Clause limitative de responsabilité : 22 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04119

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Clause limitative de responsabilité : 22 septembre 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04119

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRET DU 22 SEPTEMBRE 2022

(n° 172 , 11 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04119 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSFN

Décision déférée à la Cour : Jugement du 20 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS 04 – RG n° 2018000753

APPELANTE

SAS JOHNSON CONTROLS INDUSTRIES agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTES sous le numéro 343 056 958

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477, avocat postulant

Assistée de Me Emilie BUTTIER, avocat au barreau de NANTES, avocat plaidant

INTIMEE

S.A.S. VERIZON FRANCE agissant poursuites et diligences en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 398 517 169

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne GRAPPOTTE-BENETREAU de la SCP GRAPPOTTE BENETREAU, avocats associés au barreau de PARIS, toque : K0111, avocat postulant

Assistée de Me Stéphane COULAUX, de la SELARL COULAUX-MARICOT-GEORGANTA, avocat au barreau de PARIS, toque : K0192, avocat plaidant

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 11 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre, chargée du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Marie-Annick PRIGENT, Présidente de la chambre 5.5

Madame Nathalie RENARD, Présidente de chambre

Madame Christine SOUDRY, Conseillère

Greffière, lors des débats : Madame Elodie RUFFIER

ARRÊT :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Annick PRIGENT, Présidente de chambre et par Claudia CHRISTOPHE, Greffière, à laquelle la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.

******

FAITS ET PROCÉDURE

La société Johnson controls industries (ci-après « JCI ») est spécialisée dans l’activité d’étude, fabrication, achat et vente de tous matériels frigorifiques.

La société Verizon France (Verizon) est spécialisée dans l’activité d’opérateur de télécommunications.

Le 1er juillet 2010, la société Verizon France a conclu un contrat de maintenance de ses groupes froids avec la société JCI.

En juillet 2015, des dysfonctionnements et pannes sont apparus, à la suite desquels la société JCI a sollicité le paiement d’une facture de réparation.

La société Verizon France a refusé de payer cette facture ainsi que le solde de la facture de maintenance.

Le 18 décembre 2017, la société JCI a fait assigner la société Verizon France devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme de 51.818,88 euros au titre de la facture de réparation, de la facture de maintenance et de la somme de 1.500 euros pour résistance abusive. La société Verizon France a formé une demande reconventionnelle en paiement de la somme de 144 226,58 € avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2015, date à laquelle la société JCI aurait cessé toute diligence.

Par jugement du 20 janvier 2020, le tribunal de commerce de Paris a :

-débouté la société Johnson controls industries de toutes ses demandes,

-condamné la société Jonhson controls industries à verser à la société Verizon France nom commercial Verizon business la somme de 144.226,58 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du présent jugement,

-rejeté le surplus de la demande reconventionnelle,

-condamné la société Johnson controls industries à verser à la société Verizon France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

-condamné la société Johnson controls industries aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 77,84 euros dont 12,76 euros de TVA,

-ordonné l’exécution provisoire.

Par déclaration du 24 février 2020, la société Johnson controls industries a interjeté appel de ce jugement en critiquant la totalité des chefs de jugement.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 18 mars 2022, la société Johnson controls industries demande à la cour de :

Vu l’article 1134 du code civil dans sa version antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 1er février 2016 ;

Vu l’article 1240 du code civil ;

Vu l’article L.441-6 du code de commerce ;

-infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 20 janvier 2020 en ce qu’il a :

-débouté la société Johnson controls industries de toutes ses demandes,

-condamné la société Jonhson controls industries à verser à la société Verizon France nom commercial Verizon business la somme de 144.226,58 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

-condamné la société Johnson controls industries à verser à la société Verizon France la somme de 4.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,

-condamné la société Johnson controls industries aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe,

En conséquence,

-condamner la société Verizon France à payer à la société Johnson controls industries la somme de 51.818,88 euros TTC, assortie des intérêts au taux contractuel, c’est-à-dire au taux légal majoré de 10 points, à compter du :

15 décembre 2015 sur la somme de 16.944,00 euros TTC,

25 décembre 2015 sur la somme de 34.874,88 euros TTC.

-condamner la société Verizon France à payer à la société Johnson controls industries la somme de 80 euros (40 euros x2) à titre d’indemnité forfaitaire de recouvrement ;

-condamner la société Verizon France à verser à la société Johnson controls industries la somme de 1.500 euros pour résistance abusive ;

-débouter la société Verizon France de l’intégralité de ses demande, fins et conclusions ;

-condamner la société Verizon France à payer à la société Johnson controls industries la somme de 7.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de la SELARL Lexavoue Paris-Versailles agissant par Maître Mathieu Boccon-Gibod.

Dans ses dernières conclusions notifiées par le RPVA le 21 mars 2022, la société Verizon France demande à la cour de :

Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1315 (ancien) et1353 (nouveau) de code civil,

Vu notamment les articles 1134 et 1147 du code civil en vigueur au moment des faits litigieux,

Vu les articles 699, 700 du code de procédure civile,

Vu les articles L.441-6 alinéa 12 et D.441-5 du code de commerce,

-confirmer le jugement du 20 janvier 2020 (RG 2018000753) en ce qu’il a débouté la société Johnson controls industries de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions formées à l’encontre de la société Verizon ;

-confirmer le jugement du 20 janvier 2020 (RG 2018000753) en ce qu’il a condamné la société Johnson controls industries au paiement de la somme de 144.226,58 euros ;

-confirmer le jugement du 20 janvier 2020 (RG 2018000753) en ce qu’il a condamné la société Johnson controls industries au paiement de la somme de 4.000 euros au profit de la société Verizon sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

-infirmer le jugement du 20 janvier 2020 (RG 2018000753) en ce qu’il a fixé le point de départ des intérêts à la date du jugement ;

Statuant à nouveau,

-débouter la société Johnson controls industries de toutes ses demandes, fins et prétentions ;

-condamner la société Johnson controls industries au paiement de la somme de 144.226,58 euros avec intérêts au taux légal à compter du 5 décembre 2015, date à laquelle la société JCI a cessé toute diligence ;

Y ajoutant,

-condamner la société Johnson controls industries au paiement de la somme supplémentaire de 15.000 euros au profit de la société Verizon sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

-condamner la société Johnson controls industries aux dépens de première instance et d’appel, dont distraction au profit de la SCP Grappotte Benetreau, avocats, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 31 mars 2022.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS

Sur les manquements contractuels imputés à la société JCI

La société JCI affirme qu’au titre de la maintenance préventive, ne lui incombait qu’une obligation de moyens, qu’au titre de la maintenance corrective, ne lui incombait une obligation de résultat uniquement concernant les dépannages. Elle ajoute qu’aucune faute de sa part n’est établie tant concernant la maintenance préventive que corrective. En outre, elle invoque une clause limitative de responsabilité.

La société Verizon répond que la société JCI était débitrice d’une obligation de résultat de réparation et de maintenance tant préventive que corrective. Elle ajoute que la casse des compresseurs est imputable à la société JCI, que cette dernière a donc manqué à son obligation de résultat, la société Verizon France considérant qu’elle était fondée à se prévaloir d’une exception d’inexécution.

En application de l’article 1134 code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, applicable à la cause, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.

Aux termes de l’article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages-intérêts, soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, toutes les fois qu’il ne justifie pas que l’inexécution provient d’une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu’il n’y ait aucune mauvaise foi de sa part.

La société VERIZON expose être un opérateur de communications électroniques déclaré auprès de l’ARCEP, qui assure des prestations essentielles pour l’activité de ses clients, tout dysfonctionnement dans ses installations affectant l’exécution de celles-ci, que les groupes froid constituent une composante de sa capacité à faire fonctionner ses installations et équipements.

Il a été installé deux groupes frigorifiques (communément appelés « groupes froids » ou « chillers ») de 480kW à 10°C et fonctionnant au frigorigène HFC R407C.

Au mois d’avril 2010, la société Verizon a élaboré un cahier des charges techniques afin de rechercher «une société spécialisée dans la production d’eau glacée et systèmes de refroidissement à détente directe, en vue notamment de couvrir la maintenance réglementaire planifiée de ses installations sur la France, avec accès téléphonique au travers d’un centre de support joignable 24heures sur 24 et 7 jours sur 7, un service d’astreinte pour le dépannage des installations joignable 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

La société JCI a émis une« offre de Service PRECAUTION ‘ Maintenance des Equipements Frigorifiques », incluant

-Une maintenance préventive comprenant :

o la maintenance systématique « conformément aux règles de l’art, et de la réglementation en vigueur ;

o la maintenance conditionnelle, qui inclut notamment les remplacements ou les remises en état des pièces et les remplacements ou les appoints de fluide ;

o la maintenance programmée « conformément aux règles de l’art, dans le respect des préconisations du constructeur et de la réglementation en vigueur.

-Une maintenance corrective : l’article 3.2 de l’offre précise que « les opérations de maintenance communément appelées dépannages ont pour objet la remise en état de fonctionnement des matériels ou équipements à la suite d’une défaillance. Elles concernent la réparation ou le remplacement des pièces détériorées ou défaillantes par suite de bris, d’usure ou de vieillissement, dès lors que ces pièces affecteraient le fonctionnement et/ou les performances des équipements sous contrat. JOHNSON CONTROLS effectuera le dépannage immédiatement lorsque celui-ci est possible. Dans le cas contraire, JONHSON CONTROLS prendra les mesures conservatoires pour les équipements pour mettre en sécurité l’installation. JONHSON CONTROLS a une obligation de résultat dans les dépannages y compris dans les dépannages provisoires. (‘) »

Les parties ont conclu un contrat de fourniture de produits et services le 1er juillet 2010 afin d’assurer des prestations de maintenance des équipements frigorifiques et de faciliter la conclusion de contrats individuels sous forme de bons de commande (article 2 du préambule).

L’article 3.1 du contrat-cadre relatif aux responsabilités de « la société [JCI]» stipule : « Dans le cadre de l’exécution du présent Contrat, la Société [JCI]sera soumise à une obligation de résultat lorsqu’un élément livrable sera défini comme (i) un résultat clairement identifiable, (ii) un engagement mesurable ou quantifiable, (iii) lorsqu’une date de réalisation sera indiquée ou (iv) un niveau de service aura été convenu et (v) dans toutes les circonstances qui voudraient que l’on s’attende communément à ce que l’obligation soit exécutée au titre d’une obligation de résultat. »

L’obligation de résultat de la société JCI, ainsi défini dans le contrat cadre englobe la livraison de matériels comme les prestations sans faire de distinction entre la maintenance préventive et corrective.

Le 17 avril 2015, la société JCI a émis une offre de maintenance complémentaire des équipements frigorifiques. Le montant de ces prestations s’élevait à la somme de 67 462,40 €.

Cette offre de service a donné lieu à un bon de commande en date du 24/04/2015 et des interventions des techniciens de la société JCI le 25 mai 2015 puis au mois de juin 2015 comme en attestent les différents rapports établis. Une facture a été émise en date du 25/11 2015 d’un montant de 34 874,88 €.

Le 10 juillet 2015, le groupe froid n° 2 a été remis en service avec un compresseur n° 2 reconditionné et un compresseur n°1 révisé sur place sur le site de [Localité 5].

Entre le mois de juin 2015 et le mois de décembre 2015, les dysfonctionnements constatés sur les compresseurs ont donné lieu aux interventions suivantes de la société JCI :

Par courriel du 15 juillet 2015, la société Verizon signalait à la société JCI un défaut de pression d’huile sur le compresseur n° 1 du groupe froid n° 2.

Le compresseur n° 1 du groupe froid n° 2 révisé sur place sur le site de [Localité 5] a été déclaré hors service avec une dégradation mécanique très importante et un nouveau défaut d’huile constaté comme en attestent les échanges de courriels du 17 août 2015 entre la société Verizon et la société JCI.

Par courriel du 5 octobre 2015, la société Verizon avisait la société JCI, d’un nouveau défaut sur le compresseur n° 2 du groupe froid n° 2 avec « fumée sur l’anaconda remplacé du compresseur 2 du chiller 2 et fuite de fluide frigorigène après arrêt du compresseur. »

Par courriel des 7 et 9 octobre 2015, la société Verizon informait la société JCI de défauts récurrents sur le pressostat d’huile sur le Compresseur n° 1 groupe froid n° 1.

Par courriel du 9 octobre 2015, la société Verizon s’étonnait du nombre de défaillances techniques suite aux travaux réalisés et indiquait être « dans l’obligation de mettre en place un groupe froid mobile afin de sécuriser notre installation le temps de stabiliser le bon fonctionnement des compresseurs.»

Suite à ces différentes défaillances, une réunion a été organisée le 27 octobre 2015 entre  la société Verizon et la société JCI.

Les parties étant en désaccord sur la cause des dysfonctionnements de l’installation, il a été décidé de missionner la société HRS afin de procéder à une expertise amiable et contradictoire du compresseur n° 2 du groupe froid n° 2.

L’expertise a eu lieu le 5 novembre 2015 dans les locaux de la société HRS en région parisienne, en présence de représentants des sociétés JCI et Verizon. Cette expertise amiable réalisée de manière contradictoire dont les conclusions ont été soumises à l’appréciation des parties constitue un élément de preuve.

Par courrier du 13 novembre 2015, la société HSR France, qui a procédé au démontage de l’un des compresseurs dans le cadre de l’expertise contradictoire, écrivait à la société JCI pour lui communiquer les différentes causes possibles des dysfonctionnements constatés et réservait un paragraphe au type d’huile utilisée en précisant :

« la viscosité de l’huile polyolester pour être utilisé avec du fluide R 407 C avec ce type de compresseur doit être de grade ISO 68. Une viscosité inférieure va provoquer un entraînement d’huile plus important et le retour d’huile va être moins performant. » La société HSR France ajoute que si le compresseur peut fonctionner avec l’huile utilisée, ce n’est pas le grade souhaité pour ce type de compresseur.

Si par courriel du 23 novembre 2015, la société HSR France indiquait que les compresseurs pouvaient fonctionner avec l’huile York J de grade 46 en période hivernale, elle préconisait de changer l’huile avant la période estivale 2016 pour passer avec de l’huile de grade 68 afin d’optimiser les compresseurs.

Par courriel du 27 novembre 2016, la société HSR France indiquait apporter un correctif par rapport à son dernier mail en précisant : « nous confirmons qu’il est impératif de charger en huile polyolester de grade 68. C’est la préconisation constructeur pour un fonctionnement avec le R 407 C… si le changement en grade 46 a eu lieu peu de temps avant les incidents, il est nécessaire de lever le doute sur la viscosité de l’huile. »

Le 4 décembre 2015, la société JCI a procédé au remplacement de l’huile, conformément aux préconisations de la société HRS.

Suite à l’alimentation en huile de grade 68 (YORK H), les compresseurs n’ont pas connu de nouvelle défaillance.

Il y a lieu de considérer que la société JCI est intervenue dans le cadre de la maintenance préventive pour exécuter le bon de commande en date du 17 avril 2015 et dans le cadre de la maintenance corrective pour le remplacement du compresseur puisqu’il s’agit du remplacement de matériel à la suite d’une détérioration.

Dans le cadre de l’exécution du contrat de fourniture de produits et services, la société JCI

s’est engagée à une obligation de résultat sans distinguer entre les prestations de maintenance préventives et correctrices.

Le contrat de fourniture de produits et services, en son annexe 2 a (cahier des charges technique) et à l’article 5.5 relatif aux conditions de réalisation stipulait que : « la société spécialisée s’engage à exécuter la ou les missions de manière à limiter l’immobilisation des installations lors de ses interventions. La société spécialisée a un devoir de diligence dans l’opération des sites techniques de Verizon Business et des équipements qui s’y trouvent afin que ceux-ci fonctionnent de manière appropriée et efficace. »

Cette référence à un devoir de diligence ne renvoyait pas contrairement à ce que soutient la société JCI à une obligation de moyens ce qui contredirait les termes du contrat lui-même. Cette article précisait que la société JCI devait tout mettre en ‘uvre pour assurer le fonctionnement continu des installations frigorifiques de la société Verizon.

L’obligation pour la société Verizon de maintenir son matériel en bon état de fonctionnement nécessitait une intervention de maintenance sans faille.

L’entreprise de maintenance engage de plein droit sa responsabilité dès lors que le client établit que le dommage subi par cette installation est causé par un manquement à son obligation de résultat, c’est-à-dire que ce dommage trouve son origine dans l’élément sur lequel l’entreprise maintenance devait intervenir ou est relié à son intervention.

Cette obligation de résultat emportant à la fois présomptions réfragables de faute et de causalité entre la faute et le dommage, il appartient à la société JCI qui entend s’exonérer de sa responsabilité de prouver qu’elle n’a pas commis de faute ou que le dommage a pour origine une cause étrangère à son intervention.

Il sera observé qu’au mois de juin 2015, sur préconisation de la société JCI, les compresseurs n° 2 des groupes froids n° 1 et 2 ont été envoyés dans l’usine de celle-ci en vue d’un reconditionnement hors site, les deux autres compresseurs ayant été révisés sur le site de la société Vérizon par la société JCI.

Dans ces circonstances l’huile d’origine EMKARATE RL 68H, préconisée par le constructeur, a été changée par une huile YORK J 46 ISO, à l’initiative de la société JCI.

Un mois plus tard, et jusqu’au 4 décembre 2015, date à laquelle, la société JCI a procédé au remplacement de l’huile sur les compresseurs pour y injecter l’huile de grade 68 (York H), les compresseurs ont subi des défaillances récurrentes non résolues par la société JCI.

La société Verizon verse aux débats deux rapports d’intervention de la société Gradius et de la société Daikin qui ne permettent pas d’établir la cause du dysfonctionnement des compresseurs. La société Daikin a relevé que l’huile utilisée n’était pas conforme à celle préconisée par le constructeur sans cependant conclure à une incompatibilité. S’il a été observé que l’installation était ancienne, ceci n’a pas été retenu comme motif des défaillances des compresseurs.

La société JCI oppose le fait que la cause exacte des défaillances de l’installation pas été déterminée et ne peut donc lui être imputée.

Si effectivement, aucune cause précise autre que le changement d’huile préconisée par le constructeur, n’a été détectée à l’origine des défaillances, celles-ci se sont produites postérieurement à des interventions précises de la société JCI sur les compresseurs, sans que celle-ci soit en mesure d’y remédier alors que cela entrait dans le champ de ses prestations.

La société JCI ne rapporte pas la preuve que les dysfonctionnements constatés sur les compresseurs ont une cause extérieure à son intervention alors qu’elle était chargée d’assurer la maintenance de l’installation. La seule cause identifiée est l’utilisation d’une huile non préconisée par le constructeur imputable à la société JCI qui doit être en conséquence déclarée responsable des dysfonctionnements constatés sur les compresseurs dont elle avait la maintenance. Dans ces conditions, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur la demande d’indemnisation de la société Verizon

Du fait de sa responsabilité de plein droit, la société JCI doit réparer les dommages ayant trouvé son origine dans la prestation qu ‘elle a effectuée.

Sur les factures de remise en état du matériel

Il est versé aux débats :

-une proposition commerciale en date du 12 février 2016 d’un montant de 18.467,30 Euros HT soit 22.160,76 euros TTC pour le remplacement du compresseur 1 refroidisseur Hiross N1-dépose et repose puis mise en service

-un bon de commande de la société Verizon adressé à la société SNEF daté du 25 février 2016 d’un montant de 18.467,30 Euros HT faisant référence au devis établi

-une facture d’un montant de 22.160,76 euros TTC émise par la société SNEF justifiant que la dépense a été effectuée.

-une proposition commerciale en date du 29 juin 2016 d’un montant de 15.102,76 Euros HT soit 18.123,01 euros TTC correspondant à la remise en place du compresseur n°2 du refroidisseur n°2 et la repose du compresseur n°2

-un bon de commande de la société Verizon adressé à la société SNEF, daté du 13 juillet 2016, d’un montant de 15.102,76 Euros HT, faisant référence au devis établi -une facture d’un montant de 18.123,01 euros TTC émise par la société SNEF rapportant la preuve de la prestation.

-une proposition commerciale en date du 12 février 2016 d’un montant de 1.433,41 Euros HT soit 1.720,09 euros TTC correspondant à la remise en état de la conduite de refoulement du compresseur 2 du refroidisseur n°2

-un bon de commande adressé à la société SNEF, daté du 25 février 2016 d’un montant de 1.433,41Euros HT faisant référence au devis

– une facture d’un montant de 1.720,09 euros TTC émise par la société SNEF justifiant de la dépense.

Ces dépenses constituant le dommage subi en lien avec la prestation de la société JCI doivent être réparées par celle-ci et s’élèvent à :

22.160,76 euros TTC + 18.123,01 euros TTC + 1.720,09 euros TTC = 42 003,86€ TTC

Sur les frais de location du groupe froid

Aux termes de l’article 13 de l’offre acceptée par la société Verizon, il est mentionné « JOHNSON CONTROLS ne sera pas tenue responsable des dommages indirects et/ou immatériels que pourrait supporter VERIZON. »

Si la location d’un matériel de remplacement peut constituer un dommage immatériel en ce qu’elle tend à réparer le trouble de jouissance du matériel confié dans la prestation de maintenance, la clause de l’offre de service ne définit pas les dommages visés en l’espèce.

Dans son offre de services à l’article 5.3, la société JCI s’est engagée « tout au long du contrat à conserver aux équipements un haut niveau de fiabilité. Cela est rendu possible par le suivi régulier de vos équipements à travers le programme de maintenance préventive adapté figurant dans ce contrat. »

Débitrice d’une obligation de résultat, la société JCI s’engage à maintenir l’installation frigorifique en état de fonctionnement continu, en prévenant par ses interventions toute défaillance et en procédant au remplacement des pièces usées ou cassées. Bien que suite à ses prestations, le matériel a subi des défaillances récurrentes, auxquelles elle n’a pu remédier, la société JCI refuse d’indemniser le dommage qui en est résulté soit la location d’un groupe froid de sécurité, la société Verizon devant garantir la continuité de ses propres prestations.

La société Verizon soutient à juste titre que cette clause a pour effet de priver d’effet l’engagement contracté par la société JCI de mettre à sa disposition en état de fonctionnement permanent le matériel frigorifique. En conséquence, elle doit être déclarée non écrite.

La société Verizon produit aux débats un décompte des sommes dépensées au titre de la location du 14 octobre 2015 au 11 mars 2016, les bons commandes et les factures relatifs à la location du groupe froid mobile extérieur.

Il n’est pas contesté qu’à compter du 5 décembre 2015, date du changement d’huile dans les compresseurs, aucune panne n’a été constatée. Or, la société Verizon a loué du matériel frigorifique jusqu’au 18 mars 2016. Il y a lieu de considérer que suite à la dernière intervention relative au changement d’huile, la location ne se justifiait plus postérieurement au 20 janvier 2016, soit 45 jours plus tard.

Les deux lettres recommandées que la société Verizon a adressées à la société JCI pour réclamer l’indemnisation de son préjudice sont insuffisantes pour justifier la prolongation de la location du groupe froid postérieurement au 20 janvier 2016.

En conséquence, il sera déduit de la somme de 102 222,42€ les sommes de 17 762,72 € + 13 322,04 € + 4440,68 € correspondant à la période de location postérieure au 20 janvier 2016 = 35 525,44€ soit un solde de 102 222,42€ – 35 525,44€ = 66 696,98€ TTC.

Sur les intérêts

S’agissant d’une créance indemnitaire, le tribunal de commerce a, à juste titre, fixé le point de départ des intérêts à la date du jugement, conformément aux dispositions de l’article 1231-7 alinéa 1er du code civil.

Sur la demande de la société JCI en paiement des factures

La société JCI sollicite le paiement de deux factures :

Selon bon de commande de la société Verizon en date du 24/04/2015, des techniciens de la société JCI sont intervenus le 25 mai 2015 puis au mois de juin 2015 pour des prestations de maintenance des installations frigorifiques et une facture en date du 25/11 2015 d’un montant de 34 874,88 € a été émise par la société JCI.

Le 31 août 2015, suite à l’expertise du compresseur 1 du groupe froid 2 cassé, la société Verizon a reçu un devis supplémentaire de la société JCI pour la remise en état mécanique dudit compresseur. Cette intervention sur le compresseur a donné lieu à une facture en date du 28/10/2015 d’un montant de 16 944 €.

Une partie peut refuser d’exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l’autre n’exécute pas la sienne et si c’est inexécution est suffisamment grave

Par courriel du 17 août 2015, le technicien de la société JCI préconisait une révision complète du compresseur en indiquant : « défaut d’huile sur compresseur 1 groupe 2, vérification niveau d’huile : correct. .. »

Cette détérioration du compresseur qui a donné lieu à la facture du 28/10/2015 résulte de l’intervention défectueuse de la société JCI au titre de la maintenance de l’installation frigorifique du fait de l’utilisation d’une huile non conforme à celle préconisée par le constructeur.

La facture en date du 25/11 2015 d’un montant de 34 874,88 € a été délivrée au titre du paiement des prestations de maintenance inadaptées ayant entraîné des dysfonctionnements récurrents de l’installation frigorifique .

Ces éléments justifient le refus de la société Verizon de s’acquitter de ces factures. Le jugement sera confirmé en ce qu’il a rejeté la demande en paiement de la société JCI à ce titre.

Sur la demande de la société JCI en dommages-intérêts pour procédure abusive

Il résulte de l’article 1240 du code civil, qu’une partie ne peut engager sa responsabilité pour avoir exercé une action en justice ou s’être défendue que si l’exercice de son droit a dégénéré en abus.

La société Verizon ayant eu gain de cause en première instance et en appel, quant à son refus de régler les factures réclamées, son attitude ne peut être considérée comme abusive. En conséquence, la demande de la société JCI de dommages intérêts sera rejetée.

Sur les demandes accessoires

Les dispositions de première instance relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées.

La société JCI, qui reste débitrice, assumera la charge des dépens d’appel ; chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

Infirme le jugement en ce que le tribunal de commerce a condamné la société Johnson Controls Industries payer à la société Verizon France la somme de 144 226,58 euros assortie des intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

Le confirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Déclare non écrite la clause de l’article 13 de l’offre de services selon laquelle « Johnson Controls ne sera pas tenu responsable des dommages indirects et/ou immatériels que pourrait supporter Verizon »,

Condamne la société Johnson Controls Industries à verser à la société Verizon France la somme de 42 003,16 euros TTC au titre de la remise en état du matériel et la somme de

66 696,98 euros TTC au titre de la location du groupe froid, avec intérêts au taux légal à compter de la date du jugement,

Rejette la demande de la société Johnson Controls Industries de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Dit que chaque partie conservera la charge de ses frais irrépétibles,

Rejette tout autre demande

Condamne la société Johnson Controls Industries aux dépens d’appel qui pourront être recouvrés par la SCP Grapotte Benetreau, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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