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Clause de non-concurrence : 15 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08211

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Clause de non-concurrence : 15 septembre 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/08211

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-3

ARRÊT AU FOND

DU 15 SEPTEMBRE 2023

N°2023/ 144

RG 19/08211

N° Portalis DBVB-V-B7D-BEJXF

[W] [T]

C/

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT

Copie exécutoire délivrée

le 15 Septembre 2023 à :

-Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de MARSEILLE

– Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARSEILLE en date du 07 Mai 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 18/01626.

APPELANT

Monsieur [W] [T], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Rebecca SAGHROUN-ARDITTI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMEE

SA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Fabien GUERINI, avocat au barreau de TOULON

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 09 Mai 2023 en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, et Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant, chargées du rapport.

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre, a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Isabelle MARTI, Président de Chambre suppléant

Greffier lors des débats : Madame Florence ALLEMANN-FAGNI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023.

ARRÊT

CONTRADICTOIRE

Prononcé par mise à disposition au greffe le 15 Septembre 2023.

Signé par Madame Pascale MARTIN, Président de Chambre et Madame Florence ALLEMANN-FAGNI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * * * * * * *

FAITS- PROCEDURE-PRETENTIONS DES PARTIES

M. [W] [T] a été embauché selon contrat de travail à durée indéterminée du 1er octobre 2008, par la Société Marseillaise de Crédit dite SMC, en qualité de conseiller clientèle privée, statut technicien niveau E, de la convention collective nationale des métiers de la banque.

Convoqué le 23 octobre 2015 à un entretien préalable au licenciement pour le 9 novembre suivant reporté au 18 novembre, M.[T] a été licencié pour faute, par lettre recommandée du 4 décembre 2015.

Le 3 mai 2016, le salarié a saisi le conseil de prud’hommes de Marseille de diverses demandes relatives à l’exécution du contrat de travail et en contestation de son licenciement, procédure radiée le 8 février 2018 puis réinscrite le 30 juillet 2018.

Selon jugement du 7 mai 2019, le conseil de prud’hommes a statué comme suit :

Condamne la société Marseillaise de Crédit à verser à M.[T] la somme de 4 864,82 euros à titre d’indemnité compensatrice pour clause contractuelle de non concurrence outre 486,45 euros au titre des congés payés afférents.

Déboute les parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions.

Condamne la partie défenderesse aux entiers dépens.

Le conseil du salarié a interjeté appel par déclaration du 20 mai 2019.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises au greffe par voie électronique le 20 avril 2023, M.[T] demande à la cour de :

«A TITRE PRINCIPAL :

REFORMER le jugement rendu le 7 mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Monsieur [T] de sa demande de dommages et intérêts pour nullité du licenciement.

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 43.710,84 € à titre de dommages et intérêts pour nullité du licenciement ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

REFORMER le jugement rendu le 7 mai 2019 par le Conseil de Prud’hommes de Marseille en ce qu’il a débouté Monsieur [T] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 40.350 € à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

REFORMER le jugement dont appel dans toutes ses dispositions sauf celles qui concernent l’octroi de la contrepartie de la clause de non-concurrence et le débouté de la SMC de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive.

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité de résultat;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 5.000 € à titre de dommages et intérêts pour manquement à la législation relative aux temps de pause ;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 322,67 € à titre de remboursement des cotisations salariales sur tickets restaurant;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 2.499,93 € à titre de rappel de salaires pour réunions commerciales, outre 249,99€ d’indemnité compensatrice de congés payés y afférente ;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 9.729,64 € à titre de dommages et intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] des intérêts de retard avec capitalisation sur la contrepartie de la clause de non-concurrence et l’indemnité congés payés y afférente à compter de la rupture du contrat de travail ;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT à payer à Monsieur [T] la somme de 3.600 € au titre de l’article 700 CPC ;

CONDAMNER LA SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT aux entiers dépens ;

ORDONNER la remise des bulletins de salaire et documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 100 € par jour de retard à compter de la signification de l’arrêt à intervenir ;

CONDAMNER la SOCIETE MARSEILLAISE DE CREDIT au paiement de l’ensemble des sommes susvisées avec intérêts légaux de droit à compter de la signification de l’arrêt à intervenir avec capitalisation de ces intérêts.»

Dans ses dernières écritures transmises au greffe par voie électronique le 20 avril 2023, la société demande à la cour de :

«A titre principal

DECLARER IRRECEVABLES devant la Cour d’Appel, les demandes nouvelles de l’appelant, à savoir:

– 2.499,93 euros à titre de rappel de salaires pour réunions commerciales

– outre 249,99 euros d’indemnité compensatrice de congés payés y afférentes.

DIRE ET JUGER que Monsieur [T] n’a subi aucun harcèlement moral au sein de la SMC

En conséquence,

CONFIRMER le jugement entrepris

LE DEBOUTER de l’intégralité de ses demandes pour licenciement nul

A titre subsidiaire :

DECLARER IRRECEVABLES devant la Cour d’Appel, les demandes nouvelles de l’appelant, à savoir:

– 2.499,93 euros à titre de rappel de salaires pour réunions commerciales

– outre 249,99 euros d’indemnité compensatrice de congés payés y afférentes.

DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [T] reposait sur des faits matériellement établis, imputables au salarié et constitutif d’un motif réel et sérieux

En conséquence,

CONFIRMER le jugement entrepris

DEBOUTER de l’intégralité de ses demandes indemnitaires pour licenciement sans cause réelle et sérieuse

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

DIRE ET JUGER que la SMC n’a commis aucune faute ni aucun manquement à ses obligations en matière de sécurité de résultat,

DIRE ET JUGER que la SMC a respecté la législation relative aux temps de pause,

DIRE ET JUGER que les demandes de Monsieur [T] à titre de rappel de salaires pour réunions commerciales outre d’indemnité compensatrice de congés payés y afférentes sont des demandes nouvelles irrecevables en cause d’appel

CONFIRMER le jugement entrepris

DEBOUTER Monsieur [T] de ses demandes concernant le manquement à la législation relative aux temps de pause et remboursement des cotisations salariales sur tickets restaurants,

DEBOUTER Monsieur [T] de ses demandes de dommages et intérêts pour non-respect de la clause de non-concurrence en l’absence de tout préjudice,

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [T] à la somme de 1.000 euros pour procédure abusive,

CONDAMNER Monsieur [T] à prendre en charge les frais irrépétibles supportés par la SMC à hauteur de 3.000 euros en application de l’article 700 du CPC.»

Par ordonnance du 8 novembre 2019 non déférée à la cour, le conseiller de la mise en état a débouté la société de sa demande tendant à déclarer caduque la déclaration d’appel, et M.[T] de sa demande tendant à déclarer irrecevable l’appel incident de la société, condamnant cette dernière à payer à l’appelant la somme de 1 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Pour l’exposé plus détaillé des prétentions et moyens des parties, il sera renvoyé, conformément à l’article 455 du code de procédure civile, aux conclusions des parties sus-visées.

MOTIFS DE L’ARRÊT

A titre liminaire, la cour rappelle qu’en application des dispositions de l’article 954 du code de procédure civile , elle ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et que les «dire et juger» et les «constater» ainsi que les «donner acte» ne sont pas des prétentions en ce que ces demandes ne confèrent pas de droit à la partie qui les requiert hormis les cas prévus par la loi; en conséquence, la cour ne statuera pas sur celles-ci, qui ne sont en réalité que le rappel des moyens invoqués.

Sur la fin de non recevoir

Au visa de l’article 564 du code de procédure civile, la société indique que la demande relative au rappel de salaires pour réunions commerciales n’ayant pas été formulée de façon contradictoire devant les premiers juges, ces derniers n’en ont pas tenu compte et que M.[T] ne peut dès lors la présenter à la cour, s’agissant d’une demande nouvelle.

L’appelant ne répond pas au moyen soulevé et la cour constate qu’il a intégré dans ses écritures devant la cour, sa demande de salaires au titre de la discussion sur le non respect du temps de pause, alors qu’il résulte de l’énoncé des prétentions exposées devant les premiers juges qu’elle n’a pas été soumise comme telle à ceux-ci.

Cependant, l’instance ayant été engagée avant le 1er août 2016, le principe de l’unicité de l’instance prévu à l’ancien article R.1452-6 du code du travail doit s’appliquer et dès lors, la demande nouvelle est recevable même en appel, comme liée au même contrat de travail.

Sur l’exécution du contrat de travail

1- Sur les temps de pause

Au visa de l’article L.3121-16 du code du travail, M.[T] invoque un non respect des temps de pause du fait d’une réunion commerciale organisée tous les mardis de 13h à 14h et demande le paiement de ces temps dans la limite de la prescription outre des dommages et intérêts.

La société indique qu’à l’appui, le salarié ne produit que deux pages de plannings et qu’en tout état de cause, les horaires de travail étant fixés de 8h40 à 12h30 puis de 14h à 18h, M.[T] ne démontre pas un non respect des temps de pause visés à l’article précité.

Le salarié n’établit pas autrement que par une mention informatique sur ses plannings d’une réunion commerciale tous les mardis et ne justifie pas qu’il était tenu d’y être présent.

En revanche, il ressort de la pièce n°19b (mails fixant la date de la réunion) que le salarié était manifestement obligé de venir à une réunion commerciale spéciale tous les mois, pour la période allant du 24/11/2015 au 21/06/2016.

Cependant, si l’on se réfère à l’horaire collectif indiqué par l’employeur et qui n’a pas été contredit par M.[T] qui n’invoque pas n’avoir pu déjeuner, il s’avère que ce dernier bénéficiait d’une pause d’une demi-heure avant la réunion, de sorte que l’employeur a bien respecté son temps de pause minimum de 20 minutes à l’isue d’une période de travail effectif de six heures.

En conséquence, M.[T] doit être débouté de sa demande nouvelle en paiement de salaires mais aussi de sa demande à titre de dommages et intérêts, aucune faute ne pouvant être relevée à l’encontre de l’employeur et aucun préjudice ne pouvant donc en résulter.

2- Sur les titres restaurant

A l’appui d’une demande en remboursement de cotisations salariales prélevées, le salarié qui prétend avoir été contraint de déjeuner sur son lieu de travail tous les vendredis à compter du mois de mars 2013 ne présente aucune pièce à ce titre et en tout état de cause, comme l’a dit le conseil de prud’hommes, il ne s’agit pas de frais professionnels pouvant être remboursés par l’employeur.

La cour ajoute que le titre restaurant constitue un avantage en nature remis pour permettre aux salariés de s’acquitter de tout ou partie d’un repas et pouvant être utilisé auprès d’un détaillant de fruits et légumes, de sorte que M.[T] ne démontre pas le bien fondé de sa créance.

Sur le harcèlement moral et l’obligation de sécurité

Au visa des articles L.1152-1, L.4121-1 et L.1154-1 du code du travail, le salarié invoque des faits de harcèlement moral et «des manquements de son employeur au titre du devoir de sécurité de résultat».

Aux termes de l’article L.1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.

Selon l’article L.1152-2 du code du travail, aucun salarié ne peut être sanctionné, licencié ou faire l’objet d’une mesure discriminatoire directe ou indirecte, notamment en matière de rémunération, de formation, de reclassement, d’affectation, de qualification, de classification, de promotion professionnelle, de mutation ou de renouvellement de contrat pour avoir subi ou refusé de subir des agissements répétés de harcèlement moral et pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.

L’article L.1154-1 du même code dans sa version applicable à l’espèce (avant le 10 août 2016) prévoit qu’en cas de litige, le salarié concerné établit des faits qui permettent de présumer l’existence d’un harcèlement et il incombe alors à l’employeur, au vu de ces éléments, de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d’un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

Le salarié évoque les faits suivants :

– une modification de ses conditions de travail en janvier 2015 par le déplacement de son bureau au rez-de chaussée, vécue comme une mise à l’écart, près du guichet, qui sera fermé de sorte qu’il faisait office de bureau administratif de remplacement le conduisant à un état d’anxiété caractérisé et d’épuisement professionnel,

– une convocation lors de sa reprise en février 2015 où il subit des reproches sur ses résultats,

– le 12 mars 2015, une tentative de suicide,

– un mail adressé pendant son absence sur des anomalies, réitéré le 23 juin 2015 et adressé à l’ensemble de la direction,

– le retrait de dossiers rémunérateurs et la modification de ses codes, pendant son absence,

– un entretien d’intimidation le 3 juillet 2015,

– une mise à l’écart lors de la venue du DRH sur l’agence.

– des refus de le faire évoluer à un autre poste,

– une forte pression de sa hiérarchie visant à le contraindre à quitter ses fonctions et solliciter une rupture conventionnelle.

Il produit les documents suivants :

– un mail du 14/03/15 du directeur de l’agence concernant le contrôle de niveau 1 des comptes ouverts sur les trois derniers mois et une situation préoccupante sur l’ouverture de deux comptes à des étudiants libyens, un mail du 23/06/2015 du directeur réitérant sa demande de fermeture de ces comptes et la réponse le jour même du salarié indiquant avoir fixé un rendez-vous aux clients pour le 24/06 et soulignant: «depuis le 12 mars et jusqu’au 28 avril j’étais en arrêt de travail (avec une période de congés au milieu) de par la faute exclusive de ma hiérarchie, situation qui a failli résulter en un drame le 12 mars dernier.

J’ai par la suite rappelé à plusieurs reprises à toi-même et à la hiérarchie+drh (notamment lors d’un entretien avec [E] [Z] le 21 avril) que je suis sous traitement, ce qui altère mes capacités (…)» (pièce n°3)

– le compte rendu de l’entretien du 03/07/2015 destiné à éclairer la SMC sur les accusations portées dans ce mail (pièce n°4)

– sa candidature le 16/09/2015 sur un poste de chargé de recouvrement à l’agence d'[Localité 3] et la réponse de la DRH du 02/10/2015 précisant que sa candidature «transmise à la DRH du Crédit du Nord a connu un retour non favorable (pas de poste à pourvoir actuellement)», (pièce n°5),

– un extrait de l’intranet du 17/12/2015 proposant un poste d’assistant administratif rattaché au service recouvrement d'[Localité 3] (pièce n°25),

– le mail sur la venue du DRH le 14/10/2015 indiquant : «[W] tu as été rencontré plus récemment donc il n’a pas besoin de faire un point formalisé . Il déjeunera avec nous (…)»(pièce n°6),

– les documents d’évaluation de l’année 2013 et de l’année 2014 (pièce n°16),

– la liste des clients transférés à ses collègues (pièce n°20),

– une attestation de paiement des indemnités journalières couvrant la période du 01/01/2015 au 21/05/2018 démontrant des arrêts pour maladie du 12/03 au 21/03/2015, du 8/04 au 26/04/2015, et du 20/11/2015 au 28/03/2016 (pièce n°21),

– le certificat d’un psychiatre du 17/12/2015 indiquant que l’état de santé de M.[T] n’est pas compatible avec une présence devant la commission paritaire prévue le 22/12/2015 (pièce n°22),

Le salarié établit l’existence matérielle de faits précis et concordants, qui pris dans leur ensemble pourraient laisser présumer l’existence d’un harcèlement moral à son encontre.

L’employeur fait valoir que M.[T] n’a subi aucune baisse de rémunération ni régressé dans sa classification hiérarchique et que le seul changement opéré est un changement de bureau et non une mise au placard.

Il indique que l’entretien du 3 juillet 2015 était destiné à comprendre les griefs reprochés à l’encontre de sa hiérarchie, M.[T] s’étant plaint dans son mail du 23 juin d’un mal-être imputé à celle-ci et relevant que le salarié déforme la réalité des faits.

Il constate que les pièces médicales sont postérieures au licenciement et ne démontrent pas le prétendu mal-être contemporain des accusations portées à l’encontre de la société.

Il rappelle que M.[T] a postulé à des fonctions de directeur d’agence puis de conseiller en patrimoine pour lesquelles la direction a estimé qu’il n’avait pas le profil en termes d’expérience professionnelle et de résultats ; il précise que le poste ouvert au RCCP d'[Localité 3] correspondait à un poste inférieur à la classification conventionnelle du salarié, relevant en outre qu’il n’a pas postulé sur ce dernier.

Il invoque les pièces adverses et produit les comptes-rendus d’évaluation du salarié et un avis d’aptitude de la médecine du travail du 14/11/2014.

A l’instar de la société, il y a lieu de dire que l’allégation d’un état d’anxiété caractérisé et d’épuisement professionnel en janvier 2015 n’est étayée par aucun élément médical (certificat, arrêt pour maladie) et aucun lien ne peut dès lors être fait avec un changement de bureau relevant du pouvoir de direction, et des conditions de travail dégradées de ce fait, les circonstances exposées par M.[T] n’étant pas étayées par des témoignages quant à une gêne occasionnée par des clients venus au guichet.

Il résulte du compte rendu d’évaluation fait après entretien du 9/01/2015 que le salarié déclarait dans les commentaires «2014 a été une année difficile d’un point de vue personnel, chose que j’ai pu indiquer à plusieurs reprises à ma hiérarchie, notamment la nécessité de prendre en compte mon état psychologique fortement dégradé» de sorte qu’il est établi que ce sont des raisons étrangères à un harcèlement moral au travail qui sont à l’origine des idées suicidaires (et non d’une tentative de suicide) évoquées par M.[T], étant précisé qu’aucun fait précis en lien avec le travail n’est rapporté dans la période contemporaine du 12 mars 2015.

Eu égard à l’importance et au nombre des anomalies relevées par le directeur d’agence (mail de de trois pages) dans le cadre de son contrôle de niveau 1 du travail de M.[T], il ne saurait lui être fait grief de l’avoir diffusé auprès du n+2 et à sa date du 14 mars, il n’est pas démontré que son supérieur avait été informé de l’arrêt de travail ayant commencé le 13 mars.

En tout état de cause, la cour relève que le salarié qui n’était plus en arrêt de travail à compter du 27 avril 2015, n’avait au 23 juin lors de la relance du directeur ni répondu ni mis en oeuvre les procédures de nature à satisfaire à ses obligations, ce qui démontre une certaine bienveillance et tolérance de la part de sa hiérarchie directe, reconnue d’ailleurs par le salarié lors de l’entretien du 3 juillet suivant avec le directeur des ressources humaines.

Le seul fait d’indiquer au salarié que ses résultats ne sont pas bons et d’organiser régulièrement des réunions commerciales, des entretiens avec lui et des déjeuners le vendredi avec l’équipe ne saurait constituer une pression insidieuse et aucune mise à l’écart ne peut être relevée dans le mail concernant la venue du directeur des ressources humaines souhaitant rencontrer divers salariés en entretien individuel, tout au plus une maladresse de rédaction, puisqu’il est patent qu’un point très complet avait été fait avec M.[T] lors de l’entretien organisé le 3 juillet 2015.

Il résulte du compte-rendu produit que le directeur des ressources humaines a souhaité suite à la déclaration de M.[T] dans son mail du 23 juin 2015, aborder la situation avec calme, pragmatisme, compte tenu des accusations graves du salarié et le dialogue instauré ne permet pas d’accréditer la thèse de M.[T] quant à une méthode d’intimidation ou à une pression visant à le contraindre à quitter ses fonctions.

L’explication donnée quant au retrait de dossiers pendant son absence d’une durée de 45 jours est satisfaisante, le salarié ne citant que trois clients transférés à ses collègues et pour deux d’entre eux, il ne s’agissait pas de dossiers rémunérateurs comme il le prétend ; quant à l’allégation d’une modification de ses codes, elle ne résulte d’aucune pièce ni d’aucune réclamation en ce sens.

Les demandes d’évolution de poste en promotion faites par le salarié n’ont pas abouti pour des raisons objectives démontrées par l’employeur au travers des comptes-rendus d’évaluation, le dernier ayant relevé son manque d’implication, qui n’a pas été dénié par l’interessé.

Sa dernière demande n’a pas été refusée puisqu’aucun poste de chargé de recouvrement n’était disponible sur l’agence d'[Localité 3] lorsqu’il a postulé et le salarié ne démontre pas avoir candidaté sur le poste d’assistant administratif publié en décembre 2015, de sorte qu’il ne peut reprocher sérieusement à son employeur de n’avoir pas été retenu.

Ayant confronté l’ensemble des éléments produits de part et d’autre, la cour a la conviction que M.[T] n’a pas subi une situation de harcèlement moral.

S’agissant de l’obligation de sécurité, elle est imposée à l’employeur par les articles L.4121-1 & suivants, dans leur rédaction antérieure à l’ordonnance du 22 septembre 2017, en ces termes:

L’employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs.

Ces mesures comprennent :

1 Des actions de prévention des risques professionnels;

2 Des actions d’information et de formation ;

3 La mise en place d’une organisation et de moyens adaptés.

L’employeur veille à l’adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l’amélioration des situations existantes.

L’employeur met en oeuvre les mesures prévues à l’article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention prévus à l’article L.4121-2 du même code.

Il doit assurer l’effectivité de ces mesures.

La cour constate que l’employeur, au vu du signalement fait par le salarié dans son mail du 23 juin 2015 de faits pouvant s’apparenter à du harcèlement moral, a entendu le salarié dans le cadre d’un entretien formalisé mais n’avait pas à mener une enquête interne, compte tenu des propos recueillis ne stigmatisant aucune personne, et le salarié déclarant refuser toute aide (page 5 du compte-rendu) .

Par ailleurs, en l’absence d’élément médical contemporain ou de suivi invoqué ou de la consultation de la médecine du travail par le salarié notamment lors de sa reprise en avril 2015, et en l’état d’un avis d’aptitude datant de moins d’un an, l’employeur n’avait pas l’obligation de prendre des mesures particulières à l’égard de M.[T], lequel n’explicite d’aucune façon leur nature.

En conséquence, la cour dit que la société n’a pas failli en son obligation de moyen renforcée et dès lors confirme le jugement ayant débouté M.[T] de sa demande à titre de dommages et intérêts à ce titre.

Sur la rupture du contrat de travail

A titre liminaire, la cour constatant que le harcèlement moral n’a pas été retenu et qu’en outre aucun lien ne peut être fait entre l’obligation de sécurité et le licenciement du salarié, confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement.

1- Sur le bien fondé du licenciement

La lettre de licenciement du 4 décembre 2015 qui fixe les limites du litige est rédigée en ces termes:

« (…) Les faits à l’origine de cette mesure consistent en un refus répété d’exécuter loyalement votre contrat de travail.

Vous avez en effet délibérément choisi de :

– porter atteinte aux intérêts de l’entreprise en réduisant votre activité ce qui a eu pour conséquence de provoquer une forte dégradation de vos résultats commerciaux, aujourd’hui en total décalage avec votre expérience et vos compétences,

– créer un conflit en portant à l’encontre de votre hiérarchie des accusations graves et dénuées de tout fondement.

En agissant ainsi, vous avez manifesté ouvertement votre volonté de faire pression sur votre employeur, afin de le contraindre à répondre favorablement à vos exigences d’évolution professionnelle.

Ces agissements de la part de l’un de nos collaborateurs sont inacceptables et fondent notre décision de mettre fin à notre collaboration.(…)»

En agissant ainsi, vous avez manifesté ouvertement votre volonté de faire pression sur votre employeur, afin de le contraindre à répondre favorablement à vos exigences d’évolution professionnelle. »

En l’espèce, l’employeur reproche à M.[T] une accumulation de faits fautifs illustrant selon lui un changement inacceptable et dysfonctionnant sur l’exécution de ses missions ainsi que sur son comportement.

Le salarié considère son licenciement discriminatoire, indique que la matérialité de la baisse des résultats commerciaux n’est pas rapportée, que l’employeur ne l’a jamais rappelé à l’ordre en dépit de l’échelle des sanctions prévue par le règlement intérieur de la banque.

Il estime que l’employeur ne rapporte pas la preuve du caractère délibéré de la baisse des résultats et pour le second motif oppose la prescription de l’article L.1332-4 du code du travail.

Il reproche au conseil de prud’hommes d’avoir ajouté aux motifs de la lettre en indiquant qu’un incident en 2014 a pour origine la dégradation des relations entre les parties.

Selon les termes de l’article L. 1232-1 du code du travail, tout licenciement doit avoir une cause réelle et sérieuse et être fondé sur des éléments objectifs et imputables au salarié.

Les faits invoqués doivent être matériellement vérifiables. En outre, en application de l’article L. 1332-4 du Code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul à l’engagement de poursuites disciplinaires au-delà d’un délai de deux mois à compter du jour où l’employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l’exercice de poursuites pénales. Enfin, un même fait fautif ne peut donner lieu à double sanction.

La cour relève que les résultats présentés à l’appui du licenciement pour faute (pièce n° 10 & 11) correspondent uniquement au tableau de suivi des objectifs du mois de novembre 2015, sans démonstration du caractère répété d’une chute des chiffres, notamment par un comparatif avec l’année précédente et même si le salarié a été alerté oralement sur une dégradation de ses résultats, pouvant correspondre à une insuffisance professionnelle, les sanctions prévues par le règlement intérieur ne lui ont pas été appliquées.

En effet, la société n’apporte à l’appui de son affirmation sur le caractère intentionnel de cette défaillance et dans l’intention de nuire imputée au salarié, aucun élément concret ni démonstratif d’un refus de travailler, sur la période de deux mois antérieure à l’engagement de la procédure.

Par ailleurs, en raison également de la prescription, elle ne pouvait reprocher au titre d’un licenciement disciplinaire, des faits de juin 2015 voire des faits de 2014 non sanctionnés en leur temps.

En conséquence, sans que le licenciement soit discriminatoire, la cour dit que le comportement fautif n’ayant pas été démontré, le licenciement se révèle sans cause réelle et sérieuse.

2- Sur les conséquences financières du licenciement

En application de l’article L.1235-3 du code du travail dans sa version applicable à l’espèce, si un licenciement intervient pour une cause qui n’est pas réelle et sérieuse et qu’il n’y a pas réintégration du salarié dans l’entreprise, il est octroyé à celui-ci, à la charge de l’employeur, une indemnité qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois.

En l’espèce, compte tenu de l’ancienneté du salarié de plus de 7 ans, de son âge (37 ans), de son salaire brut mensuel moyen qu’il établit sans être contredit à 2 432,41 euros et de l’absence de toute pièce justifiant de sa situation professionnelle postérieure, la cour fixe à la somme de 17 000 euros, l’indemnisation de M.[T].

La cour applique d’office la sanction prévue à l’article L.1235-4 du code du travail.

Sur la clause de non concurrence

L’intimée n’ayant pas formé appel incident sur ce point, il y a lieu de confirmer le jugement ayant constaté que la société n’avait pas délié M.[T] de celle-ci lors de la rupture et lui ayant alloué une somme représentant deux mois de salaire outre les congés payés afférents, telle que prévue au contrat de travail.

Le salarié ne démontre par aucun document s’être conformé à cette clause pendant une durée plus importante que celle prévue et n’établit pas en conséquence l’existence d’un préjudice distinct susceptible d’être indemnisé, autre que celui résultant du retard dans l’exécution, lequel doit être sanctionné par l’allocation des intérêts au taux légal à compter du 14 mars 2016 – date de remise du solde de tout compte – avec capitalisation.

Sur la demande reconventionnelle

L’accueil par la cour de partie des demandes du salarié démontre que la procédure n’est pas abusive et dès lors, la demande reconventionnelle de la société doit être rejetée.

Sur les frais et dépens

La société qui succombe même partiellement doit s’acquitter des dépens d’appel, être déboutée de sa demande faite sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile et à ce titre, payer à l’appelant la somme de 1 500 euros.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

Statuant par arrêt contradictoire, par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, en matière prud’homale,

Rejette la fin de non recevoir soulevée par la Société Marseillaise de Crédit (SMC),

Confirme le jugement déféré SAUF dans ses dispositions relatives au bien fondé du licenciement et ses conséquences,

Statuant à nouveau des chefs infirmés et Y ajoutant,

Dit le licenciement pour faute non fondé,

Condamne la société Marseillaise de Crédit à payer à M.[W] [T] les sommes suivantes:

– 17 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 1 500 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

Dit que les intérêts au taux légal sur la somme de 4 864,82 euros et celle de 486,45 euros, au titre de la contrepartie financière de la clause de non conccurence, alloués par le jugement,doivent courir à compter du 14 mars 2016, avec capitalisation de ces intérêts, à condition qu’ils soient dûs au moins pour une année,

Condamne la SMC à remettre à M.[T] un bulletin de salaire récapitulatif des condamnations prononcées et les documents de fin de contrat rectifiés conformément au présent arrêt,

Dit n’y avoir lieu à astreinte,

Déboute M.[T] de l’ensemble de ses autres demandes y compris sa demande nouvelle,

Rejette la demande reconventionnelle de la SMC,

Ordonne le remboursement par la SMC à Pôle Emploi des indemnités de chômage versées au salarié, dans la limite de 3 mois,

Dit qu’à cette fin, une copie certifiée conforme de la présente décision sera adressée à Pôle Emploi, par le greffe,

Condamne la SMC aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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