Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 21 AVRIL 2023
(n° , 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/11980 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CD6DX
Décision déférée à la Cour : Jugement du 27 Avril 2021 -Tribunal de Commerce de BOBIGNY – RG n° 2020F00910
APPELANTE
S.A.S. SOCIETE COMMERCIALE DE TELECOMMUNICATIONS
[Adresse 2]
[Localité 3]
N° SIRET : 412 39 1 1 04 ( BOBIGNY)
représentée par Me Cyril DE LA FARE, avocat au barreau de PARIS, toque : C2011
INTIMEE
S.A.S. RMC EQUIPEMENTS
[Adresse 5]
[Localité 1] / FRANCE
N° SIRET : 481 92 8 2 57
représentée par Me Dikpeu-eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, toque : D1635
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 15 Février 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposé, devant Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M. Denis ARDISSON, Président de chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère,
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère,
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Denis ARDISSON, Président de chambre et par Damien GOVINDARETTY, Greffier présent lors de la mise à disposition.
La société RMC (Réalisation Montage Chaudronnerie) Équipements exerce une activité de chaudronnerie, mécanique, électricité, hydraulique et pneumatique. Son siège social est à [Adresse 4].
La société commerciale de télécommunication SCT est un courtier en fourniture de services et de matériels téléphoniques et sa clientèle est exclusivement composée de professionnels et de commerçants.
Le 15 novembre 2016, la société RMC Équipements a conclu avec la société SCT un contrat de téléphonie mobile pour une durée de trente-six mois pour un prix de 49 euros HT.
Contestant la facturation de l’usage de Data, option qu’elle considérait ne pas avoir souscrite, la société RMC Équipements n’a pas réglé la part des factures de novembre 2018, décembre 2018 et janvier 2019 correspondant à cette option.
Suivant lettre recommandée du 4 février 2019, la société SCT a, après avoir mis en demeure, en vain, la société RMC Équipements de s’acquitter des sommes réclamées, enregistré la résiliation du contrat de téléphonie mobile à la date du 29 janvier 2019.
Par lettre recommandée du 23 mars 2020, la société SCT a mis en demeure la société RMC Équipements de régler la somme totale de 5.976 euros TTC incluant les factures de consommation de téléphonie mobile et les frais de résiliation.
Suivant exploit du 6 août 2020, la société SCT a fait assigner la société RMC Équipements devant le tribunal de commerce de Bobigny afin d’obtenir la résiliation des contrats de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la défenderesse et le paiement des factures et frais de résiliation.
Par jugement du 27 avril 2021, le tribunal de commerce de Bobigny :
a reçu la société SCT en ses demandes, les a déclarées non fondées, n’y a pas fait droit, et
a débouté la société SCT de toutes ses demandes,
a condamné la société SCT à payer à la société RMC Équipements la somme de 5.000 euros à titre de dommages-intérêts,
a condamné la société SCT à payer à la société RMC Équipements la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
a ordonné l’exécution provisoire du jugement,
a condamné la société SCT aux dépens.
La société commerciale de télécommunication SCT a formé appel du jugement par déclaration du 25 juin 2021 enregistrée le 30 juin 2021.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 7 décembre 2022, la société commerciale de télécommunication demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104 du code civil :
d’infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Bobigny le 2 7 avril 2021 dans son intégralité,
de déclarer bien fondée la demande introduite par la société SCT à l’encontre de la société RMC Équipements.
de constater que la société RMC Équipements a manqué ses obligations contractuelles et qu’elle engage en conséquence sa responsabilité contractuelle,
de constater la résiliation du contrat de téléphonie mobile aux torts exclusifs de la société RMC Équipements,
En conséquence,
de condamner la société RMC Équipements au paiement à la société SCT de la somme de 5.388,19 euros TTC en principal au titre des factures mobile impayées, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’ assignation ;
de condamner la société RMC Équipements au paiement à la société SCT de la somme de 588 euros TTC au titre des frais de résiliation mobile, augmentée des intérêts au taux légal à compter de la date de délivrance de l’assignation ;
de condamner la société RMC Équipements au paiement de la somme de 5.000 euros par application de l’article 700 code de procédure civile ,
de condamner aux entiers dépens.
Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 15 décembre 2021, la société RMC Équipements demande à la cour, au visa des articles 1103, 1104, 1231-1, 1217, 1212 alinéa 1 du code civil, et 1188, 1189 et 1190 du code civil :
de débouter la société SCT de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
de confirmer le jugement du 27 avril 2021 en toutes ses dispositions favorables à la société RMC Équipements,
À titre d’appel incident, y ajouter,
Outre la confirmation du jugement entrepris pour les frais irrépétibles alloués en première instance, de condamner la société SCT à verser à la société RMC Équipements la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Outre la confirmation du jugement du 27 avril 2021 qui a mis à la charge de la société SCT les dépens de première instance, condamner la même aux entiers dépens d’appel, dont distraction au profit de Maître Bale, qui en fait la demande, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
*
La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 8 décembre 2022.
SUR CE, LA COUR,
Sur les demandes de la société SCT
La société SCT soutient que la société RMC Équipements, parfaitement éclairée sur le contenu du contrat, n’en a pas respecté les dispositions, notamment issues de l’article 5 des conditions financières des conditions générales des services, puisqu’elle ne s’est pas acquittée du hors forfait réalisé sur ses factures de téléphonie mobile en novembre et décembre 2018 à hauteur respectivement de 2.567,19 euros HT et 1.851,24 euros HT.
La société RMC Équipements explique n’avoir jamais donné son accord pour bénéficier de l’option internet « usage de Data » qui est du haut débit. Elle indique que la société SCT a cru pouvoir lui facturer cette prestation sans l’avoir préalablement informée sur les modalités, les conditions tarifaires d’une telle prestation expressément exclue du forfait mobile partagé qu’elle avait souscrit. Elle a d’ailleurs fait part de son étonnement quant à la surfacturation constatée par courriel du 28 décembre 2018 puis par lettre du 16 janvier 2019.
Aux termes de l’article 1103 du code civil : « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits. »
En vertu de l’article 1104 du même code :
« Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public.»
La liasse de documents produite par la société SCT se présente de la façon suivante :
un « contrat de prestations Installation / Accès Web » signé, daté et tamponné par la société SCT et la société RMC Équipements mais non renseigné (toutes cases rayées sauf l’identité du Client)
un « contrat de location » signé, daté et tamponné par la société RMC Équipements mais entièrement rayé,
un « contrat de services Téléphonie Fixe » signé, daté et tamponné par la société RMC Équipements mais entièrement rayé,
une « Annexe mandat portabilité » signée, datée et tamponnée par la société RMC Équipements mais entièrement rayée,
un « contrat de services Solutions Informatiques » signé, daté et tamponné par la société RMC Équipements mais entièrement rayé,
un « contrat de services Téléphonie Mobile » signé, daté et tamponne par la société SCT et la société RMC Équipements, portant sur 6 numéros avec un forfait partagé, un volume d’appel de 6 heures par mois, un montant de 49 euros HT par mois et ce avec un engagement de 36 mois,
un mandat de prélèvement SEPA non renseigné mais signé, daté et tamponné par la société RMC Équipements.
Sont annexées, au verso des documents détaillés supra, les conditions générales des services (1ère puis 2ème partie), les conditions particulières de téléphonie fixe (1ère, 2ème puis 3ème partie), les conditions spécifiques du « forfait illimité fixe », les conditions générales de location (1ère et 2ème partie), les conditions particulières de maintenance, les conditions particulières d’accès internet, les conditions particulières de solutions informatiques (1ère partie et 2ème partie), les conditions particulières de téléphonie mobile (1ère, 2ème et 3ème partie), les conditions spécifiques du « forfait mobile SCT ajustable », les conditions spécifiques du « forfait mobile SCT partagé », les conditions spécifiques aux « forfait voix », « forfait 4G connect », « forfait 4G premium » et « forfait 4G voyageur », les conditions spécifiques aux options mobiles.
La cour ne dispose pas de l’original du contrat mais d’une copie couleur. La société RMC Équipements rappelle cependant que cette liasse se présentait sous forme « carbonée ».
Il est manifeste que la société RMC Équipements a signé inutilement la plupart des documents décrits puisque sur cinq contrats proposés par la société SCT, elle n’a souscrit qu’à l’offre de téléphonie mobile. Parmi les conditions particulières jointes, le cocontractant est donc contraint de rechercher, non sans difficulté au regard de la petitesse des caractères d’imprimerie employés et de la présentation sous forme d’un amas de documentation inutile, les conditions réellement applicables à son contrat.
Ainsi, au sein des « conditions spécifiques du « forfait mobile SCT partagé », la « Description du forfait » contenue dans l’article 2 est ainsi libellée :
« Le Forfait permet au Client, sous réserve d’éligibilité technique, de bénéficier d’un crédit mensuel d’heures de communication mutualisé pour tous les appels voix (vers un téléphone fixe ou mobile) passés en France métropolitaine depuis les Lignes téléphoniques mobiles du Client rattachées à ce Forfait, hors numéros courts, numéros spéciaux et appels Data. Le Forfait se décline en plusieurs crédits mensuels d’heures de communication. Le crédit du Forfait non utilisé sur une période de facturation ne peut être reporté sur la période de facturation suivante, ni être remboursé, étant précisé que la durée de la période de facturation prise en compte pourra être inférieure ou supérieure à trente (30) jours en fonction du calendrier de facturation du Fournisseur. »
L’article 3 « Exclusions » prévoit que : « Sont notamment exclus du Forfait : l’usage de Data, les SMS/MMS, la visiophonie, les appels au-delà de la durée prévue dans le Forfait, les numéros courts, les numéros spéciaux, les appels à l’international, les contenus et services payants. »
En outre les « conditions spécifiques aux options mobiles » précisent notamment la description des « options d’interdiction » et des « options Data ».
La société SCT a coupé les six lignes téléphoniques le 16 janvier 2019 avant d’enregistrer la résiliation du contrat, au motif que la société RMC Équipements n’avait pas réglé les montants relatifs à la consommation hors forfait de Data.
Or il résulte de l’examen du « contrat de services téléphonie mobile », seul souscrit par la société RMC Équipements pour six numéros de lignes parmi les offres présentées par la société SCT, que l’option « Data (Mo) » n’a pas été cochée et que le montant du coût d’une telle option n’est pas non plus indiqué. L’usage de Data n’était donc pas compris dans le forfait partagé comme le rappelle la description dudit forfait et les exclusions propres au « forfait mobile SCT partagé » au sein des conditions spécifiques. La description des options Data dans les « conditions spécifiques aux options mobiles » renvoie à un catalogue tarifaire qui n’a pas été communiqué à la société RMC Équipements. Enfin, si l’option interdiction de l’utilisation de Data était possible, ainsi qu’il ressort des conditions spécifiques, aucune case du contrat de services téléphonie mobile ne prévoit la souscription de cette option, à l’inverse de la souscription de Data.
La société RMC Équipements, qui n’avait pas opté pour l’usage de Data sur les six lignes de téléphonie mobile de ses employés, ne pouvait s’attendre à ce qu’au bout de deux années d’exécution sans faille du contrat, la société SCT lui réclame soudainement le règlement d’une consommation hors forfait de Data non souscrite et dont elle n’avait pas été informée des tarifs. La société SCT ne saurait se prévaloir de l’article 5 des conditions financières des conditions générales des services, article généraliste sur la facturation, pour solliciter le paiement de sommes non dues. Ainsi l’appelante ne pouvait, sans recueillir le consentement de son cocontractant, lui facturer un usage de Data à un tarif non communiqué préalablement.
C’est donc à bon droit que les premiers juges ont considéré que la société SCT avait manqué à son obligation d’exécuter le contrat de bonne foi en permettant au client d’accéder à ce service. Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu’il a débouté la société SCT de toutes ses demandes, y compris celle relative à l’indemnité de résiliation, l’appelante n’étant pas fondée à opposer des frais de résiliation, à son initiative, au motif d’un impayé de sommes indues.
Sur la demande reconventionnelle de la société RMC Équipements
La société RMC Équipements rappelle que la coupure intempestive des six lignes de téléphonie par la société SCT a privé ses monteurs, souvent en déplacement, de ce matériel et lui a fait perdre une chance de conserver les numéros attribués à ses personnels. Elle a donc été contrainte de souscrire de nouvelles lignes de téléphonie, avec de nouveaux numéros, ce qui a engendré une désorganisation, une perte de temps et d’exploitation justifiant l’allocation de dommages-intérêts.
La société SCT oppose notamment l’existence d’une clause limitative de responsabilité au sein de l’article 8.2 des « Conditions Générales des Services » qui empêcherait l’intimée de réclamer des dommages-intérêts.
La société SCT ne démontre cependant pas que cette clause aurait été portée à la connaissance de la société RMC Équipements, noyée au sein d’un maquis de clauses inutiles car concernant des contrats non souscrits et en caractères difficiles à lire à l »il nu en raison de leur petitesse. La seule signature par la société RMC Équipements sous la mention « Le Client déclare avoir pris connaissance et accepter les Conditions Générales et Particulières relatives au service mobile figurant au verso du présent contrat et les tarifs applicables » figurant sur le contrat de Services téléphonie mobile ne suffit pas à en faire la preuve.
D’autre part, la société SCT a menacé la société RMC Équipements de couper les six lignes à défaut de paiement des sommes réclamées avant de résilier très rapidement le contrat. L’intimée démontre avoir dû souscrire en urgence auprès de l’opérateur Orange un nouveau contrat pour de nouvelles lignes téléphoniques le 3 février 2019.
Cette réorganisation en urgence et la privation des lignes en vigueur depuis deux ans ont occasionné à la société RMC Équipements un préjudice que le tribunal de commerce a raisonnablement fixé à hauteur de 5.000 euros. Il sera par conséquent confirmé sur ce point.
Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile
La société SCT succombant à l’action, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d’appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, dont distraction au profit de Maître Bale, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. Il apparaît également équitable de la condamner à payer à la société RMC Équipements la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,
CONDAMNE la société SCT aux dépens, dont distraction au profit de Maître Bale;
CONDAMNE la société SCT à payer à la société RMC Équipements la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT