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Dès lors que le contrat le prévoit, le concédant de brevet est en droit d’obtenir la redevance minimale annuelle au titre de l’exploitation de son brevet.
En l’espèce, par un acte sous seing privé du 20 septembre 2019, la société Sylopido a concédé à la société Burger et Cie qui l’a accepté, une licence exclusive sur les brevets énoncés à l’annexe 1 du contrat (brevet EP 3 116 310) en vue du développement, de l’utilisation, de la fabrication, de l’offre, de la vente, de l’importation et/ou de la détention des produits mettant en oeuvre les brevets relevant du secteur d’activité du jardinage, pour une durée fixée jusqu’à la cessation de la protection accordée par le dernier des brevets (soit en principe, sauf résiliation, jusqu’au 12 mars 2034), et pour les pays couverts par les brevets à la date de la conclusion du contrat (article 1).
Il est stipulé à l’article 6.2 intitulé “Paiement des redevances” dudit contrat “qu’au delà de l’avance sur les redevances de l’année 2020 susmentionnée, Burger devra verser à Sylopido une redevance égale à 5% du chiffre d’affaires hors taxes relatif aux produits, à leur accessoire et aux pièces détachées […] formant un tout commercial avec les produits vendus dans tous les pays membres de l’OEB, et jusqu’à la date d’expiration du dernier des brevets. Cette redevance est due sur tous les produits vendus dans tous les pays membres de l’OEB à la date d’entrée en vigueur, quand bien même ces pays se situeraient en dehors du territoire. Cette redevance sera payée selon les modalités visées à l’article 7.”
A l’article 6.3 du même contrat intitulé “Minima annuels garantis de redevances”, il est stipulé que “Burger garantit à Sylopido un minimum annuel de redevances de: -18000 euros HT pour l’année 2020 étant entendu que 13 500 euros HT de ce montant auront déjà été versés, à titre d’avances sur redevances, lors de la signature du contrat (cf article 6.1). Au-delà, un état semestriel de la facturation sera communiqué à Sylopido et réglé dans les 45 jours suivants;
– 30 000 euros HT pour l’année 2021;
– 40 000 euros HT pour l’année 2022;
– 50 000 euros HT les années suivantes.
Si ces minima garantis ne sont pas atteints, Sylopido pourra lever l’exclusivité de la licence accordée à Burger selon les modalités visées à l’article 4. Dans ce cas, les minima garantis ne seront pas dus à Sylopido. […]”
Il est encore précisé à l’article 8 du contrat que “en cas de rejet total ou partiel, d’annulation totale ou partielle d’un ou de plusieurs des brevets, de dépendance desdits brevets à un brevet dominant antérieur, ou au cas où les produits, en raison de la mise en oeuvre des brevets, seraient déclarés contrefaisants par une décision de justice définitive, Sylopido ne sera tenu ni à la restitution des sommes déjà acquises de Burger, ni à la réduction des sommes dues jusqu’au jour de l’avènement de la décision de justice définitive, ni au paiement d’éventuels dommages-intérêts à Burger, en réparation du préjudice causé par ledit rejet, ladite annulation, dépendance ou contrefaçon”.
Enfin, il est stipulé à l’article 11.3 que “Sylopido pourra résilier le contrat si Burger n’a pas réalisé de ventes significatives des produits”.
De fait, l’article 6.3 du contrat est clair en ce qu’il met à la charge de la société Burger et Cie le paiement d’un minimum de redevances chaque année, en contrepartie de l’exclusivité consentie par la société Sylopido. De fait, l’article 4 du contrat précise bien que seule la “perte d’exclusivité lève[…] l’obligation pour Burger de verser à Sylopido les minima garantis prévus à l’article 6.3″. La société Burger et Cie a d’ailleurs appliqué cette clause en ce sens pour les années 2020 et 2021. Il n’est pas nécessaire d’interpréter le contrat.
Si, dans l’hypothèse où ces seuils ne seraient pas atteints, il est prévu dans le contrat la possibilité pour la société Sylopido de le résilier (article 11.3) ou de lever l’exclusivité (article 6.3), cela ne la prive pas de celle d’invoquer l’exécution forcée de la clause, sur le fondement des articles 1103 et 1221 du code civil.
La société Burger oppose à la demande de provision, une seconde contestation tenant à l’absence de validité du contrat de licence exclusive. Elle invoque tout d’abord un dol qui justifierait le prononcé de la nullité du contrat et ferait obstacle, selon elle, à la reconnaissance d’une obligation non sérieusement contestable.
En application de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Dès lors, un contrat conclu sur la foi de documents inexacts ou trompeurs peut être annulé pour vice du consentement lorsque les agissements malhonnêtes démontrés ont déterminé le consentement du cocontractant.
Cependant, en l’espèce, outre le fait que la nullité du contrat n’a pas été prononcée ni une action engagée en ce sens, la société Burger et Cie, qui soutient que la société Sylopido s’est, durant les discussions qui ont précédé la signature du contrat, prêtée à des manoeuvres et a livré des informations mensongères qui ont déterminé son consentement, n’étaye nullement ses dires à ce stade de la procédure. Elle ne produit en effet aucune pièce de nature à justifier du caractère mensonger des informations qui lui ont été données par la demanderesse au stade des négociations pré-contractuelles, notamment dans le document d’analyse économique “potentiel économique européen” qu’elle critique. Dès lors, cette contestation ne peut être considérée comme sérieuse à ce stade de la procédure.
Il convient, enfin, d’apprécier le caractère sérieux de la contestation soulevée par la société Burger et Cie relative à la validité du contrat de licence exclusive pour défaut d’objet en raison de la nullité du brevet européen (qui est présumé valide en l’absence de décision d’annulation) pour insuffisance de description et défaut d’activité inventive.
De fait, l’article 8 du contrat de licence précité est la loi des parties. Quand bien même sa validité serait discutée au regard du droit de la concurrence, la demande portant sur le paiement de redevances (ou d’une provision comme en l’espèce) apparaît être indépendante de la demande en nullité du brevet, qui n’est pas de nature à y faire obstacle, en dépit du caractère rétroactif de l’annulation du titre en application des articles L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle et 138 de la convention de Munich.
En effet, la nullité du brevet, quand bien même devrait-elle être prononcée, n’aurait pas pour conséquence, de manière rétroactive, au stade des restitutions, de priver de toute cause la rémunération due par le licencié, en application du contrat, en contrepartie des prérogatives dont il a d’ores et déjà joui, consistant au cas présent, en une exclusivité consentie avant la date d’annulation du brevet portant sur une valeur économique (comme un savoir-faire) qui existe indépendamment du titre.
Par conséquent, le moyen tiré d’une contestation de la validité du brevet, et donc de celle du contrat de licence qui serait alors privé d’objet, n’est pas sérieux dans le cadre de la présente instance portant sur une demande de provision à valoir sur des redevances contractuellement dues et échues, pour une période durant laquelle le contrat a été exécuté.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de provision à valoir sur les redevances dues en application de l’article 6.3 du contrat, à hauteur de 46.146 euros TTC, déduction faite de la somme de 1.854 euros d’ores et déjà réglée par la société Burger et Cie. Ce montant provisionnel sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation valant mise en demeure.
La société Sylopido a demandé une provision à la société Burger et Cie en vertu d’un contrat de licence exclusive sur des brevets. Le juge des référés peut accorder une provision lorsque l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ce qui est le cas ici. Le contrat prévoit le paiement de redevances annuelles minimales par Burger et Cie en échange de l’exclusivité accordée par Sylopido. La contestation de Burger et Cie sur la validité du contrat pour dol n’est pas étayée et la nullité du brevet n’empêche pas le paiement des redevances dues.
Le tribunal a accordé une provision à la société Sylopido à hauteur de 46.146 euros TTC, déduction faite de la somme déjà réglée par Burger et Cie. Les intérêts légaux seront appliqués à partir de la date de l’assignation. En revanche, la demande de provision pour réparation d’un préjudice au titre d’une résistance abusive n’a pas été accordée. Burger et Cie est condamnée aux dépens et à verser 2.000 euros à Sylopido sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile. L’exécution provisoire de la décision est de droit.
1. Il est important de respecter les termes d’un contrat de licence exclusive, notamment en ce qui concerne le paiement des redevances convenues. En cas de non-respect de ces termes, la partie lésée peut demander une provision au tribunal judiciaire.
2. En cas de contestation de la validité d’un contrat pour dol, il est essentiel de fournir des preuves concrètes des manœuvres malhonnêtes ou des informations mensongères qui ont influencé le consentement de la partie lésée. Sans preuves solides, la contestation risque de ne pas être considérée comme sérieuse par le tribunal.
3. La contestation de la validité d’un contrat en raison de la nullité d’un brevet ne constitue pas nécessairement un motif valable pour refuser le paiement des redevances dues en vertu dudit contrat. Il est important de distinguer les questions de validité du brevet de l’obligation contractuelle de payer les redevances convenues.
– Code de procédure civile
– Code civil
– Code de la propriété intellectuelle
– Convention de Munich
– Me Benjamin G. SCETBON, avocat au barreau de PARIS
– Me Julien ABELLA, avocat au barreau de PARIS
– Motifs
– Provision
– Obligation non sérieusement contestable
– Contrat de licence exclusive
– Redevances
– Exclusivité
– Clause contractuelle
– Dol
– Nullité du contrat
– Validité du brevet européen
– Contestation sérieuse
– Demande de provision
– Résistance abusive
– Dépens
– Exécution provisoire
Les mots clefs sont les suivants :
– Motifs : Raisons ou justifications derrière une décision ou une action.
– Provision : Somme d’argent versée à titre d’avance ou de garantie.
– Obligation non sérieusement contestable : Engagement qui ne peut être remis en cause de manière sérieuse.
– Contrat de licence exclusive : Accord qui accorde à une seule partie le droit exclusif d’utiliser un bien ou une propriété intellectuelle.
– Redevances : Paiements périodiques effectués en échange de l’utilisation d’un bien ou d’une propriété intellectuelle.
– Exclusivité : Caractéristique d’être le seul à avoir un droit ou un privilège.
– Clause contractuelle : Disposition spécifique incluse dans un contrat.
– Dol : Tromperie ou fraude commise de manière intentionnelle.
– Nullité du contrat : Annulation ou invalidation d’un contrat.
– Validité du brevet européen : Reconnaissance légale de la propriété intellectuelle accordée par l’Office européen des brevets.
– Contestation sérieuse : Argumentation ou opposition crédible et fondée.
– Demande de provision : Requête pour obtenir une avance ou un paiement anticipé.
– Résistance abusive : Comportement déloyal ou injustifié visant à entraver ou retarder une action légale.
– Dépens : Frais ou coûts liés à une procédure judiciaire.
– Exécution provisoire : Mise en œuvre temporaire d’une décision en attendant une décision finale.
– Somme provisionnelle de 46.146 euros TTC allouée à la société Sylopido
– Intérêts au taux légal à compter de l’assignation
– Dépens de l’instance à la charge de la société Burger et Cie
– Somme de 2.000 euros allouée à la société Sylopido au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– S.A.R.L. SYLOPIDO
– S.A.S. BURGER ET CIE
* * *
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
N° RG 23/56985 – N° Portalis 352J-W-B7H-C2RND
N° : 1/FF
Assignation du :
18 Septembre 2023
[1]
[1] Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 22 mars 2024
par Elodie GUENNEC, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Fabienne FELIX, Faisant fonction de greffier.
DEMANDERESSE
S.A.R.L. SYLOPIDO
[Adresse 3]
[Localité 2]
représentée par Me Benjamin G. SCETBON, avocat au barreau de PARIS – #D0268
DÉFENDERESSE
S.A.S. BURGER ET CIE
[Adresse 4]
[Localité 1]
représentée par Me Julien ABELLA, avocat au barreau de PARIS – D.1238
DÉBATS
A l’audience du 24 Janvier 2024, tenue publiquement, présidée par Elodie GUENNEC, Vice-présidente, assistée de Flore MARIGNY, Faisant fonction de Greffier,
EXPOSÉ DU LITIGE
Créée en 2015, la société Sylopido se présente comme commercialisant la licence d’exploitation européenne du brevet “barrière anti-limaces”, dispositif porteur de la marque “SLUG BAN”, mis au point par sa gérante, Mme [C] [R]. Une demande de brevet français sous le n° 3 018 423 a été déposée et un brevet européen désignant la France EP 3 116 310 a été délivré le 2 mai 2018.
La société Burger et Cie est spécialisée dans la commercialisation de divers objets de mobiliers intérieurs et extérieurs par le biais de distributeurs.
Par un acte sous seing privé du 20 septembre 2019, la société Sylopido a concédé à la société Burger et Cie une licence exclusive sur le brevet EP 3 116 310 en vue du développement, de l’utilisation, de la fabrication, de l’offre, de la vente, de l’importation et ou de la détention de tous les produits mettant en oeuvre tout ou partie des brevets, relevant du monde du jardinage, en France mais aussi en Allemagne, en Espagne, en Grande-Bretagne, en Italie, aux Pays-bas et en Pologne.
Le 23 janvier 2023, la société Sylopido a transmis à la société Burger et Cie une facture d’un montant de 40.000 euros HT correspondant, selon elle, au minimum annuel garanti de redevances pour l’année 2022. Le 17 mars 2023, la société Burger et Cie a réglé la somme de 1.854 euros, correspondant à l’état réel des ventes pour l’année 2022.
Le 22 mars 2023, la société Sylopido a vainement mis en demeure la société Burger et Cie de lui payer le reliquat de la facture. Les échanges amiables entre les parties n’ont pas abouti.
Par un acte de commissaire de justice du 18 septembre 2023, la SARL Sylopido a fait assigner la société Burger et Cie devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique et soutenues à l’oral, la société Sylopido demande au juge des référés, vu l’article 835, al. 2 du code de procédure civile, de: – condamner la société Burger et Cie à lui verser la somme provisionnelle de 46.146,00 euros à valoir sur le minimum garanti dû au titre des redevances de l’année 2022, avec les intérêts au taux légal de 8,01% à compter des 45 jours suivant la date d’émission de la facture du 30 janvier 2023 ou à défaut à compter de l’assignation;
– condamner la société Burger et Cie à lui verser la somme provisionnelle correspondant à 10% des sommes réclamées, à hauteur de 4.614 euros, à valoir sur les sommes dues au titre de la résistance abusive ;
– condamner la société Burger et Cie à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens.
La société Sylopido demande, à titre provisionnel, le règlement de ce qu’elle estime être le minimum garanti dû par la société Burger et Cie pour l’année 2022, en application de l’article 6.3 du contrat de licence exclusive signé le 14 septembre 2019. Elle soutient que la disposition contractuelle est claire et ne nécessite aucune interprétation du juge. Elle dénonce une dénaturation de la clause par la société Burger et Cie alors qu’elle l’a pourtant exécutée tant en 2020 qu’en 2021.En réponse aux moyens soulevés par la société Burger et Cie, la société Sylopido conteste tout vice du consentement susceptible d’affecter le contrat. Elle estime infondée l’allégation selon laquelle le contrat aurait été conclu sur la base d’une étude chiffrée irréaliste et mensongère, marque d’une manoeuvre dolosive selon la défenderesse. Elle réaffirme au contraire le potentiel de son produit “carré potager” qui a été plébiscité par les professionnels de la distribution dans le secteur économique des jardins et qui a reçu un prix de l’innovation. Elle souligne qu’il appartenait à la société Burger et Cie de vanter le produit et de le présenter correctement aux consommateurs pour en permettre la vente aux niveaux attendus, ce qu’elle n’a pas fait.
Quant au moyen tiré de la nullité du brevet, la société Sylopido oppose en tout état de cause l’article 8 du contrat de licence exclusive qui prévoit que même en cas d’annulation totale du brevet, elle ne serait pas tenue à la réduction des sommes dues par le contrat jusqu’au jour de l’avènement d’une décision de justice définitive. Elle sollicite enfin l’application des intérêts légaux prévus en cas de retard de paiement et dénonce la résistance abusive de la défenderesse.
Dans ses conclusions notifiées par voie électronique et soutenues à l’oral, la société Burger et Cie demande au juge des référés, vu l’article 835 du code de procédure en son alinéa 2, les articles 1130, 1131, 1137 du code civil, les articles L. 611-10, L. 611-11, L. 612-5 et L. 613-25 du code de la propriété intellectuelle, de: – juger que la demande provisionnelle de la société Sylopido se heurte à l’existence de contestations sérieuses;
En conséquence:
– juger n’y avoir lieu à référé sur la demande provisionnelle de la société Sylopido et la renvoyer à mieux se pourvoir;
– condamner la société Sylopido à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile outre les dépens qui seront recouvrés par Me Abella sur le fondement des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société Burger et Cie soutient que la demande en paiement d’une provision formée par la société Sylopido se heurte à plusieurs contestations sérieuses. Rappelant que l’urgence n’est pas une condition de la présente demande et qu’elle n’est en tout état de cause pas remplie, elle considère qu’il n’y a pas lieu à référé dans la mesure où l’interprétation des clauses du contrat par le juge du fond est nécessaire. Elle soutient en effet que les seuils énoncés à l’article 6.3 du contrat de licence ne sont pas des montants de redevances obligatoires, mais un objectif annuel de ventes s’inscrivant dans le cadre d’une obligation de moyen qui, s’il n’est pas atteint, autorise seulement la société Sylopido à résilier le contrat ou à lever l’exclusivité, non à obtenir un règlement forcé. Elle en veut pour preuve le fait que le contrat prévoie l’hypothèse dans laquelle le licencié n’atteint pas les seuils fixés.
Elle ajoute que la demande impose également de se prononcer sur la validité du contrat, ce qui fait obstacle à la demande en référé. Elle soutient en effet que le contrat est affecté d’un vice du consentement pour dol, dénonçant des manoeuvres auxquelles la société Sylopido se serait livrée pour obtenir son accord, en particulier s’agissant du potentiel de vente des produits, les chiffres étant irréalistes et mensongers. Elle conteste par ailleurs les allégations de la société demanderesse qui soutient que les ventes ont été décevantes à cause de défaut de fabrication ou d’une mauvaise présentation des produits et qu’elle aurait à tort cantonné la commercialisation au territoire français.
Enfin, elle soutient que le contrat est nul pour défaut d’objet en raison de la nullité du brevet européen objet de la licence. Elle avance en premier lieu une insuffisance de description des revendications indépendantes comme dépendantes, en raison de moyens techniques vagues qui n’ont pas les propriétés souhaitées, l’homme du métier ne pouvant, selon elle, reproduire l’invention avec ses connaissances professionnelles normales. Elle soutient ensuite le défaut d’activité inventive des revendications. Enfin, s’agissant de l’article 8 du contrat, dont la société Sylopido rappelle les termes, elle énonce que la nullité du contrat aurait une portée rétroactive.
Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement ainsi qu’aux notes d’audience, sur le fondement des dispositions de l’article 446-1 du code de procédure civile.
L’affaire a été mise en délibéré au 22 mars 2024.
MOTIFS
Sur la demande en paiement d’une provision
Aux termes de l’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.
Il est constant que la possibilité pour le juge des référés d’accorder une provision n’exige pas la constatation de l’urgence mais celle de l’existence d’une obligation non sérieusement contestable.
En l’espèce, par un acte sous seing privé du 20 septembre 2019, la société Sylopido a concédé à la société Burger et Cie qui l’a accepté, une licence exclusive sur les brevets énoncés à l’annexe 1 du contrat (brevet EP 3 116 310) en vue du développement, de l’utilisation, de la fabrication, de l’offre, de la vente, de l’importation et/ou de la détention des produits mettant en oeuvre les brevets relevant du secteur d’activité du jardinage, pour une durée fixée jusqu’à la cessation de la protection accordée par le dernier des brevets (soit en principe, sauf résiliation, jusqu’au 12 mars 2034), et pour les pays couverts par les brevets à la date de la conclusion du contrat (article 1).
Il est stipulé à l’article 6.2 intitulé “Paiement des redevances” dudit contrat “qu’au delà de l’avance sur les redevances de l’année 2020 susmentionnée, Burger devra verser à Sylopido une redevance égale à 5% du chiffre d’affaires hors taxes relatif aux produits, à leur accessoire et aux pièces détachées […] formant un tout commercial avec les produits vendus dans tous les pays membres de l’OEB, et jusqu’à la date d’expiration du dernier des brevets. Cette redevance est due sur tous les produits vendus dans tous les pays membres de l’OEB à la date d’entrée en vigueur, quand bien même ces pays se situeraient en dehors du territoire. Cette redevance sera payée selon les modalités visées à l’article 7.”
A l’article 6.3 du même contrat intitulé “Minima annuels garantis de redevances”, il est stipulé que “Burger garantit à Sylopido un minimum annuel de redevances de: -18000 euros HT pour l’année 2020 étant entendu que 13 500 euros HT de ce montant auront déjà été versés, à titre d’avances sur redevances, lors de la signature du contrat (cf article 6.1). Au-delà, un état semestriel de la facturation sera communiqué à Sylopido et réglé dans les 45 jours suivants;
– 30 000 euros HT pour l’année 2021;
– 40 000 euros HT pour l’année 2022;
– 50 000 euros HT les années suivantes.
Si ces minima garantis ne sont pas atteints, Sylopido pourra lever l’exclusivité de la licence accordée à Burger selon les modalités visées à l’article 4. Dans ce cas, les minima garantis ne seront pas dus à Sylopido. […]”
Il est encore précisé à l’article 8 du contrat que “en cas de rejet total ou partiel, d’annulation totale ou partielle d’un ou de plusieurs des brevets, de dépendance desdits brevets à un brevet dominant antérieur, ou au cas où les produits, en raison de la mise en oeuvre des brevets, seraient déclarés contrefaisants par une décision de justice définitive, Sylopido ne sera tenu ni à la restitution des sommes déjà acquises de Burger, ni à la réduction des sommes dues jusqu’au jour de l’avènement de la décision de justice définitive, ni au paiement d’éventuels dommages-intérêts à Burger, en réparation du préjudice causé par ledit rejet, ladite annulation, dépendance ou contrefaçon”.
Enfin, il est stipulé à l’article 11.3 que “Sylopido pourra résilier le contrat si Burger n’a pas réalisé de ventes significatives des produits”.
De fait, l’article 6.3 du contrat est clair en ce qu’il met à la charge de la société Burger et Cie le paiement d’un minimum de redevances chaque année, en contrepartie de l’exclusivité consentie par la société Sylopido. De fait, l’article 4 du contrat précise bien que seule la “perte d’exclusivité lève[…] l’obligation pour Burger de verser à Sylopido les minima garantis prévus à l’article 6.3″. La société Burger et Cie a d’ailleurs appliqué cette clause en ce sens pour les années 2020 et 2021. Il n’est pas nécessaire d’interpréter le contrat.
Si, dans l’hypothèse où ces seuils ne seraient pas atteints, il est prévu dans le contrat la possibilité pour la société Sylopido de le résilier (article 11.3) ou de lever l’exclusivité (article 6.3), cela ne la prive pas de celle d’invoquer l’exécution forcée de la clause, sur le fondement des articles 1103 et 1221 du code civil.
La société Burger oppose à la demande de provision, une seconde contestation tenant à l’absence de validité du contrat de licence exclusive. Elle invoque tout d’abord un dol qui justifierait le prononcé de la nullité du contrat et ferait obstacle, selon elle, à la reconnaissance d’une obligation non sérieusement contestable.
En application de l’article 1137 du code civil, le dol est le fait pour un contractant d’obtenir le consentement de l’autre par des manœuvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l’un des contractants d’une information dont il sait le caractère déterminant pour l’autre partie. Néanmoins, ne constitue pas un dol le fait pour une partie de ne pas révéler à son cocontractant son estimation de la valeur de la prestation.
Dès lors, un contrat conclu sur la foi de documents inexacts ou trompeurs peut être annulé pour vice du consentement lorsque les agissements malhonnêtes démontrés ont déterminé le consentement du cocontractant.
Cependant, en l’espèce, outre le fait que la nullité du contrat n’a pas été prononcée ni une action engagée en ce sens, la société Burger et Cie, qui soutient que la société Sylopido s’est, durant les discussions qui ont précédé la signature du contrat, prêtée à des manoeuvres et a livré des informations mensongères qui ont déterminé son consentement, n’étaye nullement ses dires à ce stade de la procédure. Elle ne produit en effet aucune pièce de nature à justifier du caractère mensonger des informations qui lui ont été données par la demanderesse au stade des négociations pré-contractuelles, notamment dans le document d’analyse économique “potentiel économique européen” qu’elle critique. Dès lors, cette contestation ne peut être considérée comme sérieuse à ce stade de la procédure.
Il convient, enfin, d’apprécier le caractère sérieux de la contestation soulevée par la société Burger et Cie relative à la validité du contrat de licence exclusive pour défaut d’objet en raison de la nullité du brevet européen (qui est présumé valide en l’absence de décision d’annulation) pour insuffisance de description et défaut d’activité inventive.
De fait, l’article 8 du contrat de licence précité est la loi des parties. Quand bien même sa validité serait discutée au regard du droit de la concurrence, la demande portant sur le paiement de redevances (ou d’une provision comme en l’espèce) apparaît être indépendante de la demande en nullité du brevet, qui n’est pas de nature à y faire obstacle, en dépit du caractère rétroactif de l’annulation du titre en application des articles L. 613-27 du code de la propriété intellectuelle et 138 de la convention de Munich.
En effet, la nullité du brevet, quand bien même devrait-elle être prononcée, n’aurait pas pour conséquence, de manière rétroactive, au stade des restitutions, de priver de toute cause la rémunération due par le licencié, en application du contrat, en contrepartie des prérogatives dont il a d’ores et déjà joui, consistant au cas présent, en une exclusivité consentie avant la date d’annulation du brevet portant sur une valeur économique (comme un savoir-faire) qui existe indépendamment du titre.
Par conséquent, le moyen tiré d’une contestation de la validité du brevet, et donc de celle du contrat de licence qui serait alors privé d’objet, n’est pas sérieux dans le cadre de la présente instance portant sur une demande de provision à valoir sur des redevances contractuellement dues et échues, pour une période durant laquelle le contrat a été exécuté.
Il convient en conséquence de faire droit à la demande de provision à valoir sur les redevances dues en application de l’article 6.3 du contrat, à hauteur de 46.146 euros TTC, déduction faite de la somme de 1.854 euros d’ores et déjà réglée par la société Burger et Cie. Ce montant provisionnel sera assorti des intérêts au taux légal à compter de la date de l’assignation valant mise en demeure.
Il n’y a pas lieu, en revanche, à l’octroi d’une provision à valoir sur la réparation d’un préjudice au titre d’une résistance abusive qui n’est pas démontrée avec l’évidence requise en référé.
Sur les demandes annexes
Succombant, la société Burger et Cie sera tenue aux dépens de l’instance.
Supportant les dépens, elle sera condamnée à payer à la société Sylopido la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
L’exécution provisoire de la décision est de droit.
PAR CES MOTIFS
Le juge des référés,
Condamnons la société Burger et Cie à payer à la société Sylopido la somme provisionnelle de 46.146 euros TTC à valoir sur les redevances dues au titre de l’année 2022 en application du contrat de licence exclusive, assortie des intérêts au taux légal à compter de l’assignation;
Déboutons la société Sylopido de sa demande de provision à valoir sur une indemnité due pour résistance abusive et sur le surplus de sa demande;
Condamnons la société Burger et Cie aux dépens de l’instance;
Condamnons la société Burger et Cie à payer à la société Sylopido la somme de 2.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
Rappelons que la présente décision est exécutoire de droit par provision.
Fait à Paris le 22 mars 2024
Le Greffier,Le Président,
Fabienne FELIXElodie GUENNEC