RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
ARRÊT N°
N° RG 21/03751 – N��Portalis DBVH-V-B7F-IG2M
SL-AB
TJ HORS JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP DE NIMES
15 juin 2021 RG:11-2000249
[R]
C/
[O]
S.A.S. CHRONOPOST
Grosse délivrée
le 12/01/2023
à Me Laure PEYRAC
à Me Clément CHAZOT
COUR D’APPEL DE NÎMES
CHAMBRE CIVILE
1ère chambre
ARRÊT DU 12 JANVIER 2023
Décision déférée à la Cour : Jugement du TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de Nîmes en date du 15 Juin 2021, N°11-2000249
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS :
Mme Séverine LEGER, Conseillère, a entendu les plaidoiries en application de l’article 805 du code de procédure civile, sans opposition des avocats, et en a rendu compte à la cour lors de son délibéré.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ :
Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre
Mme Elisabeth TOULOUSE, Conseillère
Mme Séverine LEGER, Conseillère
GREFFIER :
Audrey BACHIMONT, Greffière, lors des débats, et Mme Nadège RODRIGUES, Greffière, lors du prononcé,
DÉBATS :
A l’audience publique du 17 Novembre 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 12 Janvier 2023.
Les parties ont été avisées que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe de la cour d’appel.
APPELANT :
Monsieur [J] [R],
né le 15 avril 1958 à [Localité 5],
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Laure PEYRAC, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représenté par Me Valentin ESCALE, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
INTIMÉES :
Madame [F] [O],
[Adresse 2]
[Localité 7]
assignée le 10/12/2021 – PV 659
sans avocat constitué
S.A.S. CHRONOPOST
prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualité audit siège
[Adresse 4]
[Localité 6]
Représentée par Me Clément CHAZOT de la SELARL LEXEM CONSEIL, Postulant, avocat au barreau de NIMES
Représentée par Me Marie BARDEAU FRAPPA de la SELARL BLG AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de MONTPELLIER
ARRÊT :
Arrêt rendu par défaut, prononcé publiquement et signé par Mme Marie-Pierre FOURNIER, Présidente de chambre, le 12 Janvier 2023, par mise à disposition au greffe de la Cour
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
M. [J] [R] a procédé, pour le compte de son fils mineur, à la vente d’un téléphone portable via le site internet « Le Bon Coin ».
Le 14 janvier 2009, il a procédé à l’envoi de l’appareil par l’intermédiaire de la société Chronopost à Mme [F] [O], qui a souhaité s’en porter acquéreur. Le 17 janvier 2019, l’accusé de réception a été signé par l’intéressée lors de la remise du pli.
M. [R] n’ayant pas reçu le paiement du prix de vente, il a adressé un courrier recommandé à Mme [O], ce courrier étant revenu avec la mention « destinataire inconnu à l’adresse ».
Estimant que le colis n’avait en fait pas été remis à son destinataire, M.[R] a, par acte du 20 mars 2019, fait assigner la SAS Chronopost et Mme [O] devant le tribunal d’instance de Montpellier, lequel s’est dessaisi au profit du tribunal judiciaire de Nîmes par jugement du 26 décembre 2019.
Par jugement réputé contradictoire du 15 juin 2021, le tribunal judiciaire de Nîmes a :
– s’est déclaré territorialement compétent sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile ;
– débouté M. [J] [R] de ses demandes ;
– dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné M. [J] [R] aux dépens.
Le tribunal a retenu que la société Chronopost avait parfaitement exécuté son obligation de résultat telle que prévue à l’article 6-1 des conditions générales de vente et ne pouvait être tenue responsable du comportement délictuel du destinataire du colis.
Par déclaration du 10 octobre 2021, M. [R] a interjeté appel de cette décision.
Par ordonnance du 28 juin 2022, la procédure a été clôturée le 3 novembre 2022 et l’affaire a été fixée à l’audience du 17 novembre 2022 et mise en délibéré par mise à disposition au greffe de la décision le 12 janvier 2023.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET DES MOYENS
Par conclusions notifiées par voie électronique le 30 septembre 2022, M.[T] [R] devenu majeur en cour de procédure et anciennement représenté par son père M. [J] [R], appelant, demande à la cour de :
– infirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il s’est déclaré compétent sur le fondement de l’article 47 du code de procédure civile,
Statuant à nouveau,
– ordonner la comparution de la personne qui aurait prétendument rencontré Mme [O], salarié de la société Chronopost, afin de l’entendre en tant que témoin et préposé de l’intimée,
– juger recevable son action à l’encontre de la société Chronopost,
A titre principal,
– déclarer non-écrit l’article 6-1 des conditions générales de vente,
– en l’état de la faute commise par le transporteur,
– condamner in solidum la société Chronopost et Mme [O] à lui payer les sommes suivantes :
550 euros au titre du prix du téléphone,
42 euros en remboursement des frais inhérents à l’expédition,
300 euros en réparation de son préjudice moral
2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– dire que l’arrêt à intervenir sera publié dans les revues Que Choisir et 60 millions de Consommateurs aux frais de la société Chronopost,
– débouter la société Chronopost de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions.
Au soutien de ses prétentions l’appelant fait valoir que :
– il rapporte la preuve de sa qualité à agir au regard du lien contractuel le liant à la société Chronopost ;
– la société intimée a manqué à son obligation en ne vérifiant pas l’identité du destinataire et ayant livré le colis à une personne inconnue se trouvant à l’extérieur de l’adresse de livraison indiquée qui ne mentionnait pas le nom du destinataire et ce faisant, a engagé sa responsabilité contractuelle ;
– la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat de transport doit être réputée non écrite en ce qu’elle porte sur une obligation essentielle de la société Chronopost et ne peut justifier une exonération de sa responsabilité.
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 2 novembre 2022, la société Chronopost, intimée, demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,
– débouter M. [R] de sa demande tendant à voir déclarer non écrit l’article 6 de ses conditions générales de vente,
– condamner M. [R] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle réplique que :
– elle n’a commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité contractuelle, la vérification de la pièce d’identité n’étant requise qu’en cas de mise en instance du colis, ce qui n’était pas le cas en l’espèce ;
– le colis a été livré au lieu de livraison tel que reprogrammé par son destinataire conformément à l’article 6-1 des conditions générales de vente et lui a été remis en mains propres comme en atteste le bordereau de livraison ;
– sa responsabilité ne saurait être engagée en l’absence de perte ou de dommage causé au colis et M. [R] ne peut solliciter le bénéfice de l’assurance souscrite à hauteur de 500 euros et régie par l’article 8 des conditions générales de vente ;
– la faute de M. [R] qui ne s’est pas assuré de l’identité du destinataire constitue une cause d’exonération de sa responsabilité en application de l’article 7.1 des conditions générales de vente.
Intimée par signification de la déclaration d’appel et des conclusions d’appelant par acte d’huissier transformé en formé verbal de recherches infructueuses dressé le 10 décembre 2021 selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, Mme [O], n’a pas constitué avocat.
Il est fait renvoi aux écritures susvisées pour un plus ample exposé des éléments de la cause, des moyens et prétentions des parties, conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
MOTIVATION
Sur la demande de comparution de l’employé de la société de livraison :
L’appelant sollicite la comparution en qualité de témoin du livreur de la société Chronopost ayant procédé à la livraison du colis litigieux le 17 janvier 2019 en arguant des contradictions dans les pièces produites qui ne seraient pas de nature à s’assurer des conditions dans lesquelles le colis a été remis à son destinataire.
Le bordereau de livraison versé aux débats permet cependant d’établir que le colis litigieux a effectivement été remis en mains propres à Mme [F] [O] le 17 janvier 2019 à 9 heures 56 comme en atteste la signature y figurant et que la livraison a été effectuée, non pas à l’adresse initiale située [Adresse 3] à [Localité 8] mentionnée par l’expéditeur, mais à l’adresse telle que reprogrammée par son destinataire située [Adresse 2].
Au regard de ce document, la demande de comparution ne présente aucun intérêt pour la résolution du litige et sera par conséquent rejetée par voie de confirmation du jugement déféré.
Sur la validité de l’article 6 des conditions générales de vente :
L’article 6-1des conditions générales de la société Chronopost afférent à la ‘livraison en mains propres’ est libellé dans les termes suivants:
‘ La signature numérisée du destinataire, ainsi que sa reproduction, font preuve de la livraison des colis et les parties reconnaissent à cette signature une valeur juridique identique à celle d’une signature traditionnelle sur papier.
Tout objet mis en instance est remis au destinataire ou à son mandataire sur présentation d’une pièce d’identité.
Pour les envois en France métropolitaine et Monaco et sauf avis contraire de l’expéditeur, un service de livraison interactive (Predict) est proposé au destinataire qui reçoit une notification de livraison à la prise en charge du colis, ainsi que lors d’une livraison infructueuse.
Il peut modifier directement auprès de Chronopost :
– la date de livraison initiale dans un délai maximal de 6 jours
– choisir un autre point de livraison que celui initialement choisi par l’expéditeur, à savoir, soit un bureau de poste, soit un point de proximité, soit choisir l’adresse d’un voisin identifié ou encore choisir un lieu de livraison sûr en accord avec Chronopost.
Ce service est activé uniquement si le numéro de téléphone portable et /ou l’adresse courriel du destinataire sont transmis à Chronopost’.
L’appelant demande à la cour de déclarer cette clause réputée non écrite en ce qu’elle priverait de sa substance l’obligation essentielle pesant sur la société Chronopost de livrer l’objet confié à son destinataire sur le fondement des dispositions de l’article 1170 du code civil en s’exonérant de toute obligation de vérifier l’identité du destinataire au moment de la livraison.
La clause limitant la vérification de l’identité du destinataire aux seuls colis mis en instance, ne vide cependant pas de sa substance l’obligation essentielle du livreur en ce qu’elle ne vise qu’à assurer un mode de preuve d’une exécution de ses obligations lorsque le livreur n’a pu rencontrer le destinataire du colis à l’adresse indiquée.
Tel n’est cependant pas le cas lorsque le colis est remis en mains propres à une personne présente à l’adresse mentionnée par le destinataire et répondant à l’identité de ce dernier qui ne nécessite pas de vérifications complémentaires, la signature du bordereau de livraison attestant de l’exécution de l’obligation.
Cette clause, qui n’est pas limitative de responsabilité mais qui ne tend qu’à déterminer les modalités concrètes d’exécution de la livraison, en limitant la vérification de l’identité du destinataire du colis aux seules hypothèses où le colis a été mis en instance, ne vide pas de sa substance l’obligation essentielle du débiteur portant sur la remise du colis par le transporteur à son destinataire dont la matérialité est établie par la signature du bon de livraison.
La prétention de l’appelant ne peut donc prospérer et sera rejetée.
Sur la responsabilité contractuelle de la société de livraison :
L’appelant soutient que le livreur a manqué à son obligation en s’étant abstenu de vérifier l’identité du destinataire du colis lors de sa remise à une adresse à laquelle son nom ne figurait pas sur la boîte aux lettres.
Il est cependant établi que le bon de livraison a été signé au nom de son destinataire et que la livraison a été effectuée à l’adresse telle que reprogrammée par ce dernier qui avait été contacté par courriel et/ou téléphone des modalités de la livraison initialement prévue, conformément aux stipulations contractuelles de l’article 6-1 des conditions générales précitées ne subordonnant pas la remise en mains propres du colis ni, à une vérification d’adresse, ni à une vérification d’identité du destinataire qui s’était effectivement présenté au livreur à l’adresse fixée.
Le manquement allégué de la société de livraison à ses obligations contractuelles n’est donc pas constitué.
Le litige ne porte d’ailleurs pas en l’espèce sur la contestation de l’identité du destinataire, qui de son côté n’a pas allégué ne pas avoir obtenu la remise du colis litigieux, mais sur la bonne foi de ce dernier en ce qu’il ne s’est pas acquitté du prix de vente, ce à quoi la société Chronopost est totalement étrangère et ne saurait être tenue responsable comme l’a à bon droit retenu le premier juge.
La décision déférée sera donc confirmée en ce qu’elle a débouté M.[R] de l’intégralité de ses prétentions.
Sur les autres demandes :
Succombant à l’instance, M. [R] sera condamné à en régler les entiers dépens, de première instance et d’appel sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, sans que l’équité commande de faire application de l’article 700 au profit de la société Chronopost qui sera déboutée de sa prétention de ce chef, tout comme l’appelant en ce qu’il succombe.
PAR CES MOTIFS
La cour,
Confirme le jugement déféré dans l’intégralité de ses dispositions soumises à la cour ;
Y ajoutant,
Dit n’y avoir lieu à déclarer réputée non écrite la clause stipulée à l’article 6-1 des conditions générales de vente de la société Chronopost;
Condamne M.[J] [R] aux entiers dépens de l’appel ;
Déboute les parties de leur prétention respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Arrêt signé par la présidente et par la greffière.
LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE,