Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 11
ARRET DU 13 JANVIER 2023
(n° , 5 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/21623 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CBBLT
Décision déférée à la Cour : Jugement du 06 Novembre 2019 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n° 2018068400
APPELANTE
SA ORANGE
Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 380 129 866
représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334
Ayant pour avocat plaidant Me Edith LAGARDE-BELLEC, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE
SA SOCIÉTÉ D’EXPLOITATIONS SPÉLÉOLOGIQUES DE PADIRAC
Prise en la personne de ses représentants légaux
[Adresse 1]
[Localité 2]
immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS sous le numéro 552 130 957
représentée par Me Julien FOURNIER de la SELARL ASTORIA – CABINET D’AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : C315
COMPOSITION DE LA COUR :
En l’absence d’opposition des parties, l’affaire s’est tenue en juge rapporteur le 10 Novembre 2022, en audience publique, devant M.Denis ARDISSON, Président de chambre , chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
M.Denis ARDISSON,Président de chambre
Mme Marion PRIMEVERT, Conseillère
Mme Marie-Sophie L’ELEU DE LA SIMONE, Conseillère
Qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : M.Damien GOVINDARETTY
ARRÊT :
– contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par M.Denis ARDISSON, Président de chambre et par présent lors de la mise à disposition.
Vu le jugement du tribunal de commerce de Paris du 6 novembre 2019 qui a :
– dit que les conditions générales de la société Orange sont applicables et opposables à la société d’exploitation spéléologiques de Padirac (‘société ESP’)
– débouté la société ESP de sa demande d’exécution, sous astreinte, de la configuration initiale figurant sur le bon de commande du 25 janvier 2016,
– dit que la société Orange a commis une faute dans exécution de ses obligations,
– condamné la société Orange à payer à la société ESP Ia somme de 80.000 euros a titre de dommages et intérêts, déboutant pour le surplus,
– condamné la société Orange à payer à la société ESP la somme de 10.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile, déboutant pour le surplus,
– débouté les parties de leurs demandes autres, plus amples ou contraires,
– ordonné I’exécution provisoire,
– condamné la société Orange aux entiers dépens ;
Vu l’appel du jugement interjeté le 22 novembre 2019 par la société Orange ;
* *
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 31 août 2021 pour la société Orange afin d’entendre, en application de l’article 1134 ancien du code civil :
– infirmer le jugement en ce qu’il a dit que la société Orange a commis une faute contractuelle, la condamnée à payer 80.000 euros à titre d’indemnisation et 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
– dire que la société Orange n’a pas commis de faute contractuelle et encore moins de faute lourde,
– débouter la société ESP de sa demande de confirmation du jugement,
à titre subsidiaire,
– confirmer le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de la société ESP d’indemnisation du prétendu trouble au fonctionnement de son entreprise,
– dire que le préjudice de la société ESP de perte de chance et le préjudice financier ne sont pas justifiés,
– dire que le préjudice de la société ESP de perte de chance est, en toute hypothèse, exclu d’indemnisation,
– débouter la société ESP de sa demande,
à titre subsidiaire,
– dire et juger que la responsabilité de la société Orange est contractuellement limitée,
– réduire à la somme de 600 euros ou, tout au plus, à la somme de 4.281,41 euros, le montant de l’indemnisation susceptible d’être allouée à la société ESP,
– condamner la société ESP à payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société ESP à supporter les entiers dépens de la première instance ainsi que de l’instance d’appel et autoriser Me Bellichach à les recouvrer, conformément à l’article 699 du code de procédure civile ;
* *
Vu les conclusions remises par le réseau privé virtuel des avocats le 6 septembre 2021 pour la société d’exploitation spéléologiques de Padirac afin d’entendre, en application des articles 1134, 1184 et 1147 du code civil :
– confirmer les dispositions du jugement,
– rejeter les demandes de la société Orange,
– juger que la société Orange a commis une faute dans l’exécution de ses obligations contractuelles,
– condamner la société Orange à verser la somme de 25.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile à hauteur d’appel, outre aux entiers dépens de l’appel.
SUR CE, LA COUR,
Il sera succinctement rapporté que la société d’exploitation spéléologiques de Padirac, disposant d’une connexion ADSL et satellite souscrite auprès de l’opérateur de téléphonie Orange pour son activité dans le gouffre de Padirac, a sollicité selon un bon de commande du 1er décembre 2015 la société Orange pour diagnostiquer les conditions d’établissement d’une connexion à la fibre moyennant le prix de 600 euros, et ensuite de cette étude réalisée par l’opérateur, la société ESP a souscrit le 25 janvier 2016 un bon de commande ‘Business Internet Voix Série 2’ pour un abonnement à une connexion à la fibre moyennant le paiement d’une somme de 1.008,80 euros HT par mois, les frais de mise en service et de pose de la fibre étant à la charge de la société Orange, ma date de mise en service souhaitée étant fixée au 1er mars 2016.
Par courriels du 10 février 2016, la société Orange a indiqué à la société ESP avoir évalué le coût de raccordement de son installation à la fibre à la somme de 50.000 euros avant de réviser celui-ci à 10.000 euros dans un courriel du 15 février suivant.
Suite à une mise en demeure par la société ESP le 2 septembre 2016 d’exécuter le contrat du 25 janvier 2016, la société Orange a indiqué, le 26 septembre 2016, rechercher une solution technique alternative à l’impossibilité technique du débit de la connexion par la fibre, tout en confirmant sa prise en charge des frais d’installation, le coût de cette solution étant inchangé, puis en novembre 2016, la société Orange est revenue sur son engagement du 26 septembre 2016 en proposant un système de liaison BI FTTO pour 2.259,50 euros HT par mois et 206 euros de frais de mise en place que la société ESP a refusé.
Ayant vainement négocié un accord courant 2017 et 2018, la société ESP a assigné la société Orange le 23 novembre 2018 devant la juridiction commerciale en vue d’ordonner à la société Orange la fourniture, sous astreinte, des prestations convenues le 25janvier 2016 et de condamner la société Orange à payer les sommes de 50.000 euros en réparation du préjudice de la perte de chance d’avoir pu développer ses activités économiques, 29.840 euros en réparation du préjudice financier et 50.000 euros en réparation du préjudice constitué du trouble dans le fonctionnement de l’entreprise au cours d’une période de plus de deux ans et demi.
1. Sur la responsabilité de la société Orange
Pour conclure à l’infirmation du jugement qui a reconnu sa responsabilité, la société Orange conteste, en premier lieu, avoir été valablement engagée par le contrat signé le 25 janvier 2016, alors que l’éloignement du site d’exploitation de la société ESP justifiait la réalisation d’un étude préalable telle qu’elle est prévue par l’article 8.5 des conditions générales en cas de ‘difficultés exceptionnelles de construction’ ‘relatives au contraintes géographique’, et tandis que la société ESP a refusé de supporter le coût du tirage de la fibre, le contrat est frappé de caducité.
Par ailleurs en réplique à la société ESP, la société Orange soutient que le ‘bon diagnostic fibre’ du 1er décembre 2015 a limité ce diagnostic réalisé en décembre 2015 au seul site de la société ESP, et non pour un ‘multisites’, avec pour objet, suivant l’article 6.3.2.2 des spécifications techniques d’accès au service (‘STAS’), de déterminer, avant la souscription à l’offre, ‘les travaux nécessaires à effectuer sur le site du client pour l’équiper de la fibre’.
En second lieu, la société Orange conteste le grief du jugement par lequel il a reconnu son manquement à une obligation de résultat de fournir une connexion par fibre, alors que l’article 14.1 des conditions générales stipulant que ‘Orange Business Services s’engage à mettre en ‘uvre les moyens nécessaires à la fourniture des services’ énonce une obligation de moyen, par ailleurs étrangère à l’obligation de garantir la permanence, la qualité et la disponibilité du réseau et du service prescrite aux opérateurs de téléphonie par l’article D. 98-4 du code des postes et télécommunications électroniques.
Au demeurant les spécifications détaillées dans les STAS, limitées à l’installation du client demandeur à la connexion, sont suffisamment précises pour ne pas justifier, par elles-mêmes, une intervention de la société Orange, et le bon de commande du 1er décembre 2015 n’exclut pas expressément de son objet le diagnostic du rattachement de l’installation du client au réseau de fibre de l’opérateur, préalable à l’évaluation technique et au coût du raccordement de l’installation au réseau par l’opérateur, et sans lequel il ne peut proposer une offre de prix déterminable pour l’abonnement recherchée par le client.
Il en résulte que la société ESP était fondée à estimer que la condition préalable visée par l’article 8.5 des conditions générales a été satisfaite à l’occasion du bon de commande du 1er décembre 2015 et avant sa souscription à l’offre du 25 janvier 2016, de sorte que l’accord des parties était parfait ce jour.
2. Sur l’étendue du droit à réparation
Pour contester le montant des dommages et intérêts reconnus par les premiers juges, la société Orange dénie avoir commis une faute lourde, alors qu’elle a multiplié les offres techniques et de prix, y compris de remises commerciales, pour la fourniture d’une connexion à la fibre, et se prévaut de la clause limitative de responsabilité stipulée à l’article 14.2 des conditions générales du contrat selon laquelle ‘les parties conviennent expressément que la typologie suivante de dommages et/ou préjudices ne pourra donner lieu à indemnisation, que ces derniers aient été raisonnablement prévisibles ou non : manque à gagner, perte de chiffre d’affaires, perte de clientèle, atteinte à l’image et/ou à la réputation et perte de données’.
En tout état de cause sur l’appréciation du préjudice, la société Orange relève qu’elle n’a facturé aucun service au titre de ce contrat, que la société ESP n’a pas connu de dysfonctionnements techniques dans les services de télécommunication qu’elle avait antérieurement souscrits et qu’elle ne peut se prévaloir d’un préjudice qui est résulté de ses propres atermoiements dans la souscription aux offres successives qu’elle a négociées avant d’agir en dommages et intérêts, la société Orange opposant, subsidiairement, le plafonnement des dommages et intérêts stipulé à l’article 14.3 de ses conditions générales d’après lequel ‘le montant des dommages et intérêts ne [peuvent] excéder, par incident et par service concerné, le montant facturé au titre des 6 derniers mois au moment de la survenance de l’ événement ayant engendré le préjudice. [Ce montant]… toute cause et incidents confondus et par service concerné ne pourra excéder un montant égal au montant facturé ay titre des neuf derniers mois’.
Cependant, il est constant que la société Orange a délibérément refusé d’exécuter le contrat, de sorte qu’elle est mal fondée à revendiquer le bénéfice de la clause limitative de responsabilité ou celle du plafonnement de l’indemnisation, étrangères dans leur objet à l’anéantissement du contrat et à la bonne foi qui lui est attachée, et qui caractérise la nature dolosive de la responsabilité de la société Orange.
En ce qui concerne les dommages et intérêts propres à réparer les préjudices qui en sont résultés pour la société ESP, il ne se déduit d’aucune de ses productions la preuve du lien de causalité entre la perte du bénéfice du contrat et le développement de ses activités économiques ou d’un trouble dans le fonctionnement de l’entreprise, de sorte que les demandes sur ces fondements seront écartées et le jugement sera aussi infirmé en ce qu’il a reconnu ces demandes sur le fondement de la perte de chance qui n’est pas davantage déterminable.
En revanche, le manquement de la société Orange est directement à l’origine de l’écart de prix entre l’abonnement de 1.754 euros HT mensuel que la société ESP acquitte pour ses télécommunications électroniques avec celui de 1.008,80 euros HT convenu le 26 janvier 2016, soit 746 euros par mois, de sorte qu’il convient de faire droit à la demande de ce différentiel qui, à défaut d’indication sur la durée de l’engagement irrévocable des parties, sera rapportée à la durée d’un an, soit la somme de 8.952 euros à laquelle il convient d’ajouter celle de 600 euros que la société ESP a acquittée au titre du bon de commande du 1er décembre 2015.
La société Orange sera ainsi condamnée à payer la somme de 9.552 euros de dommages et intérêts.
3. Sur les dépens et les frais irrépétibles
La société Orange voyant sa contestation partiellement reconnue en cause d’appel, le jugement sera confirmé en ce qu’il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles mais au titre du recours, chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens ainsi que celle des frais qu’elle a pu exposer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Confirme le jugement en toutes ses dispositions déférées sauf celle qui a statué sur le montant des dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau et y ajoutant,
Condamne la société Orange à payer à la Société d’exploitation spéléologiques de Padirac la somme de 9.552 euros de dommages et intérêts ;
Laisse à chacune des parties la charge de ses propres dépens ainsi que celle des frais qu’elle a pu exposer sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.
LE GREFFIER LE PRÉSIDENT