6U

AFFAIRE :

SAS VDM OUEST

C/

SASU TRIADIS SERVICES

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 07 Juin 2018 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2015F00194

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Julie GOURION,

Me Martine DUPUIS

Me Irène FAUGERAS-CARON

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT TROIS AVRIL DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

SAS VDM OUEST

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Julie GOURION, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 51 – N° du dossier 218612

Représentant : Me Céline DEMAY, Plaidant, avocat au barreau de

APPELANTE

****************

SASU TRIADIS SERVICES

[Adresse 12]

[Localité 6]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1860217

Représentant : Me Arnault BUISSON FIZELLIER de l’AARPI BFPL Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0496 –

SA ALLIANZ I.A.R.D.

[Adresse 1]

[Localité 7]

Représentant : Me Martine DUPUIS de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 625 – N° du dossier 1860217

Représentant : Me Arnault BUISSON FIZELLIER de l’AARPI BFPL Avocats, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0496 –

SASU SIEMENS

[Adresse 3]

[Localité 9]

Représentant : Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 – N° du dossier 180181

Représentant : Me Yann NOTHUMB, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT

Société HDI GLOBAL SE société de droit étranger, venant aux droits de la société HDI-GERLING INDUSTRIE VERSICHERUNG AG, ayant son siège [Adresse 10] (Allemagne)

[Adresse 5]

[Localité 8]

Représentant : Me Irène FAUGERAS-CARON de la SELARL DES DEUX PALAIS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 068 – N° du dossier 180181

Représentant : Me Yann NOTHUMB, Plaidant, avocat au barreau de LORIENT

INTIMEES

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 27 Février 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Mme Véronique MULLER, Conseiller chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Thérèse ANDRIEU, Président,

Madame Florence SOULMAGNON, Conseiller,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

La société Triadis Services (ci-après la société Triadis), assurée par la société Allianz Iard, (ci-après la société Allianz), exploite une unité de stockage, de tri et traitement de déchets à [Localité 11] (35).

Par contrat du 20 juin 2011, la société Triadis a confié à la société Siemens – assurée par la société HDI Global (venant aux droits de la société HDI Gerling Industries) – la maintenance de son système de détection et d’extinction d’incendie. La société Siemens a sous-traité ces prestations à la société CLF Satrem.

Au cours de l’année 2011, la société Triadis a confié à la société Ellitel l’installation d’un système de télétransmission permettant un report d’alarmes vers la société Securitas. La société Ellitel a sous-traité cette installation à la société VDM Ouest qui l’a mise en service le 1° septembre 2011.

Le 4 février 2012, le système d’extinction d’incendie s’est déclenché de manière intempestive, provoquant l’ouverture des vannes du poste de déluge et entraînant le déversement des eaux d’extinction. Le système de télétransmission d’alarmes s’est également révélé défaillant de sorte que le déversement des eaux s’est prolongé durant plus de trois heures, jusqu’à l’intervention du personnel de sécurité du site.

Par ordonnance du 4 septembre 2012, le président du tribunal de commerce de Rennes, saisi par les sociétés Triadis et Allianz, a désigné M.[E] [V] en qualité d’expert.

M. [V] a déposé son rapport le 17 octobre 2014.

Par acte du 12 janvier 2015, les sociétés Triadis et Allianz ont assigné les sociétés VDM Ouest, Siemens et Hdi Gerling, devant le tribunal de commerce de Nanterre aux fins d’obtenir leur condamnation in solidum au paiement de la somme de 593.498,04 euros en réparation des préjudices subis en raison du dysfonctionnement du système de détection et d’extinction d’incendie.

En février 2015, la société Allianz a indemnisé la société Triadis à hauteur d’une somme globale de 464.502 euros. La société Allianz est ainsi partiellement subrogée dans les droits de la société Triadis.

Par jugement avant dire droit du 20 décembre 2016, le tribunal de commerce de Nanterre a invité Monsieur [V] à compléter son rapport, lui donnant pour mission : ‘après avoir entendu les parties sur les conclusions de son rapport, de préciser et expliciter son appréciation des responsabilités respectives des parties dans la survenance du sinistre.’

L’expert a déposé un rapport complémentaire le 28 avril 2017.

Par jugement du 7 juin 2018, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– Dit que la société Triadis Services et son assureur Allianz ont qualité et intérêt à agir,

– Condamné solidairement la société Siemens et son assureur Hdi Global à payer à la société Allianz Iard la somme de 201.020 euros ;

– Condamné la société Vdm Ouest à payer à la société Allianz Iard la somme de 191.559,86 euros ;

– Condamné solidairement la société Siemens et son assureur Hdi Global à payer à la société Allianz Iard la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamné la société VDM Ouest à payer à la société Allianz Iard la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Dit n’y avoir lieu à ordonner l’exécution provisoire ;

– Condamné la société VDM Ouest, d’une part, solidairement les sociétés Siemens et son assureur Hdi Global d’autre part, à supporter chacun la moitié des dépens, en ce compris les frais d’expertise d’un montant de 33.632,40 euros.

Par déclaration du 18 juillet 2018, la société VDM Ouest a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 27 novembre 2019, la société VDM Ouest demande à la cour de :

– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a imputé exclusivement les postes A à la société Siemens,

– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a débouté la société Triadis de sa demande au titre du poste D,

– Réformer la décision entreprise pour le surplus,

– Constater et juger l’absence de faute imputable à la société VDM Ouest en lien de causalité direct avec les désordres et préjudices, objet du litige ;

– Constater et juger qu’il n’est pas démontré un manquement à l’obligation de la société VDM Ouest à l’égard de son co-contractant Elitel ;

– Constater et juger l’absence de faute de la société VDM à l’égard de la société Triadis Services ;

– Prononcer la mise hors de cause pure et simple de la société VDM Ouest au titre des postes B et C ;

A titre infiniment subsidiaire,

– Dire que sa part de responsabilité ne saurait être supérieure à la répartition de responsabilité proposée par l’expert judiciaire ;

– Confirmer la décision entreprise en ce qu’elle a limité à 81.117,70 euros le montant des travaux de reprise (poste C) ;

– Débouter toute autre partie de toute demande, fins ou conclusions contraires ;

– Condamner la société Triadis et son assureur ainsi que toute autre partie succombante au paiement d’une somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance y inclut ceux de la première instance.

– Dire que ceux d’appel pourront être directement recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civil.

Par dernières conclusions notifiées le 5 novembre 2019, les sociétés Triadis Services et Allianz Iard demandent à la cour de :

A titre liminaire,

– Dire que les sociétés Triadis Services et Allianz ont qualité et intérêt à agir et sont recevables comme telles dans leurs actions;

Sur le fond,

– Confirmer le jugement en ce qu’il reconnaît les responsabilités exclusives des sociétés Siemens et VDM Ouest dans les dysfonctionnements de l’installation de déclenchement d’alarme puis de report à la télétransmission de cette alarme ;

– Confirmer le jugement en ce qu’il qualifie de fautes lourdes les carences de la société Siemens de sorte que la clause limitative de responsabilité dont se prévalent les sociétés Siemens et Hdi Gerling sera écartée ;

– Infirmer le jugement en ce qu’il exonère de sa responsabilité de la société Siemens pour le déclenchement intempestif du poste de déluge dont le coût est chiffré à 127.911 euros ;

En conséquence,

– Condamner in solidum Siemens et Hdi Gerling à payer à la société Triadis Services la somme de 127.911 euros ;

– Condamner in solidum les sociétés Siemens, Hdi Gerling et VDM Ouest, à payer à la société Allianz Services la somme de 465.587,04 euros,

– Condamner in solidum les mêmes à payer à la société Triadis Services et à la société Allianz la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner in solidum les mêmes aux entiers dépens de l’instance qui comprendront les frais d’expertise avancés par la société Allianz, d’un montant de 33.632,40 euros.

Par dernières conclusions notifiées le 17 janvier 2019, les sociétés Siemens et Hdi Global prient la cour de :

– Dire irrecevables et mal fondées les demandes présentées par les sociétés Triadis Services et Allianz Iard et dirigées contre les sociétés Siemens et Hdi Global SE,

En conséquence,

– Débouter les sociétés Triadis Services et Allianz Iard de l’intégralité de leurs demandes, fins et conclusions,

– Débouter la société Vdm Ouest de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,

Subsidiairement,

– Dire que la responsabilité de la société Siemens, s’agissant des dommages matériels, est limitée à la somme de 26.233,06 euros par an,

– Débouter les sociétés Triadis Services et Allianz Iard de leur réclamation au titre des préjudices immatériels de toute nature,

Tout aussi subsidiairement,

– Dire que la société Triadis Services doit conserver à sa charge 15 % du montant total des dommages qu’elle allègue,

– Condamner la société VDM Ouest à relever et garantir les sociétés Siemens et Hdi Global à hauteur de 45 % des condamnations susceptibles d’intervenir à leur encontre, en principal, intérêts, frais et dépens,

– Dire en tout état de cause que le montant total des dommages susceptibles d’être retenu au préjudice de la société Triadis Services et de la société Allianz Iard ne saurait dépasser la somme de 218.023,72 euros,

– Dire la franchise par sinistre stipulée à la police d’assurances souscrite par la société Siemens auprès de la société Hdi Global, opposable aux tiers et en particulier aux sociétés Triadis Services et Allianz Iard,

– Condamner solidairement les sociétés Triadis Services, Allianz Iard et VDM Ouest à payer aux sociétés Siemens et Hdi Global SE la somme de 25.000 euros par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamner les mêmes aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 12 décembre 2019.

Pour un exposé complet des faits et de la procédure, la cour renvoie expressément au jugement déféré et aux écritures des parties ainsi que cela est prescrit à l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DÉCISION

La cour relève en premier lieu que la société Siemens soulève l’irrecevabilité des demandes formées par la société Triadis, sans toutefois invoquer aucun moyen d’irrecevabilité, de sorte qu’il n’y a pas lieu de répondre sur ce point.

Les demandes formées par la société Triadis et son assureur portent sur 4 postes distincts de préjudice, à savoir :

– charges fixes pour un montant de 127.911 euros : poste correspondant aux frais consécutifs à l’ouverture intempestive du ‘poste de déluge’, indépendamment de la durée de déversement des eaux. Le premier juge a rejeté cette demande, au motif que la société Triadis ne rapportait pas la preuve d’une faute de la société Siemens, en lien de causalité avec le dommage.

– dommages proportionnels au volume d’eau déversé : 311.462 euros. Le premier juge a partiellement fait droit à cette demande, retenant une responsabilité partagée des sociétés Siemens et VDM Ouest, la première à hauteur 47%, la seconde à hauteur de 53%.

– exigences de la DREAL (direction régionale de l’environnement, de l’aménagement et du logement) : travaux nécessaires pour la reprise d’activité : 114.272 euros. Le premier juge a partiellement fait droit à cette demande (en laissant une somme de 33.154 euros à la charge de la société Triadis), retenant une responsabilité partagée des sociétés Siemens et VDM Ouest, la première à hauteur 47%, la seconde à hauteur de 53%.

– travaux divers pour 39.851 euros : Le premier juge a laissé ces travaux à la charge de la société Triadis;

Avant d’examiner les demandes ainsi formées par la société Triadis, il convient de statuer sur les responsabilités respectives des sociétés VDM Ouest et Siemens.

1 – Sur la responsabilité de la société VDM Ouest

La société Triadis recherche la responsabilité quasi-délictuelle de la société VDM Ouest qui a fourni et installé, en qualité de sous-traitante de la société Elitel, un système de télétransmission d’alarmes en septembre 2011.Elle indique que le transmetteur téléphonique était hors fonction le jour du sinistre en raison de défauts de programmation qu’elle impute à la société VDM Ouest. Elle affirme être fondée à se prévaloir, sur le fondement de la responsabilité quasi-délictuelle, des manquements de la société VDM Ouest à ses obligations contractuelles à l’égard de la société Elitel.

La société Siemens forme pour sa part un appel en garantie à l’encontre de la société VDM Ouest, estimant que cette dernière a engagé sa responsabilité, en ce que le système de transmission des alarmes a été déprogrammé après sa mise en place le 1° septembre 2011, affirmant que cette déprogrammation ne peut être le fait que de la société VDM Ouest, seule à connaître le code de programmation.

La société VDM Ouest rappelle que l’expert n’a pas été en mesure de se prononcer sur l’origine des défauts de programmation du transmetteur téléphonique. Elle indique n’être intervenue que pour une prestation ponctuelle de fourniture et mise en service de la centrale de télésurveillance, ajoutant qu’elle n’est jamais intervenue postérieurement, du moins avant la survenance du sinistre. Elle soutient que la maintenance du système de détection d’incendie était de la responsabilité de la société Siemens qui a d’ailleurs affirmé avoir effectué, le 15 novembre 2011, l’essai du dispositif de transmission des alarmes à la centrale de surveillance. Elle affirme n’avoir commis aucune faute, et soutient que la déprogrammation constatée ne peut provenir que d’un tiers ou de la société Triadis, dès lors qu’elle n’est jamais intervenue sur le dispositif après sa mise en service, ne bénéficiant d’ailleurs d’aucun contrat d’entretien ou de vérification. Elle conclut dès lors à sa mise hors de cause.

*******

La cour note, à titre préliminaire, qu’à supposer même que la responsabilité de la société VDM Ouest ne soit pas retenue, cela n’entraînerait pas pour autant sa mise hors de cause dès lors qu’elle est bien intervenue pour l’installation et la mise en service du système de télétransmission.

L’expert indique, en page 57 de son rapport : ‘ concernant les dysfonctionnements du système de télétransmission, il est rappelé que les défauts de programmation sont apparus entre le 1° septembre 2011, date de la mise en service par VDM Ouest, et le 4 février 2012, date du sinistre, sans qu’il soit possible de se prononcer sur leur origine, sachant que dès le 22 octobre 2011, date du début d’incendie en local B6, les alarmes incendie n’étaient pas transmises. Ces événements sont à rapprocher du fait que toute intervention dans le système est conditionnée par l’utilisation d’un code installateur à 4 chiffres connu uniquement par VDM Ouest. Cette dernière a été dans l’incapacité d’expliquer la déprogrammation de son système, sauf à évoquer une intervention extérieure qui est exclue compte tenu de la nécessité de connaître le code précité, sauf évidemment si VDM Ouest a communiqué à un tiers le code installateur. Dans ces conditions, j’ai considéré que VDM Ouest avait une part de responsabilité dans le déroulement des désordres (…).’

Les éléments du dossier font apparaître que la société VDM Ouest a installé le système de télétransmission qui fonctionnait de manière satisfaisante au moment de son départ du site le 1° septembre 2011, comme cela est démontré par les deux tests réalisés ce jour là.

Il résulte des constatations de l’expert que le transmetteur a fait l’objet d’une déprogrammation manuelle entre le 1° septembre 2011 et le sinistre survenu le 4 février 2012, entraînant une absence de report des alarmes vers la société Securitas.

Les parties soutiennent que cette déprogrammation ne peut être le fait que de la société VDM Ouest, dès lors que celle-ci était seule à connaître le code à 4 chiffres permettant d’intervenir sur la programmation. Elles se fondent notamment sur la déclaration d’un technicien de la société VDM Ouest au cours de la réunion d’expertise du 19 février 2013, l’expert indiquant : ‘il  » le technicien  » précise que l’intervention dans le système est conditionnée par l’utilisation d’un code installateur à 4 chiffres connu uniquement en l’occurrence par VDM Ouest (…).’

Au cours de l’expertise complémentaire réalisée en février 2017, le conseil de la société VDM Ouest a indiqué qu’au moment de la réception de l’installation, le code avait été transféré à l’exploitant, l’expert relevant que cette information était contraire aux explications données en 2013, lors de la démonstration effectuée par le technicien de la société VDM Ouest. Le conseil de la société Triadis a estimé pour sa part que toute déprogrammation était impossible en dehors d’une intervention de la société VDM Ouest, ajoutant que cette dernière était donc seule à avoir pu déprogrammer la centrale juste après sa mise en service le 1° septembre 2011.

L’expert a indiqué : ‘je m’en tiens aux informations fournies par VDM en cours d’expertise au cours de la réunion du 19 février 2013, à savoir que l’intervention dans le système est conditionnée par l’utilisation d’un code installateur à 4 chiffres connu uniquement par VDM. En conséquence, je maintiens la part de responsabilité de la société VDM Ouest à 45%’.

Il convient ici de rappeler que la société VDM Ouest a toujours indiqué, sans être contredite, qu’elle n’était plus intervenue sur le site, entre le 1° septembre et le lendemain du sinistre, ce qui ressort également des bons d’intervention communiqués par la société Triadis (pièce 4).

Si l’on admet que l’installation fonctionnait de manière satisfaisante le 1° septembre 2011 ainsi que cela résulte des tests de transmission téléphonique réalisés à 16 h 40 et 16 h59, et que la société VDM Ouest n’est plus intervenue sur l’installation ultérieurement, il faut en conclure que cette dernière n’est pas responsable de la déprogrammation, sauf à supposer, comme le fait l’expert, qu’immédiatement après les tests réalisés le 1° septembre 2011, la société VDM Ouest a choisi d’effectuer une déprogrammation du système, ce qui paraît assez peu vraisemblable, d’autant que l’expert indique que la programmation apparaît ‘comme une opération relativement complexe’.

Bien qu’elle ne soit corroborée par aucun document écrit, l’affirmation de la société VDM Ouest selon laquelle elle a transmis à l’exploitant le code permettant d’accéder à la programmation, constitue toutefois une hypothèse crédible, dans la mesure où la société VDM Ouest avait achevé sa mission d’installation et qu’elle n’était chargée d’aucun contrat d’entretien ou de maintenance, ce qui supposait l’intervention d’une entreprise tierce pour ces opérations, et donc la nécessité d’une transmission du code.

Constatant d’une part que l’expert a indiqué ne pas pouvoir se prononcer sur l’origine des défauts de programmation, d’autre part que la thèse qu’il retient toutefois, selon laquelle la société VDM Ouest – après avoir procédé de manière satisfaisante à l’installation de la centrale de télétransmission – aurait procédé le jour même à sa déprogrammation, ne constitue qu’une hypothèse qui reste tout à fait incertaine, la cour dira que cette simple hypothèse est insuffisante à caractériser l’existence d’une faute imputable à la société VDM Ouest.

Les demandes formées à l’encontre de la société VDM Ouest seront donc rejetées, le jugement étant infirmé de ce chef.

2 – sur la responsabilité de la société Siemens

La société Triadis recherche la responsabilité contractuelle de la société Siemens, d’une part pour manquement à son obligation de s’assurer que toutes les fonctions du système de sécurité incendie sont correctement remplies, d’autre part pour manquement à son obligation de vérifier ou tester le bon fonctionnement du pressostat d’alarme, enfin pour ne pas avoir vérifier l’ensemble des signaux d’alarme incendie et le report de l’alarme à la société Securitas.

La société Siemens soutient pour sa part qu’elle n’a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles.

2-1 – sur le manquement de la société Siemens à l’obligation de s’assurer que toutes les fonctions du système de sécurité incendie sont correctement remplies, et sur la vérification du fonctionnement du pressostat

Il es précisé, à l’article 1.2 de l’annexe du contrat de maintenance conclu entre les parties que : ‘la vérification fonctionnelle de l’installation a pour but de s’assurer que toutes les fonctions sont correctement remplies’.

La société Triadis soutient que : ‘la faute première et majeure de la société Siemens est de n’avoir pas contrôlé, ni a fortiori décelé, la panne du pressostat d’alarme K qui, dès l’information du déclenchement du poste de déluge, aurait dû déclencher une alarme sonore et informer aussi le système de centrale incendie pour répercussion au transmetteur téléphonique’.

L’expert a effectivement constaté que le pressostat d’alarme n’avait pas fonctionné le jour du sinistre, sans toutefois relever un manquement de la société Siemens à son obligation de vérifier ou de tester son fonctionnement. Le seul fait que le pressostat soit défaillant le 4 février 2012 est insuffisant à démontrer que la société Siemens a omis de contrôler son fonctionnement, ou de déceler son dysfonctionnement, lors de sa dernière visite du 6 décembre 2011, le dysfonctionnement s’étant produit de manière inopinée 2 mois après la dernière visite.

L’expert indique de manière générale : ‘il n’a pas été possible d’inspecter le poste de déluge litigieux puisqu’il avait été démonté en avril/mai 2012 et remplacé par un nouveau poste avant le début de l’expertise. Il n’a donc pas été possible de procéder aux constatations nécessaires à la recherche de l’origine précise des désordres. Seuls les éléments internes des vannes de déluge ont été inspectés avec la conclusion précisée ci-dessus (aucune dégradation significative pouvant expliquer la défaillance survenue). En ce sens, je ne suis pas en mesure de déterminer les responsabilités encourues. Cependant, compte tenu de la conclusion que l’on peut tirer des investigations menées par l’Institut de Soudure, les causes de cette ouverture accidentelle de la vanne de déluge me paraissent devoir être recherchées ailleurs qu’au niveau de ses éléments constitutifs, notamment dans l’état général de l’installation.’

S’agissant de l’état général de l’installation, l’expert poursuit : ‘en effet, conformément au contrat que lui a confié la société Siemens le 13 octobre 2011, la société CLF Satrem a procédé à des opérations d’inspection et de contrôle de l’installation litigieuse les 15 novembre et 6 décembre 2011. Ces opérations ont montré que l’état de cette installation dont l’entretien avait été confié à Siemens par contrat du 20 juin 2011 n’était pas satisfaisant, ‘présentant un risque d’échec ou en échec (inefficacité du système)’.(…). Il appartiendra au tribunal de dire si, dans ces circonstances, la responsabilité de Siemens est engagée compte tenu de ses obligations prises au terme du contrat signé le 20 juin 2011. Mon avis est qu’il aurait fallu, face aux résultats négatifs des inspections conduites par CLF Satrem les 15 novembre et 6 décembre 2011 : définir les travaux de réfection nécessités par les défaillances constatées, exécuter ces travaux, procéder à de nouveaux contrôles pour s’assurer de l’état satisfaisant de l’installation.’

Si l’expert note ainsi que la société Siemens (ou plus exactement son sous-traitant CLF Satrem) a noté sur son compte-rendu de visite que l’installation faisait l’objet d’observations et présentait un risque d’échec ou en échec (inefficacité du système), il n’explique pas toutefois quel est ce risque d’échec, indiquant qu’il a demandé à CLF Satrem de bien vouloir commenter ses conclusions, ajoutant : ‘je n’ai pas reçu de réponse. On peut en effet s’étonner que, compte tenu des constatations faites l’installation ait été ‘laissée en ordre de marche’ sans intervenir pour supprimer les insuffisances graves constatées’.

Le seul compte-rendu de visite produit aux débats par les parties est celui du 15 novembre 2011 (produit par la société VDM Ouest en pièce n°3), mentionnant : ‘fonctionnement correct de l’installation, mais voir le rapport annexe pour les défauts et anomalies relevés sur le site’. Ce rapport annexe n’est cependant pas produit aux débats.

Le fait que la société Siemens ait indiqué dans son rapport qu’elle laissait l’installation en ordre de marche ne signifie pas – contrairement à ce que tente d’insinuer la société Triadis – que la société Siemens a manqué à ses obligations, mais au contraire que l’installation était en ordre de marche, même s’il existait un risque d’échec, dont on ignore d’ailleurs la teneur et l’impact éventuel.

En effet, l’expert et les parties n’ayant pas poursuivi leur recherche quant à la signification de la mention ‘ installation présentant un risque d’échec ou en échec (inefficacité du système)’, la cour ignore tout de la nature et de l’ampleur de ce risque, et notamment s’il peut avoir un lien quelconque avec l’ouverture intempestive des vannes du poste de déluge.

Si l’expert s’étonne que la société Siemens ne soit pas intervenue pour supprimer les ‘insuffisances graves constatées’, force est à nouveau de constater qu’il ne décrit nullement ces insuffisances, et ne précise pas en quoi elles présentaient une quelconque gravité, éventuellement en lien avec l’ouverture des vannes.

S’il est ainsi certain que la société Siemens avait l’obligation de s’assurer que toutes les fonctions du système de sécurité incendie étaient correctement remplies, il n’est pas établi qu’elle ait manqué à son obligation au cours des derniers contrôles effectués, dès lors qu’elle a renseigné un compte-rendu de visite informant de l’existence d’un risque d’échec ou d’un échec, étant observé que les parties ne s’expriment pas sur les suites donnée à ce compte-rendu.

Force est, en tout état de cause, de constater d’une part que l’expert n’a pas été en mesure de déterminer l’origine précise des désordres, d’autre part que les seules mentions du compte-rendu de visite selon lesquelles l’installation présente un risque d’échec ne sont pas suffisantes à établir un manquement de la société Siemens à ses obligations, dès lors que l’on ignore tout de la nature et de l’ampleur du risque et de l’éventuel lien causal avec l’ouverture intempestive des vannes du poste de déluge.

C’est ainsi à bon droit que le premier juge a retenu que la preuve d’un manquement de la société Siemens à ses obligations précitées n’était pas rapportée quant au dommage résultant de l’ouverture des vannes du poste de déluge. Le jugement sera confirmé de ce chef, et en ce qu’il a débouté la société Triadis et son assureur de leurs demandes en paiement des frais consécutifs à l’ouverture du ‘poste de déluge’.

2-2 – sur le manquement de la société Siemens à son obligation de vérification du report de l’alarme vers la société Securitas

La société Triadis rappelle que le transmetteur téléphonique vers la société Securitas était défaillant depuis au moins le 22 octobre 2011 (date d’un début d’incendie dans un autre atelier), et reproche à la société Siemens de ne pas avoir vérifié la fonctionnalité du transmetteur téléphonique d’alarme vers la société Securitas – ou plus exactement d’avoir indiqué qu’elle effectuait cette vérification le 15 novembre 2011, ce qui s’est ensuite révélé inexact – soutenant que cette mission rentrait bien dans son champ contractuel. Elle fait valoir que le sinistre aurait pû être limité dans ses conséquences (arrêt plus rapide du déversement d’eaux) si la société Siemens avait bien effectué les vérifications lui incombant.

La société Siemens soutient qu’elle n’est pas concernée par l’aggravation du sinistre résultant du défaut de report de l’alarme dès lors qu’il n’existait aucun transmetteur d’alarme au moment de la signature de son contrat, et que ce matériel ne figure pas dans la nomenclature de son contrat.

****

Il résulte de l’article 4.2.2.4 de la règle APSAD R7 (applicable à la certification APSAD F 7) que : ‘l’aboutissement correct des signaux d’alarme incendie et des signaux de dérangement à la station centrale de télésurveillance sera vérifiée au cours des essais décrits’.

La société Siemens ne peut sérieusement soutenir que la règle APSAD R7 ne lui est pas applicable, alors même que son contrat mentionne à l’article 10 qu’elle ‘s’engage à respecter les 8 caractéristiques relatives aux engagements de services énumérés dans le règlement de sa certification F7 APSAD’. De même, son compte-rendu de visite du 15 novembre 2011 indique en première page : ‘conformément à la règle R7 de l’APSAD, visite de maintenance préventive des installations SDI’. En outre, et même si le transmetteur téléphonique d’alarme n’a été installé que postérieurement à la signature du contrat de maintenance, il est mentionné à l’annexe 2-1 du contrat que la vérification fonctionnelle de l’installation comprend : ‘essai de fonctionnement de l’équipement d’alarme (EA) ( procédure à définir avec le client)’.

Il apparaît ainsi, d’une part que la société Siemens s’est engagée contractuellement à effectuer des essais de fonctionnement de l’équipement d’alarme ‘selon une procédure à définir avec le client’, ce qui impliquait notamment l’évolution de sa mission en fonction de l’installation du client (étant ici observé que la transmission téléphonique a été mise en place 2 mois seulement après la signature de son contrat, de sorte qu’elle ne pouvait l’ignorer), d’autre part et surtout qu’elle s’est engagée à respecter le règlement APSAD R7 prévoyant une vérification de ‘l’aboutissement correct des signaux d’alarme incendie à la station de télésurveillance’, de sorte que cette mission lui incombait même si le matériel n’était pas expressément mentionné dans son contrat.

C’est d’ailleurs ce qu’elle a fait, tant avant qu’après le sinistre, ainsi que l’a relevé le premier juge, indiquant notamment que la case 2-9 du compte-rendu de visite du 15 novembre 2011, intitulée ‘essai éventuel des dispositifs de transmission des alarmes et des dérangements à la centrale de télésurveillance’ est cochée.

Outre cette mention, l’expert reprend (en page 51 de son rapport), les mentions portées dans le compte-rendu de visite, et notamment les questions suivantes renseignées par la société Siemens :

‘- les alarmes sont elles reportées et surveillées 24/24 ‘ : oui;

– si oui, où ‘ : Securitas

– tous les reports d’alarme ont-ils fonctionné lors des essais ‘ : oui’

L’expert a relevé que ces informations étaient en contradiction avec le journal de Securitas dans lequel aucune alarme ne figure à cette date. Il en a conclu qu’aucune alarme n’avait été testée par la société Siemens contrairement à ses affirmations. Interrogée à ce sujet par l’expert, la société Siemens a répondu : ‘en l’occurrence et après vérification auprès du technicien intervenu le 15 novembre 2011, il est acquis que les essais n’ont pas porté sur la vérification de la télétransmission. Cette prestation n’est pas prévue au contrat régularisé entre Triadis et Siemens.’

Il a été démontré que la prestation de vérification de la télétransmission, prévue par le règlement APSAD R7, incombait bien à la société Siemens dès lors notamment qu’elle se prévaut expressément de ce règlement en première page de son rapport de visite.

En omettant d’effectuer les vérifications de report d’alarme, la société Siemens a commis une faute d’une particulière gravité, en premier lieu car le contrôle allégué n’a pas été effectué et n’a pas permis de détecter l’anomalie de programmation de la centrale de télétransmission qui est à l’origine de l’aggravation du sinistre, et en second lieu car ses déclarations inexactes, voire mensongères, ont induit la société Triadis en erreur, lui laissant croire que la télétransmission était en état de fonctionnement, et lui faisant ainsi courir un risque d’une gravité certaine s’agissant d’une installation classée.

La société Siemens soutient, à titre subsidiaire, que si un manquement devait être retenu à son encontre, il conviendrait d’opérer un partage de responsabilité, demandant que les sociétés Triadis et VDM Ouest conservent à leur charge, respectivement 15% et 45% du dommage, conformément aux préconisations de l’expert.

Il a été démontré que la société VDM Ouest n’avait aucune part de responsabilité, de sorte qu’il n’y a pas lieu de lui imputer une part du dommage.

S’agissant de la société Triadis, la société Siemens soutient qu’elle a fait preuve d’une négligence fautive qui a concouru au dommage en ce qu’elle n’a pas réagi à la suite du début d’incendie survenu le 22 octobre 2011 au cours duquel le même incident s’était produit, à savoir qu’aucune alarme n’a été transmise à la société de télésurveillance.

La société Triadis soutient qu’aucune négligence ne peut lui être imputée, dès lors qu’elle s’était entourée de professionnels et que la société Siemens a manqué à ses obligations en ne procédant pas aux vérifications de transmission des alarmes le 15 novembre 2011.

Force est ici de constater que la société Triadis ne conteste pas son absence de réaction à la suite du début d’incendie du 22 octobre 2011, alors même que son intervention à cette date et la recherche de l’anomalie de transmission d’alarme auraient permis de rétablir le bon fonctionnement, permettant également d’éviter le sinistre du 4 février 2012.

Conformément à la proposition de l’expert et à la demande de la société Siemens, il convient d’imputer à la société Triadis une part de responsabilité à hauteur de 15% dans la réalisation du dommage, la société Siemens supportant pour sa part 85% du dommage.

Le jugement sera ainsi infirmé, la responsabilité de la société Siemens étant retenue à hauteur de 85% du dommage résultant de l’aggravation du sinistre du fait du déversement de très importants volumes d’eau dans tout le site.

2- 3 – sur la réparation du préjudice subi par la société Triadis et son assureur Allianz

Il a été démontré que la société Siemens était responsable de 85% du dommage résultant de l’aggravation du sinistre du fait du déversement de très importants volumes d’eau dans tout le site.

* sur la clause limitative de responsabilité

L’article 9 des conditions générales du contrat de maintenance est ainsi rédigé : ‘les obligations contractuelles de Siemens ne découlent que du contrat de maintenance. Quelles que soient la nature et la cause du dommage invoqué ou les modalités de l’action mise en oeuvre par le client, la responsabilité de Siemens ne peut être engagée que par les fautes expressément établies à son encontre et jusqu’à concurrence des sommes encaissées par elle au titre du contrat en cause. Par ailleurs, Siemens exclut expressément toute responsabilité au titre de dommages immatériels directs ou indirects (…)’.

Par application de ces dispositions, la société Siemens soutient que sa responsabilité ne peut être engagée qu’à concurrence des sommes encaissées au titre du contrat, soit la somme de 26.233,06 euros, hors préjudices immatériels. Elle ajoute que le seul préjudice matériel dont il est demandé paiement porte sur la somme de 39.851,04 euros, cette somme correspondant toutefois à du remplacement de matériel ancien, de sorte que cette demande doit être rejetée. En réponse à l’argumentation de la société Triadis, elle soutient que la clause de limitation de responsabilité ne pourrait être écartée qu’à condition de démontrer l’existence d’une faute lourde, ce qui n’est pas le cas en l’espèce.

La société Triadis soutient pour sa part que cette clause limitative de responsabilité doit être ‘réputée non écrite’, et en tout cas écartée en cas de faute lourde du prestataire, comme l’a retenu le premier juge. Elle soutient que la société Siemens :’ lui a fait prendre le risque, en toute connaissance de cause, que le système de déclenchement du poste de déluge pouvait faillir, qu’elle a échoué à déceler la panne du pressostat et qu’elle n’a rien contrôlé du système général de transmission de l’alarme à la télésurveillance au mépris des règles élémentaires de la profession’, ce qui permet de caractériser une faute lourde excluant l’application de la clause limitative de responsabilité.

La faute lourde permettant d’exclure l’application d’une clause limitative de responsabilité est celle qui caractérise une négligence d’une extrême gravité confinant au dol, et dénotant l’inaptitude du prestataire à l’accomplissement de sa mission.

Il a été démontré qu’aucune faute de la société Siemens n’était démontrée quant à la défaillance du système de déclenchement du poste de déluge, ou quant à la panne du pressostat, de sorte qu’aucune faute lourde n’est caractérisée de ces chefs.

S’agissant du contrôle de la transmission de l’alarme, il s’agit bien d’une mission essentielle de la société Siemens, en ce qu’elle doit permettre de circonscrire les conséquences d’un éventuel incendie dans une installation classée. L’omission de vérification du fonctionnement de cette transmission téléphonique caractérise ainsi une négligence d’une extrême gravité dénotant l’inaptitude de la société Siemens à l’accomplissement de la mission, de sorte que c’est à bon droit que le premier juge a retenu l’existence d’une faute lourde empêchant la société Siemens de se prévaloir de la clause limitative de responsabilité.

* sur la réparation du préjudice subi par la société Triadis

La société Triadis et son assureur sollicitent réparation du préjudice subi à hauteur de la somme de 465.089 euros, dont 311.462 euros au titre des dommages proportionnels aux volumes d’eau déversés, 114.272 euros au titre des frais nécessaires pour la reprise d’activité, et 39.851 euros au titre de travaux divers. La société Triadis estime qu’en vertu du principe de réparation intégrale de son préjudice, il n’y a pas lieu à réduction des sommes dont elle sollicite paiement. Elle conteste notamment l’application d’un éventuel coefficient de vétusté.

La société Siemens soutient que le préjudice réellement subi ne saurait excéder la somme de 218.023 euros. S’agissant du dommage proportionnel aux volumes d’eau déversés, la société Siemens soutient que – compte tenu du délai incompressible de réaction de la société Triadis, qui est d’une heure – une proportion de 30% du dommage est liée à la seule ouverture intempestive des vannes dont les causes techniques ne sont pas déterminées, de sorte qu’elle ne peut être imputée à aucune des parties. Elle soutient dès lors que seule une proportion de 70% du dommage est liée à l’absence de transmission téléphonique de l’alarme à la société Sécuritas, de sorte que seul 70% du dommage peut donner lieu à indemnisation à hauteur de 218.023 euros. S’agissant des frais nécessaires à la reprise d’activité (exigences Dreal), correspondant notamment au remplacement à neuf des trois postes de déluge, la société Siemens soutient qu’il s’agirait d’un enrichissement sans cause de la société Triadis. S’agissant enfin du remplacement de divers matériels, la société Siemens soutient qu’il n’est pas établi que les matériels litigieux aient subi un préjudice, de sorte qu’il n’y a pas lieu à indemnisation à ce titre.

*******

Il a été démontré que la responsabilité de la société Siemens n’était pas établie dans l’ouverture intempestive des vannes du poste de déluge. Ainsi que le fait observer la société Siemens, sans être contredite par la société Triadis, une partie du déversement des eaux, que l’on peut effectivement estimer à 30%, serait de toute façon survenue même si la société Siemens n’avait pas omis de vérifier la transmission téléphonique de l’alarme, de sorte que cette partie de déversement n’est pas en lien de causalité avec cette omission.

Il convient dès lors de dire que seuls 70% des dommages résultant du déversement des eaux peut donner lieu à indemnisation, de sorte que le préjudice subi par la société Triadis doit être fixé à 218.023 euros à ce titre.

S’agissant des frais nécessaires à la reprise d’activité à la suite des exigences de la société Dreal, la cour observe que le remplacement des postes de déluge contesté par la société Siemens correspond à la somme de 33.096 euros. La défaillance des postes de déluge n’ayant pas été démontrée par l’expert, puisque ces derniers avaient été démontés avant son intervention, il n’est pas démontré que leur remplacement était nécessaire, de sorte qu’il convient de déduire cette somme du préjudice allégué. Pour le surplus, il s’agit essentiellement du traitement des eaux déversées et de frais de gardiennage à la suite du sinistre, ce qui n’est pas discuté par la société Siemens, de sorte que le préjudice subi par la société Triadis à ce titre doit être fixé à la somme de 81.176 euros.

S’agissant enfin du remplacement ou de la remise en état de divers matériels pour une somme de 39.851 euros, le rapport d’expertise n’établit pas en quoi des remises en état ou remplacement seraient liés au sinistre. La société Triadis invoque uniquement la réparation intégrale de son préjudice, sans démontrer que les divers éléments concernés ont été endommagés du fait du sinistre, de sorte que la demande à ce titre sera rejetée.

Il est ainsi établi que le préjudice total de la société Triadis doit être fixé à la somme de : 218.023 euros + 81.176 euros = 299.199 euros.

Compte tenu du partage de responsabilité retenu plus avant, la société Siemens et son assureur seront condamnés in solidum à indemniser la société Triadis et son assureur à hauteur de la somme de : 299.199 euros x 85 % = 254.319,15 euros, étant précisé que cette condamnation est prononcée dans les limites de la franchise applicable par la société HDI Global SE. La société Triadis et son assureur seront déboutés du surplus de leurs demandes.

Le jugement sera infirmé de ce chef.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :

Le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Les sociétés Siemens et HDI Global qui succombent, seront condamnées aux dépens de première instance et d’appel.

Il est équitable d’allouer à la société Triadis et à son assureur une indemnité de procédure d’un montant de 8.000 euros.

Il n’apparaît pas inéquitable de laisser à la charge de la société VDM Ouest les frais irrépétibles qu’elle a dû engager pour faire valoir son droit.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire,

Confirme le jugement du 7 juin 2018 en ce qu’il a dit que la société Siemens n’était pas responsable de l’ouverture des vannes du poste de déluge, et en ce qu’il a débouté la société Triadis et son assureur de leurs demandes en paiement des frais consécutifs à l’ouverture du ‘poste de déluge’,

Infirme le jugement pour le surplus,

Et statuant à nouveau,

Dit que la société Siemens est responsable à hauteur de 85% du dommage résultant de l’aggravation du sinistre du fait du déversement d’importants volumes d’eau dans le site appartenant à la société Triadis,

Condamne in solidum les sociétés Siemens et HDI Global SE, cette dernière dans la limite de la franchise applicable, à payer à la société Allianz Iard la somme 254.319,15 euros en réparation de son préjudice,

Rejette toutes autres demandes,

Condamne in solidum les sociétés Siemens et HDI Gerling à payer aux sociétés Triadis et Allianz Iard la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Siemens et HDI Gerling aux dépens de première instance et d’appel, en ce compris les frais d’expertise.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Madame Véronique MULLER, Conseiller et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le Conseiller pour le président

empêché

 


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