Clause de médiation : 8 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/02057

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Clause de médiation : 8 janvier 2024 Tribunal judiciaire de Paris RG n° 23/02057
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TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le : 08/01/24

Copie conforme délivrée
à : Me BOUSCATEL

Copie exécutoire délivrée
à : Mme [Y]

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi requêtes

N° RG 23/02057 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZJP5

N° MINUTE :
3/2024

JUGEMENT
rendu le lundi 08 janvier 2024

DEMANDERESSE
Madame [T] [Y], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne

DÉFENDERESSE
S.A. LA CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE-DE- FRANCE , dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Maître Claire BOUSCATEL de l’ASSOCIATION BIARD BOUSCATEL, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #R0146

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Laurence RUNYO, Juge, statuant en juge unique
assistée d’Arjun JEYARAJAH, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 16 octobre 2023

JUGEMENT
contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 08 janvier 2024 par Laurence RUNYO, Juge assistée d’Arjun JEYARAJAH, Greffier

Décision du 08 janvier 2024
PCP JTJ proxi requêtes – N° RG 23/02057 – N° Portalis 352J-W-B7H-CZJP5

Par requête en date du 8 mars 2023, [T] [Y] a saisi le Tribunal afin d’obtenir le remboursement de la somme de 2500 euros prélevée frauduleusement sur le compte ouvert à son nom auprès de la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE FRANCE.

[T] [Y] demande également la condamnation de la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France à lui payer la somme de 2000 euros à titre de dommages intérêts au titre des différents préjudices subis et de la condamner aux entiers dépens.

A l’appui de ses prétentions, [T] [Y] indique :

– que le 31 décembre 2021, son conjoint, a reçu un appel téléphonique d’une personne se présentant comme un agent du service fraude de la CAISSE d’EPARGNE et l’alerté quant à la réalisation d’opérations frauduleuses sur son compte bancaire (compte personnel et compte joint) ;
– que vérification faite par ses soins via internet, le numéro d’appel était bien celui du service indiqué par la personne ;
– que ces opérations frauduleuses concernaient également son propre compte bancaire (compte personnel et compte joint) ;
– qu’aux fins de mise en œuvre de la procédure d’opposition de leurs cartes bancaires, un coursier s’est présenté à leur domicile pour récupérer les 4 cartes bancaires ce même coursier devant rapidement leur ramener de nouvelles cartes ;
– que, sans nouvelles de leurs nouvelles cartes, ils ont appris par le biais du service fraude de la CAISSE d’EPARGNE qu’ils avaient été victimes d’une escroquerie, 1000 euros ayant été retirés dans des DAB au préjudice de son conjoint et 4000 euros ayant été retirés dans des DAB sur son propre compte-joint ;
– qu’elle a dûment porté plainte, et l’assurance couplée avec sa carte bancaire l’a remboursée à hauteur de 1500 euros, le surplus soit, 2500 euros, restant à sa charge alors que la banque se prévalait de la communication du code par ses soins à l’escroc pour fonder son refus de remboursement ;
– qu’elle a contesté, en vain, la communication de son code invoquée par la banque le 6 mars 2022 et elle a saisi, également en vain, le Médiateur de la Consommation de la Caisse d’Epargne ;
– que le Médiateur a notamment fait état dans un courrier du 22 juin 2022 des termes du dépôt de plainte du 7 janvier 2022 faisant état de la remise de l’identifiant client et du mot de passe
Ce qui a permis l’augmentation des plafonds de retrait, les dits retraits n’ayant été possible qu’après la communication du code secur’pass ;
– que, cependant, un aucun moment ce code secur’pass n’a été communiqué par ses soins ce code permettant de valider les opérations sensibles depuis son smartphone ou depuis son espace personnel en ligne ;
– que le médiateur a assuré faussement le contraire ;
– qu’en outre, elle a désinstallé l’application Caisse d’Epargne ce qui a désinstallé également le secur’pass ;
– qu’en conséquence, les dispositions de l’article 11.4 des conditions générales du fonctionnement des cartes bancaires doivent recevoir application, l’authentification forte grâce au Code secur’pass ayant été défaillante, la Caisse d’Epargne doit être dite responsable du préjudice qu’elle subit ;
– qu’elle doit donc être dite bien fondée en toutes ses demandes.

L’affaire a été appelée à l’audience du 16 octobre 2023, date à laquelle elle a été plaidée.

Lors de cette audience, [T] [Y] a maintenu ses demandes telles que figurant aux termes de sa requête et précise :
que l’escroquerie dont elle a été victime est survenue alors qu’elle-même et son conjoint étaient affectés par le COVID ;qu’en décembre 2021, le mode opératoire de cette escroquerie par hameçonnage n’était pas aussi connue qu’aujourd’hui ;qu’aux termes d’une jurisprudence constante, la seule utilisation de la carte avec le code ne permet pas d’établir la faute lourde à l’encontre de l’utilisateur ;qu’elle n’a jamais communiqué ses codes confidentiels et son code sécur’pass que le dysfonctionnement du code secur’pass, qui a permis à l’escroc, d’obtenir son code confidentiel pour les retraits, est manifestement seul à l’origine des dits retraits frauduleux et que la CAISSE d’EPARGNE se doit donc de l’indemniser puisque la banque aurait dû exiger cette authentification forte lors des agissements frauduleux ;

En réplique la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France a fait valoir :

– que [T] [Y] a commis un manquement par négligence grave aux obligations mentionnées à l’article L 133-16 du Code monétaire et financier ;
– qu’en effet, [T] [Y] et son conjoint reconnaissent aux termes de leur dépôt de plainte qu’ils ont communiqué leurs identifiants et le mot de passe de leur application bancaire ;
– que [T] [Y] a reconnu avoir transmis les codes reçus par sms à son interlocuteur, ce qui a manifestement permis à ce dernier d’accéder à son code secur’pass, et a accepté d’augmenter les plafonds de retrait ;
– que, par la suite, elle a remis volontairement à un complice de l’escroc ses cartes bancaires et a supprimé, à la demande de l’escroc, l’application bancaire de son téléphone ;
– que cette attitude est révélatrice de négligences graves alors que, même si [T] [Y] indique ne pas avoir transmis son code confidentiel de carte bancaire, ni son code sécur’pass, seul l’accès à ce dernier a permis à l’escroc d’avoir connaissance de son code confidentiel ;
– que par ailleurs, l’authentification forte permise par secur’pass ne concerne que les paiements en ligne et pas les retraits d’espèces ;
– que seuls des retraits d’espèces ont été effectués pour un montant de 5000 euros après que [T] [Y] ait remis ses cartes ;
– que la jurisprudence invoquée par [T] [Y] n’est donc pas applicable ;
– qu’il n’y a donc pas eu de défaillance technique dans le cadre du fonctionnement de secur’pass et des cartes de crédit de la demanderesse laquelle est seule à l’origine du préjudice subi ;
– que cette dernière devra donc être déboutée de l’intégralité de ses demandes et condamnée à lui payer la somme de 2000 euros au titre de ses frais irrépétibles outre les dépens.

MOTIFS

L’article 9 du Code de procédure civile stipule que « chaque partie doit prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention »,
Aux termes de l’article L 133-17 du Code Monétaire et Financier : « Lorsqu’il a connaissance de la perte, du vol, du détournement ou de toute utilisation non autorisée de son instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, l’utilisateur de services de paiement en informe sans tarder, aux fins de blocage de l’instrument, son prestataire ou l’entité désignée par celui-ci ».
Aux termes de l’article L 133-19 du Code Monétaire et Financier « la responsabilité du payeur n’est pas engagée si l’opération de paiement non autorisée a été effectuée en détournant, à l’insu du payeur, l’instrument de paiement ou les données qui lui sont liées. Elle n’est pas engagée non plus en cas de contrefaçon de l’instrument de paiement si, au moment de l’opération de paiement non autorisée, le payeur était en possession de son instrument.
En application de l’article L.132-23 du même code, il appartient à la banque émettrice de rapporter la preuve que l’opération a été authentifiée, enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre. Le client n’a pas à prouver l’absence d’autorisation. Toutefois, l’alinéa 2 de cet article rappelle que cette utilisation ne suffit pas à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur.

En ce qui concerne, l’existence même du droit à indemnisation de [T] [Y], il est incontestable que cette dernière établit avoir été victime d’une escroquerie.

Cela étant, il est également incontestable que les moyens technologiques utilisés par les fraudeurs progressent sans arrêt afin de détourner les systèmes de sécurité des banques.

Cependant, les retraits effectués sur le compte de [T] [Y] ne nécessitaient pas l’application du système secur’pass puisque celui-ci n’est requis que dans le cadre de paiement via internet et non de retraits d’espèces non autorisés dont a été victime la demanderesse.

Sur ce point, le Tribunal relève que la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France n’établit de son côté aucunement le caractère inviolable du procédé secur’pass qui aurait permis d’accéder au code confidentiel de [T] [Y], après communication par les soins de cette dernière de son identifiant et de son code secret pour accéder à l’application mobile, permettant le retrait d’espèces à l’aide des cartes bancaires qu’elle a elle-même remises au complice de l’escroc.

Aussi, et au vu des textes ci-dessus rappelés, et la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France n’établissant pas une faute ou une fraude commise par [T] [Y], à l’origine des opérations de retrait litigieuses soit, par la remise de son code bancaire, qu’elle nie avoir transmis, elle sera condamnée à lui rembourser le montant frauduleusement retiré restant à sa charge de 2500 euros.

En ce qui concerne la demande présentée à titre de dommages intérêts, [T] [Y] n’établit pas avoir subi un préjudice distinct de celui réparé par l’octroi de la somme représentant le montant des retraits frauduleux sachant que [T] [Y] a reconnu avoir procédé à l’augmentation de ses plafonds de retrait ce qui a contribué au montant du préjudice subi.

[T] [Y] sera donc déboutée de cette demande.

Il ne parait pas inéquitable que chacune des parties supporte ses propres frais irrépétibles.

La société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France, succombant sera condamnée aux entiers dépens.

PAR CES MOTIFS :

Le Tribunal, statuant par jugement contradictoire, rendu en dernier ressort, mis à disposition au greffe :

Condamne la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France à payer à [T] [Y] la somme de 2500 euros à titre principal ;

Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;

Condamne la société CAISSE D’EPARGNE ET DE PREVOYANCE ILE DE France en tous les dépens.

Ainsi jugé en audience publique le 8 janvier 2024.

LE GREFFIERLE PRESIDENT

 


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