Clause limitative de responsabilité : 14 novembre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-20.700

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Clause limitative de responsabilité : 14 novembre 2019 Cour de cassation Pourvoi n° 18-20.700

CIV. 1

LG

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 14 novembre 2019

Rejet non spécialement motivé

Mme BATUT, président

Décision n° 10610 F

Pourvoi n° X 18-20.700

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, a rendu la décision suivante :

Vu le pourvoi formé par la Société française du radiotéléphone (SFR), société anonyme, dont le siège est […] ,

contre l’arrêt rendu le 3 mai 2018 par la cour d’appel de Versailles (12e chambre, section 2), dans le litige l’opposant à la société CGB, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est […] ,

défenderesse à la cassation ;

Vu la communication faite au procureur général ;

LA COUR, en l’audience publique du 8 octobre 2019, où étaient présentes : Mme Batut, président, Mme Duval-Arnould, conseiller rapporteur, Mme Kamara, conseiller doyen, Mme Randouin, greffier de chambre ;

Vu les observations écrites de la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat de la Société française du radiotéléphone, de la SCP Gaschignard, avocat de la société CGB ;

Sur le rapport de Mme Duval-Arnould, conseiller, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Vu l’article 1014 du code de procédure civile ;

Attendu que le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

Qu’il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée ;

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la Société française du radiotéléphone aux dépens ;

Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze novembre deux mille dix-neuf.
MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour la Société française du radiotéléphone

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir condamné la société SFR à payer à la société CGB la somme de 53 314 euros à titre de dommages-intérêts pour réparation de son préjudice économique et la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour trouble de jouissance, avec pour, chaque somme, intérêts au taux légal à compter du 8 décembre 2011, date de l’assignation, et capitalisation des intérêts dans les termes et conditions de l’article 1154 du code civil dans sa rédaction en vigueur avant le 1er octobre 2016 ;

Aux motifs propres que : « Sur l’existence et l’imputabilité d’une faute lourde de la société SFR Vu les articles 1134 et 1147 du code civil dans leur rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 ratifiée par la loi n° 2018-287 du 20 avril 2018 ; qu’il ressort des documents versées aux débats que, – selon bulletin d’inscription SFR fixe Pro signé le 12 janvier 2009, la société CGB a souhaité bénéficier d’offres de téléphonie fixe pour deux lignes téléphoniques, respectivement […] et […] , dont elle déclarait être titulaire et pour lesquelles elle affirmait disposer d’un abonnement téléphonique auprès de France Télécom ; – le 18 février 2010, les deux lignes en question n’ont plus fonctionné ainsi qu’en atteste un constat d’huissier établi les 18 et 19 février 2010, – la société SFR avait en effet, à la suite d’une demande de la société CGB interprétée comme se rapportant au déménagement de celle-ci, résilié les services fournis sur ces deux lignes au visa tant de ses conditions générales d’inscription au service de téléphonie « FIXE PRO » que des conditions générales d’inscription au service internet haut débit ; qu’il est par ailleurs acquis aux débats, qu’aucune demande écrite de changement de domicile n’a été adressée par la société CGB à la société SFR dans les termes des conditions générales applicables au 30 juin 2008, dont la société CGB a précisément reconnu avoir reçu un exemplaire le 12 janvier 2009 lors de la souscription du contrat litigieux – voir cotes 1 : « je déclare avoir reçu un exemplaire des conditions générales d’inscription au Service de téléphonie fixe de Neuf Cegetel ainsi que des descriptifs et tarifs des offres, en avoir pris connaissance et les accepter dans toute leur teneur » et 12 du dossier de la société CGB, article 7.1 : « le Client est tenu de prévenir Neuf, immédiatement par tous moyens puis de confirmer par lettre dans un délai d’une semaine, de tout changement de domicile » [souligné par la Cour] et que par ailleurs, le fonctionnement de la ligne fax a été rétabli le 12 mars suivant tandis que celui de la ligne téléphonique a été rétabli le 18 mars 2010 ; qu’il est encore exact que les conditions générales précitées énoncent au point 11, intitulé « Responsabilité de Neuf » :  » Neuf [devenue SFR] s’engage à mettre en oeuvre les moyens raisonnables nécessaires afin de fournir le Service au Client ; qu’à ce titre, la responsabilité de Neuf est limitée à la seule fourniture du Service dans les conditions des présentes Conditions d’Inscription./Dans les seuls cas où Neuf aura commis une faute prouvée par le Client dans l’exécution du Contrat de Service, Neuf réparera les dommages matériels directs causés au Client dans la limite d’une somme équivalente aux montants payés par le Client à Neuf au titre du Contrat de Service pour les trois derniers mois précédant la survenance de l’événement ayant entraîné ledit dommage./La responsabilité de Neuf ne saurait être engagée, notamment, dans les cas suivants : – (…) – force majeure ou faits indépendants de sa volonté et, notamment, interruption du Service résultant de la défaillance du réseau de l’OBL [Opérateur de Boucle Locale soit France Télécom] ; qu’il est cependant de jurisprudence bien établie qu’une clause limitative de responsabilité n’a pas vocation à trouver application en cas de faute lourde du responsable du dommage et que par ailleurs d’une part, la faute lourde est caractérisée par une négligence d’une extrême gravité confinant au dol et dénotant l’inaptitude du débiteur de l’obligation à l’accomplissement de sa mission contractuelle (Cass.ch. mixte. 22 avril 2005, n° 03-14112) et d’autre part, cette faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle mais doit, se déduire de la gravité du comportement du débiteur (Cass. com, 29 juin 2010, pourvoi 09-11841) ; qu’en l’espèce, c’est donc au regard de tout ce qui précède à raison, que les premiers juges ont par des motifs justes, exacts et précis que la Cour adopte, imputé à la société SFR une faute de cette nature dénotant l’inaptitude de celle-ci à l’accomplissement de sa mission essentielle qui est non seulement d’assurer la continuité du service fourni mais également de ne pas, compte tenu de la gravité des conséquences qui en résultent pour l’activité commerciale et professionnelle de sa cliente, résilier le contrat de fourniture pour cause de déménagement à supposer que cette hypothèse soit remplie, sans l’accord exprès et donc écrit de cette dernière, cette inaptitude étant sanctionnée par l’éviction de la clause limitative de responsabilité permettant d’indemniser l’entier préjudice subi par la société CGB ; que cette dernière société ne peut au demeurant, alléguer sérieusement ne pas avoir eu connaissance des conditions générales qui lui sont opposées par la partie adverse alors que ces dernières apparaissent lui avoir été communiquées à deux reprises, lors de la souscription du bulletin de souscription – voir cote 1 du dossier de la société CGB et lors de la confirmation de la commande du service en cause – voir cote 35 du dossier de la société SFR et alors qu’elle ne justifie pas en avoir contesté l’applicabilité ; que la société SFR ne peut enfin se prévaloir d’une circonstance de force majeure exonératoire de toute responsabilité en observant notamment, que France Télécom avait seule, en qualité de propriétaire du numéro de téléphone, la maîtrise de celui-ci alors qu’elle a ab initio, par un manquement avéré à son obligation de rigueur professionnelle, non seulement interprété à tort la demande qui lui était faite comme étant une demande de déménagement mais quoi qu’il en soit, à supposer même qu’il serait agi d’une demande de cette nature, procédé à la résiliation des lignes téléphoniques litigieuses sans l’accord écrit de sa cliente et ainsi provoqué la survenance du dommage allégué par celle-ci ; que le jugement entrepris sera donc sur ce premier point, confirmé. »
Et aux motifs adoptés que : « il est établi que le 21 janvier 2010, la société COB a demandé téléphoniquement à un opérateur de SFR un changement de ligne téléphonique ; que la société SFR ne conteste pas, suite à cet appel, avoir inactivé le 18 février 2010 les lignes souscrites par CGB et corolairement résilié celles-ci auprès de France Telecom ; que la société CGB explique qu’elle a détaillé sa demande en précisant qu’elle souhaitait un basculement de sa ligne téléphonique ADSL sur sa ligne fax ; que la société SFR prétend avoir reçu, lors de cet appel de la société CGB, une demande relative à un déménagement à venir mais, attendu que SFR ne démontre pas avoir reçu explicitement une telle demande ; que la société SFR reconnait avoir compris, en tout état de cause, cette demande comme une information de déménagement impliquant la résiliation de ses services, dès lors que lesdits services ne peuvent être fournis que sur la ligne attribuée par France Telecom et déclarée au moment de la conclusion du contrat ; qu’elle n’a fait qu’appliquer ensuite scrupuleusement les termes contractuels ; que les pièces versées aux débats par SFR, notamment ses copies d’écran d’ordinateur, vont dans le sens d’une interprétation erronée de sa part, en prenant une demande de basculement de ligne téléphonique ADSL pour une demande de déménagement, confusion d’autant plus surprenante de la part de professionnels du secteur de la téléphonie ; que notamment la pièce 6.5, copie d’écran versée aux débats, indique : « Raison d’appel : sur quoi porte la demande ? Résiliation à l ‘insu du client. » ; que de surcroît les conditions générales d’inscription de Neuf Telecom du 15 décembre 2005 et les conditions générales d’inscription au service de téléphonie fixe « Pro » de Neuf Telecom du 30 juin 2008 versées aux débats, stipulent dans leur article 7.1 : « Le client est tenu de prévenir Neuf immédiatement par tous moyens puis de confirmer par lettre, dans un délai d’une semaine, de tout changement de domicile ou d’OBL. Au cas où ces modifications rendraient la fourniture du Service impossible, Neuf Telecom en informera le client et le contrat de service sera résilié … » ; que la spécification dans le contrat de ces conditions, qui ont été rédigées par SFR elle-même, démontre la gravité des conséquences d’un éventuel déménagement du client et, de ce fait, du formalisme strict que doit revêtir une telle décision de sa part ; qu’il est établi que la société CGB n’a jamais formalisé par écrit une quelconque information de déménagement à venir ; qu’il en ressort que la société SFR a pris l’initiative de mettre fin à ses engagements et d’impliquer France Telecom dans cette rupture de lignes téléphoniques, à tort ; que dès lors, la faute contractuelle de la société SFR est établie et caractérisée comme faute lourde étant donné qu’elle constitue un manquement de SFR à une obligation essentielle du contrat, à savoir la continuité du service fourni et l’impossibilité de résilier sans l’accord du client » ;

1°) Alors que seuls le dol ou la faute lourde de la partie qui invoque, pour se soustraire à son obligation, une clause d’irresponsabilité insérée au contrat et acceptée par l’autre partie, peuvent faire échec à l’application de ladite clause ; que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; qu’en retenant, par adoption expresse des motifs des premiers juges, que la faute commise par la société SFR était une faute lourde parce qu’elle constituait un manquement à une obligation essentielle du contrat, à savoir la continuité du service fourni et l’impossibilité de résilier sans l’accord du client, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1150 du code civil dans leur version applicable à la cause ;

2°) Alors que la contradiction de motifs équivaut à une absence de motifs ; qu’en rappelant, d’une part, que la seule inexécution d’une obligation essentielle ne suffit pas à caractériser une faute lourde tout en adoptant expressément, d’autre part, les motifs des premiers juges en les qualifiant de justes, exacts et précis par lesquels ces derniers ont déduit l’existence d’une faute lourde imputable à la société SFR d’un manquement à une obligation essentielle du contrat, la cour d’appel qui a statué par des motifs contradictoires a entaché sa décision d’un défaut de motifs et a ce faisant violé l’article 455 du code de procédure civile ;

3°) Alors que seuls le dol ou la faute lourde de la partie qui invoque, pour se soustraire à son obligation, une clause d’irresponsabilité insérée au contrat et acceptée par l’autre partie, peuvent faire échec à l’application de ladite clause ; que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; qu’en l’espèce, pour neutraliser le jeu de la clause limitative stipulée dans les conditions générales de la société SFR acceptées par la société CGB, qu’une faute lourde était caractérisée en raison de la gravité des conséquences pour l’activité commerciale et professionnelle de sa cliente résultant du manquement imputée à la société SFR ; qu’en déduisant ainsi l’existence d’une faute lourde de la gravité des conséquences de l’inexécution pour le créancier, la cour d’appel est revenue à une conception objective de la faute lourde détachée du comportement du débiteur et a, une nouvelle fois, méconnu les articles 1134 et 1150 du code civil dans leur version applicable à la cause ;

4°) Alors, subsidiairement, que seuls le dol ou la faute lourde de la partie qui invoque, pour se soustraire à son obligation, une clause d’irresponsabilité insérée au contrat et acceptée par l’autre partie, peuvent faire échec à l’application de ladite clause ; que la faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur ; qu’en retenant que la société SFR avait commis une faute lourde en raison d’une interprétation erronée des consignes du client et de l’absence de respect de la procédure imposée en cas de déménagement, lorsque de telles circonstances sont insuffisantes pour caractériser une incurie extrême du débiteur confinant au dol, la cour d’appel a, en tout état de cause, privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 et 1150 du code civil dans leur version applicable à la cause ;

5°) Alors, encore plus subsidiairement, que la société SFR faisait valoir dans ses écritures en cause d’appel qu’elle n’avait pas pu obtenir la remise en fonctionnement des lignes après avoir contacté France Télécom et que c’est à la demande de la société CGB que l’opérateur historique avait rétabli les deux lignes téléphoniques et qu’il en résulte que cette société a contribué à la réalisation de son propre dommage en tardant à contacter France Telecom (conclusions de la société SFR, p. 31) ; qu’en ne répondant pas à cet argument péremptoire de nature à établir une faute de la société CGB venant réduire son droit à indemnisation, la cour d’appel a méconnu l’article 455 du code de procédure civile.

 


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