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Clause de non-concurrence : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17054

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Clause de non-concurrence : 14 septembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 22/17054

Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 9

ARRÊT DU 14 SEPTEMBRE 2023

(n° , 16 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/17054 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CGPY2

Décisions déférées à la Cour :

Jugement du 01 Décembre 2016 -Tribunal de Grande Instance de PARIS – RG n° 14/17105

Arrêt du 02 Juin 2020 – Cour d’appel de PARIS – RG n°17/20400

Arrêt du 29 Juin 2022 – Cour de cassation – Pourvoi n° J20-16.832- Arrêt n°558 F-D

APPELANTS

M. [E] [X]

Né le [Date naissance 2] 1946 à [Localité 17] (MAROC)

[Adresse 9]

[Localité 13]

Mme [D] [W] épouse [X] en sa qualité de liquidatrice volontaire de la SARL CS SERVICES, société de droit luxembourgeois, en liquidation amiable, inscrite au RCS de Luxembourg sous le n°B148316, venant aux droits de la société CONSULTAUDIT

[Adresse 14]

L 171 LUXEMBOURG

Représentés par Me Stéphane FERTIER de la SELARL JRF AVOCATS & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0075

Assistés de Me Sophie GIJSBERS, avocat au barreau de PARIS, toque : G188 substituant Me Denis BENSAUDE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0519

INTIMES

M. [V] dit [U] [O]

Né le [Date naissance 8] 1941 à [Localité 19] (RUSSIE)

chez son fils [H] [O] [Adresse 6]

[Adresse 5]

[Localité 13]

M. [H] [O]

Né le [Date naissance 3] 1970 à [Localité 18] (93)

[Adresse 6]

[Localité 13]

M. [L] [O]

Né le [Date naissance 1] 1966 à [Localité 18] (93)

[Adresse 11]

[Localité 13]

Représentés par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistés de Me Frédéric SOIRAT, avocat au barreau de PARIS

Mme [F] [O]

Née [Date naissance 7] 1944 à [Localité 19] (Russie) et décédée le [Date décès 10] 2022

[Adresse 12]

[Localité 13]

Assistée de Me Jean-Dominique LEBOUCHER de l’AARPI LEBOUCHER, avocat au barreau de PARIS, toque : P0054

S.C.I. COURCELLESS 120

prise en la personne de ses représentants légaux

[Adresse 4]

[Localité 13]

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

Assistée de Me Frédéric SOIRAT, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 08 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme Sophie MOLLAT, Présidente et Mme Déborah CORICON, Conseillère.

Un rapport a été présenté à l’audience dans les conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme Sophie MOLLAT, Présidente

Mme Déborah CORICON, Conseillère

Mme Isabelle ROHART, Conseillère

Greffier, lors des débats : Mme Saoussen HAKIRI.

ARRÊT :

– contradictoire,

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile,

– signé par Mme Sophie MOLLAT, Présidente et par Mme Saoussen HAKIRI, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

**********

Suivant protocole d’accord en date du 16 novembre 1998, M. [U] [O] se portant fort pour les autres associés de la société d’expertise comptable Fegec, s’est engagé à céder au plus tard le 2 janvier 1999, la totalité des actions composant le capital de cette société à M. [K] et à la société Consultaudit.

Le 28 décembre 1998, M. [U] [O] a donné à ses fils, MM. [H] et [L] [O], la nue-propriété d’actions de la société Fegec et, le 29 décembre 1998, il a, avec ses fils, apporté à la SCI Courcelles 120 l’usufruit et la nue-propriété d’actions de la société Fegec en contrepartie de l’usufruit et de la nue-propriété de parts de cette SCI.

Le 7 janvier 1999, les ordres de mouvement relatifs à la cession de parts de la société Fegec sont intervenus au profit de M. [X], de membres de sa famille et de la société FSA Audit qui a transféré l’essentiel de ses actions à la société Consultaudit.

Le 23 juillet 1999, M. [U] [O] a constitué, avec cinq autres actionnaires, la société d’expertise comptable Cabinet [U] [O].

Saisi par M. [X] et la société Consultaudit en application de la clause compromissoire prévue par le protocole d’accord en date du 16 novembre 1998, un tribunal arbitral a prononcé le 23 juin 2000 la résolution des conventions du 16 novembre 1998 et de leurs actes d’exécution aux torts de M. [U] [O], au titre de la violation de la clause de non-concurrence et de la violation de son obligation de présentation de clientèle et de non débauchage. Le tribunal arbitral l’a condamné au paiement de la somme totale de 3 060 139 euros, ainsi que les frais et intérêts y afférents. Les condamnations n’ont été que partiellement exécutées par M. [U] [O].

Le 18 janvier 2002, M. [X] et les sociétés Consultaudit et Fegec ont assigné MM. [U], [L] et [H] [O], ainsi que la société Courcelles 120 en inopposabilité des donations consenties le 28 décembre 1998 et des apports effectués le 29 décembre 1998 en fraude de leurs droits, et en paiement des sommes restant dues.

Les 11 janvier et 24 mai 2002, M. [X] et la société Consultaudit ont fait pratiquer des saisies attributions sur les parts que détenait M. [O] dans les SCI [Adresse 15], qui ont donné lieu à de nombreux contentieux clôturés par un arrêt de la cour d’appel de céans du 29 juin 2017 donnant aux saisies leur plein et entier effet. Les parts des SCI ont fait l’objet de ventes forcées le 14 mai 2019.

Cependant, entre temps, le 23 octobre 2018, M. [O] en sa qualité d’associé gérant de la SCI Courcelles 120 a vendu l’actif immobilier de la SCI, dont le prix de cession est revenu aux associés nus-propriétaires, à savoir ses deux fils. Dans le cadre de la vente forcée, les deux fils, usant de leur faculté de substitution, se sont portés adjudicataires de 90% des parts de la SCI pour la somme de 20 000 euros.

S’agissant de la SCI Jouffroy 55, par un acte du 1er mars 2004 enregistré le 30 novembre 2018, M. [O] a donné à ses deux fils 80 des 100 parts qui compose le capital de la SCI. Par un acte du 12 avril 2013 enregistré le 15 octobre 2018, M. [O] et ses deux fils, associés, ont fait un prêt à usage de l’actif immobilier de la SCI à la soeur de M. [O], [F] [O], pour une durée de 20 ans. Dans le cadre de la vente forcée de mai 2019, les deux fils, usant de leur faculté de substitution, se sont portés adjudicataires des parts de leur père pour la somme de 12 000 euros.

S’agissant de la SCI Stephimel, par deux actes du 5 février 2004, M. [O] a cédé à ses deux fils 60 des 100 parts qui composent le capital social de la SCI moyennant la somme de 60 000 euros. Puis par acte du 18 novembre 2011, le bien immobilier détenu par la SCI a été vendu au prix de 927 000 euros qui a été réparti entre les associés. Dans le cadre de la vente forcée de mai 2019, les deux fils, usant de leur faculté de substitution, se sont portés adjudicataires des parts de leur père pour la somme de 10 000 euros. La SCI a finalement été dissoute et radiée en juillet 2020.

La société Interfimo, créancier de M. [X], et la société CS Services, société de droit luxembourgeois cessionnaire du reliquat de la créance de Consultaudit sur M. [O], sont intervenus volontairement à l’instance. La société Fegec a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 1er juillet 2004. Me Leloup-Thomas a été désignée liquidateur judiciaire. La société Consultaudit a été placée en redressement judiciaire le 3 février 2009 puis en liquidation judiciaire le 7 juillet 2009. Me [P] a été désigné liquidateur judiciaire.

Par jugement en date du 1er décembre 2016, le tribunal de grande instance de Paris a déclaré les demandes recevables mais a débouté les parties de leurs demandes.

Par déclaration en date du 6 novembre 2017, M. [X] et la société CS Services venant aux droits de la société Consultaudit, ont interjeté appel du jugement.

En appel, M. [X] et Mme [X], en qualité de liquidatrice amiable de la société CS Services, venant aux droits de la société Consultaudit, ont demandé que leur soient également déclarées inopposables d’autres donations, cessions et transferts de parts détenus dans les sociétés Courcelles 120, Jouffroy 55 et Stéphimel consentis frauduleusement depuis 2002 par M. [U] [O] au profit de MM. [L] et [H] [O] et découverts au cours de la procédure. MM. [U], [L] et [H] [O], ainsi que la société Courcelles 120, ont opposé l’irrecevabilité de leurs demandes.

Par arrêt en date du 2 juin 2020, la cour d’appel de Paris a confirmé le jugement, a déclaré irrecevable la demande du liquidateur amiable de la société CS Services, tendant à voir prononcer la résolution du protocole d’accord du 16 novembre 1998 et de ses actes d’exécution dans les rapports entre MM. [H] et [L] [O], la SCI Courcelles 120 et Mme [F] [O], cédants, d’une part, et M. [K] et la société CS Services, venant aux droits de la société Consultaudit, cessionnaires, d’autre part, ainsi que celle en paiement subséquente, a déclaré irrecevables les demandes des mêmes tendant à voir déclarer inopposables les donations et les cessions et transferts de parts détenues dans les SCI [Adresse 15] par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O] depuis, selon le cas, le 11 janvier ou le 24 mai 2002, ainsi que celles en paiement de la valeur réelle des part transférées dirigées contre MM. [L] et [H] [O], a rejeté la demande de dommages et intérêts complémentaire de 7 500 euros présentée à hauteur d’appel par MM. [U], [L] et [H] [O] et la SCI Courcelles 120.

Par arrêt en date du 29 juin 2022, la cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt de la cour d’appel de Paris concernant l’irrecevabilité des demandes tendant à voir déclarer inopposables les donations et les cessions et transferts de parts détenues dans les SCI [Adresse 15] par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O] depuis, selon le cas, le 11 janvier ou le 24 mai 2002, ainsi que celles en paiement de la valeur réelle des parts transférées dirigées contre MM. [L] et [H] [O].

Elle a considéré que la cour d’appel n’avait pas donné de base légale à sa décision en se déterminant ainsi, alors que les demandes présentées par M. et Mme [X] pour la première fois en appel tendaient, comme les demandes initiales, à l’inopposabilité de certaines donations, cessions et transferts opérés en fraude de leurs droits par M. [U] [O] en faveur de ses fils.

Par acte de saisine en date du 30 septembre 2022, M. et Mme [X] ont saisi la cour d’appel de Paris en tant que cour de renvoi.

******

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 10 mai 2023, M. [K] et Mme [D] [X], ès qualités de liquidateur amiable de la société CS Services, demandent à la cour de’:

INFIRMER le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Paris le 1er décembre 2016 par le tribunal de grande instance de Paris en ce qu’il a débouté M. [K] et la société CS Services de leurs demandes et en ce qu’il a condamné les sociétés CS Services, Consultaudit et [K] aux dépens.

Statuant à nouveau, de’:

DÉCLARER recevables leurs demandes tendant à voir déclarer inopposables les donations et les cessions et transferts de parts détenues dans les SCI [Adresse 15] par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O] depuis, selon le cas, le 11 janvier ou le 24 mai 2002, ainsi que celles en paiement de la valeur réelle des part transférées dirigées contre MM. [L] et [H] [O].

DIRE ET JUGER que la répartition entre eux des sommes visées ci-dessous aura lieu, en application de la sentence arbitrale du 23 juin 2000 et de l’arrêt irrévocable de la cour d’appel de Paris du 29 juin 2017 (n° 14/19586), comme suit’: 21,88’% pour M. [X] et 78,12’% pour Mme [X] en sa qualité de liquidateur amiable de la société CS Services.

En ce qui concerne la SCI Courcelles 120′:

DÉCLARER inopposables les donations, cessions et/ou transferts des parts détenus par M. [U] [O] dans la SCI Courcelles 120 au profit de MM. [L] et [H] [O] intervenues depuis 2002, ainsi que tous les actes ayant affecté la valeur desdites parts et passés en fraude des droits de M. [X] et de la société CS Services.

CONDAMNER in solidum MM. [L] [O] et [H] [O] à leur payer la somme de 1.735.000 euros ‘ soit 379.618 euros au profit de M. [K] et 1.350.382 euros au profit de Mme [X] en sa qualité de liquidateur de la société CS Services’ au titre de la valeur réelle des parts sociales de la SCI Courcelles 120 ayant fait l’objet de 45 donations, cessions et/ou transferts frauduleux par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O].

En ce qui concerne la SCI Jouffroy 55′:

DÉCLARER inopposables les donations, cessions et/ou transferts des parts détenus par M. [U] [O] dans la SCI Jouffroy 55 au profit de MM. [L] et [H] [O] intervenues depuis 2002, ainsi que tous les actes ayant affecté la valeur desdites parts et passés en fraude des droits de M. [X] et de la société CS Services.

CONDAMNER in solidum MM. [L] [O] et [H] [O] à leur payer la somme de 1.269.740 euros ‘ soit 277.819,11 euros au profit de M. [K] et 991.920,89 euros au profit de Mme [X] en sa qualité de liquidateur de la société CS Services ‘ au titre de la valeur réelle des parts sociales de la SCI Jouffroy 55 ayant fait l’objet de donations, cessions et/ou transferts frauduleux par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O].

En ce qui concerne la SCI Stephimel’:

DÉCLARER inopposables les donations, cessions et/ou transferts des parts détenus par M. [U] [O] dans la société civile immobilière SCI Stephimel au profit de MM. [L] et [H] [O] intervenues depuis 2002, ainsi que tous les actes ayant affecté la valeur desdites parts et passés en fraude des droits de M. [X] et de la société CS Services.

CONDAMNER in solidum MM. [L] [O] et [H] [O] à leur payer la somme de 732.000 euros ‘ soit 160.161,60 euros au profit de M. [X] et 571.838,40 euros au profit de Mme [X] en sa qualité de liquidateur de la société CS Services ‘ au titre de la valeur réelle des parts sociales de la SCI Stephimel ayant fait l’objet de donations, cessions et/ou transferts frauduleux par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O].

En tout état de cause’:

DIRE ET JUGER que ces condamnations prononcées à leur profit produiront des intérêts légaux avec capitalisation annuelle à compter du 24 mai 2002 jusqu’au paiement intégral des sommes.

DIRE ET JUGER que la somme qui leur sera versée par MM. [L] et [H] [O] sera déduite du montant total de la condamnation définitive prononcée à l’encontre de M. [O] par la sentence arbitrale du 23 juin 2000.

DÉBOUTER MM. [H] et [L] [O] de l’ensemble de leurs demandes, fins ou prétentions.

DÉBOUTER MM. [H] et [L] [O] agissant au titre de la succession de Mme [F] [O] de toutes leurs demandes, fins ou prétentions.

CONDAMNER MM. [H] et [L] [O] au paiement d’une somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LES CONDAMNER en tous les dépens d’instance et d’appel dont distraction au profit de Maître Fertier selon les dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

*****

Dans leurs conclusions notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, M. [U] [O], M. [H] [O], M. [L] [O] et la SCI Courcelles 120 demandent à la cour de’:

I. Sur l’appel principal

1) Sur les demandes formulées pour la première fois le 27 août 2019

A titre principal’:

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leurs demandes.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER que les demandes formulées pour la première fois dans les conclusions récapitulatives d’appel n°5 notifiées le 27 aout 2019 nouvelles et donc irrecevables.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER que M. [X] et la société CS Services ont perdu tout intérêt à critiquer les cessions, en date du 5 février 2004, de 60 parts de la SCI Stephimel par M. [U] [O] à MM. [L] et [H] [O], parts qu’ils ont fait vendre aux enchères publiques le 14 mai 2019.

DÉCLARER que M. [X] et la société CS Services ont perdu tout intérêt à solliciter la donation-partage, en date du 1er mars 2004, par laquelle M. [U] [O] a alloti MM. [L] et [H] [O] de 80 parts de la SCI Jouffroy 55, parts qu’ils ont fait vendre aux enchères publiques le 14 mai 2019.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leurs demandes à raison de leur défaut d’intérêt à agir.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER que la demande en condamnation in solidum de MM. [L] et [H] [O] au paiement de la somme de 1 269 740 euros à raison des deux cessions par M. [U] [O] de 30 parts sociales de la SCI Stephimel à M. [L] [O], d’une part, et à M. [H] [O], d’autre parts, cessions intervenues le 5 février 2004 et dûment publiées au RCS de Paris le 15 mars 2004, est prescrite.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande à raison de la prescription extinctive.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande.

A titre subsidiaire’:

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande en condamnation in solidum de MM. [L] et [H] [O] au paiement de la somme de 1 735 000 euros.

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande en inopposabilité des «donations, cessions et/ou transferts de parts détenus dans la société civile immobilière Jouffroy 55 consenties frauduleusement depuis 2002 par M. [U] [O] au profit de MM. [L] et [H] [O] »

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande en condamnation in solidum de MM. [L] et [H] [O] au paiement de la somme de 1 269 740 euros.

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande de condamnation in solidum de MM. [L] et [H] [O] au paiement de la somme de 732 000 euros.

2) Sur les demandes formulées pour la première fois le 15 mars 2023

A titre principal’:

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leurs demandes.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER les demandes formulées pour la première fois dans les conclusions notifiées le 15 mars 2023 nouvelles et donc irrecevables.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables à demander l’inopposabilité du prêt à usage passé par la SCI Jouffroy 55 avec [F] [O], faute, d’une part, de mise en cause de la SCI Jouffroy 55, d’autre part, de diriger cette demande contre la succession de [F] [O].

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables à demander l’inopposabilité de la vente en date du 18 novembre 2011, par la SCI Stephimel de son unique actif immobilier, faute de mise en cause de ladite SCI et de l’acquéreur.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables à demander l’inopposabilité de la vente par la SCI Courcelles de son unique actif immobilier, d’une part, de diriger cette demande contre ladite SCI, d’autre part, de mettre en cause l’acquéreur.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande.

DÉCLARER que la demande en inopposabilité de la vente, en date du 18 novembre 2011, par la SCI Stephimel de son unique actif immobilier est prescrite.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande en raison de la prescription extinctive.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services, parce qu’ils ont fait vendre, le 14 mai 2019, aux enchères publiques les parts de la SCI Jouffroy 55, ont perdu tout intérêt à demander l’inopposabilité du prêt à usage passé par la SCI Jouffroy 55 avec [F] [O].

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande en raison de leur défaut d’intérêt à agir.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services, parce qu’ils ont fait vendre, le 14 mai 2019, aux enchères publiques les parts de la SCI Stephimel, ont perdu tout intérêt à demander l’inopposabilité de la vente de son actif immobilier et ainsi que de la distribution du produit de cette vente.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande en raison de leur défaut d’intérêt à agir.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services, parce qu’ils ont fait vendre, le 14 mai 2019, aux enchères publiques les parts de la SCI Courcelles 120, ont perdu tout intérêt à demander l’inopposabilité de la vente de son actif immobilier et ainsi que de la distribution du produit de cette vente.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande en raison de leur défaut d’intérêt à agir.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire’:

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de toutes leurs demandes articulées pour la première fois au terme de conclusions notifiées le 15 mars 2023.

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de toute autre demande.

3) Sur la demande formulée pour la première fois le 10 mai 2023

A titre principal’:

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande tendant à l’inopposabilité de l’augmentation de capital de la SCI Courcelles 120 en date du 29 décembre 1998, laquelle est indivisible des apports du même jour.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

DÉCLARER M. [X] et la société CS Services irrecevables en leur demande tendant à l’inopposabilité de l’augmentation de capital de la SCI Courcelles 120 en date du 29 décembre 1998.

En conséquence, DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leurs demandes.

A titre infiniment subsidiaire’:

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de leur demande tendant à l’inopposabilité de l’augmentation de capital de la SCI Courcelles 120 en date du 29 décembre 1998.

DÉBOUTER M. [X] et la société CS Services de toute autre demande.

II. Sur l’appel incident

CONDAMNER in solidum la société CS Services et M. [X] à payer à chacun des concluants, à titre de dommages-intérêts, sur le fondement de l’article 32-1 du code de procédure civile, la somme de 15 000 euros.

DIRE ET JUGER qu’il serait inéquitable de laisser à la charge des intimés l’intégralité des frais irrépétibles qu’ils ont dû exposer pour organiser leur défense.

En conséquence, CONDAMNER in solidum la société CS Services et M. [X] à payer à chacun des concluants la somme de 30 000 euros, par application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

*****

Dans ses dernières conclusions, notifiées par voie électronique le 26 janvier 2023, la succession de Mme [Z] [O], représentée par MM. [L] et [H] [O], ses héritiers, demandent à la cour de :

– Les recevoir dans leur intervention volontaire en leur qualité d’héritiers de Mme [Z] [O].

– Débouter M. [E] [X] et Mme [D] [W] épouse [X] ès qualité, de toutes demandes à l’encontre de Mme [F] [O].

Reconventionnellement,

Vu l’article 1241 du code civil, et les pièces versées aux débats,

– Condamner M. [E] [X] et Mme [D] [W] épouse [X] ès qualité, au paiement à la succession de Madame [Z] [O] de la somme de 100.000 euros

à titre de dommages et intérêts.

– Condamner M. [E] [X] et Mme [D] [W] épouse [X] ès qualité au paiement à la succession de Madame [Z] [O] de la somme de 10 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’en tous les dépens.

*****

SUR CE,

Sur la recevabilité des demandes tendant à se voir déclarer inopposables les donations, cessions et/ou transferts de parts détenues dans les SCI [Adresse 15] entre 2002 et 2019

– Sur la méconnaissance de l’article 910-4 du code de procédure civile

Les consorts [O] font valoir que le principe de concentration des demandes s’applique en considération des demandes formulées devant la cour d’appel dont l’arrêt a été censuré et non pas au regard des conclusions remises devant la cour de renvoi. Ils indiquent que les conclusions remises au greffe trois mois après la déclaration d’appel ne contenaient aucune des demandes formulées pour la première fois le 27 août 2019.

Les consorts [X] indiquent qu’il est possible de formuler des prétentions qui n’étaient pas présentées aux termes des premières conclusions si un nouveau fait est intervenu postérieurement à ces dernières. Ils exposent que c’est la procédure de vente aux enchères des parts sociales de M. [O] dans les trois SCI en date du 14 mai 2019 qui leur a permis de découvrir son montage frauduleux lui permettant d’éviter le paiement de sa condamnation. Ils font ainsi valoir qu’il est logique d’avoir demandé dans leurs conclusions en date du 27 août 2019 de rendre inopposables les donations, cessions et/ou transferts de parts.

En réponse, les consorts [O] ajoutent que la recevabilité des demandes nouvelles est conditionnée à leur inscription dans la limite des chefs du jugement critiqué alors que le jugement n’a pas statué sur ces demandes dans le cas d’espèce. En outre, ils indiquent que les cessions du 5 février 2004 avaient été publiées au RCS et était donc parfaitement opposables aux tiers depuis le 15 mars 2004. Ils précisent que la donation partage a été portée à la connaissance de M. [X] au plus tard en avril 2019 alors que ce dernier n’avait formulé aucune prétention dans ses écritures de juillet 2019.

Aux termes de l’article 631 du code de procédure civile : ‘Devant la juridiction de renvoi, l’instruction est reprise en l’état de la procédure non atteinte par la cassation’. Il en résulte que l’instance de renvoi n’est pas une instance nouvelle mais la continuation de celle engagées avant la cassation.

Aux termes de l’article 910-4 du code de procédure civile : ‘A peine d’irrecevabilité, relevée d’office, les parties doivent présenter, dès leurs conclusions mentionnées aux articles 905-2 et 908 et 910, l’ensemble de leurs prétentions sur le fond. L’irrecevabilité peut également être invoquée par la partie contre laquelle sont formées des prétentions ultérieures.

Néanmoins, et sans préjudice de l’alinéa 2 de l’article 802, demeurent recevables, dans les limites des chefs du jugement critiqués, les prétentions destinées à répliquer aux conclusions et pièces adverses ou à faire juger les questions nées, postérieurement aux premières conclusions, de l’intervention d’un tiers ou de la survenance ou de la révélation d’un fait’. Le principe de concentration des moyens s’apprécie, devant la cour d’appel de renvoi, au regard des premières conclusions déposées devant la cour d’appel dont l’arrêt a été censuré.

Il est reproché à M. et Mme [X] ès-qualités d’avoir articulé, dans leurs conclusions récapitulatives n° 5 notifiées par voie électronique le 27 août 2019 et dans leurs conclusions du 15 mars 2023, des demandes qui ne figuraient pas dans leurs premières conclusions du 30 janvier 2018.

Ces demandes s’inscrivent dans la limite des chefs de jugement critiqués dans la mesure où elles se rapportent à l’inopposabilité d’actes opérés en fraude de leurs droits, dans la perspective de réduire la valeur des parts des SCI en litige et leur pourcentage de détention par M. [U] [O], condamné de manière définitive par une sentence arbitrale à leur payer une somme de 3 060 139 euros, demande qui a été rejeté par les premiers juges.

S’agissant de la SCI Courcelles 120, les demandes nouvelles articulées dans les conclusions ultérieures de M. et Mme [X] sont en relation avec la cession le 23 octobre 2018 par M. [U] [O] et ses deux fils de l’unique actif immobilier détenu par cette SCI dont le prix est intégralement revenu aux deux fils en leur qualité d’associés nus-propriétaires. Cet événement est postérieur aux premières conclusions des appelants et leur a donc permis de compléter leurs premières prétentions, peu important qu’ils ne l’aient pas fait dès leurs conclusions du 24 juillet 2019 mais seulement dans celles du 27 août 2019, la loi n’imposant aucun délai à compter de la survenance du fait nouveau.

S’agissant de la SCI Jouffroy 55, la cession du 1er mars 2004 a été publiée au RCS le 30 novembre 2018, et le prêt à usage consenti à Mme [F] [O] le 12 avril 2013 a été publié le 15 octobre 2018. La vente aux enchères des parts de cette SCI a eu lieu le 14 mai 2019. La publicité des actes en litige est postérieure aux premières conclusions déposées par M. et Mme [X] (30 janvier 2018) et doit être regardée comme caractérisant la révélation de faits, à savoir la cession des parts intervenue le 1er mars 2004 et le prêt à usage de l’actif immobilier de la SCI consenti le 12 avril 2013, et leur a donc permis de compléter leurs premières prétentions, peu important qu’ils ne l’aient pas fait dès leurs conclusions du 24 juillet 2019 mais seulement dans celles du 27 août 2019, la loi n’imposant aucun délai à compter de la survenance du fait nouveau.

S’agissant de la SCI Stephimmel, les cessions de parts au bénéfice des deux fils de M. [U] [O] du 5 février 2004 ont été publiées au RCS le 15 mars 2004. La vente du bien immobilier de la SCI a eu lieu le 18 novembre 2011, et les formalités de publicité foncière ont été effectuées le 30 novembre 2011. Il en résulte que ces événements étaient connus ou pouvaient être connus par M. et Mme [X] bien avant le dépôt de leurs premières conclusions le 30 janvier 2018, même si la vente aux enchères de ces parts a eu lieu le 14 mai 2019. Aucune des conditions du 2ème alinéa de l’article 910-4 précité n’étant réunies, il y a lieu de déclarer les demandes relatives à cette SCI irrecevables. Il n’y a donc pas lieu d’examiner l’irrecevabilité des demandes relatives à cette SCI tirée de la prescription.

– Sur les prétentions nouvelles formulées en cause d’appel

Les consorts [O] indiquent que la cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel pour défaut de base légale et non pour violation de l’article 565 du code de procédure civile. Ils prétendent ainsi que la motivation de l’arrêt d’appel était insuffisante mais que la cour de cassation n’a pas pris position sur la question de la nouveauté desdites demandes, la réponse à cette question demeurant ouverte.

Ils font valoir que les prétendues créances de restitution dont M. [X] et la société CS Services se prétendent titulaires envers M. [H] [O], M. [L] [O], Mme [F] [O] et la SCI Courcelles 120 sont autonomes et distinctes de la créance de restitution dont M. [X] et la société CS Services sont titulaires sur M. [U] [O]. Ils indiquent ainsi que la fin poursuivie par les demandes initiales est étrangère au recouvrement de la créance à l’encontre de M. [U] [O].

En outre, ils font valoir que la restitution du prix de cession des actions de la société Fegec et l’indemnisation du préjudice en raison des fautes prétendument commises par MM [L] et [H] [O] sont irréductibles l’une à l’autre. Par ailleurs, ils soulignent le fait que les demandes n’ont ni le même objet, ni le même débiteur, ni le même montant et relèvent que le seul point commun est la notion d’inopposabilité. Ils soutiennent que la notion d’inopposabilité entre les demandes initiales et les demandes additionnelles est artificielle depuis la vente des parts cédées aux enchères le 14 mai 2019.

Les consorts [X] rappellent que les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent. Ils font valoir qu’une fin s’entend du but poursuivi ou du résultat recherché par l’auteur de la demande, ce résultat étant apprécié concrètement et pas seulement juridiquement. Ils indiquent poursuivre le même but qu’en première instance, à savoir le recouvrement, entre les mains de MM. [L] et [H] [O], de la condamnation prononcée à l’encontre de M. [U] [O] au titre de la restitution du prix de cession des titres Fegec du fait de la résolution du protocole d’accord aux torts de M. [U] [O].

Ils ajoutent que les demandes d’inopposabilité ou de nullités des cessions, ainsi que la demande de condamnation à la répétition du prix de cession par les enfants [O] avaient pour objectif de recouvrer la créance issue de la sentence arbitrale. Ils affirment enfin que c’est pour cette raison que la cour de cassation a censuré l’arrêt d’appel ayant déclaré irrecevables ces demandes car présentées pour la première fois en appel.

Aux termes de l’article 565 du code de procédure civile : ‘Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu’elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent’.

Les prétentions articulées par M. et Mme [X] tendant à voir déclarer inopposables les donations et les cessions et/ou transferts de parts détenues dans les société Courcelles 120 et Jouffroy 55 par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O] depuis 2002, ainsi que celles en paiement de la valeur réelle des parts transférées, dirigées contre MM. [H] et [L] [O], tendent aux mêmes fins que celles articulées devant les premiers juges dans la mesure où elles tendent à l’inopposabilité de certains actes opérés en fraude de leurs droits par M. [U] [O] en faveur de ses deux fils dans la perspective de recouvrer le montant de la condamnation devenue définitive prononcée à l’encontre de M. [U] [O], à leur bénéfice.

Elles ne sont donc pas nouvelles et partant, sont recevables en cause d’appel.

– Sur l’intérêt à agir de M. et Mme [X]

Les consorts [O] soutiennent que depuis l’adjudication du 14 mai 2019, les consorts [X] n’ont plus d’intérêt à demander que les cessions du 5 février 2004 et la donation partage du 1er mars 2004 leur soient déclarées inopposables en ce qu’ils ont choisi de vendre les parts saisies. Ils ajoutent que la cession et la donation n’ont donc pu leur causer le moindre préjudice.

Ils soulignent que les deux SCI sont des personnes juridiques à part entière distinctes de la personne de leurs associés et qu’elles étaient libres de disposer de leur patrimoine, n’étant pas débitrices de M. [X] et de la société CS Services.

Concernant la SCI Jouffroy 55, ils relèvent également que l’extension de l’inopposabilité est impossible en ce que les consorts [X] ne formulent aucune demande contre la succession de Mme [F] [O] et que la SCI Jouffroy 55 n’est pas dans la cause.

Les consorts [X] font valoir que la fraude paulienne commise par M. [U] [O] avec ses deux fils résulte de l’ensemble du montage frauduleux imaginé. Selon eux, ce montage repose, pour la SCI Jouffroy 55, sur la donation des parts de M. [U] [O] à ses fils et, ensuite, le prêt à usage des biens immobiliers appartenant à la SCI à Mme [F] [O]. Par ses opérations, ils prétendent que MM. [L] et [H] [O] se sont retrouvés propriétaires des 95 parts appartenant à leur père M. [U] [O] d’une valeur de 1 281 740 euros en contrepartie du seul paiement d’un prix d’adjudication de 12 000 euros.

Ils concluent par conséquent qu’ils conservent leur intérêt à agir sur le fondement de la fraude paulienne à l’encontre de MM. [U], [H] et [L] [O].

L’action paulienne est ouverte au créancier qui souhaite contester tout acte ayant été établi par son débiteur dans le but de diminuer la valeur de son patrimoine et, ainsi, de diminuer ses chances de recouvrer la créance. En l’espèce, M. et Mme [X] ès-qualités dénoncent un ensemble d’actes ayant conduit à l’appauvrissement de M. [U] [O] au bénéfice de ses deux fils [L] et [H]. Par suite, les adjudications du 14 mai 2019 ne constituent qu’une partie des actes dénoncés par les consorts [X], qui allèguent l’existence de plusieurs actes indissociables qualifiés de montage frauduleux, et ne peuvent donc, à elles seules, faire obstacle à l’intérêt à agir des consorts [X].

Sur le bien-fondé des demandes fondées sur l’inopposabilité

– Sur la SCI Jouffroy 55

Les consorts [X] indiquent que lors de la saisie des parts de la SCI Jouffroy 55, ils ont découvert que M. [U] [O] avait donné 40 parts sociales à chacun de ses deux fils par acte du 1er mars 2004 enregistré le 30 novembre 2018, qu’il avait également consenti un prêt à usage de l’actif immobilier à sa s’ur Mme [F] [O] par acte du 12 avril 2013 enregistré le 15 octobre 2018, que les consorts [O] n’avaient pas fourni les éléments relatif à l’actif et au passif de la société pour dissimuler le remboursement intégral du prêt ayant financé le bien immobilier ainsi que les conditions du prêt à usage et que MM. [L] et [H] [O] se sont portés adjudicataires des parts de leur père pour le prix de 12 000 euros.

Les consorts [X] font valoir que ces opérations ont été réalisées en fraude de leurs droits et qu’elles leurs sont donc inopposables, MM. [L] et [H] [O] demeurant redevables de 1 269 740 euros au bénéfice des consorts [X].

Les consorts [O] affirment que le caractère frauduleux de la donation est sans objet depuis le 14 mai 2019 et que les consorts [X] ont formé une demande indemnitaire en raison de leur déception à la suite de la mise à prix des parts sociales. Ils font valoir que le prêt à usage ne saurait être constitutif d’une faute, que la SCI avait la libre disposition de ses biens et que la donation des parts de la SCI n’a eu aucun impact sur sa valeur. Ils réfutent l’idée d’un quelconque montage et indiquent que le prêt à usage a été conclu 9 ans après la donation partage.

En premier lieu, il ressort des pièces produites que M. [O] détenait 95 des 100 parts qui composent le capital social de la SCI Jouffroy 55. Par acte du 1er mars 2004, M. [U] [O] a donné à chacun de ses deux fils, [H] et [L], la pleine propriété de 40 parts, soit 80 parts, évaluées à 1 000 euros la part. Il a donc conservé la propriété de 15 parts.

Cette donation intervient le 1er mars 2004, soit :

– après l’assignation en justice par M. [X] et les sociétés Fegec et Consultaudit de M. [U] [O] en date du 18 janvier 2002,

– après le rejet du pourvoi formé par M. [U] [O] à l’encontre de l’arrêt ayant confirmé la sentence arbitrale, ce rejet en date du 26 juin 2003 ayant donc rendu la sentence irrévocable et la créance à son encontre certaine,

– après la première tentative de saisies attributions des parts de la SCI Jouffroy 55 qui a eu lieu le 24 mai 2002, et qui s’est poursuivie en 2004, et plus particulièrement après les actes suivants :

* arrêt de la cour d’appel de Paris du 19 février 2004 infirmant la levée de divers séquestres ordonnée par le tribunal arbitral dans sa sentence du 31 mars 2003,

* ordonnance du 23 février 2004 du président du tribunal de commerce de Paris autorisant la société Fegec à pratiquer des saisies conservatoires sur toutes les sommes susceptibles d’être dues par M. [U] [O] à M. [X] ou à la société Consultaudit, évaluées provisoirement à la somme de 3 200 000 euros et a ordonné le placement sous séquestre de tous les actifs de M. [O] qui feraient l’objet ou viendraient à faire l’objet de mesure d’exécution forcée à son encontre de la part de M. [X] et/ou de la société Consultaudit, en exécution de la sentence arbitrale du 23 juin 2000 et/ou de l’arrêt confirmatif rendu par la cour d’appel de Paris le 18 octobre 2001 et/ou de l’arrêt rendu le 19 février 2004 par la cour d’appel de Paris et/ou en vertu de tout autre titre ou créance

* signification le 23 février 2004 par la société Fegec à M. [U] [O] d’un procès-verbal de saisie conservatoire de créances portant sur les sommes dont M. [U] [O] est tenu envers M. [X] et la société Consultaudit.

La donation réalisée par M. [U] [O] au profit de ses fils intervient donc quelques jours à peine après ces décisions et signification qui lui sont défavorables.

En deuxième lieu, il convient de souligner le délai anormalement long de publication de l’acte de donation en litige, puisque si cette donation a été consentie, comme il vient de l’être exposé, en 2004 après un certain nombre de décisions prises en défaveur de M. [U] [O] dans le litige l’opposant à M. [X] et aux sociétés Consultaudit et Fegec, elle n’a pour autant été publiée, et donc portée à la connaissance des tiers dont les consorts [X], que le 30 novembre 2018. Quatorze années séparent ainsi cet acte de son enregistrement, qui intervient opportunément l’année suivant la fin du contentieux relatif aux saisies des parts, qui s’est clôturé par l’arrêt du 29 juin 2017 de la cour d’appel de Paris qui a jugé que les saisies pratiquées par M. [X] et la société Consultaudit sur les actifs de M. [O] produisaient leurs effets.

De même, si un prêt à usage, c’est à dire à titre gratuit, a été consenti à Mme [Z] [O] pour une durée de 20 ans, à compter du 12 avril 2013, cet acte, qui réduit la valeur de l’actif immobilier détenu par la SCI, n’a été enregistré que le 15 octobre 2018, soit dans l’année suivant la fin du contentieux relatif aux saisies des parts. Ce prêt a pris fin au plus tard le [Date décès 10] 2022, date du décès de Mme [O].

En troisième lieu, il ressort également des pièces produites que M. [U] [O] n’a pas communiqué au commissaire priseur, malgré ses demandes et une sommation de communiquer signifiée le 14 février 2019 par acte d’huissier, les conditions et modalités du prêt à usage consenti ni l’acte lui-même, ni la raison pour laquelle l’enregistrement n’a eu lieu qu’en 2018. Le conseil de M. [O] s’est contenté d’indiquer, par courrier du 17 avril 2019, que ce prêt à usage courrait jusqu’au 11 avril 2033 et influait ‘de manière significative la valeur des parts mises en vente’. De même, les documents sociaux et juridiques de la SCI, notamment la composition de son actif, les bilans 2016 et 2017, le détail de l’actionnariat et des engagements financiers n’ont pas été communiqués.

C’est donc avec peu d’informations que le commissaire priseur a mis en vente les parts sociales avec une mise à prix de 10 000 euros.

En dernier lieu, MM. [L] et [H] [O] ont exercé, après la vente par adjudication, la faculté de substitution prévue par l’article 1868, alinéa 3 du code civil, légale, leur permettant de récupérer la propriété des parts de la SCI Jouffroy 55 à faible prix, leur père ayant fait obstacle, comme il vient d’être dit, à ce que le commissaire-priseur soit correctement informé de la consistance des actifs de cette société pour évaluer au mieux la valeur de ses parts. La vente du bien immobilier détenu par cette SCI, le 30 décembre 2021 au prix de 1 349 200 euros, démontre qu’il y a bien eu sous-évaluation de la valeur des parts le 14 mai 2019, puisqu’elles ont été adjugées pour 12 000 euros.

Il résulte de ces divers actes et de leur chronologie que M. [U] [O] s’est frauduleusement appauvri entre 2004 et 2019 dans le but de diminuer la valeur de son patrimoine, afin d’échapper au paiement de la dette, certaine, qu’il doit à M. [X] et la société CS Services. Il y a donc lieu de considérer les actes susmentionnés comme inopposable au créancier, et de permettre à M. [X] et Mme [X] ès-qualités d’agir à l’encontre de MM. [L] et [H] [O], tiers complices qui ont participé et bénéficié des actes litigieux, pour poursuivre le paiement de sa créance à hauteur de 1 337 200 (prix de cession de 1 349 200 euros, qui constitue la dernière valeur connue de l’actif dépendant de la SCI Jouffroy 55, duquel a été déduit ;la somme de 12 000 euros déjà versée lors de la vente aux enchères des parts).

– Sur la SCI Courcelles 120

Les consorts [X] indiquent que lors de la saisie des parts de la SCI Courcelles 120, ils ont découvert que M. [U] [O] et ses deux fils ont vendu l’actif immobilier de la société et que dans le cadre de la vente forcée, MM. [L] et [H] [O] ont acquis 90’% des parts pour la somme de 20 000 euros.

Les consorts [X] font valoir que ces opérations ont été réalisées en fraude de leurs droits et qu’elles leurs sont donc inopposables, MM. [L] et [H] [O] ayant acquis des parts d’une valeur de 1 750 000 euros pour la somme de 20 000 euros, ils demeurent par conséquent redevables de 1 735 000 euros au bénéfice des consorts [X].

Concernant le montage frauduleux, ils indiquent que M. [U] [O] a donné ses parts dans la société Fegec a ses fils MM. [L] et [H] [O] avant que ces derniers n’apportent les parts dans la SCI Courcelles 120. Ils prétendent que les consorts [O] auraient effectué une augmentation de capital afin d’anticiper les conséquences de l’inexécution contractuelle du protocole du 16 novembre 1998.

Les consorts [O] font valoir que les consorts [X] ont procédé à la vente aux enchères des parts et que les enfants [O] se sont légalement substitués à l’adjudicataire. Ils indiquent que le préjudice invoqué est inexistant car la valeur réelle des parts est le prix payé lors de l’adjudication. Enfin, ils rappellent que la société n’a jamais été débitrice de M. [X] et qu’elle était parfaitement libre de disposer de son patrimoine et de ses biens à sa guise, comme elle l’a fait en cédant son appartement le 23 octobre 2018.

Ils soulignent également que la donation partage du 28 décembre 1998 et les actes d’apports ont été irrévocablement jugés réguliers et vierges de toute fraude par arrêt du 2 juin 2020.

En premier lieu, il convient de constater que les actes réalisés en décembre 1998 et février 1999 ne peuvent plus être remis en cause, ayant été déclarés prescrits par arrêt de la cour de céans du 2 juin 2020. Ainsi, la circonstance que MM. [H] et [L] [O] soient associés nus propriétaires à hauteur de 99,75% des parts de cette SCI, et M. [U] [O] usufruitier de ces parts et plein propriétaire des 0,25%, n’est plus en débat.

En deuxième lieu, par procès-verbal de saisie des droits d’associés ou de valeurs mobilières signifié le 11 janvier 2002, M. [X] a rendu indisponible les droits pécuniaires attachés aux parts de cette SCI. Un contentieux a été engagé par M. [U] [O] à l’encontre de cette saisie, qui s’est finalement qui s’est clôturé par l’arrêt du 29 juin 2017 de la cour d’appel de Paris qui a jugé que les saisies pratiquées par M. [X] et la société Consultaudit sur les actifs de M. [O] produisaient leurs effets. La cession du seul actif immobilier de la SCI est opportunément intervenue l’année suivant la fin de ce contentieux, sans que M. [X] ne soit tenu informé, alors que cette cession avait nécessairement des conséquences sur les droits financiers attachés aux parts détenus par M. [U] [O]. En effet, cette cession a privé l’associé usufruitier des revenus qu’il pouvait tirer de ce bien (appartement parisien de 174 mètres carré). Il en résulte que la vente aux enchères publiques des parts de la SCI l’année suivante s’est effectuée à un prix dérisoire, la SCI ne détenant plus aucun bien.

Il résulte de ces divers actes et de leur chronologie que M. [U] [O] s’est frauduleusement appauvri dans le but de diminuer la valeur de son patrimoine, afin d’échapper au paiement de la dette, certaine, qu’il doit à M. [X] et la société CS Services. Il y a donc lieu de considérer les actes susmentionnés comme inopposable au créancier, et de permettre à M. [X] et Mme [X] ès-qualités d’agir à l’encontre de MM. [L] et [H] [O], tiers complices qui ont participé et bénéficié des actes litigieux, pour poursuivre le paiement de sa créance à hauteur de 1 930 000 (estimation de la valeur de l’appartement à 1 950 000 euros, qui constitue la dernière valeur connue de l’actif dépendant de la SCI Courcelles 120, duquel a été déduit la somme de 20 000 euros déjà versée lors de le vente aux enchères des parts).

Sur les demandes reconventionnelles

* Les consorts [O] demandent la condamnation de M. [X] et de la société CS Services à leur payer chacun la somme de 15 000 euros au titre de la malice de leurs demandes dénuées de tout fondement.

Les consorts [X] répliquent que le caractère non fondé des prétentions ne saurait caractériser l’abus du droit d’agir en justice. Ils indiquent être titulaires d’une sentence arbitrale définitive dont ils n’arrivent pas à obtenir l’exécution en raison des man’uvres de M. [U] [O] et de MM. [L] et [H] [O]. Ils soulignent qu’aucune faute ne pourrait leur être reprochée par le seul exercice de la voie de droit qu’est l’action paulienne.

Les consorts [O] succombant partiellement, ils ne sauraient obtenir une quelconque indemnisation fondée sur la ‘profonde absurdité’ des demandes de M. et Mme [X] et sur les fautes que ces derniers auraient commises en les assignant.

Il y a donc lieu de les débouter.

* La succession de Mme [Z] [O] demande la condamnation in solidum de M. [X] et Mme [X] ès-qualités à lui verser la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts, au motif que son assignation devant la cour de renvoi est abusive, la cassation prononcée ne la concernant pas.

M. [X] et Mme [X] ès-qualités ne contestent pas que l’arrêt du 2 juin 2020 de la cour de céans soit définitif à l’égard de Mme [Z] [O]. Ils précisent qu’ils ne formulent aucune demande à son encontre et que la demande de dommages et intérêts n’a donc aucun sens.

Il ressort des pièces produites que M. [X] et Mme [X] ès-qualités ont saisi la cour de renvoi en citant l’intégralité des intimés du dossier. Ils ne formulent plus aucune demande envers Mme [O]. Cependant, ils continuent à demander l’inopposabilité d’un ensemble d’actes qualifiés de montage frauduleux, parmi lesquels, pour la SCI Jouffroy 55, l’octroi d’un prêt à usage consenti à Mme [O] en 2013. Il en ressort que l’assignation de la succession de Mme [O] dans l’instance de renvoi, dès lors qu’un des actes du montage qualifié de frauduleux la concernait, n’apparaît pas abusive.

Les héritiers de Mme [O] seront donc déboutés de cette demande.

Sur l’article 700 du code de procédure civile

Les consorts [O] demandent la condamnation in solidum de la société CS Services et M. [X] à leur payer à chacun la somme de 30 000 euros.

Les héritiers de Mme [Z] [O] demandent la condamnation de M. [X] et Mme [X] ès-qualités à leur payer la somme de 10 000 euros.

M. [X] et Mme [X] ès-qualités demandent la condamnation de MM. [H] et [L] [O] à leur payer chacun la somme de 10 000 euros. MM. [L] et [H] [O] succombant, il y a lieu de faire droit à cette demande et de les condamner à leur payer, à chacun, la somme de 10 000 euros.

PAR CES MOTIFS

Statuant dans les limites de la cassation prononcée,

Infirme le jugement du 1er décembre 2016 en ce qu’il a débouté M. [X] et la société CS Services de leurs demandes tendant à voir déclarer inopposables les donations et les cessions et/ou transferts de parts détenues dans les SCI [Adresse 16] par M. [U] [O] à MM. [H] et [L] [O] depuis, selon le cas, le 11 janvier ou le 24 mai 2002, ainsi que celles en paiement de la valeur réelle des parts transférées dirigées contre MM. [L] et [H] [O],

Statuant à nouveau,

Déclare irrecevable les demandes concernant les actes relatifs à la SCI Stephimel,

Déclare recevables les demandes relatives aux actes concernant les SCI Courcelles 120 et Jouffroy 55, et y fait droit,

Prononce l’inopposabilité des actes passés depuis le 11 janvier 2002 ayant affecté la valeur des parts de la SCI Courcelles 120 ou ayant conduit à transférer à MM. [L] et [H] [O] cette valeur, en fraude des droits de M. [X] et de la société CS Services,

Condamne in solidum MM. [H] et [L] [O] à payer à M. [X] et à Mme [X] ès-qualités de liquidatrice amiable de la société CS Services la somme de 1 930 000 euros au titre de la valeur réelle des parts de la SCI Courcelles 120,

Prononce l’inopposabilité des actes passés depuis le 24 mai 2002 ayant affecté la valeur des parts de la SCI Jouffroy 55 ou ayant conduit à transférer à MM. [L] et [H] [O] cette valeur, en fraude des droits de M. [X] et de la société CS Services,

Condamne in solidum MM. [H] et [L] [O] à payer à M. [X] et à Mme [X] ès-qualités de liquidatrice amiable de la société CS Services la somme de 1 337 200 euros au titre de la valeur réelle des parts de la SCI Courcelles 120,

Y ajoutant,

Déboute M. [U], [H] et [L] [O] ainsi que la SCI Courcelles 120 de leur demande de dommages et intérêts,

Déboute MM. [H] et [L] [O] ès-qualités d’héritiers de Mme [Z] [O] de leur demande de dommages et intérêts,

Condamne MM. [H] et [L] [O] à payer la somme de 10 000 euros à M. [K] et la somme de 10 000 euros à Mme [D] [W] épouse [X] ès-qualités de liquidatrice de la société CS Services,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Condamne MM. [H] et [L] [O] aux entiers dépens.

Le greffier La présidente

 


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