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N° RG 20/02639 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IREK
COUR D’APPEL DE ROUEN
1ERE CHAMBRE CIVILE
ARRET DU 14 SEPTEMBRE 2022
DÉCISION DÉFÉRÉE :
18/01703
Tribunal judiciaire d’Evreux du 18 février 2020
APPELANTE :
ASSOCIATION POUR LA MEDECINE INTERENTREPRISES ET LA SANTE AU TRAVAIL (AMI SANTE AU TRAVAIL)
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée et assistée par Me Thierry BRULARD de la Scp BRULARD – LAFONT- DESROLLES, avocat au barreau de l’Eure
INTIMEE :
Sas SCHNEIDER ELECTRIC FRANCE
RCS de Nanterre 421 106 709
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représentée par Me Joël CISTERNE de la Scp CISTERNE Avocats, avocat au barreau de Rouen et assistée de Me Amandine FOUGEROL du cabinet ACTANCE, avocat au barreau de Paris plaidant par Me DUBOIS-CARMINE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 6 avril 2022 sans opposition des avocats devant Mme Julie VERA, vice-présidente placée auprès de la première présidente de la cour d’appel de Rouen, rapporteur,
Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour composée :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Julie VERA, vice-présidente placée,
GREFFIER LORS DES DEBATS :
Mme [B] [U],
DEBATS :
A l’audience publique du 6 avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 29 juin 2022, date à laquelle le délibéré a été prorogé au 14 septembre 2022.
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU PRONONCÉ :
Mme Edwige WITTRANT, présidente de chambre,
M. Jean-François MELLET, conseiller,
Mme Magali DEGUETTE, conseillère,
ARRET :
CONTRADICTOIRE
Rendu publiquement le 14 septembre 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,
signé par Mme WITTRANT, présidente et par Mme CHEVALIER, greffier.
*
* *
EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE
La Sas Schneider Electric France appartient au groupe Schneider Electric d’envergure internationale. En septembre 2014, à la suite du départ de son médecin du travail, après recherches infructueuses quant à un remplaçant, elle a formulé le 3 décembre 2014, une demande d’adhésion auprès de l’association pour la médecine interentreprises et la santé au travail dite Ami Santé au travail
La recherche d’un médecin du travail étant poursuivie malgré cette demande d’adhésion, l’Ami Santé au travail a suspendu le processus d’adhésion. Après échanges entre les parties relatifs à la volonté d’adhérer de la société, l’adhésion a été formalisée le 18 février 2015, le Dr [M] [W] étant désignée comme intervenant dans les différents établissements de la société dans le département de l’Eure.
En raison de difficultés organisationnelles, la Sas Schneider Electric France a résilié le contrat avec l’Ami Santé au travail le 11 juillet 2016. Le Dr [M] [W] a été recrutée le 2 janvier 2017. Dès le 29 mai 2017, l’Ami Santé au travail a reproché à la Sas Schneider Electric France de ne pas avoir respecté l’article 1 de son règlement intérieur en recrutant ce médecin et a demandé une indemnisation devant correspondre au minimum à la somme de 150 000 euros correspondant à 18 mois de cotisations.
Par assignation du 4 mai 2018, l’Ami Santé au travail a fait assigner la société Schneider Electric industries en paiement de la somme de 150 638 euros HT à titre de dommages et intérêts pour violation de l’article 1 de ce règlement, 30 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral et 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement du 18 février 2020, le tribunal judiciaire d’Évreux a :
– constaté qu’aucune demande n’était dirigée contre la société Schneider Electric industries de sorte qu’aucune irrecevabilité ne pouvait être prononcée à ce titre,
– prononcé la mise hors de cause de la société Schneider Electric industries,
– déclaré recevable l’intervention volontaire de la Sas Schneider Electric France,
– débouté l’association pour la médecine interentreprises et la santé au travail dite Ami Santé au travail de ses demandes de dommages et intérêts,
– débouté les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la Sas Schneider Electric France aux dépens.
Par jugement du 16 juin 2020, le tribunal, saisi d’une requête en omission de statuer a rejeté la requête de l’Ami Santé au travail et condamné l’association aux dépens.
Il a rappelé que le jugement a constaté que la société Schneider Electric France avait manqué à son obligation contractuelle au visa de l’article 1 du règlement intérieur de l’association mais qu’en l’absence de préjudice démontré, il avait rejeté les demandes indemnitaires de l’Ami Santé au travail ; que le jugement initial ne reprend pas à juste titre ce constat qui constitue un moyen et non une prétention.
Par déclaration reçue au greffe le 14 août 2020, l’Ami Santé au travail a formé appel de la décision du 18 février 2020.
EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par dernières conclusions notifiées le 7 septembre 2021, l’Ami Santé au travail demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, de condamner la Sas Schneider Electric France à lui payer :
– la somme de 150 638,05 euros HT à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi par la violation des dispositions du règlement intérieur du 16 décembre 2014,
– la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice matériel et moral,
– la somme de 10 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
et à supporter les dépens.
Elle rappelle que l’article 1 du règlement intérieur opposable aux parties fait interdiction au cocontractant d’embaucher un salarié de l’association durant un délai de 18 mois après son départ de l’association ; que la Sas Schneider Electric France a violé cette disposition et doit l’indemniser du préjudice subi ; que, et ce pour répondre aux arguments de l’intimée qui lui oppose la mauvaise qualité des services de l’association, la société n’a pas invoqué des dysfonctionnements dans sa lettre de résiliation du contrat d’adhésion.
Elle souligne que la lettre de résiliation du contrat a été notifiée le 15 juin 2016 à effet du 31 décembre 2016, interdisant toute embauche de ses salariés du 31 décembre 2016 au 30 juin 2018, que la date de la promesse de contrat a été faite au Dr [W] le 1er juillet 2016 confirmée par un contrat de travail à durée indéterminée du 7 décembre 2016 à effet au 2 janvier 2017 ; que la violation de la convention liant les parties est acquise.
Elle fonde sa demande indemnitaire sur le montant des cotisations qu’auraient dû supporter la Sas Schneider Electric France durant 18 mois si elle n’avait pas recruté, comme elle le devait dans le respect de la convention, le médecin de l’association, ce montant correspondant pour l’association à une perte de cotisations.
Elle soutient que le tribunal se trompe de débat en relevant que l’association ne justifiait pas de ses difficultés à recruter un autre médecin, de frais relatifs à la perte ressentie puisqu’elle ne pouvait remettre en cause la liberté du professionnel de démissionner et que ces éléments ne sont pas liés à la faute de la société intimée.
Par dernières conclusions notifiées le 11 février 2021, la Sas Schneider Electric France demande à la cour de confirmer la décision entreprise et de condamner l’Ami Santé au travail à lui payer la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Elle expose que l’article L. 1121-1 du code du travail précise que nul ne peut apporter aux droits des personnes et aux libertés individuelles et collectives de restrictions qui ne seraient pas justifiées par la nature de la tâche à accomplir ni proportionnées au but recherché ; qu’une clause de non-sollicitation telle que posée par le contrat discuté ne peut avoir pour effet d’embaucher un salarié en dehors de tout acte de débauchage car elle serait illicite ; que dans l’hypothèse d’une violation de la clause par l’employeur, encore faut-il démontrer le préjudice subi.
Elle souligne que la clause dont se prévaut l’association n’interdit pas l’embauche d’un salarié, ce qui serait illicite comme contraire à la liberté individuelle dans les termes de l’article L. 1121-1 du code de travail et disproportionné par rapport au but recherché ; qu’en tout état de cause, la société n’a pas sollicité, ni débauché le Dr [W] qui en réalité, a envoyé une candidature spontanée à son futur employeur à la suite de sa démission ; que dans ce contexte, l’offre de travail a été présentée le 1er juillet 2016 pour prendre effet le 2 janvier 2017 ; qu’ainsi, la société n’a pas violé ses engagements envers l’association.
Elle ajoute qu’elle a été contrainte de résilier son adhésion en raison de la mauvaise qualité des services de l’association qui n’a pas respecté ses obligations et décrit amplement les difficultés causées au sein de l’entreprise par les défaillances de l’association. Dès lors, comme l’indique le tribunal, rien ne permet d’affirmer qu’elle serait restée adhérente de l’association durant dix-mois. Elle revient, en revanche, sur sa volonté d’agir conformément au contrat signé et développe les instructions et désaccords exprimés à l’égard du cabinet de recrutement sollicité.
Elle fait valoir enfin que l’association ne démontre pas avoir supporté un préjudice en raison de la situation discutée.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 12 janvier 2022.
MOTIFS
Sur la responsabilité de l’employeur
La disposition fondant l’action de l’Ami Santé au travail soit l’article 1 du règlement intérieur dont l’opposabilité n’est pas discutée est ainsi libellée : « L’employeur adhérant à l’association AMI Santé au travail s’engage à ne pas solliciter ni a fortiori embaucher des salariés intervenant dans les entreprises. Après le départ de l’association, pour quelque motif que ce soit, cette clause de non-sollicitation s’applique pendant une durée de 18 mois. ».
En conséquence, si l’employeur ne peut provoquer le recrutement d’un salarié de l’association, celle-ci ne peut faire interdiction à ses salariés de prendre un emploi chez l’un de ses adhérents comme le reconnaît l’Ami Santé au travail.
Il est acquis qu’une offre d’embauche a été proposée au Dr [W] le 1er juillet 2016, que le contrat de travail prenant effet le 2 janvier 2017 a été signé le 7 décembre 2016, avant la date d’expiration de l’adhésion de la Sas Schneider Electric France le 31 décembre 2016.
Mais l’Ami Santé au travail produit la lettre de démission du Dr [W] qui se révèle être très largement antérieure au débat relatif à un recrutement auprès de la Sas Schneider Electric France : la lettre de démission du médecin a été rédigée le 25 mars 2016, notifiée le 29 mars 2016, pour prendre effet le 14 juillet 2016 avec la mention « (au plus tard) ». L’initiative de la rupture du contrat de travail n’a dès lors pas pour origine l’attitude de l’employeur. La mention manuscrite ajoutée par le Dr [W] révèle la volonté de quitter au plus tôt l’association.
Dans l’avenant signé le 1er juin 2016 portant la fin du contrat au 31 décembre 2016, l’Ami Santé au travail rappelle en introduction : « Dans le cadre de votre démission au poste de Médecin du Travail que vous occupez au sein de notre association et pour faire suite à vos propositions d’aménagement de votre date de départ en lien avec une réduction de votre activité, nous vous confirmons ci-après vos nouvelles conditions de collaboration applicables du 1er juillet au 31 décembre 2016, date de votre fin de contrat de travail. ».
Il ressort très clairement de ces différents documents que la relation employeur-salariée qui s’est nouée ensuite entre la Sas Schneider Electric France et le Dr [W] n’est que la conséquence du choix de ce professionnel de rompre l’activité avec l’Ami Santé au travail. Celle-ci ne démontre pas l’existence d’une sollicitation de ce nouvel employeur qui contreviendrait à l’article 1 du règlement intérieur invoqué au soutien de ses prétention et donc la faute qu’aurait commise l’intimée.
Le médecin est certes la personne la plus concernée par les conditions offertes par les différents employeurs mais il rédige une attestation dans laquelle elle fait état d’un fonctionnement de l’association qui a atteint sa santé et qui a motivé son départ de l’association.
L’Ami Santé au travail ne caractérise pas davantage l’existence d’un préjudice, qui plus est en lien avec une faute commise par la Sas Schneider Electric France.
Elle ne verse aucun document comptable relatif à ses produits et ses charges démontrant un préjudice financier quelconque. Elle a perdu le bénéfice de l’adhésion de la société intimée dans les délais contractuels sans être privé de ses facultés de rechercher d’autres adhérents. En perdant la collaboration du Dr [W], elle a également pu réduire des charges. Elle ne justifie pas en l’état de la balance entre ces mouvements financiers.
Dans ce contexte économique, elle fonde ses prétentions sur le montant de dix huit mois de cotisations qu’aurait dû payer la Sas Schneider Electric France : ce montant n’est pas une base utile puisque d’une part, la Sas Schneider avait la faculté de démissionner de l’association avec effet au 1er janvier de chaque année soit une durée de cotisation au plus d’un an, d’autre part l’employeur avait la possibilité de recruter un médecin du travail nonobstant l’adhésion, notamment au regard de dysfonctionnements dans les services rendus.
L’Ami Santé au travail ne fait pas la démonstration de la réalité de son préjudice et ne fournit pas en toutes hypothèses des éléments permettant de l’apprécier.
Elle sera déboutée de ses prétentions, le jugement entrepris étant confirmé en ce qu’il a rejeté ses demandes dirigées contre la Sas Schneider Electric France.
Sur les dépens et frais irrépétibles
Le jugement entrepris a condamné la Sas Schneider Electric France aux dépens : cette disposition n’est pas critiquée en cause d’appel.
L’Ami Santé au travail succombe dans la présente instance et en supportera les dépens.
En équité, elle sera condamnée à payer à la Sas Schneider Electric France la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe et en dernier ressort,
Dans les limites de l’appel formé,
Confirme le jugement entrepris,
Y ajoutant,
Condamne l’association pour la médecine interentreprises et la santé au travail, Ami Santé au travail, à payer à la Sas Schneider Electric France la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne l’association pour la médecine interentreprises et la santé au travail, Ami Santé au travail, aux dépens.
Le greffier,La présidente,