Clause limitative de responsabilité : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00294

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Clause limitative de responsabilité : 14 juin 2023 Cour d’appel de Rouen RG n° 22/00294

N° RG 22/00294 – N° Portalis DBV2-V-B7G-I7TA

COUR D’APPEL DE ROUEN

1ERE CHAMBRE CIVILE

ARRET DU 14 JUIN 2023

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2020002626

Tribunal de commerce de Rouen du 13 décembre 2021

APPELANTE :

SNC DU DONJON

RCS de Rouen 792 976 060

[Adresse 5]

[Localité 4]

représentée par Me Caroline SCOLAN de la SELARL GRAY SCOLAN, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Xavier GRIFFITHS du cabinet GRIFFITHS et DUTEIL, avocat au barreau de Lisieux

INTIMEE :

SA ENTREPRISE GENERALE LEON GROSSE

RCS de Chambéry 745 420 653

[Adresse 6]

[Localité 3]

représentée par Me Sandrine DARTIX-DOUILLET de la SCP SILIE VERILHAC ET ASSOCIÉS SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocat au barreau de Rouen et assistée par Me Richard ROUX, avocat au barreau de Paris

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 3 avril 2023 sans opposition des avocats devant M. Jean-François MELLET, conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée de :

Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre

M. Jean-François MELLET, conseiller

Mme Magali DEGUETTE, conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Catherine CHEVALIER

DEBATS :

A l’audience publique du 3 avril 2023, où l’affaire a été mise en délibéré au 14 juin 2023

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé publiquement le 14 juin 2023, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier présent lors de la mise à disposition.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE

Par acte du 15 septembre 2017, la Snc du Donjon a pris à bail commercial un ensemble immobilier à construire sous maîtrise d’ouvrage de la Sarl 2 ID afin d’y exploiter un hôtel de luxe à [Localité 4]. La mise à disposition de l’ensemble immobilier par le bailleur devait intervenir initialement le 15 mai 2019, date repoussée au 17 juillet 2019 selon avenant du 29 septembre 2017.

La Sarl 2ID a confié à la Sa Entreprise générale Léon Grosse (la Sa Léon Grosse) un contrat d’entreprise générale portant sur le clos et le couvert comprenant la mission d’ordonnancement, pilotage, coordination de tous les corps d’états. Le délai d’exécution initial était de 20 mois à compter de l’ordre de service de démarrage des travaux, intervenu le 18 septembre 2017.

Par avenant n°1 du 19 avril 2018, la Sarl 2ID et la Sa Léon Grosse sont convenues de repousser le délai de livraison au 1er août 2019.

Par lettre de saisine du tribunal arbitral en date du 1er octobre 2019, la Sa Léon Grosse a présenté une demande de prolongation de délai de 433 jours, soit une livraison au bailleur le 20 juillet 2020.

Une sentence arbitrale a été rendue le 30 juin 2020, estimant les retards dits

‘excusables’ à 86,4 jours, et condamnant la Sarl 2ID à verser une indemnité de

353 412,60 euros HT.

Par acte du 27 février 2020, la Snc du Donjon a fait assigner la Sas Léon Grosse devant le tribunal de commerce de Rouen. Elle sollicitait la condamnation de cette dernière à l’indemniser d’une somme de 1 286 000 euros à parfaire au titre de la perte d’exploitation subie.

La réception a finalement été prononcée le 9 décembre 2020.

Par arrêt du 14 septembre 2022, la cour d’appel de Rouen a rejeté le recours en annulation formé par la Sarl 2ID à l’encontre de la sentence arbitrale du 30 juin 2020.

Le 26 mai 2021, la Sa Léon Grosse a transmis au maître d »uvre son projet de décompte final. Le 29 juin 2021, la Sarl 2ID a transmis à la Sa Léon Grosse le décompte définitif faisant apparaître un solde négatif de 809 881,39 euros TTC. Par courrier du 16 juillet 2021, la Sa Léon Grosse a transmis à la Sarl 2ID ses observations sur le décompte définitif. Par courrier du 3 août 2021, la Sarl 2ID a indiqué à la Sa Léon Grosse qu’elle rejetait l’ensemble de ses observations.

Par jugement du 13 décembre 2021, le tribunal de commerce de Rouen a retenu sa compétence et a déclaré les demandes irrecevables, condamné la Snc du Donjon à payer à la Sa Léon Grosse la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et condamné la Snc du Donjon aux entiers dépens, dont les frais de greffe liquidés à la somme de 74,54 euros.

La Snc du Donjon a interjeté appel par déclaration au greffe du 24 janvier 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023, la Snc du Donjon demande à la cour, au visa des articles 1231 et 1240 du code civil, d’infirmer le jugement rendu le 13 décembre 2021 par le tribunal de commerce de Rouen en ce qu’il a :

– déclaré irrecevables les demandes formées par la Snc du Donjon pour défaut de qualité à agir,

– en conséquence rejeté les demandes formées par la Snc du Donjon tendant à voir condamner la Sa Léon Grosse à payer à la Snc du Donjon la somme de

1 286 000 euros sauf à parfaire au titre de la perte d’exploitation subie et la somme de 300 000 euros sauf à parfaire sur justifications au titre des dépenses supportées en raison du retard de l’ouverture de l’hôtel ainsi qu’une somme de 5 000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens,

– condamné la Snc du Donjon à payer à la Sa Léon Grosse la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné la Snc du Donjon aux dépens,

et, statuant à nouveau, de :

à titre principal,

– rejeter l’exception d’incompétence et les fins de non-recevoir de la Sa Léon Grosse,

– condamner la Sa Léon Grosse à payer à la Snc du Donjon la somme de

1 286 000 euros sauf à parfaire au titre de la perte d’exploitation subie,

– condamner la Sa Léon Grosse à payer à la Snc du Donjon la somme de

300 000 euros sauf à parfaire, sur justifications, au titre des dépenses supportées en raison du retard d’ouverture de l’hôtel,

à titre subsidiaire,

– ordonner avant dire droit une mesure d’instruction ad hoc permettant d’apprécier l’étendue exacte des préjudices réels et actuels de la Snc du Donjon du fait du retard d’ouverture de l’hôtel imputable à la Sa Léon Grosse,

en tout état de cause,

– condamner la Sa Léon Grosse au visa l’article 700 du code de procédure civile à indemniser la Snc du Donjon au moyen d’une indemnité de 10 000 euros ainsi qu’aux entiers dépens de première instance et d’appel que la Selarl Gray Scolan, Avocats associés, sera autorisée à recouvrer selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– la clause compromissoire attribuant une compétence exclusive en première instance au tribunal arbitral ne constitue pas une limite et condition contractuelle opposable aux tiers, notamment la Snc du Donjon ;

– l’action dont est titulaire le tiers au contrat est soumise à un régime propre et la clause limitative de responsabilité ou les clauses compromissoires contenues dans ce contrat ne peuvent pas lui être opposées ;

– par sa faute, l’intimée a empêché la Snc du Donjon d’organiser avec une date certaine les conditions d’embauche du personnel et les actions de commercialisation du bien ;

– la sentence arbitrale du 30 juin 2020 par le tribunal arbitral a fait l’objet d’un recours en annulation devant la cour d’appel de Rouen qui n’a pas encore été tranché par une décision définitive ;

– il ne saurait y avoir une atteinte à l’autorité de la chose jugée, à défaut d’identité d’objet, de cause et de partie ;

– en effet, cette sentence a été rendue à la suite de demandes formulées par la Sa Léon Grosse à l’encontre de la Sarl 2ID et avait ainsi un objet et une cause nécessairement distincte ;

– par ailleurs, la Snc du Donjon et la Sarl 2ID sont bien deux personnes morales distinctes ;

– un manquement contractuel qui cause un préjudice à un tiers peut être invoqué par celui-ci à l’appui d’une action en responsabilité quasi-délictuelle formée à l’encontre de l’auteur du manquement contractuel ;

– aucune règle n’interdit aux tiers de former une action en responsabilité extracontractuelle contre un contractant pour manquement contractuel dans l’hypothèse où ce tiers disposerait également d’une action en responsabilité contractuelle contre l’autre partie au contrat ;

– si la Snc du Donjon n’a pas engagé une action contractuelle contre la Sarl 2ID, ce n’est pas en raison de leurs ‘liens capitalistiques’, mais parce qu’une telle action serait infondée, dès lors que la Sarl 2ID n’a aucune responsabilité dans les retards, contrairement à la Sa Léon Grosse qui en est responsable à 80 % selon la sentence du 30 juin 2020 ;

– le tiers à un contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi-délictuelle distincte de ce manquement ;

– c’est à compter de la date de livraison au 17 juillet 2019 que doivent se calculer les droits à indemnisation de la Snc du Donjon du fait du regard d’exploitation, la réception n’étant intervenue que le 9 décembre 2020 et l’ouverture de l’hôtel que le 8 mars 2021.

Par dernières conclusions notifiées le 14 mars 2023, la Sa Léon Grosse demande à la cour de confirmer le jugement en ce que le tribunal a déclaré irrecevables les demandes formées par la Snc du Donjon, à titre subsidiaire de rejeter au fond les demandes, et en tout état de cause de condamner la Snc du Donjon à lui payer la somme de 15 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Elle soutient en substance ce qui suit :

– le droit d’action des tiers s’exerce dans les conditions et limites résultant des principes de non-option et de non-cumul des responsabilités ;

– l’appelante dispose de la possibilité d’agir en responsabilité contractuelle vis-à-vis de son bailleur pour non-respect de l’obligation de délivrance à date de livraison stipulée dans le bail commercial ;

– le tribunal arbitral, dans sa sentence du 30 juin 2020, a conclu que la Sa 2ID était responsable de plusieurs faits générateurs à l’origine du retard de livraison reproché à Léon Grosse ;

– le tiers doit établir le manquement, le dommage, et enfin un lien de causalité entre la faute et le dommage ;

– l’appelante ne rapporte pas cette preuve ;

– aux termes des sentences du 16 décembre 2019 et 30 juin 2020, le tribunal arbitral a considéré qu’étaient imputables à la Sa 2ID la majorité des faits générateurs des retards invoqués par la Sa Léon Grosse ;

– sur un retard cumulé de 196 jours, le tribunal a considéré que 85 % relevait de la responsabilité du maître d’ouvrage et du maître d’oeuvre, tandis que seulement 30 jours étaient imputables à l’intimée ;

– la Snc du Donjon ne démontre aucun manquement contractuel, dès lors qu’elle se contente d’invoquer un dépassement du délai de livraison initialement prévu sans tenir compte des causes exonératoires reconnues par le tribunal arbitral ;

– la cour ne pourrait, sauf à méconnaître l’autorité de la chose jugée, revenir sur la solution retenue par le tribunal arbitral s’agissant de l’imputabilité des différents faits générateurs à l’origine des retards dans la livraison de l’établissement hôtelier ;

– le préjudice ne pourrait résulter que de la démonstration d’un manque à gagner de l’exploitant, durant une période où il aurait dû ouvrir l’établissement à sa clientèle, et n’a pu le faire du fait d’un retard imputable à la Sa Léon Grosse ;

– le retard dans la mise à disposition de l’établissement n’a causé aucun préjudice financier à l’exploitant, mais lui a en définitive permis d’éviter les pertes substantielles qu’il aurait dû enregistrer en cas d’ouverture, du fait notamment de la crise sanitaire Covid-19.

Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures visées ci-dessus conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 mars 2023.

MOTIFS

Sur la responsabilité de l’entreprise générale Léon Grosse

Les contrats font la loi des parties et leur effet est relatif à ces parties.

Il s’ensuit, comme l’a jugé le tribunal de commerce, que la clause compromissoire stipulée entre la Sarl 2ID, maître de l’ouvrage, et la Sa Léon Grosse, entreprise générale, n’est pas opposable au bailleur, la Snc du Donjon. Le tribunal de commerce a donc pu se déclarer compétent sans encourir l’infirmation.

En outre, ainsi qu’il l’a rappelé, l’autorité de chose jugée n’a lieu, en application de l’article 1355 du code civil, qu’à la triple condition d’une identité de parties, d’objet et de cause.

La sentence arbitrale rendue entre la Sarl 2ID et la Sa Léon Grosse n’a pas autorité de chose jugée vis-à-vis des demandes formées aujourd’hui par la Snc du Donjon, personne morale distincte, dont l’objet est d’ailleurs différent puisqu’elles portent sur sa perte d’exploitation en tant que gérante de l’hôtel.

Le jugement n’appelle donc pas de critique en ce que le tribunal a rejeté cette fin de non-recevoir.

Le manquement par un contractant à une obligation contractuelle est de nature à constituer un fait illicite à l’égard d’un tiers au contrat lorsqu’il cause un dommage. Dès lors, le tiers au contrat qui établit un lien de causalité entre un manquement contractuel et le dommage qu’il subit n’est pas tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte de ce manquement.

Le fait que le tiers dispose, en vertu d’un contrat distinct, d’une action contractuelle contre le co-contractant de l’auteur du manquement ne le rend pas pour autant irrecevable à agir contre ce dernier.

Il n’est pas davantage tenu de démontrer l’impossiblité d’agir contre son propre cocontractant.

En l’état du dernier accord des parties, l’immeuble devait être livré par le constructeur au maître de l’ouvrage le 1er août 2019, et par le maître de l’ouvrage au preneur le 17 juillet 2019.

Après avoir analysé de façon circonstanciée les sept faits générateurs allégués par la Sa Léon Grosse pour justifier le non-respect de la date de livraison, le tribunal arbitral a estimé que les retards constatés jusqu’au 31 décembre 2019 n’étaient excusables qu’à hauteur de 86,4 jours. Au plus tard, la livraison au maître de l’ouvrage aurait donc dû intervenir 86,4 jours après le 1er août 2019.

La réception est intervenue le 9 décembre 2020, retardant d’autant la livraison au preneur et l’ouverture de l’hôtel. Le manquement, par la Sa Léon Grosse, à son obligation contractuelle de résultat, est établi de ce simple fait.

Il résulte en outre de la sentence arbitrale du 30 juin 2021, dont la Sa Léon Grosse se prévaut elle-même au titre de la chose jugée, qu’elle a commis plusieurs fautes contractuelles qui ont un rôle causal déterminant dans le retard de livraison.

Le tribunal arbitral n’a pas seulement exclu certains des faits générateurs de retard invoqués par l’entreprise générale, mais pointé expressément plusieurs fautes de sa part, à savoir :

– le non respect du planning des travaux, en particulier en phase préparation, qui a contribué de façon déterminante à l’accumulation inéluctable de retards ;

– le manquement à son obligation de présentation des échantillons relatifs à la maison ancienne pendant la période de préparation, entraînant un retard de validation par l’ABF, (p. 53) ;

– le retard et l’insuffisance de mobilisation de ressources pour les besoins de l’opération (p. 59) .

Le manquement à l’obligation de livrer à bonne date s’explique donc par ‘l’importante responsabilité de Léon Grosse dans les retards d’exécution à l’origine du litige'(p. 66)

Le tribunal a d’ailleurs relevé que la Sa Léon Grosse avait elle-même reconnu un retard de mobilisation, la sous-estimation de la durée de construction de l’infrastructure ainsi que l’insuffisance de main d’oeuvre pour le gros oeuvre. Il indique enfin, en page 60, que l’insuffisance de la mobilisation de la main d’oeuvre par la Sa Léon Grosse et l’absence de mise en oeuvre par cette dernière des mesures de mitigation destinées à limiter l’accumulation des retards induits explique 80 % des retards constatés sur l’opération.

La Sa Léon Grosse, qui se réfère expressément à cette sentence pour combattre les demandes adverses, n’apporte aucune explication quant aux fautes qui lui sont prêtées. Le fait que ces fautes viennent éventuellement en concours avec les fautes d’autres parties, la maîtrise d’oeuvre ou le maître de l’ouvrage, n’est pas de nature à l’exonérer de sa responsabilité vis-à-vis du preneur, mais au contraire d’engager sa responsabilité in solidum.

Elle n’avance aucune explication quant au retard constaté après le 31 décembre 2019, date limite de la période examinée par le tribunal arbitral.

Le non-respect, par l’entreprise générale, de son obligation de livraison à date, est établie. Ce manquement contractuel préjudicie à la Snc Du Dragon, tiers au contrat de construction, puisque l’immeuble n’a pas été mis à disposition dans les délais, et qu’elle n’a pas été en mesure de débuter l’exploitation de l’hôtel à la date prévue.

Sur le préjudice subi

Il en résulte une perte d’exploitation, a fortiori en période touristique de l’Armada 2019.

Aucune demande distincte n’est formée au titre d’un préjudice d’image.

Afin d’établir l’impact sur son activité économique, la Snc du Donjon cite les extraits d’une analyse financière privée, mais sans la verser, puisque seules les annexes sont produites. Elle communique une attestation de son commissaire aux comptes qui, outre qu’elle n’est pas contradictoire, est trop succincte pour être retenue in extenso afin de chiffrer ce préjudice. Il y aura donc lieu d’ordonner une expertise confiée à un expert du chiffre.

Il devra calculer le préjudice d’exploitation au regard d’une date de livraison au maître de l’ouvrage fixée 86,4 jours après le 1er août 2019.

Il devra se faire préciser la date exacte de livraison de l’immeuble par le bailleur au preneur, et la date d’ouverture de l’hôtel par ce dernier, puisque l’appelante évoque le 8 mars 2021 dans ses conclusions, alors que le commissaire au compte évoque une ouverture au mois d’août 2020 (pièce n° 5).

L’impact des mesures sanitaires sur la fréquentation touristique de cette période sera enfin prise en compte.

Le second chef de préjudice allégué, soit la ‘modification qualitative de matériaux’ imposée par Raddison ne fait l’objet d’aucune pièce, d’aucune explication claire, et ne peut que faire l’objet d’un rejet. Compte tenu de sa carence, l’appelant n’établit pas son intérêt à voir ordonner une expertise sur ce chef de préjudice.

Les dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles sont réservées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt mixte, contradictoire, mis à disposition au greffe,

Confirme le jugement en ce que le tribunal s’est déclaré compétent ;

Infirme le jugement en ce que le tribunal a déclaré les demandes irrecevables ;

Statuant à nouveau,

Déclare recevables les demandes indemnitaires formées par la Snc du Donjon ;

Déclare la Sa Entreprise générale Léon Grosse responsable des dommages subis par la Snc Donjon en raison du retard de livraison de l’ensemble immobilier pris à bail à [Localité 4],

Sur l’évaluation des préjudices,

Réserve la demande relative à la perte d’exploitation ;

Ordonne une expertise judiciaire confiée à M. [H] [J], expert comptable, [Adresse 2] ; [XXXXXXXX01] avec pour mission de :

– convoquer les parties et leurs conseils ; 

– réunir tous les documents utiles ;

– examiner les éléments financiers, économiques et contextuels permettant d’analyser et d’évaluer, suivant des critères qui seront précisés, le préjudice d’exploitation allégué par la Snc du Donjon, en proposer le montant en indiquant la ou les méthodes utilisées, s’il en existe plusieurs et donner les résultats chiffrés de ces diverses méthodes ;

– émettre tous avis de nature à éclairer la cour ;

Charge Mme Edwige Wittrant, présidente de chambre, du contrôle de cette expertise ;

Dit que la Snc du Donjon devra verser une provision de 5 000 euros à valoir sur la rémunération de l’expert au régisseur d’avances et de recettes de cette cour avant le 1er août 2023,

Dit qu’à défaut de consignation dans le délai et selon les modalités impartis, la désignation de l’expert sera caduque à moins que le magistrat chargé du contrôle, à la demande d’une partie se prévalant d’un motif légitime ne décide une prorogation ou un relevé de caducité,

Dit que l’expert devra déposer son rapport au greffe de la 1ère chambre civile de la cour d’appel avant le 30 mars 2024 à moins qu’il ne refuse la mission et qu’il devra solliciter du magistrat chargé du contrôle de l’expertise une prorogation de délai, si celui-ci se révèle insuffisant,

 

Dit que s’il estime insuffisante la provision initiale ainsi fixée, l’expert devra lors de la première ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, dresser un programme de ses investigations et évaluer d’une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et de ses débours,

Dit qu’à l’issue de cette réunion, l’expert fera connaître au juge, la somme globale qui lui parait nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d’une consignation complémentaire,

Dit que l’expert devra accomplir sa mission en présence des parties où elles seront dûment convoquées, les entendre en leurs explications et répondre à leurs dires,

Dit que l’expert organisera, à la fin de ses opérations, une réunion de synthèse puis établira un pré-rapport adressé aux partis avec un délai de 6 semaines pour présenter leurs derniers dires,

Dit que conformément à l’article 173 du code de procédure civile, l’expert devra adresser son rapport à la cour et à chacune des parties en mentionnant cette remise sur l’original, par lettre recommandée avec avis de réception, à défaut d’utilisation d’une application informatique agréée par le ministère de la justice,

Renvoie l’affaire à l’audience de mise en état électronique du 13 décembre 2023 pour contrôle des opérations,

Réserve les demandes formées au titre de dépens et frais irrépétibles de première instance et d’appel.

Le greffier, La présidente de chambre,

 


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