COMM.
CF
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 13 septembre 2017
Cassation partielle
M. RÉMERY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 1111 F-D
Pourvoi n° N 15-28.430
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, a rendu l’arrêt suivant :
Statuant sur le pourvoi formé par la société Axa France IARD, société anonyme, dont le siège est […] ,
contre l’arrêt rendu le 17 septembre 2015 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Européenne de modernisation et de maintenance industrielle (E2MI), société par actions simplifiée, dont le siège est […] ,
2°/ à la société TMB Industry, société à responsabilité limitée, dont le siège est […] (Luxembourg),
3°/ à la société La Luxembourgeoise, société anonyme, dont le siège est […] (Luxembourg),
4°/ à la société Etablissements Caillau, société par actions simplifiée, dont le siège est […] (Luxembourg),
5°/ à la société Generali IARD, société anonyme, dont le siège est […] ,
6°/ à la société Altead maintenance presses dite AM presses, anciennement dénommée RM presse Sofradiec, intervenant aux droits de la société Altead dépannage presse dite ADP, dont le siège est […] , prise en son établissement secondaire, ci-devant […] , et actuellement […] ,
défenderesses à la cassation ;
Les sociétés Etablissements Caillau et Generali IARD ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt ;
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l’appui de son recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi incident invoquent, à l’appui de leur recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ;
Vu la communication faite au procureur général ;
LA COUR, en l’audience publique du 13 juin 2017, où étaient présents : M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Jollec, conseiller référendaire rapporteur, M. Guérin, conseiller, M. Graveline, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Jollec, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Axa France IARD, de la SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat de la société Européenne de modernisation et de maintenance industrielle, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat des sociétés Etablissements Caillau et Generali IARD, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant tant sur le pourvoi principal formé par la société Axa France IARD que sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Etablissements Caillau et Generali IARD ;
Donne acte à la société Axa France IARD du désistement de son pourvoi en ce qu’il est dirigé contre la société Altead maintenance presses ;
Attendu, selon l’arrêt attaqué, que la société Etablissements Caillau (la société Caillau) a confié à la société Européenne de modernisation et de maintenance industrielle (la société E2MI) l’organisation du transfert, de Romorantin à Lodz (Pologne), de plusieurs équipements industriels, dont une presse ; que la société E2MI a choisi la société TMB Industry pour procéder au chargement de la presse sur le camion ; qu’ayant été endommagée lors de ces opérations puis réparée par la société Altead dépannage presses, aux droits de laquelle vient la société Altead maintenance presses, la presse a été livrée en Pologne le 13 octobre 2007, jusqu’à son rapatriement en France le 14 décembre 2007 ; que la société Caillau et son assureur, la société Generali IARD, ont assigné la société E2MI et son assureur, la société Axa France IARD, ainsi que la société TMB Industry et son assureur, la société La Luxembourgeoise, en réparation intégrale de leurs préjudices matériels et ont demandé une expertise pour évaluer leurs préjudices immatériels ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident :
Attendu que les sociétés Caillau et Generali font grief à l’arrêt de limiter la condamnation de la société E2MI à la somme de 13 720 euros alors, selon le moyen :
1°/ que, dans ses conclusions d’appel, la société Caillau faisait valoir que la clause limitative de responsabilité stipulée à l’article 5 des conditions générales de vente de la société E2MI était inapplicable en l’espèce ; qu’elle soutenait tout d’abord que la clause énonçant « notre société en tant que commissionnaire de transport couvre les transports que nous effectuons pour le compte de nos clients » ne pouvait par hypothèse s’appliquer, un commissionnaire de transport n’effectuant pas lui-même les transports pour le compte de ses clients ; qu’elle expliquait, ensuite, que la limitation n’était prévue que pour les avaries ou pertes subies en cours de transport et qu’en l’espèce, précisément, le transport n’avait pas commencé puisque la marchandise n’avait jamais été prise en charge par le transporteur, la chute étant antérieure au chargement ; qu’elle démontrait, en outre, que l’une des fautes commises l’avait été pendant la phase de préparation des machines, préalablement aux opérations de chargement, et que ces opérations de manutention n’étaient pas des opérations de transport ; qu’en faisant application de la clause limitative de responsabilité sans répondre à ce chef péremptoire des conclusions, la cour d’appel a méconnu les exigences de l’article 455 du code de procédure civile ;
2° / que le commissionnaire de transport est garant des avaries ou pertes de marchandises et effets et, en sa qualité de garant des faits de son substitué, il ne peut opposer à son client les limitations contractuelles de responsabilité dans le cas où celui qu’il a choisi a commis une faute lourde ; que la cour d’appel qui a constaté que la société TMB, prestataire substitué par la société E2MI pour les opérations de levage et de manutention de la presse, avait opté pour un élingage inadapté, son préposé ayant conscience de ne pas respecter les règles de l’art et du risque pris pour l’exécution de la manoeuvre, et avait ainsi commis une faute personnelle justifiant une réparation intégrale du préjudice, mais qui a retenu que seule une faute lourde personnelle de la société E2MI était de nature à écarter l’application de la clause contractuelle de limitation de responsabilité, et limité en conséquence la réparation due à la société Caillau a violé les articles L. 132-3 et L. 132-5 du code de commerce ;
3°/ que constitue une faute lourde une négligence d’une extrême gravité dénotant l’inaptitude de son auteur à l’accomplissement de la tâche qu’il a acceptée lui interdisant d’invoquer une clause de limitation de garantie ; que la société Caillau faisait valoir en l’espèce que la société E2MI avait eu un comportement constitutif d’une faute lourde, d’une part, en ne préparant pas la machine dans les règles de l’art et, d’autre part, en laissant effectuer la manoeuvre litigieuse alors qu’ayant assisté à la fixation des élingues, elle ne pouvait ignorer l’insuffisance de préparation de la machine et le risque manifeste d’endommagement encouru ; qu’ayant constaté que la fixation des élingues avait été assurée en présence de représentants de la société E2MI, la cour d’appel aurait dû en déduire que celle-ci avait commis une faute lourde en laissant néanmoins se dérouler l’opération ; qu’en décidant au contraire que la société E2MI n’avait commis aucune faute, la cour d’appel a violé les articles 1147 et 1150 du code civil ;
Mais attendu, d’une part, qu’ayant retenu que le contrat conclu entre les sociétés Caillau et E2MI était un contrat de commission de transport portant sur l’organisation du transfert d’une presse de France en Pologne et que les opérations de déchargement de la presse, au cours desquelles le sinistre est intervenu, s’inscrivaient dans le cadre de cette prestation de transport, de sorte que la clause limitative avait vocation à s’appliquer, la cour d’appel a répondu aux conclusions qui soutenaient que la manutention de la presse n’était pas incluse dans les opérations de transport ;
Attendu, d’autre part, que le commissionnaire de transport est responsable de son fait personnel et du fait de son substitué dans la limite de l’indemnisation prévue au contrat, sauf faute lourde en l’état du droit applicable avant la loi n° 2009-1503 du 8 décembre 2009 ; qu’ayant d’abord retenu que le substitué avait commis une « faute personnelle » en ce qu’il avait manqué à son obligation de résultat en matière de levage et de manutention de la presse, ce dont il résultait une absence de faute lourde, laquelle ne peut être le résultat du seul manquement à une obligation contractuelle fût-elle essentielle, c’est à bon droit que la cour d’appel en a déduit que seule une faute du commissionnaire de transport permettait d’écarter la limitation contractuelle des plafonds d’indemnisation ;
Et attendu, enfin, qu’ayant relevé que si la fixation des élingues était intervenue, selon l’attestation du préposé de la société TMB Industry, en présence de représentants du commissionnaire de transport et du donneur d’ordre, sans réaction de leur part, ce seul élément était insuffisant pour établir que le commissionnaire de transport avait expressément approuvé le mode opératoire mis en oeuvre par son substitué et contrôlé la réalisation du levage, la cour d’appel a pu en déduire l’absence de faute du commissionnaire ;
D’où il suit que le moyen n’est pas fondé ;
Mais sur le moyen unique du pourvoi principal, pris en sa deuxième branche :