Clause de non-sollicitation : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00313

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Clause de non-sollicitation : 16 décembre 2022 Cour d’appel de Colmar RG n° 22/00313
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MINUTE N° 22/994

NOTIFICATION :

ASSEDIC ( )

Copie par LS à :

– parties

– avocats

– délégués syndicaux

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE – Chambre 4 A

ARRET DU 16 Décembre 2022

Numéro d’inscription au répertoire général : Chambre 4 A N° RG 22/00313 – N° Portalis DBVW-V-B7G-HYA4

Décision déférée à la Cour : 05 Février 2016 par le CONSEIL DE PRUD’HOMMES – FORMATION PARITAIRE DE METZ

APPELANT :

Monsieur [X] [T]

[Adresse 5]

[Localité 3]

Représenté par Me Katja MAKOWSKI, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEE :

S.A.S. AXIA 4

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Christophe LHERMITTE, avocat au barreau de RENNES

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS, Greffier

ARRET :

– Contradictoire

– prononcé par mise à disposition au greffe par Mme Christine DORSCH, Président de Chambre,

– signé par Mme Christine DORSCH, président de chambre et Mme Martine THOMAS, greffier.

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FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [X] [T], né le 18 décembre 1969, a été engagé le 1er mars 2013 par la société Axia 4, entreprise de travail temporaire, en qualité de responsable de secteur.

Affecté aux agences de [Localité 6] et de [Localité 7], le salarié avait le statut cadre et était classé niveau V, coefficient 400 de la convention collective du personnel permanent des entreprises de travail temporaire, moyennant un salaire mensuel fixe de 5.000 € bruts, outre une part variable.

Par courriel du 08 septembre 2014, Monsieur [T] formulait plusieurs reproches à l’employeur.

Le 22 septembre 2014, il a démissionné, et a demandé à son employeur de le libérer de la clause de non-concurrence.

La société lui a proposé de modifier sa clause de non-concurrence en une clause de non-sollicitation de clientèle, ce que le salarié a refusé.

Par courrier du 03 octobre 2014, la société Axia 4 a informé le salarié qu’elle n’entendait pas le libérer de son obligation de non-concurrence.

Le 23 décembre 2014 Monsieur [T] a saisi le conseil de prud’hommes de Metz afin de faire juger que sa démission produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, et d’obtenir diverses sommes liées à l’exécution, et la rupture du contrat de travail dont des heures supplémentaires, des commissions, et de dommages et intérêts. L’employeur formait des demandes reconventionnelles en remboursement d’un trop perçu de part variable 2014, et en paiement d’une clause pénale.

Par jugement du 05 février 2016, la juridiction prud’homale a :

– dit qu’il n’y a pas lieu de requalifier la démission ;

– débouté Monsieur [T] de tous ses chefs de demandes ;

– débouté la SAS Axia 4 de toutes ses demandes reconventionnelles ;

– mis, en tant que de besoin, les dépens à la charge du demandeur.

Monsieur [T] a, le 02 mars 2016, relevé appel de ce jugement.

Par arrêt du 20 août 2019, la cour d’appel de Metz a :

– confirmé le jugement du conseil de prud’hommes de Metz du 05 février 2016, sauf en ce qu’il a débouté Monsieur [T] de sa demande en paiement des commissions 2013 et des congés payés y afférents, et en ce qu’il a débouté la SAS Axia 4 de ses demandes relatives au remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, au trop perçu de rémunération variable pour l’année 2014, et à l’article 700 du code de procédure civile, ainsi que sur le montant de la clause pénale,

– infirmé le jugement dans cette limite,

Et statuant à nouveau, a :

– condamné la société Axia 4 à payer à Monsieur [T] :

. 3.202,65 € au titre du solde des commissions 2013,

. 320,26 € au titre des congés payés y afférents,

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– condamné Monsieur [T] à payement à la société Axia 4 :

. 13.270 € au titre du trop-perçu sur commissions 2014,

. 44.815,28 € à titre de la clause de non concurrence,

. 500 € en exécution de la clause pénale,

. 1.500 € en application de l’article 700 du code de procédure civile,

. condamné Monsieur [T] aux dépens d’appel comme de première instance.

Monsieur [T] s’est pourvu en cassation, la société Axia 4 formant un pourvoi incident.

Par arrêt du 17 novembre 2021, la chambre sociale de la Cour de cassation a cassé et annulé l’arrêt rendu le 20 août 2019 par la cour d’appel de Metz, mais seulement en ce qu’il :

– Déboute Monsieur [T] de ses demandes de :

. paiement d’heures supplémentaires, et congés payés afférents,

. d’une indemnité pour travail dissimulé,

. requalification de la démission en prise d’acte de rupture aux torts exclusifs de l’employeur produisant les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. et des demandes subséquentes,

– Condamne la société Axia 4 à payer à M. [T] 3.202,65 € au titre du solde des commissions 2013, et 320,26 € au titre des congés payés afférents,

– Condamne Monsieur [T] :

. à rembourser à la société Axia 4 la somme de 500 € en exécution de la clause pénale,

. aux dépens de première instance et d’appel,

. au paiement de 1.500 € titre des frais irrépétibles.

Monsieur [T] a repris la procédure devant la présente cour d’appel de renvoi par saisine du 30 décembre 2021.

Par ordonnance du 09 février 2022, le Président de la chambre sociale a fixé d’office l’affaire à l’audience de plaidoirie du 27 septembre 2022.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 mai 2022 au greffe de la cour, reprises oralement à l’audience, Monsieur [T], demande à la cour de :

– recevoir en la forme l’appel et le dire bien fondé, et y faisant droit ;

– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a débouté de tous ses chefs de demande, et statuant à nouveau :

– requalifier la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts exclusifs de l’employeur ;

– dire et juger que cette prise d’acte produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

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En conséquence,

– condamner la société Axia 4 à lui payer les sommes de :

. 42.107 € bruts à titre de rappel de commission pour l’année 2013,

. 4.210,70 € bruts au titre des congés payés afférents ;

. 26.653 euros € à titre de rappel de commission 2014,

. 2.665,30 € bruts au titre des congés payés afférents ;

. 105.663,05 € bruts au titre des heures supplémentaires impayées,

. 10.566,30 € bruts au titre des congés payés afférents ;

. 31.434 € nets à titre d’indemnité pour travail dissimulé ;

. 134.146,50 € nets à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

– dire et juger le montant de la clause pénale disproportionnée, et la réduire à juste proportions, qui ne saurait être supérieur à 1 € symbolique ;

– dire et juger que les créances salariales porteront intérêt au taux légal à compter de la demande ;

– débouter la Société Axia intérim de toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– la condamner à lui payer 3.000 € à titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’à supporter les entiers frais dépens de première instance et d’appel.

Par conclusions récapitulatives d’appel incident transmises par voie électronique le 21 avril 2022, et reprises oralement à l’audience, la SAS Axia 4 demande à la cour de :

– dire et juger que la demande relative aux commissions de l’année 2014 a été définitivement jugée par l’arrêt de la cour d’appel de Metz, en conséquence,

– juger irrecevable la demande de Monsieur [T] au titre des commissions sur l’année 2014 ;

En tout état de cause,

A titre principal,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a débouté Monsieur [T] de ses demandes de :

. rappels de commissions au titre de l’année 2013,

. paiement des heures supplémentaires et des congés payés y afférents,

. de sa demande de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. de requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– infirmer le jugement attaqué en ce qu’il l’a déboutée de sa demande au titre de la clause pénale,

– Et statuant à nouveau, condamner Monsieur [T] à lui verser les sommes de :

. 15.717 € au titre de la clause pénale,

. 4.000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

. le condamner aux entiers dépens,

A titre subsidiaire,

– En cas de condamnation au titre des heures supplémentaires :

. fixer le rappel de salaire pour heures supplémentaires et congés payés y afférents à un montant plus juste apprécié souverainement par la cour,

. débouter Monsieur [T] de sa demande au titre du travail dissimulé,

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– En cas de condamnation au titre de la requalification de la démission en licenciement sans cause réelle et sérieuse :

. fixer le montant de l’indemnité de licenciement sans cause réelle et sérieuse à un montant plus juste compte tenu de l’absence du préjudice.

Il est, en application de l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits moyens et prétentions des parties, renvoyé aux conclusions ci-dessus visées.

MOTIFS

I. Sur le solde des commissions et des congés payés afférents

1. Concernant l’année 2014

Monsieur [T] sollicite le paiement d’une somme de 26.653 € au titre du rappel de commissions 2014, outre les congés payés afférents.

Or l’arrêt de la cour d’appel de Metz a d’une part confirmé le jugement du conseil des prud’hommes en ce qu’il a rejeté la demande de paiement des commissions 2014, et a d’autre part infirmé le jugement s’agissant de la demande reconventionnelle de l’employeur, en condamnant Monsieur [T] à rembourser à la société Axia 4 une somme de 13.270 € au titre du trop-perçu sur commissions 2014.

L’arrêt de la cour d’appel de Metz n’a pas été cassé sur ces points, et est à cet égard revêtu de l’autorité de la chose jugée.

La cour d’appel de Colmar, cour de renvoi, n’est pas saisie de la question de la rémunération variable 2014.

Les demandes de paiement de commissions et congés payés afférents à l’année 2014 sont, conformément aux conclusions de la société intimée, irrecevables.

2. Concernant l’année 2013

– Sur les montants dus payés par l’employeur

Monsieur [T] sollicite le paiement d’une somme de 42.107 € au titre du solde des commissions 2013, ainsi que les congés payés afférents.

L’article 3 du contrat de travail liant les parties stipule qu’outre sa rémunération variable, Monsieur [T] « percevra une part variable mensuelle, définie dans l’annexe jointe. Cette formule sera révisable tous les ans et revue pour l’année suivante en fonction des objectifs prévisionnels. Les impayés seront à déduire en intégralité de la marge brute commissionnée jusqu’à l’absorption totale de ceux-ci ».

Il convient de relever que devant le conseil des prud’hommes les deux parties étaient d’accord pour fixer le montant des commissions 2013 à la somme de 21.647 €. Le salarié contestant l’encaissement d’un chèque de 4.900 €, affirmant n’avoir perçu que 18. 444,35 €, et réclamant par conséquent un solde de 3.202,65 € bruts, outre les congés payés. Le conseil des prud’hommes a rejeté ce chef de demande au motif qu’il n’est pas établi que le salarié n’ait pas encaissé le chèque de 4.900 € sur un autre compte bancaire.

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Devant la cour d’appel de Metz le salarié augmentait sa demande à 42.107 €, ce que le principe de l’unicité de l’instance lui permettait de faire. La cour d’appel a d’une part relevé que le salarié ne produit pas de pièces concernant les commissions 2013, retenant le montant de 21.647 € non contesté par les parties. Elle a déduit le total versé de 18.444,35 €, et a donc condamné l’employeur à payer un solde de 3.202,65 € en considérant que la preuve du paiement de la somme de 4.900 € n’était pas rapportée.

La Cour de cassation a censuré l’arrêt en ce qu’il jugeait que Monsieur [T] ne versait aux débats aucun élément concernant les commissions 2013, alors que des éléments comptables relatifs aux résultats, et marges pour l’année 2013 étaient bien versés aux débats.

* * *

Monsieur [T] sollicite le paiement d’une somme de 42.107 € au titre du solde des commissions 2013, ainsi que les congés payés afférents.

L’article 3 du contrat de travail liant les parties stipule qu’outre sa rémunération variable, Monsieur [T] « percevra une part variable mensuelle, définie dans l’annexe jointe. Cette formule sera révisable tous les ans et revue pour l’année suivante en fonction des objectifs prévisionnels. Les impayés seront à déduire en intégralité de la marge brute commissionnée jusqu’à l’absorption totale de ceux-ci ».

Il convient en premier lieu de relever que le salarié n’explique pas pour quel motif le montant des commissions 2013 évolue de 21.647 € à 42.107 €.

Il conclut en effet en première instance dans ses conclusions du 1er septembre 2015, pages 15 à 17 que le montant de la rémunération variable est de 21.647 €, qu’après notification de la démission et paiement de deux chèques de 2.070 € et 4.030 €, et un virement, il a perçu une somme totale de 18 444,35 € de sorte qu’il réclamait un solde de 3.202,65 €.

À l’appui de ses prétentions Monsieur [T] verse aux débats en pièces 78 à 118 les données tirées du logiciel Tempo Intérim établies par la société Axia 4 elle-même, et dresse des tableaux (pour les deux agences) du total du chiffre d’affaires, de la marge, puis de la marge brute de 6 % lui revenant (pièce 32 à 36).

Cependant son calcul est affecté d’un certain nombre d’erreurs.

En premier lieu il applique un pourcentage de 6 %, dont il n’est pas justifié. Il se réfère sur ce point la lettre du 08 septembre 2014 constituant sa pièce numéro 4. Or cette pièce est un mail de réclamation de sa part qui n’a aucune valeur contractuelle. Par ailleurs l’article 3 du contrat du travail se réfère à une annexe, qu’aucune des parties ne produit.

En second lieu ce même article 3 du contrat de travail précise expressément que les impayés doivent être déduits de la rémunération variable.

En troisième lieu l’employeur verse en pièce 27 le prévisionnel 2014 qui est basé sur des commissions calculées uniquement sur la marge résultant de la propre activité de Monsieur [T], et non pas sur les chiffres de l’intégralité des deux agences.

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Or la Cour de cassation a définitivement validé le calcul des commissions 2014 tel qu’établi par l’employeur, fondé sur un taux de commission de 5 %, et non de 6 %, comportant la déduction des impayés en application de l’article 3 contrat de travail, et ne portant que sur la propre activité du salarié.

Ainsi compte tenu de l’arrêt de la Cour de cassation, c’est le mode de calcul de l’employeur qui doit être retenu, ce qui permet d’aboutir à un montant de commissions 2013 de 21.647 €.

– Sur les montants payés par l’employeur

La SAS Axia 4 soutient que la somme due a été intégralement versée conformément au bulletin de paie du mois d’octobre 2014, au moyen d’une avance sur commissions 11.000 € (par trois chèques de 2.070 €, de 4.030 € et de 4.900 €) et d’un solde de 12.344,35 € versé le 25 septembre 2014.

Monsieur [T] affirme que le chèque de 4.900 € n’a jamais été encaissé, et considère qu’il appartient à l’employeur de rapporter la preuve du paiement des salaires, cette preuve faisant en l’espèce défaut. S’il a première instance et à hauteur de la cour d’appel de Metz contesté avoir encaissé le chèque de 4.900 €, en revanche il reconnait avoir perçu les autres montants.

En application de l’article 1315, devenu l’article 1353 du code civil, la charge de la preuve du paiement des salaires incombe à l’employeur, notamment par la production de pièces comptables.

Ainsi la délivrance d’une fiche de paie, en l’espèce celle d’octobre 2014, ne suffit pas pour prouver, en cas de contestation, le règlement du salaire correspondant, et ce même si le bulletin de paie mentionne « payé par chèque » ou « par virement ».

La copie de l’extrait du grand livre comptable au 31 décembre 2014 mentionnant un « acompte [T] » de 4.900 € avec un numéro de pièce 5.340.595 qui correspondrait au numéro du chèque est à cet égard insuffisant. Il eut appartenu à l’employeur, compte tenu de la charge de la preuve qu’il supporte, et eu égard à la contestation invariable du salarié depuis plusieurs années, de produire un relevé de compte bancaire prouvant l’encaissement du chèque.

Le conseil des prud’hommes a inversé la charge de la preuve en jugeant que l’attestation de la banque du salarié n’établit pas formellement l’inexistence de ce chèque qui a pu être remis sur un compte ouvert auprès d’une autre banque.

Il résulte de ce qui précède que la preuve du paiement de la somme de 4.900 € n’est pas rapportée.

– Sur le compte entre les parties

Compte tenu de la méthode de calcul validée par la Cour de cassation, le salarié est bien-fondé à réclamer une somme de 21.647 € au titre des commissions 2013.

Il est établi qu’il a perçu une somme de 18.444,35 € de sorte qu’il demeure créancier d’un montant de 3.202,65 €, outre 320,26 € bruts au titre des congés payés afférents, l’ensemble avec les intérêts légaux à compter de la réception de la convocation par l’employeur devant le conseil des prud’hommes de Metz soit le 29 décembre 2014.

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Le jugement qui a débouté Monsieur [T] de ce chef de demande est par conséquent infirmé.

II. Sur les heures supplémentaires, les congés payés afférents et l’indemnité pour travail dissimulé

1. Sur les heures supplémentaires et les congés payés afférents

Selon l’article L.3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence, ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié.

Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte de ces dispositions, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme ensuite sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées.

– Sur les éléments rapportés par le salarié

Monsieur [T] réclame paiement d’une somme de 105.663,05 € bruts, outre les congés payés afférents, au titre des heures supplémentaires effectuées de mars 2013 jusqu’au 15 octobre 2014. Il produit à l’appui de sa demande :

– un calendrier 2013, et un calendrier 2014 qui indiquent pour chaque journée, un nombre d’heures réalisées, (10, 11, 12 heures par jour, 2 à 4 heures le samedi), un décompte hebdomadaire étant réalisé sur la case du dimanche,

– un tableau récapitulatif du total d’heures travaillées par semaine et leur majoration,

– une attestation de Madame [R], ancienne collaboratrice qui indique « J’atteste que M. [X] [T] ancien responsable au sein de la société Axia 4 n’a jamais pu respecter les horaires d’agence soit 8h-12h et 14h-17h étant donné le chiffre d’affaires développé sur [Localité 6]. Il était amené en permanence à travailler après 17 heures, et le samedi »,

– une attestation de Monsieur [W] gérant de la SARL Optiche située à proximité de l’agence de [Localité 6] « de les horaires d’ouverture et trouve souvent à 7h30 au magasin, pour le quitter vers 20 heures 20h30. À de très nombreuses entreprises j’ai pu croiser Monsieur [T] qui travaillait à son bureau. J’étais à côté dans mes locaux. Ce dernier ne comptait pas ses heures, tôt le matin, et tard le soir. De la même façon, je croisais souvent Monsieur [T] le samedi alors qu’il se trouvait à son bureau’ »,

– une attestation de Monsieur [V] négociateur immobilier qui indique « j’atteste par la présente avoir régulièrement vu Monsieur [Z] après 19 h à son bureau, ainsi que le samedi matin. (illisible) mon bureau dans la même rue ‘ donc je suis à côté ‘ et je peux voir de mon bureau ce qui se passe dans la rue. En ce qui concerne les samedis j’ai pu voir M. [X] [T] vu que je travaille moi-même le samedi »,

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– une attestation de Monsieur [H] retraité et accessoirement marchand de biens qui ne possèdent un bureau au [Adresse 1] à [Localité 6] qui indique « avoir vu régulièrement M. [X] [T] après 19 heures, et le samedi à son lieu de travail dont les locaux sont à proximité du mien »,

– une attestation de Monsieur [N], locataire de la société Axia 4 au-dessus du bureau de l’agence qui atteste avoir « vu Monsieur [Z] à l’agence quasiment tous les jours jusqu’à 19 heures voire 20 heures. Les samedis Monsieur [T] [X] était régulièrement à l’agence ainsi que les dimanches »,

– un courriel émanant du salarié en date du 08 septembre 2014 à destination de [K] [C], mentionnant « je bosse comme un fou, depuis que je suis chez AXIA, je vis AXIA, je mange AXIA ».

Il résulte des pièces versées aux débats que le salarié présente des éléments suffisamment précis pour permettre à l’employeur de répondre en justifiant de la durée de travail effectuée par le salarié.

– Sur les éléments apportés par l’employeur

En réponse, l’employeur fait valoir :

– qu’il n’a sollicité l’accomplissement d’aucune heure supplémentaire,

– que les calendriers et tableaux récapitulatifs ne mentionnent aucun horaire de début de travail, ni de fin de travail,

– que le salarié a « nécessairement » bénéficié de congés payés pendant la période d’été pour au moins 4 semaines,

– que les attestations produites établies par des relations professionnelles, voire amicales manquent d’objectivité,

– que le témoin locataire est en conflit avec les dirigeants de la société au sujet du bail,

– que le salarié déposait son fils à l’école le matin, avant de se rendre dans un bar jusqu’à 9h tout en prétendant débuter sa journée de travail à 7h30 du matin,

– que le salarié se rendait quasiment à chaque fin de journée dans une salle de jeux d’argent en Allemagne,

– que le salarié ne verse aux débats aucun courriel qu’il aurait envoyé en dehors des heures d’ouverture de l’agence,

– que l’agence est fermée le samedi,

– qu’il n’a jamais demandé le paiement de ces prétendues heures supplémentaires durant l’exécution de son contrat de travail.

Il présente les éléments suivants :

– une attestation de M. [L] [U], chef d’agence, qui indique « Je n’ai jamais vu M. [X] [T] en agence hors des horaires de bureaux » ;

– Mme [I], dirigeante d’une société de nettoyage qui atteste : « Je travaille donc pour Axia depuis l’ouverture, et j’ai mis en place intérimaire dans cette société pour mes clients. Je viens régulièrement tous les samedis matin faire le nettoyage des bureaux d’Axia. Je n’ai jamais vu Monsieur [T] le samedi depuis l’ouverture de l’agence à ce jour. » ;

– Mme [F] [Y] qui « atteste sur l’honneur que les horaires de notre agence AXIA à [Localité 6] sont de 8h00 à 12h00 et de 14h00 à 17h00 du Lundi au vendredi. Notre agence ferme bien tous les jours à 17h00 » ;

– Mme [A] [G] indiquant : « J’atteste que les horaires de notre agence sont 8h-12h /14h-17h et que notre agence ferme bien à 17h00 » ;

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– Le règlement intérieur de la société qui précise, d’une part que « Les salariés doivent respecter l’horaire de travail affiché (horaire général ou horaire particulier à certains services) réserve faite des aménagements propres à l’horaire mobile) » et, d’autre part, que « Les heures supplémentaires et les heures de récupération décidées uniquement par la direction, dans les conditions et limites légales conventionnelles, s’imposent à chaque salarié ».

– Sur la synthèse

Il est rappelé qu’en application des articles L.3171-2, et L.3171-3 du code du travail, l’employeur a une obligation de contrôle de la durée de travail pour chacun des salariés concernés. Or l’employeur qui n’a mis en ‘uvre aucun système de contrôle de la durée du travail a méconnu son obligation légale à cet égard.

En outre la charge de la partie de la preuve qui lui incombe ne peut se limiter à la critique des éléments apportés par le salarié.

Il convient en premier lieu de souligner que les déclarations aux termes desquelles le salarié déposait son enfant à l’école le matin, puis se rendait dans un café jusqu’à 9h, ou encore qu’il se rendait en soirée dans une salle de jeux en Allemagne ne sont étayées par strictement aucun élément de preuve, de sorte que ces affirmations sont sans emport.

Les divers commerçants exerçant à proximité immédiate de l’agence sont particulièrement bien placés pour constater la présence de Monsieur [T] les samedis matin, tard le soir, ou encore tôt le matin.

L’attestation parfaitement conforme à l’article 202 du code de procédure civile, et qui n’a fait l’objet d’aucune plainte émanant de Madame [R] n’a pas à être écartée des débats. Cette ancienne collègue de travail par ailleurs collaboratrice directe de Monsieur [T] est à même de témoigner des horaires de travail de son responsable. En effet, si elle-même travaille aux heures d’ouverture de l’agence, elle peut néanmoins constater que Monsieur [T] demeurait au bureau après son départ, ou encore qu’à son retour il avait exécuté des tâches le samedi.

En revanche l’attestation du locataire Monsieur [N] sera écartée des débats dès lors qu’il est en litige avec la société Axia 4 qui est par ailleurs son bailleur, et qu’il invoque une présence du salarié le dimanche, ce que ce dernier ne mentionne pas.

Par ailleurs les attestations de Mesdames [F] [Y], et [G] produites par l’employeur se contentent de rappeler les horaires d’ouvertures et de fermeture de l’agence de [Localité 6], ce qui n’exclut nullement que le salarié ait poursuivi son travail.

S’agissant de l’attestation de Madame [I], dirigeante d’une société de nettoyage, il résulte de son témoignage que cette dernière se trouve en litige avec Monsieur [T] depuis 3 années au sujet de deux factures impayées, ce qu’elle rappelle à deux reprises dans son attestation. Au fond elle ne précise pas ses horaires de travail le samedi matin pour le nettoyage de l’agence intérimaire, alors que Monsieur [T] indique dans ses décomptes effectuer 4 heures, voire seulement 2 heures de travail les samedis matins, de sorte que les deux personnes ont pu se croiser.

L’attestation de Monsieur [L] [U] chef d’agence n’est ni précise, ni circonstanciée.

La production du règlement intérieur, n’exclut pas l’exécution d’heures supplémentaires.

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Enfin l’absence de demande d’exécution d’heures supplémentaires par l’employeur, mise en avant par ce dernier, ne saurait s’opposer au paiement des heures supplémentaires exécutées lorsque leur accomplissement a été rendu nécessaire par les tâches confiées. C’est d’ailleurs ce que souligne la collaboratrice Madame [R] en attestant que Monsieur [T] n’a jamais pu respecter les horaires d’agence « étant donné le chiffre d’affaires développé sur [Localité 6] ».

En dernier lieu, si l’absence de réclamation du paiement des heures supplémentaires durant le contrat de travail peut étonner, elle ne saurait s’opposer à une demande formulée dans le respect du délai de prescription ce qui est le cas en l’espèce.

Cependant l’absence de précision par Monsieur [T] de ses horaires exacts de travail, (heure de début, et de fin d’horaires de travail), cette absence de précision se retrouvant également dans les attestations qu’il produit, ne permet pas de faire droit à l’intégralité de sa demande. Néanmoins eu égard aux témoignages qui attestent de sa présence régulière à l’agence les samedis matin, avant l’ouverture du matin, après la fermeture du soir, et par ailleurs de sa charge de travail, et de l’absence de tout contrôle par l’employeur des heures de travail effectuées ; la cour dispose d’éléments suffisants pour arrêter à la somme de 23.896,91 € bruts le montant dû en paiement de 580 heures supplémentaires majorées à 25 %. Le taux horaire est de 32,96 € (5.000 / 151,67), majoré de 25 % il s’élève à 41,20 €.

Cette somme sera majorée de 2.380,69 € bruts au titre des congés payés afférents.

Les intérêts au taux légal sont dus à compter du 29 décembre 2014.

2. Sur le travail dissimulé

Monsieur [T] sollicite le paiement de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé prévue par l’article L.8221-5 du code du travail, soit 31.434 €.

La dissimulation d’emploi salarié prévue par l’article L.8221-5, 2°, du code du travail n’est cependant caractérisée que s’il est établi que l’employeur a, de manière intentionnelle, mentionné sur le bulletin de paie un nombre d’heures de travail inférieur à celui effectué.

Il résulte en l’espèce de la procédure qu’aucune réclamation quant au paiement des heures supplémentaires de mars 2013 à septembre 2014 n’a été formulée par le salarié avant sa démission, pas même dans son courriel du 08 septembre 2014, alors qu’il y formulait plusieurs griefs à l’égard de l’employeur.

Cette demande n’a été émise pour la première fois qu’après le refus de la société Axia 4 de libérer Monsieur [T] de sa clause de non-concurrence.

Dans de telles conditions, la seule absence de rémunération des heures supplémentaires n’est pas suffisante à elle seule pour caractériser le non-paiement intentionnel de celles-ci.

C’est donc à juste titre que le conseil des prud’hommes a débouté Monsieur [T] de ce chef de demande. Le jugement est sur ce point confirmé.

12

III. Sur la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail

Selon l’article L.1231-1 du code du travail, la démission est un acte par lequel le salarié fait connaître à son employeur sa décision de résilier son contrat de travail, sous réserve qu’elle soit librement consentie, et qu’elle résulte d’une volonté claire et non équivoque.

Il est de jurisprudence constante que le caractère équivoque de la démission, en raison de circonstances antérieures, ou contemporaines de la démission résultant de faits, ou de manquements imputables à son employeur, entraîne la requalification de celle-ci en prise d’acte de la rupture du contrat de travail.

Il appartient au juge de vérifier si les faits reprochés à l’employeur sont suffisamment graves pour justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, le salarié ayant la charge de la preuve de ces manquements suffisamment graves qu’il reproche à son employeur, à défaut celle-ci produit les effets d’une démission.

* * *

En l’espèce, Monsieur [T] a adressé à son employeur un courrier de démission pour motif personnel en date du 22 septembre 2014, sans formuler de réserve.

Néanmoins par un courriel adressé à l’un des gérants de la société Axia 4 le 08 septembre 2014, antérieurement à sa démission il se plaignait des conditions de travail dans les termes suivants : « La j’en peux plus. Tu me parles très mal et tu ne t’en rends pas compte mais là ça suffit. J’ai le n’ud au ventre tous les jours je n’arrive plus à m’y faire’. Je ne supporte plus d’être mal considéré alors que je bosse comme un fou’Depuis que je suis chez Axia, je vis Axia, je mange Axia ».

Il formulait également plusieurs reproches, notamment une absence de salaire en 2012 et en 2013, le paiement partiel des commissions au titre des années 2013 et 2014, une marge de 5 % au lieu de 6 %, une fausse facture de 7.000 €, un sentiment de rabaissement lors d’une réunion avec Sidalia, et de l’organisation du travail, et un manque de considération dans les échanges professionnels.

Compte tenu de ce courriel envoyé 14 jours avant la démission, celle-ci doit être considérée comme étant équivoque.

A l’appui de la requalification de la démission en prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur, le salarié fait désormais état de différents griefs à l’encontre de la société Axia 4 à savoir :

– le défaut de paiement de salaire de décembre 2012 à mars 2013 ;

– le défaut de paiement des commissions pour les années 2013 et 2014 ;

– le fait qu’il lui ait été imposé de rédiger une fausse facture ;

– la gestion frauduleuse du personnel intérimaire, et notamment des salariés d’origine portugaise ;

– des retenus de commission ;

– le non-paiement des heures supplémentaires.

Or il est constant que le contrat de travail liant les parties a commencé le 1er mars 2013, l’existence d’un contrat de travail antérieur n’étant pas établie, de sorte que Monsieur [T] ne peut invoquer un défaut de paiement des salaires de décembre 2012 à mars 2013, salaires dont au demeurant il ne réclame pas le paiement.

13

Il n’existe aucun défaut de paiement de commissions pour l’année 2014, et au contraire le salarié est débiteur d’un trop perçu. S’agissant de l’année 2013 il reste dû un solde de 3.202,65 € compte tenu de l’absence de preuve de l’encaissement d’un chèque, montant bien inférieur à celui de 42.107 € réclamé par le salarié, et qui au demeurant ne compense pas le trop perçu en 2014.

L’employeur a été condamné à payer une somme de 23.896,91 €, outre les congés payés au titre des heures supplémentaires, cependant aucune demande en ce sens n’avait été formulée avant la démission, ni même dans le courriel du 08 septembre 2014. En outre le montant alloué est très inférieur à celui de plus de 105.663,05 € réclamé.

Monsieur [T] se réfère par ailleurs à un courrier en date du 07 octobre 2014 dénonçant une délégation de pouvoirs en raison du montage frauduleux des déclarations sociales des intérimaires portugais.

Il est important de souligner que ce courrier du 07 octobre 2014 est postérieur à la démission du 22 septembre 2014. Il fait par ailleurs suite à la discussion entre les parties sur la levée de la clause de non-concurrence, le salarié ayant refusé la clause de non sollicitation, et l’employeur l’ayant le 03 octobre 2014 informé qu’il n’entendait pas le libérer de son obligation de non-concurrence.

S’agissant des fausses factures, Monsieur [T] soutient que du personnel intérimaire français intervenait sur des chantiers en France pour une entreprise de travail temporaire luxembourgeoise afin de bénéficier d’un taux de cotisations plus favorable.

Il se fonde à cet égard sur des pièces numéro 33, 34, et 37 qui ne corroborent pas son affirmation, puisqu’il s’agit de résultats 2013, et de l’analyse des marges de mars 2013 et juin 2013.

De la même manière les pièces 35 et 36 n’établissent pas une déclaration de ces faits frauduleux par la société SM Criotori aux services de police, mais sont des analyses des marges 2013.

Il verse aux débats les attestations de deux salariés Messieurs [S] [E] et [M] [J] mis à disposition au sein de la société Services industriels France (société SIF).

Il est cependant établi que c’est bien Monsieur [T] qui gérait seul le client SIF, qu’il avait une délégation de pouvoirs à cet effet, avant de la dénoncer sur le tard, et que les contrats réalisés généraient automatiquement la même signature de Mme [C], directrice générale de la société Axia.

Les pièces 59 à 68 démontrent en effet que Monsieur [T] s’adressait directement au client pour faire une proposition de prix sur la base de cinq contrats luxembourgeois, qu’il remplissait les documents pour cette société, gérait les pointages, recevait les informations concernant la carte sociale luxembourgeoise, ou les informations sur les visites médicales, et qu’il demandait à sa collaboratrice d’établir les contrats de travail en communiquant les éléments nécessaires, et apparaissait également comme le responsable de ce client auprès de la salariée assurant la facturation. Il n’est en revanche nullement établi que l’employeur ait demandé à Monsieur [T] cadre responsable de secteur, qui avait une grande expérience en matière d’intérim pour avoir dirigé une précédente entreprise, d’établir de fausses factures.

S’agissant du montage frauduleux à l’occasion de la gestion des comptes épargne temps, le salarié reproche à l’employeur d’avoir mis en place un dispositif de compte épargne temps alimenté par les indemnités de fin de mission, et de congés payés des intérimaires. Or cette possibilité est prévue par l’accord de branche du 27 mars 2000, repris par la loi n° 2008-789 du 20 août 2008 qui autorise une telle alimentation.

14

La pièce 31 évoquée par le salarié à cet égard n’établit nullement que les comptes épargne temps des salariés intérimaires aient été soldés sans paiement.

* * *

Il résulte de l’ensemble de ce qui précède que contrairement aux affirmations du salarié aucune commission 2014 ne lui était due, mais qu’il demeure au contraire lui-même débiteur d’une somme définitivement arrêtée par la cour d’appel de Metz à 13.270 €, ce qui ne compense pas le solde de commission 2013 qui lui est du.

Il apparaît par ailleurs que si un montant de 23.896,91 € est dû au salarié en paiement des heures supplémentaires, ce montant est très nettement inférieur à celui réclamé de 105.663,05€, et qu’il n’a par ailleurs jamais réclamé le paiement des heures supplémentaires durant l’exécution du contrat de travail, ni même dans son courriel de réclamation du 08 septembre 2014 empêchant l’employeur d’effectuer une éventuelle régularisation.

Les malversations financières, ou les demandes de l’employeur d’établir de fausses factures ne sont pas établies.

La chronologie établit clairement que la relation contractuelle s’est dégradée suite à l’absence de levée de la clause de non concurrence.

Ainsi trois jours après le courriel du 08 septembre 2014, Monsieur [T] proposait encore par SMS un déjeuner au restaurant au gérant de la société Axia 4 auquel leurs épouses respectives étaient conviées. La relation cordiale entre les parties jusqu’à la démission est en outre attestée par de nombreux témoignages versés aux débats.

En conclusion les faits reprochés à l’employeur, pour certains ne sont absolument pas établis, et pour d’autres invoqués subitement, ne sont pas suffisamment graves pour justifier une prise d’acte de la rupture du contrat de travail aux torts de l’employeur.

Le jugement déféré est par conséquent confirmé en ce qu’il a rejeté ce chef de demande ainsi que la demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse en découlant.

V. Sur la clause de non concurrence

Le salarié a été définitivement condamné par la cour d’appel de Metz à payer à la société Axia 4 la somme de 44.815,28 € au titre du remboursement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence pour avoir violé celle-ci.

L’employeur indique que Monsieur [T] a créé une société concurrente dès la rupture de son contrat de travail en totale violation de son obligation de non-concurrence et qu’il percevait un salaire de la part de la société Eco Lorraine.

VI. Sur la clause pénale

L’arrêt de la cour d’appel de Metz qui a d’office réduit le montant de la clause pénale à la somme de 500 € sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations, a été cassé pour non-respect du principe du contradictoire.

15

La société Axia 4 demande à la cour, compte tenu de la violation manifeste de la clause de non-concurrence, et de tout le stratagème mis en place par Monsieur [T] pour tenter d’être libéré de celle-ci, jusqu’à invoquer le respect de la clause en produisant un contrat de travail fictif ; de faire application de la clause pénale contractuelle et de le condamner à lui payer la somme de 15.717 € correspondant à trois mois de salaire.

Monsieur [T] pour sa part demande à la cour d’en réduire le montant à l’euro symbolique en rappelant que la société Axia 4 a pleinement été indemnisée du préjudice subi par le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, et qu’elle ne démontre aucun autre préjudice lié à son activité. Il estime que dès lors que le préjudice est nul, la clause pénale peut être réduite à une mesure symbolique. Il ajoute qu’en tout état de cause il existe une disproportion manifeste entre le prétendu préjudice subi par la société, et le montant conventionnellement fixé dans le contrat de travail.

* * *

L’employeur peut se garantir contre le non-respect de la clause de concurrence au moyen d’une clause pénale l’assurant d’une indemnisation forfaitaire sans qu’il ait à justifier d’un préjudice.

Selon l’article 1152 du Code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance du 10 février 2016, lorsque la convention porte que celui qui manquera de l’exécuter payera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l’autre partie une somme plus forte, ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d’office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non écrite.

En l’espèce, le contrat de travail de M. [T] insérait dans le cadre de la clause de non-concurrence une clause pénale ainsi rédigée : « En cas de violation de cette interdiction, Monsieur [X] [T] s’exposera au paiement, par infraction constatée, d’une indemnité forfaitaire égale à la rémunération de ses 3 derniers mois d’activité, sans préjudice de notre droit de faire cesser ladite violation par tout moyen et de demander réparation de l’entier préjudice subi ».

Il n’est pas débattu que le salaire moyen de Monsieur [T] sur ses trois derniers mois s’élevait à 5.239 €.

Le caractère disproportionné, est établi soit lorsque la clause pénale est manifestement dérisoire, ou lorsqu’à l’inverse, elle est manifestement excessive.

Le caractère « manifestement excessif » du montant de la clause pénale résulte de la comparaison entre, d’une part, le montant consécutif à l’application de la clause pénale et, d’autre part le préjudice subi par le créancier. 

Il convient en premier lieu de souligner que contrairement aux affirmations du salarié, la société Axia 4 n’a pas été pleinement indemnisée du préjudice subi par le paiement de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence. Il ne s’agit en effet pas de l’indemnisation d’un préjudice, mais simplement du remboursement de la somme totale de 44.815,28 € payée par l’employeur par acomptes mensuels, au titre de la contrepartie financière de la clause de non-concurrence, alors même que le salarié n’a pas respecté ladite clause. Il ne s’agit donc pas de la réparation d’un préjudice, mais du remboursement d’une somme perçue à tort.

Il a définitivement été jugé par la cour d’appel de Metz que Monsieur [T] a manqué à son obligation de non-concurrence en recrutant des intérimaires, ou des clients pour la société LM Emploi qui exerçant une activité similaire, est basée dans un rayon de 100 km autour de [Localité 6].

16

Ainsi la mise en compte d’une clause pénale représentant trois mois de salaire, n’apparaît pas disproportionné au regard du préjudice subi par la société Axial 4, qui a dû faire face à une violation manifeste de la clause de non-concurrence par un cadre de l’entreprise, qui exerce l’activité concurrente à [Localité 8] situé à seulement 14 km par la route nationale, et ce alors qu’elle avait expressément refusé de lever la clause de non-concurrence, et qu’elle a dû faire face aux stratagèmes mis en place par le salarié pour contourner ce refus.

Il convient par conséquent de condamner Monsieur [T] à payer la somme de 15.717 € au titre de la clause pénal, le jugement ayant rejeté ce chef de demande est par conséquent infirmé.

VII. Sur les demandes annexes

Le jugement déféré est confirmé s’agissant des dépens mis à la charge du salarié, et du rejet des demandes de frais irrépétibles.

Monsieur [T], qui succombe très largement est en application de l’article 696 du code de procédure civile condamné aux entiers dépens de la procédure d’appel, et par voie de conséquence sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile est rejetée.

L’équité ne commande cependant pas de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au bénéfice de la société Axia 4.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

Dans la limite de la saisine par renvoi, par arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2021,

DECLARE irrecevable la demande de paiement d’un solde de commissions 2014, et des congés payés afférents ;

INFIRME le jugement rendu le 05 février 2016 par le conseil de prud’hommes de Metz en ce qu’il :

– Déboute Monsieur [X] [T] de ses demande de paiement d’un solde de commissions

2013, d’heures supplémentaires, et des congés payés afférents ;

– Déboute la SAS Axia 4 de sa demande relative à la clause pénale ;

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

CONDAMNE la SAS Axia 4 à payer à Monsieur [X] [T] les sommes de :

. 3.202,65 € bruts au titre du solde de commissions 2013,

. 320,26 € bruts au titre des congés payés afférents,

. 23.896,91 € bruts au titre des heures supplémentaires,

. 2.389,69 € bruts au titre des congés payés afférents.

17

L’ensemble des quatre sommes portant intérêt au taux légal à compter du 29 décembre 2014 ;

CONDAMNE Monsieur [X] [T] à payer à la SAS Axia 4 la somme de 15.717 € au titre de la clause pénale ;

CONFIRME le jugement en ses autres dispositions, dans les limites de sa saisine par l’arrêt de la Cour de cassation du 17 novembre 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE Monsieur [X] [T] aux entiers dépens de la procédure d’appel ;

REJETTE la demande de frais irrépétibles formée par Monsieur [X] [T], et la SAS Axia 4.

LEDIT ARRÊT a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 décembre 2022 et signé par Madame Christine DORSCH, Président de Chambre, et par Madame Martine THOMAS, Greffier.

Le Greffier, Le Président,

 


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