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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-1
ARRÊT AU FOND
DU 07 SEPTEMBRE 2023
N° 2023/ 108
Rôle N° RG 19/17293 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BFEQH
Société ACRI IN
C/
[F] [I]
[R] [B]
SAS CORINTHE INGENIERIE
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien BADIE
Me Eric BAGNOLI
Me Laure BARATHON
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de Fréjus en date du 28 Octobre 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2018002093.
APPELANTE
SOCIETE ACRI IN SAS,
représentée par son président en exercice
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sébastien BADIE de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Frédéric ROMETTI, avocat au barreau de NICE, plaidant
INTIMES
Monsieur [F] [I], né le 5 février 1966 à [Localité 9] (06) demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE et assisté de Me Joël MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant substituant
Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE
Monsieur [R] [B], né le 14 mars 1982 à [Localité 11] (38) demeurant [Adresse 3]
représenté et assisté de Me Laure BARATHON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE, plaidant
SAS CORINTHE INGENIERIE, représentée par son président en exercice dont le siège social est sis [Adresse 4]
représentée par Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE et assistée de Me Joël MARTINEZ, avocat au barreau de MARSEILLE plaidant substituant Me Eric BAGNOLI, avocat au barreau de MARSEILLE ,
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
L’affaire a été débattue le 23 Janvier 2023 en audience publique. Conformément à l’article 804 du code de procédure civile, Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre, a fait un rapport oral de l’affaire à l’audience avant les plaidoiries.
La Cour était composée de :
Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre
Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère
Mme Marie-Amélie VINCENT, Conseillère
qui en ont délibéré.
Greffière lors des débats : Madame Marie PARANQUE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 07 Septembre 2023,
ARRÊT
contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Septembre 2023,
Signé par Madame Valérie GERARD, Présidente de chambre et Madame Valérie VIOLET, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
EXPOSÉ DU LITIGE
La SAS ACRI, dont le président est M. [C] [N], est l’associée unique et la présidente de la SAS Acri In qui a pour objet social les activités d’ingénierie, conseil et études, bureau d’études, maitrise d”uvre ingénierie notamment.
L22 mars 2010, la SAS Acri In a embauché M. [F] [I] en qualité de salarié pour exercer les fonctions de directeur d’activité de la SAS Acri In et il bénéficiait de délégations de pouvoir de la SAS ACRI pour exercer les fonctions de président de la SAS Acri In et d’une société du même groupe dénommée All Ingénierie.
Le 1er octobre 2012, la SAS Acri In, représentée par M. [F] [I], a recruté en qualité de salarié, M. [R] [B] pour exercer les fonctions de directeur de la maitrise d”uvre.
Début 2014, compte tenu des difficultés économiques de la SAS Acri In une mission de mandat ad hoc a été confiée au conseil de la SAS ACRI.
Le 28 octobre 2014, M. [V] [Z], commissaire aux comptes de la société, envisage une procédure d’alerte en application de l’article L. 234-2 alinéa 1 du Code de commerce, estimant la continuité de l’exploitation compromise, et préconise l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire.
Le 12 novembre 2014, M. [C] [N] lui a répondu que la pérennité de l’entreprise n’était pas engagée, que des restructurations étaient en cours, notamment par la réduction de l’effectif salarial en raison de départs volontaires, de départs à la retraite, de négociations avec les banques pour les autorisations de découvert, d’un assainissement de la dette vis-à-vis du groupe et une activité recentrée sur la maitrise d”uvre.
Par décision du 25 novembre 2014 de M. [C] [N], président de la SAS ACRI, M [V] [X] est désigné en qualité de représentant de la SAS ACRI, présidente de la SAS Acri In et de présidente de la société ALL Ingénierie en remplacement de M. [F] [I], les mandats de ce dernier ayant été révoqués.
Des négociations ont été engagées entre M. [F] [I] et la SAS Acri In en vue d’un départ négocié de M. [I], mais ce dernier a, par courrier du 26 janvier 2015, pris acte de la rupture de son contrat de travail.
M. [F] [I] a ensuite engagé une procédure prud’homale pour voir requalifier son départ en licenciement sans cause réelle et sérieuse, mais, par un arrêt du 16 novembre 2017, la cour d’appel d’Aix-en-Provence a débouté M. [F] [I] de ses demandes.
La SAS Acri In a conclu avec M. [R] [B] une rupture conventionnelle du contrat de travail le 12 janvier 2015 avec effet au lendemain de l’homologation de la convention par la DIRRECTE et au plus tard au 17 février 2015.
Parallèlement, M. [F] [I] a établi les statuts de la SAS à associé unique Corinthe Ingénierie avec un objet social similaire à celui de la SAS Acri In, qui ont été enregistrés le 27 janvier 2015, la société étant immatriculée le 2 février 2015
M. [R] [B] a quant à lui, constitué la SARL S’CUBE, ayant pour objet social le conseil en matières commerciales, managériales de développement et de stratégie, la fourniture de tous types de prestations de services aux entreprises, l’ingénierie en matière d’aménagement du territoire, génie civil et process industriel et maitrise d”uvre, qui sera immatriculée le 3 mars 2015.
Par décision de l’actionnaire unique et président de la SAS Corinthe Ingénierie du 1er avril 2015, la SARL S’CUBE a été désignée directrice générale de la SAS Corinthe Ingénierie, à titre temporaire.
Par actes des 18 et 26 août 2015, la SAS Acri In a fait assigner M. [R] [B], M. [F] [I] et la SAS Corinthe Ingénierie devant le tribunal de commerce de Fréjus en cessation d’actes de concurrence déloyale et réparation de son préjudice.
Par jugement du 28 octobre 2019, ce tribunal a :
– jugé que les demandes formulées par la société Acri-In étaient mal fondées et l’a déboutée de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions, à l’encontre de MM [I], [B], et de la société Corinthe Ingénierie ;
– constaté le caractère abusif de la procédure introduite par la société Acri In, et l’a condamnée à verser la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts à M. [I] et 20.000 euros à la société Corinthe Ingénierie ;
– dit qu’il serait inéquitable de laisse à la charge de M. [I] et de la société Corinthe Ingénierie les frais irrépétibles qu’ils ont été contraints d’engager,
– condamné la société Acri-In à verser à M. [I] la somme de 10.000 euros et à la société Corinthe Ingénierie la somme de 5.000 euros, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance,
– prononcé le débouté de toutes les demandes, fins et conclusions de la société Acri-In à l’encontre de M. [B] ;
– condamné la société Acri-In au paiement de la somme de 20.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par M. [R] [B] et en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive, la somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civil,
– condamné la société Acri-In à s’acquitter de la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile ;
– prononcé l’exécution provisoire de la décision.
– condamné la société Acri-In aux entiers dépens de l’instance.
La SAS Acri In a interjeté appel par déclaration du 12 novembre 2019.
Par conclusions notifiées et déposées le 9 décembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, la SAS Acri In demande à la cour de :
– réformer le jugement du tribunal de commerce de Fréjus en date du 28 octobre 2019 dans l’ensemble de ses dispositions et notamment en ce qu’il a condamné l’appelante au paiement de :
‘ 100.000 euros à verser à M. [I] à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 10.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ 20.000 euros à verser à la société Corinthe Ingénierie à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;
‘ 20.000 euros à verser M. [B] au titre du préjudice moral subi par M. [B] et 5.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
‘ 5.000 euros en application des dispositions de l’article 32-1 du Code de procédure civile,
et statuant à nouveau,
– condamner solidairement M. [I], M. [B] et la société Corinthe Ingénierie pour actes de concurrence déloyale à l’égard de la société Acri In,
– les condamner solidairement au paiement à la société Acri In, à titre de dommages et intérêts, de :
‘ la somme de 72.220,61 euros au titre du débauchage massif subi par la société Acri In,
‘ la somme de 17.160 euros au titre du détournement du marché de l’aéroport de [Localité 9] Côte d’Azur,
‘ la somme de 211.510 euros au titre détournement du marché TYR,
‘ la somme de 373.940 euros au titre du détournement du client Yacht Club de Bormes-les-Mimosas,
‘ la somme de 113.000 euros HT au titre du détournement du marché du Rayol Canadel,
– les condamner sans délai, et a minima au jour de la décision à intervenir, sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard, à cesser tous actes de concurrence déloyale et de parasitisme à l’égard de la société Acri In, à supprimer de leur site internet et de tous supports toutes références, toutes informations appartenant à la société Acri In ou détournées au profit de la société Corinthe Ingénierie,
– les voir condamner solidairement au paiement de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées et déposées le 4 novembre 2022, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [F] [I] et la SAS Corinthe Ingénierie demandent à la cour de :
– confirmer le jugement n°2018002093 du tribunal de commerce de Fréjus du 28 octobre 2019 en toutes ses dispositions ;
– en conséquence, débouter la société Acri In de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions en raison de leur caractère mal fondé ;
– condamner la société Acri In à verser à M. [I] une somme de 15.000,00 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance distraits au profit de Me Éric Bagnoli sur son affirmation de droit.
Par conclusions notifiées et déposées le 7 août 2020, auxquelles il est expressément référé en application de l’article 455 du code de procédure civile, M. [R] [B] demande à la cour de :
– confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions ;
en tout état de cause,
– constater que la société Acri In s’est officiellement désistée de toutes demandes tirées de l’usage de photographies, d’une part, et de références de travaux et chantiers utilisés par la société Corinthe Ingénierie d’autre part, ce qu’elle reconnaît dans ses écritures d’appelante pour la première fois ;
– constater l’accord des défendeurs sur ce désistement partiel ;
en conséquence,
– écarter l’argumentation développée par la société Acri In en pages 36 à 40 de ses conclusions ;
– la débouter de sa demande au titre de l’astreinte à hauteur de 1.000 euros par jour de retard au titre des actes de parasitisme à l’égard de la société Acri In portant sur des demandes dont elle s’est valablement désistée ;
– constater puis dire que la société Acri In ne rapporte aucunement la preuve des faits qu’elle allègue et en particulier :
‘ ni la faute qu’aurait commise M. [R] [B] ;
‘ ni la réalité des préjudices qu’elle prétend avoir subis, tant en leur principe qu’en leur quantum ;
‘ ni un lien de causalité direct et certain entre ladite faute et les préjudices ;
en conséquence,
– la débouter purement et simplement de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;
à titre reconventionnel,
– la condamner au paiement des sommes suivantes :
‘ 20.000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral subi par M. [R] [B] et en réparation du préjudice subi du fait de cette procédure abusive ;
‘ 8.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile en cause d’appel ;
‘ entiers dépens de l’instance d’appel ;
– rejeter toutes demandes, fins et conclusions, plus amples ou contraires, présentées par la société Acri In.
MOTIFS
1. Sur la concurrence déloyale :
La SAS Acri In fait valoir qu’elle a subi le débauchage de cinq de ses salariés et un détournement de clientèle.
1.1. Le débauchage de salariés :
La SAS Acri In soutient que sur ses 26 salariés, cinq, outre M. [I] sont devenus des salariés de la SAS Corinthe Ingénierie, tous recrutés par M. [I], contestant les motifs des premiers juges selon lesquels un accord était intervenu avec M. [I]. Elle ajoute que MM. [B], [H] et [G] avaient tous des fonctions d’encadrement et assuraient des fonctions essentielles au fonctionnement de la SAS Acri In.
M. [F] [I] et la SAS Corinthe Ingénierie soutiennent au contraire que la SAS Corinthe Ingénierie a été créée dans le cadre de négociations pour la reprise de l’activité de maîtrise d”uvre de la SAS Acri In lorsque sa restructuration a été envisagée et que le départ des salariés est dû aux difficultés économiques de cette dernière.
L’embauche de salariés démissionnaires ou licenciés d’une entreprise concurrente n’est pas en soi fautif sauf si ce débauchage s’accompagne de man’uvres déloyales provoquant une véritable désorganisation.
Il résulte des pièces produites aux débats que d’une part, contrairement aux affirmations de l’appelante, il existait bien un projet d’accord SAS Acri In/[I] aux termes duquel ce dernier quittait l’entreprise avec du matériel et certains salariés pour une autre structure qui travaillerait en sous-traitance de la SAS Acri In (pièces 23, 51, 58 et 88 notamment), ce qui explique, dans le cadre de ces négociations, la création de la SAS Corinthe Ingénierie. Ce projet d’accord prévoyait explicitement dans son option 1, sur laquelle M. [C] [N] avait exprimé son accord (pièce 88 : « ok pour confirmer mon accord pour option 1 ‘ ») que Mme [D] [T] et M. [O] [H] étaient inclus dans la nouvelle structure.
D’autre part, s’agissant de M. [R] [B], son départ était motivé par la décision de la SAS Acri In de fermer les locaux du [Localité 6] pour les transférer à Sophia Antipolis dans le cadre de la restructuration de l’entreprise et de la maitrise des coûts, motifs qui ont fait l’objet d’un échange entre les parties entre le 5 décembre et le 11 décembre 2014 pour aboutir à une rupture conventionnelle.
Dans ces échanges, et contrairement à ce que soutient la SAS Acri In, rien ne permet d’attribuer la décision de fermeture des locaux à une man’uvre de la part de M. [F] [I] quand M. [X] lui-même dans son courriel du 5 décembre 2014 indique que la décision de quitter les locaux du Cannet était « la seule effectivement raisonnable en faveur du redressement de Acri In ».
S’agissant de M. [G], les allégations de la SAS Acri In ne sont également pas démontrées dès lors que ce dernier a, dans un premier temps rejoint une autre société avant d’intégrer la SAS Corinthe Ingénierie.
Enfin, s’agissant de Mme [E] [K], le fait qu’elle ait, selon l’attestation produite aux débats, quitté la SAS Acri In en raison d’une proposition plus intéressante, n’est pas en soi fautif, et l’appelante ne démontre pas que cette proposition ne correspondait pas aux qualifications de la salariée ou était exagérée compte tenu desdites qualifications (chargée d’études débutante).
La SAS Acri In ne produit aucune pièce relative à son organisation interne incluant les salariés dont elle allègue le débauchage par les intimés, qui permettrait d’objectiver la désorganisation dont elle se prévaut, celle-ci ne pouvant se déduire de la seule qualité des intimés.
Enfin, il résulte des pièces produites aux débats que la désorganisation de la SAS Acri In n’est nullement démontrée, cette désorganisation ne pouvant se déduire de la seule qualité des personnes ayant quitté l’entreprise, étant en outre observé qu’il est parfaitement démontré par M. [I] et la SAS Corinthe Ingénierie que dès la fin de l’année 2014, le plan de restructuration élaboré par le mandataire ad hoc de la SAS Acri In, Me [A], prévoyait en tout état de cause le départ de 10 salariés (pièce 25). Le climat social s’en est trouvé nécessairement dégradé et le départ de certains salariés s’explique par la situation dégradée de la SAS Acri In.
Dès lors, en l’absence de toute preuve d’une man’uvre de la part des intimés ou d’une quelconque désorganisation de la SAS Acri In, c’est à juste titre que les premiers juges n’ont pas retenu le moyen tiré d’un débauchage fautif.
1.2. Sur le détournement de clientèle :
La SAS Acri In soutient qu’il résulte du procès-verbal de constat qu’elle a fait établir le 28 mai 2015 que la SAS Corinthe Ingénierie a indiqué en guise de référence, les clients pour lesquels la SAS Acri In assurait la maîtrise d”uvre et invoque plus spécifiquement le détournement des marchés de l’aéroport de [Localité 9] Côte d’Azur, de [Localité 10] et de [Localité 5].
S’agissant du marché de l’aéroport de [Localité 9] Côte d’Azur, s’il est exact qu’il ne s’agit pas d’un marché avec appel d’offres, il n’en demeure pas moins qu’il est loisible à l’établissement public de solliciter plusieurs devis, le choix de l’exécutant lui appartenant au regard des critères définis par le code des marchés publics dont l’appelante produit un extrait pertinent. S’il est tout aussi exact que la SAS Acri In a émis deux devis les 20 janvier et 12 février 2015, le simple fait que le décideur ait finalement choisi une offre concurrente n’est pas suffisant à démontrer que la concurrence n’a pas été loyale.
L’affirmation selon laquelle la SAS Corinthe Ingénierie n’aurait pas été en mesure, matériellement, de préparer un dossier technique de toutes pièces compte tenu des délais d’attribution du marché, sans recourir aux études préalables et données techniques détenues par la SAS Acri In, dont avaient forcément connaissance tant M. [F] [I] que M. [R] [B], ne repose sur aucun élément objectif tel que la date d’attribution du marché ou les spécifications nécessairement données par le décideur aux entreprises dont il sollicitait une offre.
Contrairement à ce que soutient la SAS Acri In, le marché public de construction d’un émissaire pour le rejet des eaux de la station d’épuration de [Localité 10] n’a pas été « détourné » par M. [I] et la SAS Corinthe Ingénierie, puisque l’offre formulée par l’appelante, au sein d’un groupement d’entreprise lié par un protocole d’accord établi le 17 octobre 2013, a été rejetée par le maître d’ouvrage fin 2014.
Une nouvelle offre a été mise le 20 novembre 2014 par une société Acri In Middle East (dont il n’est pas précisé dans les documents fournis s’il s’agit d’un établissement de la SAS Acri In ou d’une filiale) au profit de la société KCC, sous-traitante de la société Danasch attributaire du marché et c’est finalement la proposition émise par la SAS Corinthe Ingénierie qui sera signée par la société KCC en mars 2015 (pièce 56), proposition dont les termes sont différents du marché pour lequel la SAS Acri In a été évincée et de la proposition émise par la société Acri In Middle East.
Il n’est par ailleurs produit aucun élément relatif au sort de l’offre émise le 20 novembre 2014, laquelle a donc manifestement été refusée, ou à l’existence de man’uvre frauduleuses. La présence d’un message électronique sur la boite email de M. [I] au sein de la SAS Acri In le 10 juin 2015 ne peut constituer la révélation d’une man’uvre frauduleuse alors que M. [I] avait quitté la SAS Acri In déjà depuis plusieurs mois et qu’il n’est pas à l’origine du maintien de son adresse professionnelle que la SAS Acri In aurait dû supprimer à l’issue de la rupture du contrat de travail.
S’agissant du marché de Bormes les Mimosas, la SA Corinthe Ingénierie et M. [F] [I] produisent aux débats (pièce 68) un extrait du contrat d’assistance au maître d’ouvrage conclu avec le Yacht Club International de [Localité 5] lequel précise qu’il est conclu en considération de la personnalité du dirigeant de la SAS Corinthe Ingénierie, M. [F] [I], que la persistance d’une adresse mail professionnelle au sein de la SAS Acri In ne peut être imputée à un salarié démissionnaire quand son employeur aurait pu lui interdire tout accès à compter de la cessation de ses fonctions et que la réunion du 5 février 2015 a été tenue alors que M. [F] [I] ne faisait plus partie de l’entreprise, étant rappelé que son contrat de travail ne comportait aucune clause de non-concurrence. Le courriel adressé le 20 janvier 2015 à M. [F] [I], manifestement dans le cadre de son activité au sein de la SAS Acri In ne peut être considéré comme une man’uvre.
C’est donc à juste titre que les premiers juges ont rejeté ce moyen.
Les reproches formulés par la SAS Acri In quant à l’attribution d’un marché pour la plage du Rayol à Canadel sur mer, se fondent sur l’utilisation d’une photographie émanant de la société Acri In, laquelle est parfaitement attribuée à cette dernière (pièce 50) et d’une interview vidéo du maire dans laquelle sont associés les deux sociétés Acri In et Corinthe. L’association du nom des deux sociétés n’est en tout état de cause pas un mensonge, les deux sociétés ayant effectivement travaillé sur le projet de la mairie et les allégations de corruption rapportées par la presse ne peuvent constituer une preuve d’un quelconque détournement. Il en va de même pour le projet du port de [Localité 7], lequel a fait l’objet d’une procédure d’appel d’offre dont l’irrégularité n’est nullement démontrée, et du port de plaisance de [Localité 8] pour lesquels le détournement de clientèle allégué ne repose que sur des articles de presse relatant d’éventuels actes de corruption.
Enfin, la pièce 58 de l’appelante, un mail adressé à M. [I] sur sa messagerie au sein de la SAS Acri In en 2018, trois ans après son départ de cette société, concernant un projet Water Lilly, ne constitue pas une preuve d’un quelconque détournement étant observé que l’appelante échoue à démontrer dans sa pièce 59 qu’elle était attributaire du marché ou du client comme elle le prétend à tort.
2. Sur le parasitisme :
Constituent des agissements parasitaires l’ensemble des comportements par lesquels un agent économique s’immisce dans le sillage d’un autre afin de tirer profit, sans rien dépenser, de ses efforts, de sa notoriété et de son savoir-faire.
En l’espèce la SAS Acri In reproche aux intimés de s’être approprié des références et divers travaux qu’elle avait accomplis sur le site internet de la SAS Corinthe Ingénierie.
Toutefois, comme le démontre la SAS Corinthe Ingénierie dans ses pièces 94, 95 et 97, elle fait état de ses missions dévolues à la suite d’appels d’offres pour lesquels elle a été déclarée attributaire, postérieurement aux études déjà réalisées par la SAS Acri In et qu’elle devait examiner dans le cadre même des marchés attribués. L’examen des pièces montre également qu’elle ne s’est jamais approprié le travail réalisé par la SAS Acri In et qu’elle a toujours légendé les photos et sourcé les travaux utilisés pour la réalisation desdits marchés.
Les agissements parasitaires ne sont pas plus démontrés que les faits de concurrence déloyale et le jugement déféré est confirmé en ce qu’il a débouté la SAS Acri In de ses demandes à ce titre.
3. Sur les demandes accessoires :
M. [R] [B] ne démontre pas que la SAS Acri In a commis une faute dans l’exercice de son droit d’appel de la décision de première instance et il est débouté de sa demande de dommages et intérêts à ce titre.
La SAS Acri In qui succombe est condamné aux dépens et au paiement de la somme de 5 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile d’une part au profit de la SAS Corinthe Ingénierie et de M. [F] [I], ensemble et au profit de M. [R] [B] d’autre part.
PAR CES MOTIFS
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de commerce de Fréjus du 28 octobre 2019,
Condamne la SAS Acri in aux dépens qui seront recouvrés conformément à l’article 699 du code de procédure civile,
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Acri In à payer à la SAS Corinthe Ingénierie et M. [F] [I], ensemble, la somme de 5 000 euros
Vu l’article 700 du code de procédure civile, condamne la SAS Acri In à payer à M. [R] [B] la somme de 5 000 euros.
LE GREFFIER LE PRESIDENT