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Clause de non-concurrence : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01934

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Clause de non-concurrence : 7 septembre 2023 Cour d’appel de Poitiers RG n° 21/01934

VC/PR

ARRET N° 518

N° RG 21/01934

N° Portalis DBV5-V-B7F-GJUO

[S]

C/

S.A.S.U. [D]

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE POITIERS

Chambre Sociale

ARRÊT DU 07 SEPTEMBRE 2023

Décision déférée à la Cour : Jugement du 26 mai 2021 rendu par le Conseil de Prud’hommes de SAINTES

APPELANT :

Monsieur [A] [S]

né le 20 janvier 1975 à [Localité 5] (49)

[Adresse 4]

[Localité 1]

Ayant pour avocat Me Julien CHAINAY substitué par Me Paul DELACOURT de la SELARL EFFICIA, avocats au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S.U. [D]

N° SIRET : 348 937 012

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Localité 3]

Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS

Ayant pour avocat plaidant Me Hervé DUVAL, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Mai 2023, en audience publique, devant :

Madame Valérie COLLET, Conseillère

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président

Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente

Madame Valérie COLLET, Conseillère

GREFFIER, lors des débats : Madame Patricia RIVIERE

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile, que l’arrêt serait rendu le 27 juillet 2023. A cette date le délibéré a été prorogé à la date de ce jour.

– Signé par Madame Marie-Hélène DIXIMIER, Présidente, en remplacement de Monsieur Patrick CASTAGNÉ, Président, légitimement empêché et par Madame Patricia RIVIERE, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE :

La SAS [D] commercialise et loue des équipements de manutention et notamment des chariots élévateurs, porteurs, tracteurs, et des appareils de magasinage. Elle assure également l’entretien préventif et l’entretien curatif de ces matériels dans le cadre de son offre de services après-vente. Elle emploie 818 salariés en France et applique la convention collective nationale des ingénieurs et cadres de la Métallurgie.

Suivant convention de mutation concertée du 11 mai 2016, conclue entre la SAS [D], la Société Angoumoisine de Manutention (SAMA) et M. [A] [S], il a été convenu que M. [S] employé par la SAMA depuis le 1er septembre 2010 à un poste d’animateur des ventes acceptait sa mutation au sein de la société [D] à compter du 1er juillet 2016, les deux sociétés appartenant au groupe Kion, pour occuper le poste d’ingénieur commercial intralogistique.

Un contrat de travail a été régularisé entre la société [D] et M. [S], le 4 mai 2016, prévoyant que M. [S] serait engagé à compter du 1er juillet 2016 par la société [D] en qualité d’ingénieur commercial intralogistique, statut cadre, position II, coefficient 100, moyennant une rémunération fixe de base de 3.900 euros brut outre une rémunération variable.

Suivant avenant à effet au 1er septembre 2019, M. [S] a été soumis à une convention de forfait annuel en jours.

M. [S] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 13 décembre 2019.

Par courrier du 3 février 2020, le conseil de M. [S] a écrit à la société [D] en sollicitant le paiement d’heures supplémentaires non rémunérées et en lui notifiant les manquements relevés à son obligation sécurité.

Par courrier du 17 février 2020, la société [D], contestant les termes du courrier du 3 février 2020, a indiqué ne pas donner une suite favorable aux demandes de M. [S].

Par requête reçue le 26 février 2020, M. [S] a saisi le conseil de prud’hommes de La Rochelle afin d’obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail, arguant de multiples manquements de son employeur à ses obligations.

Par courrier du 22 avril 2020, M. [S] a notifié à la société [D] sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail en lui reprochant de nombreuses inexécutions contractuelles et une dégradation de ses conditions de travail.

Par courrier du 27 avril 2020, la société [D] a indiqué à M. [S] considérer que cette prise d’acte produisait les effets d’une démission ‘assortie d’une brusque rupture’ et a libéré le salarié de sa clause de non-concurrence.

Par jugement du 20 octobre 2020, le conseil de prud’hommes de La Rochelle s’est déclaré incompétent territorialement pour connaître du litige et s’est dessaisi au profit du conseil de prud’hommes de Saintes.

Par jugement du 26 mai 2021, le conseil de prud’hommes a :

– dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail du 22 avril 2020 de M. [S] le liant à la société [D] est une rupture du contrat qui produit les effets d’une démission,

– débouté M. [S] de ses demandes,

– condamné M. [S] à payer à la société [D] la somme de 1.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– débouté la société [D] de sa demande reconventionnelle quant à l’indemnisation de la brusque rupture du contrat de travail,

– condamné M. [S] aux dépens en ce compris les sommes dues au titre de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 ainsi qu’aux éventuels frais d’huissier en cas d’exécution forcée.

Le 22 juin 2021, M. [S] a interjeté appel du jugement, par voie électronique, en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a débouté la société [D] de sa demande reconventionnelle.

L’ordonnance de clôture est intervenue le 25 avril 2023 et l’affaire fixée à l’audience du 23 mai 2023.

Par conclusions notifiées le 30 janvier 2023 par RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, M. [S] demande à la cour d’infirmer le jugement entrepris et de :

– dire que sa prise d’acte de la rupture du contrat de travail doit produire les effets d’un licenciement nul ou subsidiairement d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– condamner la société [D] à lui payer les sommes suivantes :

* 17.351,14 euros brut à titre d’indemnité compensatrice de préavis (3 mois),

* 1.735,11 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 5.422,23 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement,

* 35.000 euros net à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul (6 mois),

* 10.000 euros net à titre de dommages et intérêts complémentaires pour harcèlement moral et violation de l’obligation de santé/sécurité au travail,

* 1.957 euros brut outre 195,70 euros brut au titre des congés payés afférents pour 2017,

* 4.520 euros brut outre 452 euros brut au titre des congés payés afférents pour 2018,

* 7.532 euros brut outre 753,20 euros brut au titre des congés payés afférents pour 2019,

* 11.862,22 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées en 2017,

* 1.186,22 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 17.096,41 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées en 2018,

* 1.709,64 euros brut au titre des congés payés afférents,

*10.180,14 euros brut au titre des heures supplémentaires effectuées en 2019,

* 1.018,01 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 4.737,37 euros net à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris en 2017,

* 6.310,34 euros net à titre de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris en 2018,

* 26.647,80 euros net à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– fixer le salaire moyen de M. [S] à la somme de 5.783,71 euros brut,

– ordonner la délivrance du bulletin de paie, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle Emploi rectifiés, sous astreinte définitive de 75 euros par jour de retard à l’expiration du délai de 8 jours suivant la notification de l’arrêt à intervenir,

– dire que la cour sera compétente pour liquider, le cas échéant, l’astreinte,

– condamner la société [D] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– ordonner la capitalisation des intérêts à compter de la saisine du conseil de prud’hommes,

– condamner la société [D] aux dépens en ce compris ceux éventuels d’exécution,

– dire qu’à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées par le jugement à intervenir et qu’en cas d’exécution par voie extra-judiciaire, les sommes retenues par huissier (commissaire de justice) instrumentaire en application des dispositions de l’article 10 du décret du 8 mars 2001 portant modification du décret du 12 décembre 1996 devront être supportés par la société [D] en sus de l’indemnité mise à sa charge sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Par conclusions notifiées le 23 mars 2023 par RPVA, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des faits et des moyens, la société [D] demande à la cour de :

– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de sa demande d’indemnité pour brusque rupture du contrat de travail,

– le confirmer pour le surplus de ses dispositions,

– dire que la prise d’acte de la rupture doit produire les effets d’une démission assortie de l’obligation de payer à l’employeur une indemnité égale au préavis de démission à hauteur de 3 mois de salaire,

– débouter M. [S] de toutes ses demandes,

– condamner M. [S] à lui payer la somme de 13.323,90 euros pour brusque rupture du contrat de travail,

– dire que les éventuelles condamnations prononcées seront libellées en brut,

– condamner M. [S] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I. Sur les demandes au titre de la prise d’acte

Il résulte de la combinaison des articles L.1231-1, L.1237-2 et L.1235-1 du code du travail que la prise d’acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l’employeur qui empêche la poursuite du contrat de travail.

En cas de prise d’acte de la rupture du contrat de travail par le salarié, cette rupture produit, soit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse, si les faits invoqués la justifiaient, soit, dans le cas contraire, d’une démission.

Il appartient au salarié ayant pris acte de la rupture de son contrat de travail d’établir les faits qu’il allègue à l’encontre de l’employeur.

L’écrit par lequel le salarié prend acte de la rupture de son contrat de travail en raison de faits qu’il reproche à son employeur ne fixe pas les limites du litige, et il convient d’examiner tous les manquements de l’employeur invoqués par le salarié, même si celui-ci ne les a pas mentionnés par écrit.

En l’espèce, M. [S] reproche à son employeur les manquements suivants :

1°) avoir, dans le cadre d’une réorganisation de la force de vente, imposé une modification unilatérale de la rémunération des attachés commerciaux (ATC) ce qui a eu un impact direct sur ses conditions de travail et sa rémunération,

2°) lui avoir fixé, au titre de sa rémunération variable, des objectifs irréalistes/irréalisables et discriminatoires,

3°) avoir manqué à ses obligations en matière de contrôle de la charge et de la durée du travail,

4°) ne pas lui avoir payé ses heures supplémentaires,

5°) ne pas avoir mis en place les mesures propres, en amont, à éviter toute pression managériale et en aval à faire cesser cette situation avérée,

6°) avoir inséré dans son contrat de travail une clause de non-concurrence abusive.

A. Sur les manquements reprochés à la société [D]

1. La modification unilatérale de la rémunération des ATC

M. [S] rappelle que la part variable de sa rémunération est fixée contractuellement. Il explique que la société [D] a modifié la structure de la rémunération des ATC (autrement appelés Responsables commerciaux secteur (RCS)) placés sous sa subordination ce qui a eu pour effet d’impacter sa rémunération et ses conditions de travail dans la mesure où il y a eu un turn over important. Il indique que lorsque la réorganisation d’un service opérée par l’employeur est de nature à affecter la rémunération et/ou les conditions d’exécution du contrat, il est essentiel que l’employeur obtienne l’aval et les garanties du CHSCT. Il précise que cette situation a modifié son travail par un accroissement de ses déplacements pour de la formation, par une baisse du nombre de projets sur les engins spécifiques et par des projets non viables du fait du manque d’expérience des RCS. Il estime que l’employeur n’a pas respecté la procédure pour modifier la rémunération des ATC/RCS.

La société [D] rétorque que la dénonciation de la norme définissant les modalités de calcul de la rémunération variable des RCS et le remodelage de leurs secteurs d’activité sur l’ensemble de la France sont intervenus à la fin de l’année 2017 et que les nouvelles mesures dans ces deux domaines ont pris effet au 1er janvier 2018. Elle fait observer que ces deux réformes n’ont suscité aucune réaction de la part de M. [S] et que celui-ci a donc considéré pendant plus de deux ans que la nouvelle situation des RCS n’empêchait pas la poursuite de son contrat de travail. Elle indique que M. [S] ne démontre pas les faits qu’il invoque. Elle affirme que la modification des modalités de calcul de la rémunération variable et le remodelage des secteurs d’activité des RCS n’ont eu ni pour objet ni pour effet la réduction de la masse des commissions versées à M. [S]. Elle ajoute qu’en 2018, une clause de maintien de la norme de rémunération variable antérieure était prévue pour tous les commerciaux de sorte qu’ils ne pouvaient pas être pénalisés en 2018 et qu’en 2019, le montant des primes versées au RCS a augmenté de 14,5%. Elle déclare que les modifications apportées à la rémunération variable des RCS et au remodelage des secteurs d’activité ont été soumis à la consultation des instances représentatives du personnel. Elle souligne que l’effectif des RCS travaillant sur le secteur de M. [S] est passé de 19 en 2018 à 21 en 2019, que 7 de ces commerciaux ont été remplacés en 2018 et 4 en 2019 et que les trois autres ingénieurs commerciaux intralogistiques ont mieux réalisé leurs objectifs individuels que M. [S] en 2018 et en 2019. Elle insiste sur le fait qu’au cours de la période 2017, 2018, 2019, les RCS intervenant sur le secteur de M. [S] ont atteint leurs objectifs personnels à des taux compris entre 79% et 131% de sorte que le remodelage des secteurs n’a pas entamé leur efficacité commerciale.

Cela étant, il convient de relever que pour étayer ses allégations, M. [S] produit :

– le classement des kilomètres roulés par les collaborateurs du 1er janvier 2019 au 30 juin 2019 révélant qu’il occupait la tête de ce classement avec près de 44 000 kms parcourus,

– un document intitulé ‘Analyse des effectifs et du turn-over des ATC sur la période 2016-2019 Directions Régionales Sud-Ouest et Centre’ qui n’est ni daté ni signé et dont l’auteur n’est pas déterminé,

– l’attestation de M. [R] [C], employé en qualité de RCS sur les Côtes d’Armor et le Finistère Nord pour le compte de la direction régionale Grand Ouest de la société [D], mais pas sous la direction de M. [S], qui explique notamment que ‘Nous avons également depuis janvier 2018 une nouvelle norme de rémunération qui peut nous amener, si nous ne réalisons pas nos objectifs à rendre de l’argent à l’entreprise au début de l’année suivante. Ce système extrêmement anxiogène au quotidien car nous ne pouvons pas maîtriser l’ensemble des critères et certains critères sont, comme la marge de contribution, impossible à maîtriser.’

– l’attestation de M. [O] [N], ayant occupé un poste d’ATC dépendant dans l’agence régionale de [Localité 6], ne relevant pas de la direction de M. [S], qui explique notamment : ‘je reçois par courrier, une lettre dont l’objet est : information individuelle sur la nouvelle norme de rémunération datée du 8 décembre 2017. Avec la mention ‘lettre remise en main propre contre décharge’. Cette lettre dénonce l’ancien système de rémunération et indique ma nouvelle rémunération fixe et les nouvelles normes de rémunérations variables. Y est joint mon tableau, avec tous les objectifs nouveaux imposés pour 2018 sans discussion. Cette lettre dénonce clairement le système de rémunération joint à notre contrat de travail et ce par un choix unilatéral de la direction validé par les représentants du personnel. C’est un changement imposé, lourd de conséquence. En clair, outre les objectifs imposés, nous ne sommes plus rémunérés en commission de […] et atteinte d’objectifs, mais seulement à l’atteinte d’objectifs imposés. Cette nouvelle norme de rémunération est flatteuse : elle s’articule sur des objectifs flous (non mesurables) et sur des avances sur primes mensuelles. Ce qui sous-entend que si des objectifs ou un objectif n’est pas atteint, vous devez rembourser les avances à [D] sur l’année N+1. Cela n’a pas de sens.’

Ces éléments permettent d’établir que la société [D] a effectivement opéré une modification des modalités de la rémunération variable des ATC ainsi que le remodelage de leurs secteurs d’activité en janvier 2018, ce que ne conteste d’ailleurs pas l’employeur lequel produit l’accord collectif signé le 30 octobre 2017 ‘sur les délais et moyens du comité d’entreprise et du CHSCT de la société [D] dans le cadre de la consultation sur le projet de dénonciation du système de rémunération variable applicable aux ATC et le projet d’introduction du nouveau système de rémunération variable que la direction envisage de lui substituer’ prévoyant notamment les dates de consultation et d’information du CHSCT ainsi que le procès-verbal de la réunion extraordinaire du comité d’entreprise du 6 décembre 2017. La société [D] produit également l’attestation de M. [V] [I], responsable des ressources humaines de la société, qui, à partir des données du logiciel de paie, indique ‘le montant des primes versées aux responsables commerciaux secteur (RCS) de [D] et mettant une progression de montant de 14,5% entre 2018 et 2019′ et produit un tableau mentionnant qu’il y a plus d’entrées que de sorties dans les effectifs ATC en 2018 et en 2019.

Il résulte de tous ces éléments que M. [S] ne démontre pas le lien de causalité, négatif, entre les modifications apportées à la rémunération et aux secteurs d’activité des ATC et sa propre activité, ses conditions de travail ou encore sa rémunération et ce peu important que l’employeur ait ou non respecté la procédure pour procéder aux modifications concernant les ATC.

Ce grief n’est donc pas établi.

2. La fixation d’objectifs irréalistes/irréalisables et discriminatoires

M. [S] fait valoir que son employeur lui a fixé des critères d’objectifs irréalistes/irréalisables et surtout discriminatoires par rapport à d’autres salariés placés dans une même situation. Il estime que la rédaction de la clause d’objectifs dans son contrat de travail est particulièrement vague. Il indique que les objectifs 2017 ne sont pas produits puisqu’ils ont été discutés en février 2018 avec attribution de la prime afférente, que les objectifs 2018 ont été signés le 27 février 2018 alors que l’année était déjà bien entamée et que les objectifs 2019 ont été signés le 5 février 2019. Il fait observer que la société [D] avait modifié sensiblement les secteurs et modalités de travail des ATC ce qui a eu un impact sur sa rémunération puisqu’il n’a jamais pu atteindre ses objectifs annuels en dépit de ses efforts. Il déclare qu’il est indifférent qu’il n’ait jamais contesté ses objectifs par le passé.

La société [D] fait valoir que M. [S] n’a émis aucune plainte lors de ses entretiens annuels d’évaluation et qu’il a signé chaque année et même chaque trimestre ses feuilles d’objectifs et de suivi de ses objectifs sans formuler de réserve. Elle fait observer que M. [S] ne produit aucune pièce mettant en évidence une quelconque anomalie entre les objectifs qui lui ont été assignés et le potentiel de son secteur mais également entre ses objectifs et ceux assignés aux trois autres ingénieurs commerciaux intralogistiques. Elle rappelle que dans la convention de mutation concertée, il avait été fait référence à la Norme de rémunération ‘fonction ingénieur commercial intralogistique’ mise à jour le 1er janvier 2017 qui est un document définissant les modalités de calcul et les conditions d’attribution des deux primes trimestrielles à caractère individuel. Elle ajoute que M. [S] a eu connaissance chaque année des objectifs qui lui ont été assignés et que les explications qu’il a reçues concernant leur détermination étaient parfaitement satisfaisantes puisqu’il a signé chaque année des feuilles d’objectifs sans émettre la moindre réserve. Elle précise que M. [S] a, sans s’expliquer, refusé de signer le document de suivi des objectifs pour le quatrième trimestre 2019 et le document d’évaluation de ses objectifs annuels pour 2019 alors que ces documents comportaient exactement les mêmes informations que ceux qu’il avait systématiquement signés en 2017, en 2018 et au cours des trois premiers trimestres 2019.

*****

En application de l’article 1134 du code civil, dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance nº 2016-131 du 10 février 2016, ‘Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.’

Le principe de libre fixation des salaires implique qu’employeurs et salariés puissent convenir du paiement d’une rémunération variable et choisir librement ses bases de calcul. Sont valables les clauses prévoyant une variation de la rémunération du salarié si les trois conditions suivantes sont remplies :

‘ ne pas avoir pour effet de réduire la rémunération en dessous des minima légaux (Smic) et conventionnels ;

‘ ne pas conduire à faire peser le risque d’entreprise sur le salarié, via sa rémunération ;

‘ reposer sur des éléments objectifs, indépendants de la volonté de l’employeur ;

‘ être raisonnable et compatible avec le marché.

Les objectifs fixés unilatéralement par l’employeur s’imposent au salarié dès lors qu’ils sont réalisables et ont été portés à sa connaissance en début d’exercice (Cass. soc., 2 mars 2011, nº 08-44.977 ; Cass. soc., 9 mai 2019, nº 17-20.767), sauf si l’employeur était dans l’impossibilité de fixer, en début d’exercice, des objectifs réalisables et pertinents (Cass. soc., 21 sept. 2017, nº 16-20.426).

Lorsque la rémunération variable dépend d’objectifs définis unilatéralement par l’employeur dans le cadre de son pouvoir de direction, à défaut de fixation desdits objectifs, la rémunération variable doit être payée intégralement.

Enfin, conformément à l’article 1315 du code civil devenu l’article 1353, en cas de litige il appartient à l’employeur de démontrer que les objectifs fixés étaient réalisables (Cass. soc., 15 déc. 2021, no 19-20.978).

En l’espèce, il résulte du contrat de travail de M. [S] que celui-ci pouvait bénéficier, en plus de sa rémunération mensuelle de base, d’une rémunération variable ainsi définie :

‘* variable trimestrielle : 3 000€uros bruts

* variable annuelle : 11 000€uros bruts

Ces montants correspondent à l’atteinte à 100% des objectifs avec une minoration ou une majoration selon le niveau exact des résultats entre 70% et 120% maximum. Compte tenu de la période d’intégration, la variable trimestrielle est garantie à 100% pour l’année 2016, au prorata temporis, soit 3 000€uros bruts par trimestre.

En outre, la variable annuelle est garantie à 100%, pour l’année 2016, au prorata temporis, soit 5 500€uros bruts.

Les garanties, définies ci-dessus, prennent effet à la date de prise de fonction, et le cas échéant, sont recalculées au prorata temporis en cas de départ de l’entreprise avant la fin de la période de garantie.

La variable annuelle étant versée selon des résultats annuels sur objectifs, une présence minimum de 6 mois au cours de l’année civile est nécessaire pour prétendre recevoir cette variable au prorata temporis. En tout état de cause, en cas de départ de l’entreprise avant la fin d’une année civile, le montant de la variable perçue ne pourra pas excéder 70% du potentiel de la variable annuelle.’

Il était par ailleurs convenu, dans la convention de mutation tripartite, ‘une rémunération variable dont le montant sera fonction des résultats obtenus par Monsieur [A] [S], en référence à la norme de rémunération de la fonction d’ingénieur commercial intralogistique’.

Cette norme de rémunération, applicable au 1er janvier 2017, pour la fonction ingénieur commercial intralogistique prévoit, outre une rémunération fixe mensuelle brute comprise entre 3 800 euros et 4 500 euros par mois, une rémunération variable :

– trimestrielle constituée de deux parties :

* la prime trimestrielle sur objectifs de chiffre d’affaire ‘entrées de commandes rayonnage’ représentant 20%, soit 600 euros, de la prime trimestrielle d’un montant total de 3 000 euros, qui est ‘basée sur l’atteinte des objectifs de CA racks définis pour chaque titulaire par le responsable du département intralogistique’ et qui est payée ‘70% de la prime à partir de 70% du CA réalisé – 120% de la prime si 120% de CA réalisé (en dessous de 70% la prime est non versée, au-dessus de 120% la majoration est maximale)’,

* la prime trimestrielle sur objectifs de ‘quantités entrées de commandes VNA’, représentant 80%, soit 2 400 euros, de la prime trimestrielle d’un montant total de 3 000 euros, qui est ‘basée sur l’atteinte des objectifs de quantités définis pour chaque titulaire par le responsable du département intralogistique’ et qui est payée ‘70% de la prime à partir de 70% de quantité réalisée – 120% de la prime si 120% de quantité réalisée (en dessous de 70% la prime est non versée, au-dessus de 120% la majoration est maximale)’,

– annuelle constituée de quatre parties :

* la prime annuelle sur objectifs de chiffre d’affaire intralogistique, représentant 30% de la prime annuelle totale d’un montant de 11 000 euros, soit 3 300 euros, qui est ‘basée sur l’atteinte des objectifs de CA Intralogistique définis pour chaque titulaire par le responsable du département intralogistique’ et qui est payée ‘70% de la prime à partir de 85% du CA réalisé – 120% de la prime si 110% de CA réalisé (en dessous de 85% la prime est non versée, au-dessus de 110% la majoration est maximale)’,

* la prime annuelle sur objectifs de ‘CA Entrées de commandes VNA’, représentant 30% de la prime annuelle totale d’un montant de 11 000 euros, soit 3 300 euros, qui est ‘basée sur l’atteinte des objectifs de CA Entrées de commandes VAN définis pour chaque titulaire par le responsable du département intralogistique’ et qui est payée ‘70% de la prime à partir de 85% du CA réalisé – 120% de la prime si 110% de CA réalisé (en dessous de 85% la prime est non versée, au-dessus de 110% la majoration est maximale)’,

* la prime annuelle sur objectifs de ‘CA Intralogistique du service’, représentant 20% de la prime annuelle totale d’un montant de 11 000 euros, soit 2 200 euros, qui est ‘basée sur l’atteinte des objectifs de CA concernant les VNA neufs, les racks, les chantiers et accessoires et les huggers train’,

* la rémunération fonctions siège qui est payée avec ‘majoration ou minoration de la prime base 100 selon le niveau exact des résultats entre 70 et 120% maximum (en dessous de 70% la prime est non versée, au -dessus de 120% la majoration est maximale)’.

Ainsi, contrairement à ce que soutient M. [S], les modalités de calcul de sa rémunération variable étaient précisément déterminées.

Il est précisé que les prétentions et moyens de M. [S] ne concernent que sa rémunération variable annuelle et non pas sa rémunération variable trimestrielle pour laquelle il ne formule aucune observation.

La cour observe que pour l’année 2017, la société [D] ne justifie pas avoir fixé les objectifs pour la rémunération variable annuelle en début d’exercice, ne produisant que le document relatif à l’évaluation des objectifs annuels 2017 signé par M. [S] le 27 février 2018. En conséquence, l’intégralité de la rémunération variable annuelle est due, la société [D] devant être condamnée à payer à M. [S] la somme de 1.957 euros brut, le salarié ayant déjà perçu une somme de 9.043 euros brut à ce titre, outre la somme de 195,70 euros brut au titre des congés payés afférents.

En revanche, la société [D] a fixé les objectifs 2018 de M. [S], relatifs à la rémunération variable annuelle, en début d’exercice, le 27 février 2018 et a fait de même pour les objectifs 2019, le 5 février 2019.

La société [D] justifie par ailleurs qu’il n’y a eu aucune inégalité de traitement dans la fixation des objectifs annuels de M. [S] par rapport à d’autres salariés placés dans la même situation, étant précisé d’une part que le salarié emploie de manière impropre la notion de ‘discriminatoire’ dès lors qu’il n’évoque aucun motif illicite visé par l’article L.1132-1 du code du travail et d’autre part que M. [S] ne produit aucun élément démontrant une inégalité de traitement, se contentant de procéder par voie d’allégation. En effet, la société [D] produit un tableau (pièce n°42), dont le contenu n’est pas contesté par le salarié, comparatif des primes annuelles versées en 2017, 2018 et 2019 et des objectifs fixés, critère par critère, aux 4 ingénieurs commerciaux intralogistique (ICI) qui permet de retenir que :

– sur les 4 critères de la prime annuelle, deux sont des critères collectifs avec des objectifs fixés au même montant pour chacun des 4 ICI, et deux sont des critères individuels avec des objectifs fixés différemment pour chacun des 4 ICI,

– s’agissant des critères individuels, les objectifs fixés à M. [S] n’étaient pas les plus hauts, puisque M. [W] s’était vu assigner des objectifs bien plus importants,

– en 2019, M. [W] a obtenu un pourcentage de réalisation de ses objectifs plus important que celui obtenu par M. [S] qui avait pourtant des objectifs inférieurs,

– l’employeur a tenu compte chaque année, pour fixer les objectifs de l’année à venir, du taux de réalisation des objectifs de l’année écoulée puisqu’en 2018, les objectifs du critère 1 ont été réduits de 5,55% pour M. [S] tandis qu’en 2019, ils ont été de nouveau réduits de 8,18% et que pour le critère 2, les objectifs ont été réduits de 17,71% en 2018 et de 13,02% en 2019.

Par ailleurs, les objectifs fixés à M. [S] étaient réalistes et réalisables dès lors que les autres ICI ont réussi à atteindre des chiffres d’affaires intralogistique individuel et VNA individuel plus hauts que ceux atteints par M. [S] et qu’en 2018 mais surtout en 2019, ils ont tous dépassés leur taux de réalisation pour atteindre 106,69% pour le critère 2 pour M. [W] tandis que M. [S] n’avait atteint que 41,77% avec des objectifs pourtant moins élevés. La cour constate également que s’agissant des critères collectifs 3 et 4, le taux de réalisation des objectifs assignés aux ICI a été de 61,41% en 2018 et de 99,32% en 2019 pour le critère 3 et de 96,30% en 2018 et de 90,30% en 2019 pour le critère 4.

Par conséquent, il n’y a pas lieu de faire droit à la demande de rappel de salaires présentée par M. [S] au titre des années 2018 et 2019 de sorte qu’il est débouté de sa demande en paiement.

Ce grief tiré de la fixation d’objectifs irréalistes/irréalisables est donc partiellement établi.

3. Le contrôle de la charge et de la durée du travail

M. [S] fait valoir que la société [D] a manqué à ses obligations en matière de contrôle de la charge et de la durée du travail. Il rappelle que son contrat de travail prévoyait une durée du travail de 38,5h par semaine avec octroi de RTT en corrélation avec la convention collective applicable. Il fait valoir que l’accord ARTT du 6 septembre 1999 ne prévoit aucune modalité de décompte et contrôle de la charge et de la durée du travail et que l’employeur ne rapporte pas la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés soumis à un horaire forfaitisé. Il ajoute que si la société [D] avait respecté la législation applicable, elle disposerait de tous les documents nécessaires au décompte de la durée du travail. Il prétend que la convention de forfait-jour entrée en vigueur le 1er septembre 2019 est nulle et lui est inopposable aux motifs que cette convention ne mentionne pas l’entretien annuel individuel imposé par le code du travail et que l’employeur n’a pas tenu cet entretien.

La société [D] rétorque que M. [S] ne rapporte pas la preuve de ses allégations. Elle affirme avoir parfaitement respecté ses obligations de vérifier que ses salariés ne dépassent pas les durées maximales du travail et qu’ils n’avaient pas une charge de travail excessive. Sur la période antérieure au 1er septembre 2019, elle rappelle qu’aucune forme n’est imposée à l’employeur pour contrôler la durée du travail de ses collaborateurs. Elle déclare que selon l’Administration, le système auto déclaratif est particulièrement adapté à la situation des salariés itinérants ou des salariés dont la durée du travail ne peut être prédéterminée. Elle précise que les Ingénieurs commerciaux sont des collaborateurs itinérants qui, aux termes de l’accord ARTT du 6 septembre 1999, doivent disposer d’une autonomie importante dans l’organisation de leur activité et dont le temps de travail ne peut pas être prédéterminé, que le contrôle du temps de travail est assuré par le Manager à l’aide de l’agenda électronique que chaque collaborateur est tenu de remplir et que le supérieur hiérarchique de Monsieur [S] a contrôlé la charge de travail et le temps de travail de ce dernier, à partir de ses agendas et de ses notes de frais, au cours des points fixes mensuels et des entretiens annuels d’évaluation. Pour la période postérieure au 1er septembre 2019, elle explique que les partenaires sociaux ont conclu le 8 juillet 2019 un accord portant sur le temps de travail qui a mis en place un régime de forfait annuel en jours réservé aux cadres autonomes au nombre desquels figurent les « itinérants de l’entreprise», que les Ingénieurs Commerciaux Intralogistiques faisant partie des itinérants, il leur a été proposé soit de demeurer sous leur régime antérieur de temps de travail soit de conclure un avenant à leur contrat de travail pour être placés sous le régime du forfait annuel en jours, que certains, comme M. [S] ont accepté, d’autres, comme M. [U] (Ingénieur Commercial Intralogistique comme M. [S]) sont restés sous le régime ancien et que le contrôle du temps de travail de M. [S] s’est effectué conformément aux dispositions de l’article 4.5.5.2. de l’accord collectif du 8 juillet 2019. Elle estime que le système mis en place par les partenaires sociaux a été efficace puisque M. [S] n’a eu à se plaindre ni d’une charge de travail excessive ni d’un temps de travail anormal.

En l’espèce, il convient de distinguer deux périodes, celle antérieure au 1er septembre 2019 et celle postérieure au 1er septembre 2019.

S’agissant de la période antérieure au 1er septembre 2019, le contrat de travail de M. [S] précise que sa fonction est ‘forfaitée’ selon l’accord collectif d’entreprise ARTT du 6 septembre 1999 et prévoit :

– une durée moyenne hebdomadaire de travail effectif de 38h50

– une réduction du temps de travail traduite par l’attribution de jours de RTT déterminés par l’accord collectif.

Selon l’article 4.2 de l’accord collectif relatif au décompte du temps de travail, pour les cadres et personnes ‘forfaitées’, ‘l’entreprise tient à jour le décompte des journées travaillées sur la base des feuilles d’autorisation d’absence émises par les salariés.’

L’article 6.5.3 de l’accord collectif prévoit pour les cadres 10 jours de repos ARTT à prendre avec un délai de prévenance de 10 jours ouvrés, ainsi qu’un nombre de jours travaillés dans l’année ne pouvant dépasser 217. La durée maximale de travail effectif est fixée à 10 heures, pouvant atteindre 12h en cas de charge de travail exceptionnelle avec accord préalable de la direction (article 4.3).

L’accord prévoit également en son article 6.5.5 relatif à la ‘maîtrise de la charge de travail’ que ‘la mise en place de la RTT s’accompagne pour chaque direction d’un plan de progrès destiné à mieux maîtriser la charge de travail de ces salariés. Ces plans de progrès ont pour objectif de rechercher, notamment par une simplification des processus, une amélioration de l’organisation et des outils, et une répartition équilibrée de la charge de travail.’

Il incombe à l’employeur de rapporter la preuve qu’il a respecté les stipulations de l’accord collectif destinées à assurer la protection de la santé et la sécurité des salariés soumis au forfait.

A cet égard il n’est pas justifié par l’employeur de la mise en place du plan de progrès prévu par l’accord collectif. De plus, le système auto-déclaratif dont excipe l’employeur, fondé sur les mentions portées sur l’agenda tenu par le salarié, est insuffisant à établir le caractère effectif du contrôle assuré par l’employeur sur le temps de travail du salarié et ses temps de repos, en l’absence d’élément attestant d’un décompte du temps de travail tenu par l’employeur.

Quant aux entretiens annuels d’évaluation dont les comptes rendus sont versés aux débats pour les années 2017 et 2018, ils portent sur l’évaluation des compétences et connaissances du salarié, lui fixent des objectifs, mais ne font aucune référence précise à sa charge de travail, à l’organisation du travail dans l’entreprise, à l’articulation entre l’activité professionnelle et la vie personnelle et familiale et à la rémunération du salarié.

En conséquence la défaillance de l’employeur dans le contrôle de la charge et la durée du travail de M. [S], avant le 1er septembre 2019, est caractérisée.

S’agissant de la période postérieure au 1er septembre 2019, l’avenant signé le 17 juillet 2019 par M. [S] prévoit que :

‘L’article sur l’organisation et la durée du travail du contrat de travail en vigueur de Monsieur [A] [S] est modifié sur la base suivante :

En considération des caractéristiques de sa fonction et de l’autonomie dont il dispose dans l’organisation de son emploi du temps, Monsieur [A] [S] sera rémunéré sur la base d’un forfait défini en fonction d’un nombre de jours de travail sur l’année de 217 jours dans les conditions prévues par l’accord sur l’aménagement du temps de travail en vigueur au sein de la société.

Conformément aux dispositions conventionnelles, ce forfait correspond à une année complète d’activité et tient compte d’un droit intégral à congés payés.

A l’intérieur de ce forfait annuel, Monsieur [A] [S] dispose d’une totale liberté dans l’organisation de son temps de travail sous réserve de respecter les règles légales et conventionnelles relatives au repos quotidien et au repos hebdomadaire, respectivement de 11 heures et de 35 heures. Il est par ailleurs précisé qu’afin de garantir la santé et la sécurité au travail de M. [A] [S], sa charge de travail et l’amplitude de ses journées feront l’objet d’un suivi régulier, en application des dispositions en vigueur dans l’entreprise.

La rémunération forfaitaire mensuelle (brute) de Monsieur [A] [S] pour un mois complet est fixée à : 4 079 euros à laquelle s’ajoute un treizième mois versé selon les règles en vigueur. En sus de sa rémunération fixe telle que susvisée, Monsieur [A] [S] percevra une rémunération variable telle que définie dans son contrat de travail.

Sauf exception, Monsieur [A] [S] est chargé de remplir sa fonction du lundi au vendredi par journées ou demi-journées.

Les autres dispositions du contrat de travail initial et de ses éventuels avenants demeurent inchangées.’

Cette convention de forfait annuel en jours répond donc aux conditions de rédaction d’un écrit accepté par le salarié, en application de l’article L.3121-55 du code du travail. La société [D] justifie par ailleurs d’un accord d’entreprise signé le 8 juillet 2019 portant ‘sur l’aménagement du temps de travail et de l’emploi de septembre 1999 modifié’ qui prévoit notamment les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail (article 4.2.5.2) ainsi qu’un entretien annuel (article 4.2.5.3) lors duquel ‘le manager et le cadre communiquent sur l’organisation du travail dans l’entreprise et sur la charge de travail qui en découle pour le salarié, sur l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, sur sa rémunération ainsi que sur l’organisation du travail dans l’entreprise. Le résultat des échanges est obligatoirement formulé par écrit sur le formulaire prévu à cet effet’, respectant ainsi les dispositions de l’article L.3121-64 II 2° du code du travail. C’est donc tout à fait vainement que M. [S] soutient que la convention de forfait devrait lui être déclarée nulle ou inopposable au motif qu’elle ne mentionne pas l’entretien annuel dès lors qu’aucun texte n’impose qu’une telle mention figure dans la convention de forfait.

Enfin, s’il n’est pas contesté que la société [D] n’a pas tenu l’entretien annuel prévu dans le cadre de la convention de forfait, il est rappelé que cette convention n’est entrée en vigueur que le 1er septembre 2019, que M. [S] a été placé en arrêt de travail à compter du 13 décembre 2019 et qu’il a pris acte de la rupture de son contrat de travail le 22 avril 2020 soit bien avant l’expiration du délai d’un an ayant couru depuis le 1er septembre 2019 de sorte que le reproche fait à l’employeur est inopérant. Il s’ensuit qu’aucun manquement ne peut être reproché à l’employeur postérieurement au 1er septembre 2019.

Il résulte par conséquent de tous ces éléments que le grief fait à l’employeur portant sur l’absence de contrôle de la charge et de la durée du travail de M. [S] est partiellement établi.

4. Les heures supplémentaires, les repos compensateurs, le travail dissimulé

Sur les heures supplémentaires

En application de l’article L. 3171-4 du code du travail, “en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge des éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable”.

Il résulte des dispositions de l’article L. 3171-2 al. 1 (imposant à l’employeur l’établissement des documents nécessaires au décompte de la durée de travail, hors horaire collectif), de l’article L. 3171-3 (imposant à l’employeur de tenir à disposition de l’inspection du travail lesdits documents et faisant référence à des dispositions réglementaires concernant leur nature et le temps de leur mise à disposition) et de l’article L. 3171-4 précité, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

Il est précisé que les éléments apportés par le salarié peuvent être établis unilatéralement par ses soins, la seule exigence posée étant qu’ils soient suffisamment précis pour que l’employeur puisse y répondre.

En l’espèce, M. [S] soutient qu’il produit tous les éléments nécessaires pour que l’employeur puisse présenter ses propres éléments et que ses temps de trajets étaient des temps de travail effectif dès lors qu’il passait des appels, recevait ceux du service commercial etc. Il précise que son employeur ne lui a jamais rémunéré aucun temps de trajet, ce qui caractérise un travail dissimulé. Il explique qu’il avait en charge plusieurs directions régionales, que son bureau de passage était au siège de la société [D] à Marne la Vallée, qu’il accomplissait des missions de déplacement différentes vers les clients et prospects de ces directions régionales en partant soit de son domicile soit d’un rendez-vous à un autre de sorte qu’il n’y avait pas de logique de déplacement domicile/bureau. Il fait valoir que dans une note de service diffusée aux ATC, la société [D] a défini l’organisation type d’une semaine de travail mentionnant une durée du travail de plus de 10 heures par jour soit plus de 50 heures par semaine, ce qui atteste que l’employeur valide le principe d’heures supplémentaires non rémunérées.

Il produit :

– son contrat de travail prévoyant initialement une durée de travail de 38,50 heures par semaine,

– l’avenant à son contrat de travail prévoyant une convention de forfait annuel en jours à compter du 1er septembre 2019,

– un tableau pour l’année 2017, pour l’année 2018 et pour l’année 2019 récapitulant semaine par semaine, le nombre d’heures travaillées, le nombre d’heures supplémentaires dont le nombre d’heures majorées à 25% (un total de 399,65h en 2017, de 459,3h en 2018 et de 269,75h en 2019) et le nombre d’heures majorées à 50%, le taux horaire majoré à 25%, le montant des heures supplémentaires majorées à 25% et les congés payés afférents, le taux horaire majoré à 50%, le montant des heures supplémentaires majorées à 50% et les congés payés afférents ainsi que le total,

– un tableau plus détaillé mentionnant jour par jour, sur la totalité de la période, l’heure de début de journée, l’heure de fin de journée, le temps de pause et le nombre d’heures correspondant à l’amplitude horaire avec la pause déduite,

– les justificatifs de tous ses billets de train et d’avion,

– des mails qu’il a envoyés tôt le matin (entre 6h et 7h, parfois aux alentours de 4h) et auxquels il a répondu tard le soir (jusqu’à plus de 23h) pendant toute la période,

– un tableau dans lequel il tient compte des erreurs dans ses décomptes relevées par son employeur,

– un document intitulé ‘l’organisation type’ d’une semaine pour un attaché commercial prévoyant un planning journalier de 8h à 19h avec une heure de pause déjeuner,

– les attestations de Messieurs [C], [N] et [H], qui expliquent qu’ils accomplissaient tous de nombreuses heures de travail.

Ces éléments sont suffisamment précis pour permettre à l’employeur d’y répondre, ce qu’il fait en faisant valoir que :

– les temps de trajet ne constituent pas du temps de travail effectif,

– l’accord collectif de [D] sur l’aménagement du travail du 6 septembre 1999 dispose que pour les salariés itinérants les temps consacrés au trajet domicile-client ou client-domicile sont exclus du temps de travail effectif,

– le débat sur les heures supplémentaires soulevé par M. [S] concerne les seules heures prétendument réalisées au-delà du forfait de 38,50h comprenant 3,5 heures supplémentaires,

– le document intitulé « l’organisation type » n’a pas été réalisé à sa demande mais a été conçu par une entreprise de formation extérieure à [D] en réponse à une demande réitérée des stagiaires suivant la formation qui, désireux d’optimiser l’organisation de leur temps de travail, souhaitaient disposer d’un exemple d’organisation mensuelle auquel ils pourraient se référer pour aménager chacun comme ils l’entendent leur propre activité,

– l’attestation de M. [C], qui est en contentieux avec elle, est inopérante dès lors qu’il ne relève pas de la même direction que M. [S],

– l’attestation de M. [N], qui est en contentieux avec elle, est inopérante puisqu’il ne fournit aucun élément concernant l’activité de M. [S],

– le tableau annuel produit par M. [S], n’a pas été rempli « au fur et à mesure de la relation de travail » mais a été élaboré, après coup, pour les seuls besoins de la procédure contentieuse qu’il a engagée,

– M. [S] n’a versé aux débats aucune pièce (attestation de collègues, agendas, éléments mentionnant les tâches qu’il a effectuées ainsi que le nom des personnes qu’il a rencontrées’) qui serait de nature à corroborer les temps qu’il a mentionnés dans ses tableaux, ni a fortiori aucun élément permettant de déterminer son temps de travail effectif,

– M. [S] avait, compte tenu de ses fonctions et au regard de l’accord collectif, toute latitude pour prendre et quitter son travail à l’heure qu’il souhaitait. Il pouvait, par ailleurs, comme il l’entendait, s’absenter au cours de la journée pour traiter de questions relevant de sa vie personnelle,

– M. [S] ne lui a jamais adressé de demande en vue du paiement ou de la récupération des heures supplémentaires qu’il prétend aujourd’hui avoir exécutées,

– pour la période postérieure au 1er septembre 2019, M. [S] ne demande pas le versement d’un rappel de rémunération pour des heures supplémentaires de sorte qu’à partir du 1er septembre 2019, le salarié reconnaît avoir eu une charge de travail normale qui ne justifiait en rien la réalisation d’heures au-delà du temps de travail stipulé à son contrat de travail,

– M. [S] ne démontre pas que les conditions de travail qu’il a connues avant le 1er septembre 2019 seraient différentes de celles qui ont été les siennes après le 1er septembre 2019,

– Avant le 1er septembre 2019, le contrôle du temps de travail dans l’entreprise se faisait selon un système auto-déclaratif,

– la comparaison des agendas remplis par le salarié avec les tableaux qu’il produit révèle des cohérences (23 incohérences en 2017, 63 en 2018 et 52 en 2019),

– ces agendas mettent en évidence que M. [S] était loin d’avoir une activité soutenue puisqu’il ne visitait pas sa clientèle de manière quotidienne, qu’en moyenne il effectuait deux RDV client par jour, qu’il notait des rendez-vous privés pendant ses journées de travail, qu’il arrêtait souvent son activité à 16 h ou à 17 h et qu’il a noté en moyenne davantage d’activité à partir du 1er septembre 2019 qu’il ne l’avait fait au cours des 9 mois précédents,

– au cours de la période allant du 6 mars 2017 au 31 août 2019, 105 incohérences ont été relevées entre le tableau de M. [S] et les informations fournies par les relevés de télépéage,

– M. [S] ne démontre pas que les tâches qui lui ont été confiées rendaient nécessaire l’accomplissement d’heures supplémentaires, au-delà des 3 heures 50 par semaine déjà rémunérées dans le cadre de son forfait contractuel,

– M. [S] ne formule aucune contestation concernant les 187 anomalies mises en évidence par [D] au cours des années 2017 et 2018,

– Concernant la période du 1er janvier au 28 août 2019, Monsieur [S] reconnaît expressément :

o qu’il a commis de nombreuses erreurs souvent significatives ; ainsi pour le 19 avril 2019 il avait annoncé dans ses tableaux un début de journée à 05h30 alors qu’il reconnaît, dans sa pièce n°76 un début de journée à 8h ;

o qu’il calcule son temps de travail à partir de l’heure de départ de son domicile et jusqu’à l’heure de son retour ; c’est à dire qu’il prend en compte ses temps de trajet aller et retour dans le calcul de son temps de travail effectif, ce qui n’est pas légal ;

o qu’il justifie des débuts et des fins de journées par des e-mails qui établissent des amplitudes de travail et non pas du temps de travail effectif ;

o qu’il ne fournit aucune information sur aucune des journées prises en compte dans son calcul expliquant les activités auxquelles il s’est livré et qui selon lui expliqueraient les dépassements d’horaires qu’il revendique ;

o qu’il reconnaît, pour certains jours n’avoir aucune « trace » de son travail ; par exemple le 16 août 2019 pour lequel il demande, pourtant, le paiement de 8 heures supplémentaires ;

o persiste à prendre en considération des temps dont il est pourtant démontré qu’ils correspondent à des rendez- vous à caractère personnel (8 et 9 avril 2019)

– s’agissant des 75 e-mails relatifs exclusivement à la période du 1er janvier au 28 août 2019 produits par M. [S] :

o le salarié a revendiqué dans ses tableaux 129 journées au cours desquelles il aurait dépassé ses horaires de travail et ne fournit des e-mails que pour 75 d’entre elles. Aucune justification d’aucun dépassement d’horaire d’aucune sorte n’est donc fournie pour 54 journées soit près d’1/3 des journées pour lesquelles des heures supplémentaires sont revendiquées ;

o les 75 e-mails communiqués comportent des messages extrêmement brefs ne pouvant, en aucun cas, justifier les heures de travail pour lesquelles une rémunération est demandée ;

o la pièce n° 60 est un échange de mails à caractère purement personnel par lesquels M. [S] transfère, à ses collègues, un lien vers une vidéo appelée « Les moments culte de [M] [Y] » ; il inclut, pourtant, cet échange de mails dans le calcul de son temps de travail effectif ;

o les pièces 49 et 59 correspondent à des réservations de billets de train ou d’avion et mettent en évidence, que M. [S] qui avait la possibilité de séjourner à l’hôtel, a préféré faire l’aller et le retour dans la même journée et a inclus dans le calcul de son temps de travail effectif non seulement ses temps de voyage mais également ses temps d’attente à l’aéroport ou à la gare.

– M. [S] a évalué ses heures supplémentaires en procédant semaine par semaine alors que cette méthode ne s’applique qu’aux salariés soumis à un horaire collectif, les ingénieurs Commerciaux Intralogistiques étant soumis à un horaire hebdomadaire moyen de 38 heures 50 (soit 38, 83 heures exprimées en centièmes) et à un nombre de jours travaillés dans l’année ne pouvant pas dépasser 217 jours. La méthode utilisée par M. [S] pour tenter de faire apparaître qu’il aurait effectué des heures supplémentaires est donc radicalement erronée puisque le seuil de déclenchement des heures supplémentaires n’est pas 35 heures par semaine mais 1.607 heures par an.

– M. [S] a évalué son préjudice sans défalquer la valeur des JRTT et des jours de repos pour lesquels il a été rémunéré en application du régime de forfait ou d’annualisation auquel il a été soumis,

– M. [S] a évalué ses heures supplémentaires sans déduire les 3 heures 50 supplémentaires qui sont déjà rémunérées dans le cadre de son forfait de 38 heures 50 par semaine en moyenne,

– M. [S] ne démontre pas que des heures supplémentaires auraient été effectuées avec l’accord implicite et a fortiori explicite de son employeur ; il ne démontre pas non plus que les tâches qui lui ont été confiées ont rendu nécessaire l’accomplissement d’heures supplémentaires.

La société [D] produit :

– l’attestation de M. [Z] [L], DRH, qui certifie que M. [S] n’a jamais fait de demande de paiement ou de récupération d’heures supplémentaires,

– les entretiens d’évaluation de M. [S] pour les années 2017 et 2018 ne laissant apparaître aucune demande du salarié en rapport avec des heures supplémentaires non rémunérées,

– l’agenda électronique de M. [S] pour la période comprise entre le 11 février 2019 et le 6 octobre 2019 (pièce 58)

– les agendas électroniques de M. [S] pour la période 2017-2019 (pièces 68-01, 68-02, 68-03),

– un tableau de relevés des incohérences entre le relevé d’heures fourni par M. [S] d’une part et les agenda auto-déclarés par M. [S] et les relevés de télépéage d’autre part (pièce 59),

– les attestations de M. [V] [I], RRH, qui certifie l’exactitude des informations figurant dans la pièce, soulignant que le relevé des incohérences a été réalisé à partir du relevé informatique annexé aux factures de l’abonnement télépéage de la société [D],

– les relevés du télépéage concernant M. [S].

L’ensemble de ces éléments conduit la cour à considérer que :

– la demande en paiement d’heures supplémentaires de M. [S] ne concerne que la période antérieure au 1er septembre 2019,

– il n’est pas établi que pendant les temps de trajet en train, en avion voire en voiture, le matin et le soir, M. [S] se trouvait à la disposition permanente de son employeur et ne pouvait pas vaquer à des occupations personnelles, aucun élément n’étant produit en ce sens, de sorte que ces temps de trajet ne peuvent être considérés comme du temps de travail effectif,

– contrairement à ce qu’indique l’employeur, les heures supplémentaires se décomptent par semaine, M. [S] n’étant pas soumis, pour la période antérieure au 1er septembre 2019, à une convention de forfait annuel en jours ou en heures,

– il est vain pour l’employeur de faire valoir que le salarié n’a jamais demandé l’autorisation d’accomplir des heures supplémentaires et qu’il ne lui a jamais donné d’autorisation ni explicite ni implicite pour en réaliser dès lors que la société [D] avait admis le principe de l’exécution régulière d’heures supplémentaires en prévoyant une durée hebdomadaire du travail de 38,50 heures soit 3,5 heures supplémentaires en moyenne par semaine et que l’accomplissement d’heures supplémentaires est inhérent aux fonctions exercées par M. [S],

– il importe peu que M. [S] n’ait jamais réclamé le paiement d’heures supplémentaires pendant la relation contractuelle dès lors qu’il en fait la demande dans le cadre de la prescription triennale, ce qui n’est d’ailleurs pas remis en cause par la société [D],

– il importe peu que M. [S] n’ait pas versé d’agenda ou d’attestations de collègues de travail dès lors que la charge du contrôle du temps de travail du salarié pèse sur l’employeur et que le salarié fournit des éléments suffisamment précis pour lui permettre d’y répondre,

– s’il existe effectivement un certain nombre d’incohérences justement relevées par la société [D] en confrontant les tableaux produits par M. [S] aux agendas électroniques qu’il a lui même remplis ainsi qu’aux relevés de télépéage, il n’en reste pas moins que des heures supplémentaires ont été accomplies par le salarié au-delà des 38,50 heures et qui n’ont pas été rémunérées.

Au vu des pièces produites tant par le salarié que par la société [D], la cour évalue à :

– 218,5 le nombre d’heures supplémentaires accomplies par le salarié en 2017 au-delà des 38,50 heures déjà rémunérées,

– 265,25 le nombre d’heures supplémentaires accomplies par le salarié en 2018 au-delà des 38,50 heures déjà rémunérées,

– 158,75 le nombre d’heures supplémentaires accomplies par le salarié du 1er janvier au 31 août 2019.

Par conséquent, la société [D] doit être condamnée à payer à M. [S] les sommes de :

– 7.525,49 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2017 outre la somme de 752,55 euros brut au titre des congés payés afférents,

– 9.372,11 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2018 outre la somme de 937,21 euros brut au titre des congés payés afférents,

– 5.232,40 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2019 outre la somme de 523,24 euros brut au titre des congés payés.

Par suite, il y a lieu de considérer que le grief tiré du non paiement des heures supplémentaires est établi.

Sur les repos compensateurs

L’article D.3121-24 du code du travail fixe à 220 heures par an et par salarié le contingent annuel d’heures supplémentaires, au-delà duquel en application de l’article L. 3121-33 du code du travail, la contrepartie obligatoire en repos, attribuée au titre des heures supplémentaires effectuées, est égale à 50 % des heures supplémentaires accomplies au-delà du contingent pour les entreprises de 20 salariés au plus, et à 100 % de ces mêmes heures pour les entreprises de plus de 20 salariés.’

En l’espèce, il résulte des énonciations précédentes de l’arrêt que M. [S] a accompli des heures supplémentaires dépassant le contingent annuel de 220 heures en 2018 uniquement à hauteur de 45,25 heures. Il convient donc de lui allouer une somme de 1.193,24 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation des repos compensateur non pris en 2018 et de condamner la société [D] au paiement de cette somme.

Sur le travail dissimulé

Selon l’article L.8221-5 du code du travail :

‘Est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur :

1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d’un bulletin de paie ou d’un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d’une convention ou d’un accord collectif d’aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l’administration fiscale en vertu des dispositions légales.’

En l’espèce, contrairement à ce que soutient M. [S], l’absence de contrôle de la charge et de la durée du travail par l’employeur pour la période antérieure au 1er septembre 2019 et l’absence de paiement des heures supplémentaires ne caractérisent pas, ipso facto, l’intention de la société [D] de dissimuler son activité salariée, étant en outre précisé qu’il n’est pas démontré que la société [D] aurait adressé à M. [S] un exemple d’horaires type à effectuer.

Ainsi, en l’absence de preuve d’une intention de dissimulation de la part de l’employeur, il y a lieu de débouter M. [S] de sa demande d’indemnité forfaitaire.

5. L’obligation de sécurité et le harcèlement moral

Il résulte de l’article L. 1154-1 du code du travail que, dès lors que le salarié concerné présente des éléments de fait laissant supposer l’existence d’un harcèlement, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

En vertu des dispositions des articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail, pour se prononcer sur l’existence d’un harcèlement moral, il appartient au juge d’examiner l’ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d’apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de laisser supposer l’existence d’un harcèlement au sens de l’article L. 1152-1 du code du travail qui précise que ‘Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel’. Dans l’affirmative, il revient au juge d’apprécier si l’employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu’elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d’entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel, ce qui implique que le harcèlement moral peut procéder d’une organisation du travail, pour autant toutefois qu’il répond aux conditions posées par la loi à l’égard d’un salarié déterminé.

Enfin, l’obligation de prévention des risques professionnels, qui résulte de l’article L. 4121-1 du code du travail et de l’article L. 4121-2 du même code est distincte de la prohibition des agissements de harcèlement moral instituée par l’article L. 1152-1 du code du travail et ne se confond pas avec elle de sorte que lorsqu’elle entraîne des préjudices différents, peut ouvrir droit à des réparations spécifiques (Soc., 6 juin 2012, pourvoi n° 10-27.694). L’obligation de prévention du harcèlement moral est ainsi une déclinaison de l’obligation de sécurité, résultant pour l’employeur des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail.

En l’espèce, M. [S] expose que son supérieur hiérarchique, M. [B] [X] a eu un comportement et des remarques inappropriées à son égard notamment dans des mails. Il ajoute que la société [D] n’a pas mis en place les mesures d’investigations qui s’imposaient alors que dès le 3 février 2020, il avait avisé son employeur de la dégradation de ses conditions de travail dans un contexte de pression toujours plus forte pour réaliser des objectifs difficilement tenables.

Il produit des échanges de mails avec M. [X] entre le 7 mars 2019 et le 3 décembre 2019 dont la teneur est la suivante :

– le 7 mars 2019, M. [S] écrit : ‘Bonjour [B], après 10 appels sans retour de ta part en une semaine, je désire connaître tes disponibilités pour échanger avec moi..’

– le 9 octobre 2019, M. [S] écrit à M. [X] en lui envoyant une photographie de l’accident qui s’était produit alors qu’il se trouvait avec ‘[E]’, M. [X] lui répondant : ‘Bonjour, [T], deux chats noirs au même endroit’,

– le 15 mars 2019, M. [S] transmets à M. [X] un mail reçu d’un autre salarié qui lui indiquait ces jours de présence, M. [S] précisant à M. [X] ‘Bonjour, qu’en penses-tu”, M. [X] lui répondant ‘Rien’,

– le 16 mai 2019, M. [S] envoie ‘le plan d’action co NB’ à M. [X] en lui indiquant ‘Bonjour, ci-joint’, M. [X] lui répondant le 17 mai 2019 ‘Bonjour, Faire prez Power point, faire un condensé. Constat, action à mettre en place. Pas plus de 4 slides.’ M. [S] répond ‘Bonjour, sinon c’est bien”, M. [X] répond : ‘Bonjour, je ne vois pas les actions, sous quels délais, le suivi à mettre en place, quels sont les priorités…’, M. [S] répondant enfin ‘Bonjour, pourtant il y a un slide complet à ce sujet’,

– le 29 mai 2019, alors que M. [S] a envoyé des fichiers ayant mal fusionné à M. [X], celui-ci lui indique ‘c’est ce qui arrive quand on nomme mal les fichiers’. M. [S] a alors répondu ‘Non, c’est ce qui arrive lorsque plusieurs fichiers sont sélectionnés’, M. [X] lui renvoyant ‘Non, jamais arrivé pour moi’, ce qui a conduit M. [S] à terminer l’échange en écrivant ‘Toi tu es plus fort sûrement’.

– le 2 octobre 2019, alors que M. [S] adresse à M. [X] une demande de ‘présence du 2 septembre 2019 au 30 septembre 2019’ en indiquant en commentaire ‘non-respect des 11h consécutives de repos quotidien entre le 2 sept et le 3 sept’, M. [X] refuse de valider la demande en répondant à M. [S] ‘réfléchi’, ‘ton commentaire est surprenant’,

– le 3 décembre 2019, M. [S], au sujet du calcul des frais de déplacement, écrit à M. [X] : ‘Bonsoir [B], je sens une certaine agressivité dans nos rapports depuis quelques temps au regard de ce mail. Cela m’affecte. J’ai appliqué ce qui était indiqué dans la note du 12 avril 2019 (à moins qu’il faille mettre tout ses RDV dans ses cases’, tandis que M. [X] lui répond ‘Bonjour, [T], je perds du temps sur ces sujets avec toi car tu lis pas ce que j’envoie. Tu es le seul à me faire cela. Y a-t-il marqué dans ma note qu’il faut inscrire que les déplacements avec hôtel’ Le 12 et le 24, tu étais en Home Office et sans RDV client l’après midi donc pas de forfait repas le midi.’

– le 29 novembre 2019, M. [S] informe M. [X] qu’il a perdu le dossier [P], M. [X] lui répondant ‘je ne te félicite pas pour ce manque de suivi commercial’.

Il produit également ses arrêts de travail à compter du 13 décembre 2019 pour maladie ainsi qu’un certificat médical du Dr [F], médecin généraliste, qui certifie que M. [S] a ‘présenté à partir de décembre 2019 un état anxio dépressif réactionnel ayant nécessité un arrêt de travail du 13 décembre 2019 au 15 mai 2020’.

Il produit enfin le courrier du 3 février 2020 qu’il a fait adresser à son employeur par son avocat dont la teneur est la suivante :

‘Depuis maintenant plusieurs semaines mon client se trouve en arrêt maladie.

Selon les informations dont je dispose et d’après la situation qu’il a pu m’exposer, il semble que ces arrêts de travail continus et répétés soient en lien avec la dégradation de ses conditions de travail.

Celle-ci s’inscrirait dans un contexte de pression toujours plus forte pour réaliser les objectifs difficilement tenables en raison d’un contexte concurrentiel accru.

Par ailleurs, il m’a décrit une situation qui révélerait, si elle était exacte, que les bouleversements et les choix stratégiques opérés par votre société sont de nature à porter directement atteinte aux conditions de travail des équipes commerciales et en particulier à la sienne.

Notamment et vous devez le savoir, il semble que de nombreux ‘remous’ ont accompagné la modification unilatérale de la norme de rémunération variable des différents attachés commerciaux et salariés des services commerciaux de la société.

Mon client m’indique que ces changements auraient engendré un turn over de près de 70% de la force de vente sur une période de deux ans.

Or, la fonction et les résultats de Monsieur [S] reposent sur le travail des attachés commerciaux en termes d’apporteurs d’affaires.

Cela a donc engendré une situation compliquée parce que la force de vente est désormais nouvelle et inexpérimentée.

Pire, mon client a semble-t-il du faire face à l’inexistence de plan d’action commerciale adaptée et qui aurait dû être proposé par sa hiérarchie.

En raison de ces bouleversements, il n’est pas certain que les objectifs élevés que vous avez imposés aux salariés soient de nature réalistes et réalisables.

On peut aussi s’interroger sur les mesures d’accompagnement qui ont pu être prises et de nature à s’assurer de la santé des personnels.

Par ailleurs et à la lecture des documents qui m’ont été remis, j’ai pu constater que vous avez fait régulariser à Monsieur [S] une convention de forfait jours avec prise d’effet au 1er janvier 2019.

Un tel avenant met en exergue qu’avant son existence et sa signature, la durée du travail de mon client n’était probablement pas contrôlée.

En effet, sa durée hebdomadaire de travail était fixée à 38,50 heures avec attribution de RTT.

Or, je crois comprendre que le contrôle de la réalité du temps de travail de M. [S] n’a jamais été opéré par la société et l’intéressé n’aurait ainsi jamais été réglé des très nombreuses heures supplémentaires qu’il a effectué au-delà des 38,50 heures hebdomadaires contractuelles.

La société [D] est informée de cette problématique des heures supplémentaires à laquelle elle s’est trouvée confrontée sans à plusieurs reprises vouloir pour autant appliquer la législation en vigueur ni régulariser le paiement des heures supplémentaires dues.

Plutôt que de régulariser la situation, je comprends que la société a préféré ‘purger le problème’ en imposant à chacun la signature d’un forfait jours.

Or, la simple signature d’un forfait jours ne suffit pas, encore faut-il que l’employeur s’intéresse à la charge de travail du salarié.

Par ailleurs et surtout, la signature d’une convention de forfait ne vient pas régulariser le paiement des heures supplémentaires qui ont pu être effectuées avant la signature de cette convention de forfait.

Des éléments dont je dispose, il semble que de nombreuses heures supplémentaires ont été effectuées sans avoir été régularisées […]’.

Ces éléments sont toutefois insuffisants pour établir matériellement les faits allégués par M. [S] au titre du harcèlement moral qu’il déclare avoir subi. En effet, les échanges de mail entre le salarié et son supérieur hiérarchique ne révèlent aucune pression mise par M. [X] sur M. [S] ni aucun propos ou comportement inappoprié mais seulement et exceptionnellement des réponses un peu sèches s’inscrivant dans l’exercice normal du pouvoir de direction de l’employeur. Si une dégradation de l’état de santé est établie par la production des certificats médicaux d’arrêt maladie, elle ne peut à elle seule laisser présumer l’existence d’une situation de harcèlement moral.

La cour observe en outre que M. [S] ne s’est jamais plaint auprès de la société [D] de ce que M. [X] aurait eu à son égard un comportement ou des propos inappropriés, le courrier du 3 février 2020 ne mentionnant pas ce reproche. De plus, le contexte de pression mis en avant dans ce courrier ne visait que les objectifs assignés à M. [S]. Or, il a été jugé que les objectifs pour les années 2018 et 2019 étaient réalistes et réalisables sans être inéquitables et que ceux de 2017 n’avaient pas été fixés en début de période, de sorte qu’aucun contexte de pression n’est établi.

Il ne saurait enfin être reproché à l’employeur de ne pas avoir pris de mesure pour mettre un terme à des pressions managériales non établies.

Par conséquent, à défaut de tout fait matériellement établi, aucun harcèlement moral ne peut être retenu. De même, aucun manquement de l’employeur à son obligation de sécurité, tel qu’il est soutenu dans les conclusions de M. [S], n’est établi. M. [S] doit donc être débouté de sa demande de dommages et intérêts et le grief fait à l’employeur doit être considéré comme n’étant pas établi.

6. La clause de non concurrence

M. [S] fait valoir que son contrat de travail prévoit une clause de non-concurrence d’un an renouvelable une année et portant sur l’ensemble du territoire national. Il estime que cette clause est manifestement abusive dès lors qu’il ne travaillait pas sur l’intégralité du territoire national.

La société [D] considère que ce grief, à le supposer établi, n’est pas suffisamment grave pour légitimer la prise d’acte de la rupture du contrat de travail. Elle déclare que le fait que le champ d’application géographique de l’obligation de non-concurrence soit plus étendu que l’aire sur laquelle le collaborateur a exercé son activité pour le compte de son ancien employeur n’a jamais constitué une condition de validité d’une clause de non-concurrence. Elle soutient que M. [S] ne s’explique pas sur la nature de la faute qu’il lui impute et fait valoir qu’aucune faute ne peut lui être reprochée dès lors d’une part que M. [S] a consenti aux clauses de son contrat de travail et d’autre part qu’il a été libéré de son obligation de non-concurrence.

Cela étant, il convient de rappeler qu’une clause de non-concurrence n’est licite que dans la mesure où la restriction de liberté qu’elle entraîne est indispensable à la protection des intérêts légitimes de l’entreprise. Pour apprécier cette condition, il faut tenir compte des fonctions et de la qualification du salarié, de la nature de l’emploi et de l’activité de l’entreprise. La clause n’est licite que si elle est notamment limitée dans le temps et dans l’espace. La durée et l’étendue de l’interdiction doivent en principe être définies au cas par cas, afin d’être adaptées au risque encouru par l’entreprise et aux possibilités pour le salarié de retrouver un emploi. La limitation dans le temps et dans l’espace de la clause ne doit pas empêcher le salarié de retrouver un emploi correspondant à sa formation, ses connaissances et son expérience professionnelle. La seule extension du champ d’application géographique de la clause de non-concurrence à l’ensemble du territoire français n’entraîne pas nécessairement la nullité de la clause. Il convient en effet de rechercher si, en raison de ce champ d’application géographique étendu, le salarié est placé dans l’impossibilité de retrouver un emploi conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle (Cass. soc., 15 déc. 2009, n° 08-44.847).

En l’espèce, la clause de non concurrence insérée dans le contrat de travail de M. [S] est ainsi rédigée :

‘Compte tenu de la nature de ses fonctions, en cas de rupture du présent contrat à quelque époque qu’elle intervienne et pour quelque cause que ce soit, Monsieur [A] [S] s’interdit de travailler directement ou indirectement, à quelque titre que ce soit, en qualité de salarié, associé, dirigeant, consultant ou autre, dans toute société ou entreprise ayant en tout ou partie des activités de commercialisation, conception, fabrication ou autres, de projets, produits, services ou études dans le domaine des équipements de levage et de manutention pouvant concurrencer les activités de la société [D].

Cette interdiction est applicable pendant une durée d’un an, renouvelable une fois, à compter de la date du départ effectif de l’entreprise, dans le secteur géographique au sein de laquelle Monsieur [A] [S] exerce ses fonctions, à savoir le territoire français.[…]’

La cour observe que M. [S] se contente de soutenir que cette clause serait abusive au motif qu’elle porterait sur l’intégralité du territoire français sans pour autant apporter le moindre élément justifiant que cette clause aurait pu l’empêcher de retrouver un emploi conforme à sa formation, à ses connaissances et à son expérience professionnelle. La cour considère donc qu’aucun manquement ne peut être imputé à l’employeur du chef de la clause de non-concurrence.

Ce cinquième grief n’est donc pas établi.

B. Sur les conséquences des manquements de l’employeur

La cour a jugé que l’employeur a manqué à son obligation de contrôler la charge et la durée du travail de M. [S] pour la période antérieure au 1er septembre 2019, qu’il a manqué à son obligation de payer les heures supplémentaires réalisées par M. [S] en 2017, 2018 et 2019, qu’il ne lui a pas fait bénéficier des repos compensateurs pour les heures supplémentaires réalisées au-delà du contingent annuel en 2018 et qu’il n’a pas fixé les objectifs 2017 en début de période. Ces manquements, pris dans leur ensemble, sont d’une gravité suffisante pour imputer les torts de la rupture à l’employeur et à faire produire à la prise d’acte de la rupture du contrat de travail les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

La cour observe cependant que si M. [S] a formulé une demande de dommages et intérêts pour licenciement nul, il ne présente aucune indemnitaire pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

En revanche, en application de l’article 27 de la convention collective applicable, M. [S] a le droit à une indemnité compensatrice de préavis à hauteur de 3 mois de salaire brut soit 17.351,14 euros brut, montant qui ne fait l’objet d’aucune contestation dans son mode de calcul de la part de la société [D]. Cette dernière est en conséquence condamnée à payer à M. [S] la somme de 17.351,14 euros brut outre la somme de 1.735,11 euros brut au titre des congés payés afférents.

Enfin, en application de l’article 29 de la convention collective applicable, M. [S] a droit à une indemnité de licenciement dont les modalités de calcul sont les suivantes :

” pour la tranche de 1 à 7 ans d’ancienneté : 1/5 de mois par année d’ancienneté ;

‘ pour la tranche au-delà de 7 ans : 3/5 de mois par année d’ancienneté.’

Il convient donc de condamner la société [D] à lui payer la somme sollicitée de 5.422,23 euros à titre d’indemnité conventionnelle de licenciement.

Compte tenu de ces éléments, la cour condamne la société [D] à fournir à M. [S] tous les documents sociaux rectifiés tenant compte de la présente décision, sans qu’il ne soit nécessaire d’assortir cette injonction d’une astreinte.

En application de l’article L.1235-4 du code du travail, la cour ordonne à la société [D] de procéder au remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage.

La cour rappelle que les dommages et intérêts alloués sont assortis d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision et que les autres sommes octroyées qui constituent des créances salariales, sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la société [D] de la convocation devant le bureau de conciliation.

La capitalisation des intérêts est ordonnée dans les conditions prévues par l’article 1343-2 du code civil.

II. Sur la demande reconventionnelle en paiement de dommages et intérêts

La société [D] réclame le paiement d’une indemnité au titre de la rupture brusque du contrat de travail en rappelant que lorsque la prise d’acte produit les effets d’une démission, l’employeur a le droit à une indemnité forfaitaire dont le montant correspond à celui du préavis de démission non exécuté.

Compte tenu de la solution du litige, la société [D] ne peut qu’être déboutée de sa demande.

III. Sur les frais du procès

La société [D] qui succombe doit supporter les dépens de première instance et d’appel.

Il serait enfin particulièrement inéquitable de laisser supporter à M. [S] l’intégralité des frais exposés pour faire valoir ses droits. La société [D], qui est déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles, est condamnée à lui payer une somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Confirme le jugement rendu le 26 mai 2021 par le conseil de prud’hommes de Saintes en ce qu’il a :

– débouté M. [A] [D] de ses demandes en paiement de dommages et intérêts pour licenciement nul, en paiement dommages et intérêts pour harcèlement moral et manquement à l’obligation de sécurité, en paiement de dommages et intérêts pour repos compensateur non pris en 2017 et en 2019, en paiement de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

– débouté la SAS [D] de sa demande reconventionnelle d’indemnité pour rupture brusque du contrat de travail,

Infirme le jugement entrepris pour le surplus de ses dispositions,

Statuant à nouveau sur les chefs du jugement infirmés,

Dit que la prise d’acte de la rupture du contrat de travail par M. [A] [S] produit les effets d’un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Condamne la SAS [D] à payer à M. [A] [S] les sommes suivantes :

– 17.351,14 euros brut au titre de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1.735,11 euros brut au titre des congés payés afférents,

– 5.422,23 euros au titre de l’indemnité conventionnelle de licenciement,

– 7.525,49 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2017 outre la somme de 752,55 euros brut au titre des congés payés afférents,

– 9.372,11 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2018 outre la somme de 937,21 euros brut au titre des congés payés afférents,

– 5.232,40 euros brut au titre des heures supplémentaires non rémunérées en 2019 outre la somme de 523,24 euros brut au titre des congés payés,

-1.193,24 euros net à titre de dommages et intérêts en réparation des repos compensateur non pris en 2018,

Ordonne à la SAS [D] de délivrer à M. [S] tous les documents sociaux rectifiés tenant compte de la présente décision,

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Condamne la SAS [D] à procéder au remboursement aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d’indemnités de chômage,

Dit que les dommages et intérêts alloués à M. [A] [S] sont assortis d’intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Dit que les créances salariales allouées à M. [A] [S] sont assorties d’intérêts au taux légal à compter de la date de réception par la SAS [D] de la convocation devant le bureau de conciliation,

Ordonne la capitalisation des intérêts en application de l’article 1343-2 du code civil,

Condamne la SAS [D] aux dépens de première instance et d’appel,

Condamne la SAS [D] à payer à M. [A] [S] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboute la SAS [D] de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LA PRÉSIDENTE,

 


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