Clause de médiation : 29 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21465

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Clause de médiation : 29 novembre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 21/21465
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2023

(n° , 9 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 21/21465 – N° Portalis 35L7-V-B7F-CEZPV

Décision déférée à la Cour : Jugement du 04 Novembre 2021 -Tribunal de Commerce de Paris – RG n°2020033291

APPELANTS

M. [F] [V]

[Adresse 2]

[Localité 5]

S.A.R.L. KJF-TRANSPORTS

[Adresse 2]

[Localité 5]

Représentés par Me Caroline TUONG, avocat au barreau de PARIS, toque : B53

Ayant pour avocat plaidant Me Marc MONTAGNIER de la SELARL ELLIPSIS, avocat au barreau de VERSAILLES, toque : 202

INTIMEE

S.A. LA BANQUE POSTALE

prise en la personne de ses dirigeants sociaux

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Jean-Philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, toque : B0812, substitué à l’audience par Me Jules-Amaury LALLEMAND, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 17 Octobre 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Marc BAILLY, Président de chambre

Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Laurence CHAINTRON, Conseillère chargée du rapport

qui en ont délibéré

Greffier, lors des débats : Mélanie THOMAS

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Président de chambre et par Mélanie THOMAS, Greffier, présent lors de la mise à disposition.

*****

La société à responsabilité limitée KJF-Transports, dont le gérant est M. [F] [V], est une société spécialisée dans le secteur des transports de fret.

La société KJF-Transports a ouvert dans les livres de la société Banque Postale, depuis sa création, un compte courant professionnel n° [XXXXXXXXXX03].

Le 26 septembre 2019, un chèque d’un montant de 15 000 euros endossé par un tiers non mandaté par M. [V] a été présenté à la banque qui a contre passé l’opération le jour même.

Le 27 septembre 2019, à la suite de la perte de sa carte bancaire, M. [V] a émis auprès de la société Banque Postale une déclaration ‘de mise en opposition des formules de chèques et de cartes liées’.

Le 4 octobre 2019, M. [V] ne parvenant plus à se connecter sur ses comptes bancaires en ligne a demandé par téléphone à la société Banque Postale un changement d’identifiant et de mot de passe.

Le 9 octobre 2019, la société Banque Postale a transmis par courriers séparés, le mot de passe provisoire et l’identifiant à la société KJF-Transports et rétabli son accès à LBP@CCESS 24.

Le 14 octobre 2019, M. [V] s’est connecté à son compte bancaire et s’est aperçu que quatre virements d’un montant total de 12 000 euros avaient été effectués frauduleusement sur son compte courant professionnel les 30 septembre et le 7 octobre 2019, à savoir :

– un virement d’un montant de 3 000 euros au bénéfice de ‘[V] [B]’ débité le 30 septembre 2019,

– un virement d’un montant de 2 000 euros au bénéfice de ‘[P] [D]’ débité le 30 septembre 2019,

– un virement d’un montant de 4 000 euros au bénéfice de ‘[V] [B]’ débité le 7 octobre 2019,

– un virement d’un montant de 3 000 euros au bénéfice de ‘[P] [D]’ débité le 7 octobre 2019.

Le 18 octobre 2019, la société KJF-Transports a déposé une plainte auprès des services de police pour les faits précités.

Par courrier du 19 octobre 2019, M. [V] a indiqué à la société Banque Postale que le numéro de téléphone référencé pour effectuer des virements à partir du site dédié n’était pas le sien et qu’il n’en avait pas changé, puis a contesté dans un deuxième courrier les quatre virements précités.

Le 21 octobre 2019, la société Banque Postale a indiqué à M. [V] qu’il ne pouvait plus émettre de chèques, ni utiliser sa carte bancaire, du fait d’une insuffisance de provision sur son compte et qu’à défaut de régularisation de sa situation, ce dernier se verrait interdit d’émettre des chèques pendant cinq ans.

Le 24 janvier 2020, le médiateur de la consommation de la Banque Postale saisi par la société KJF-Transports a indiqué qu’il n’était pas compétent pour traiter cette demande.

Le 1er avril 2021, la société Banque Postale a informé la société KJF-Transports de sa décision de clôturer le compte courant professionnel à compter du 31 mai 2021.

Par exploit d’huissier du 5 août 2020, la société KJF-Transports et M. [V] ont fait assigner la société Banque Postale devant le tribunal de commerce de Paris, afin, notamment, de la voir condamner à leur régler la somme de 12 000 euros sur le fondement des articles L. 133-16 et suivants du code monétaire et financier, à leur rembourser des factures impayées de la société Stricher d’un montant global de 12 500 euros et enfin, à titre subsidiaire à leur payer la somme de 12 000 euros en réparation de leur préjudice matériel et en tout état de cause, 7 000 euros au titre de leur préjudice moral.

Par jugement contradictoire rendu le 4 novembre 2021, le tribunal de commerce de Paris a :

– condamné la SA Banque Postale à payer à la SARL KJF-Transports la somme de 7 000 euros,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

– dit n’y avoir lieu à l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA Banque Postale et la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA, dans la proportion de 50/50 et pour la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] in solidum.

Par déclaration du 7 décembre 2021, la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] ont interjeté appel de la totalité des chefs de ce jugement.

Aux termes de leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 15 décembre 2022, la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] demandent, au visa des articles L. 133-16 et suivants du code monétaire et financier, 1231-1 et suivants du code civil, à la cour de :

– infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en date du 4 novembre 2021 en ce qu’il a :

– condamné la SA Banque Postale à payer à la SARL KJF-Transports la somme de 7 000 euros,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

– dit n’y avoir lieu à l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA Banque Postale et la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA, dans la proportion de 50/50 et pour la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] in solidum,

Et statuant à nouveau :

– à titre principal, condamner la SA Banque Postale à leur rembourser la somme de 12 000 euros sur le fondement des articles L.133-16 et suivants du code monétaire et financier ainsi que le remboursement des factures impayées de la société Stricher d’un montant global de 12 500 euros,

– à titre subsidiaire, condamner la SA Banque Postale à leur verser la somme de 12 000 euros au titre du préjudice matériel subi ainsi que le remboursement des factures impayées de la société Stricher d’un montant global de 12 500 euros,

En tout état de cause :

– condamner la SA Banque Postale à leur verser la somme de 7 500 euros au titre du préjudice moral subi,

– condamner la SA Banque Postale aux entiers dépens dont distraction au profit de Me Stéphane Panarelli en application de l’article 699 du code de procédure civile,

– condamner la SA Banque Postale à leur verser la somme de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 23 juin 2022, la société Banque Postale demande, au visa des articles 1103, 1104 et 1231-1 du code civil et L. 133-6 du code monétaire et financier, à la cour de :

– la recevoir en ses conclusions et l’y déclarer bien fondée,

– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 11 novembre 2021, en réalité 4 novembre 2021, en ce qu’il a :

– condamné la SA Banque Postale à payer à la SARL KJF-Transports la somme de 7 000 euros,

– débouté les parties de leurs demandes plus amples et contraires ;

– dit n’y avoir lieu à l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamné la SA Banque Postale et la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] aux dépens, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 95,62 euros dont 15,72 euros de TVA, dans la proportion de 50/50 et pour la SARL KJF-Transports et M. [F] [V] in solidum,

En conséquence, statuant à nouveau :

– juger que sa responsabilité n’est pas engagée,

– juger que la société KJF-Transports a fait preuve d’une particulière négligence de nature à exonérer la société Banque Postale de toute éventuelle responsabilité retenue à son encontre,

– débouter la société KJF-Transports de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à son encontre,

– condamner solidairement la société KJF-Transports et M. [V] à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner solidairement aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 septembre 2023 et l’audience fixée au 17 octobre 2023.

SUR CE

Le jugement déféré a considéré que la banque avait manqué à son devoir de vigilance au titre des deux derniers virements d’un montant respectif de 3 000 euros et 4 000 euros débités le 7 octobre 2019.

En premier lieu, s’agissant des virements frauduleux, les appelants soutiennent que :

– dès le 27 septembre 2019, M. [V] a alerté la banque de ce qu’il n’avait plus accès à ses comptes bancaires en ligne, raison pour laquelle il a sollicité la modification de ses identifiants et de son mot de passe,

– le 28 septembre 2019, M. [V] a fait opposition à tout virement sur son compte,

– le 4 octobre 2019, M. [V] a sollicité de nouveaux codes pour l’accès à son espace personnel, ce qui l’a empêché d’y accéder jusqu’à la réception de ces codes le 14 octobre 2019,

– la quantité des opérations bancaires effectuées les mêmes jours, avec des sommes importantes, aurait dû alerter la banque qui est un professionnel dans le domaine,

– la banque a manqué à son devoir de vigilance et de diligence,

– la société KJF-Transports ne parvient plus à régler les factures de ses créanciers compte tenu de ses difficultés de trésorerie dont les faits litigieux sont à l’origine,

– c’est à la banque de rapporter la preuve que l’utilisateur, qui nie avoir autorisé une opération de paiement, a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait, intentionnellement ou par négligence grave, à ses obligations,

– le fait que l’IP de la société KJF-Transports ne corresponde pas à celui relevé par la banque démontre qu’elle a fait l’objet d’un piratage de ses données informatiques,

– les virements des 30 septembre et 7 octobre 2019 n’étaient donc pas autorisés et la banque a engagé sa responsabilité à son égard.

En second lieu, s’agissant de l’encaissement du chèque frauduleux d’un montant de 15 000 euros, les appelants allèguent que :

– les deux signatures au recto et au verso du chèque litigieux comportent des similitudes outre la ressemblance des chiffres et en particulier du chiffre 2 entre les recto et verso du chèque qui auraient dû éveiller l’attention du banquier,

– la banque a méconnu son obligation de vérification formelle du chèque,

– elle a manqué à son devoir de prudence en encaissant un chèque comportant des anomalies apparentes qui auraient dû être décelées par un employé normalement diligent.

En troisième lieu, sur la responsabilité de la société KJF-Transports, les appelants estiment que la banque ne démontre pas une quelconque négligence ou fraude de la part de M. [V] sur la gestion de ses identifiant et code secret, alors qu’il a indiqué à la banque n’avoir plus accès à son compte bancaire dès le 28 septembre 2019.

En quatrième lieu, sur le préjudice, les appelants soutiennent que le lien de causalité entre le manquement contractuel de la banque et le préjudice matériel subi par la société KJF-Transports est caractérisé, dans la mesure où les opérations ont été effectuées sans le consentement du titulaire du compte bancaire et en raison de l’absence de vigilance de l’émetteur. Ils exposent également avoir subi un préjudice moral induit par une atteinte à leur image et à leur réputation qu’il convient de réparer et précisent que M. [V] a été impacté psychologiquement par le comportement de la banque.

La société Banque Postale réplique que :

– elle verse aux débats les documents d’authentification démontrant que les quatre virements litigieux ont été réalisés sur l’accès personnel banque en ligne de la société KJF-Transports par la saisie de son identifiant et de son mot de passe et en déduit que si ces virements n’ont pas été effectués par la société KJF-Transports, celle-ci a nécessairement fait preuve de négligence quant à son obligation de prudence, de conservation et de surveillance de ses identifiant et code secret,

– un tel processus d’authentification rend la thèse d’opérations effectuées à l’insu de la société KJF-Transports totalement improbable,

– elle n’est pas tenue à une obligation de remboursement des opérations de paiement en ligne litigieuses en l’absence de preuve de leur caractère non autorisé,

– c’est à tort que le jugement déféré a retenu sa responsabilité contractuelle au titre des deux derniers virements,

– la société KJF-Transports ne démontre pas que ses adresses IP sont différentes de l’adresse IP indiqué dans les documents d’authentification des virements,

– la société KJF-Transports a été particulièrement négligente dans la surveillance de ses comptes,

– elle est tenue à un devoir de non ingérence qui lui interdit de s’immiscer dans les affaires de son client,

– la remise d’un chèque, qui en l’espèce n’était pas frauduleux et une déclaration de mise en opposition de formules de chèques et de cartes liées n’ont pas de lien avec des virements effectués sur l’espace de banque en ligne du client qui sont des opérations de nature différente,

– il n’est pas démontré qu’elle a pu prendre connaissance de la demande de modification des identifiant et du mot de passe de l’espace de banque en ligne du 4 octobre 2019 avant les deux virements du 7 octobre 2019,

– elle n’était pas tenue à une obligation de vigilance particulière,

– l’interdiction d’utiliser les chèques et la carte de crédit n’est pas à l’origine des difficultés économiques de la société KJF-Transports,

S’agissant de la remise à l’encaissement du chèque de 15 000 euros, elle n’a pas commis de faute en ne vérifiant pas la signature portée sur l’endos du chèque dès lors qu’il était en apparence régulier et en tout état de cause, les appelants n’ont subi aucun préjudice puisque le chèque litigieux qui n’aurait pas été remis à l’encaissement par la société KJF-Transports, a dans un premier temps été crédité sur le compte de la société KJF-Transports, puis rejeté et débité de son compte le même jour,

– les demandes indemnitaires des appelants ne sont pas fondées en l’absence de lien de causalité entre une prétendue faute de sa part et les dommages allégués.

Sur la demande de remboursement des virements sur le fondement du code monétaire et financier

A titre principal, les appelants sollicitent la condamnation de la banque à leur rembourser les sommes de 12 000 euros au titre des virements non autorisés et 12 500 euros au titre des factures impayées de la société Stricher sur le fondement des articles L. 133-16 et suivants du code monétaire et financier.

Comme le rappelle le premier juge, les quatre virements prétendument non autorisés réalisés entre le 30 septembre 2019 et le 7 octobre 2019 ont été contestés dans le délai légal.

Il ressort des dispositions de l’article L. 133-23, alinéa premier, du code monétaire et financier que : ‘Lorsqu’un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, ou affirme que l’opération de paiement n’a pas été exécutée correctement, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l’opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu’elle n’a pas été affectée par une déficience technique ou autre.

L’utilisation de l’instrument de paiement telle qu’enregistrée par le prestataire de services de paiement ne suffit pas nécessairement en tant que telle à prouver que l’opération a été autorisée par le payeur ou que celui-ci n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave aux obligations lui incombant en la matière.

Le prestataire de services de paiement, y compris, le cas échéant, le prestataire de services de paiement fournissant un service d’initiation de paiement, fournit des éléments afin de prouver la fraude ou la négligence grave commise par l’utilisateur de services de paiement.’

Or force est de constater que, si la société Banque Postale justifie par la production de documents d’authentification des virements litigieux que les deux premiers virements d’un montant respectif de 3 000 euros au bénéfice de ‘[V] [B]’ et de 2 000 euros au bénéfice de ‘[P] [D]’ débités le 30 septembre 2019 ont été authentifiés, elle ne justifie pas que les deux derniers virements d’un montant respectif de 4 000 euros au bénéfice de ‘[V] [B]’ et de 3 000 euros au bénéfice de ‘[P] [D]’ débités le 7 octobre 2019 l’aient été. En effet, le document produit par la banque intitulé ‘Consultation des traces d’activité BEL’ d’une part, est arrêté au 27 septembre 2019 et comporte deux opérations au nom de ‘[V] [B]’ et ‘[P] [D]’ effectuées le 27 septembre 2019 et, d’autre part, la banque ne justifie pas que les deux derniers virements débités le 7 octobre 2019 aient été initiés avant le 27 septembre 2019 (pièce de l’intimée n° 3).

Aux termes de l’article L. 133-18, alinéa premier, du code monétaire et financier, en cas d’opération de paiement non autorisée signalée par l’utilisateur dans les conditions prévues à l’article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l’opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l’opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s’il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l’utilisateur du service de paiement et s’il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l’état où il se serait trouvé si l’opération de paiement non autorisée n’avait pas eu lieu.

En l’espèce, la société Banque Postale n’allègue aucune fraude de la SARL KJF-Transports et de M. [F] [V] et n’a pas saisi la Banque de France.

Elle doit donc rétablir les comptes de la SARL KJF-Transports dans l’état où ils se seraient trouvés si les virements non autorisés n’avaient pas eu lieu et lui rembourser la somme débitée à ce titre.

Le jugement déféré sera donc confirmé en ce qu’il a condamné la société Banque Postale à payer à la SARL KJF-Transports la somme de 7 000 euros.

La demande de remboursement formée par les appelants de la somme de 12 500 euros au titre des factures impayées de la société Stricher du fait des difficultés économiques de la SARL KJF-Transports ne saurait aboutir sur le fondement des dispositions du code monétaire et financier précitées qui ne prévoient que le remboursement des opérations non autorisées, et ce d’autant que les appelants ne démontrent pas l’existence d’un lien de causalité entre les difficultés économiques de la SARL KJF-Transports et le montant des sommes indûment débitées sur son compte.

Sur la responsabilité de la banque

A titre subsidiaire, les appelants entendent voir engager la responsabilité de la banque pour manquement à son devoir de vigilance et de diligence et sollicitent sa condamnation à leur payer les sommes de 12 000 euros au titre du préjudice matériel subi du fait des virements non autorisés et 12 500 euros au titre des factures impayées de la société Stricher sur le fondement des articles 1231-1 et suivants du code civil.

Sur la demande en paiement de la somme de 12 000 euros au titre du préjudice matériel subi du fait des virements non autorisés

La responsabilité de la banque sera examinée au regard uniquement des deux premiers virements d’un montant respectif de 3 000 euros au bénéfice de ‘[V] [B]’ et de 2 000 euros au bénéfice de ‘[P] [D]’ débités le 30 septembre 2019, dans la mesure où il a été fait droit à la demande de remboursement des appelants au titre des deux derniers virements.

En application de l’article 1231-1 du code civil, le débiteur est condamné, s’il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l’inexécution de l’obligation, soit à raison du retard dans l’exécution, s’il ne justifie pas que l’exécution a été empêchée par la force majeure.

Sauf disposition légale contraire, la banque est tenue à une obligation de non-ingérence dans les affaires de son client, quelle que soit la qualité de celui-ci, et n’a pas à procéder à de quelconques investigations sur l’origine et l’importance des fonds versés sur ses comptes ni même à l’interroger sur l’existence de mouvements de grande ampleur, dès lors que ces opérations ont une apparence de régularité et qu’aucun indice de falsification ne peut être décelé (Com., 25 sept. 2019, no 18-15.965, 18-16.421). Ainsi, le prestataire de services de paiement, tenu d’un devoir de non-immixtion dans les affaires de son client, n’a pas, en principe, à s’ingérer, à effectuer des recherches ou à réclamer des justifications des demandes de paiement régulièrement faites aux fins de s’assurer que les opérations sollicitées ne sont pas périlleuses pour le client ou des tiers.

S’il est exact que ce devoir de non-ingérence trouve une limite dans l’obligation de vigilance de l’établissement de crédit prestataire de services de paiement, c’est à la condition que l’opération recèle une anomalie apparente, matérielle ou intellectuelle, soit des documents qui lui sont fournis, soit de la nature elle-même de l’opération ou encore du fonctionnement du compte.

En l’espèce, les appelants n’établissent pas contrairement à ce qu’ils soutiennent que M. [V] aurait d’une part, dès le 27 septembre 2019, alerté la banque de ce qu’il n’avait plus accès à ses comptes bancaires en ligne et avoir sollicité la modification de ses identifiant et de son mot de passe et d’autre part, dès le 28 septembre 2019, fait opposition à tout virement sur son compte.

En effet, les appelants justifient uniquement du dépôt d’une ‘Déclaration de mise en opposition des formules de chèques et de cartes liées au CCP’ en date du 28 septembre 2019.

Or, comme le relève pertinemment la société Banque Postale, ces opérations n’ont pas de lien avec des virements effectués sur l’espace de banque en ligne du client qui sont de nature différente et il n’est pas démontré que les appelants aient sollicité la modification de leurs identifiant et mot de passe avant le 4 octobre 2019 (pièce n° 5).

Il ressort en effet du courrier de la société banque postale en date du 29 juillet 2020 qui rappelle la chronologie des différents contacts entre les appelants et la banque que :

‘- 27 septembre 2019, vous avez demandé une opposition perte sur votre carte,

– 4 octobre 2019, vous avez téléphoné afin d’ obtenir de nouveaux codes et identifiant,

– 16 octobre, vous avez téléphoné afin de contester 4 virements et en précisant ne jamais avoir reçu de code et d’identifiant (après vérification il s’avère que des opérations ont bien été faites antérieurement au renouvellement et aux opérations contestées avec ceux-ci),

– 22 octobre 2019, réception par courrier de votre contestation et du dépôt de plainte daté du 18 octobre,

– 29 octobre nous avons demandé aux banques des bénéficiaires le retour des fonds” (pièce n° 1 de la banque).

Les appelants ne versent aux débats aucun élément, de nature à contredire la chronologie des faits telle que rappelée par la banque dans son courrier du 29 juillet 2020.

Il en résulte qu’aucun manquement au devoir de vigilance ou de diligence de la banque ne saurait lui être reproché au titre des deux premiers virements d’un montant total de 7 000 euros débités le 30 septembre 2019, soit antérieurement à la demande de modification des identifiant et mot de passe de la SARL KJF-Transports, étant de surcroît rappelé que ces virements ont été réalisés avec l’identifiant et le mot de passe de cette société.

Le jugement déféré sera par conséquent confirmé en ce qu’il a considéré que ‘BP ne peut être tenue responsable de ne pas avoir bloqué ces virements émis dans des conditions normales’ et en ce qu’il a débouté la société KJF-Transports et M. [V] de leurs demandes au titre de ces deux virements.

Sur la demande en paiement de la somme de 12 500 euros au titre des factures impayées de la société Stricher

La société KJF-Transports soutient que depuis les opérations litigieuses et l’interdiction formulée par la société Banque Postale de ne plus émettre de chèques, ni d’utiliser sa carte bancaire, elle connaît des difficultés financières et que pour lui permettre de faire face à cette situation, elle a été contrainte de vendre des véhicules et des biens et d’avoir recours à une société de location de véhicule, la sociéte Stricher, pour disposer de véhicules et n’a pu faire face au règlement des factures de cette dernière.

Comme l’a retenu à juste titre le tribunal, la société KJF-Transports ne démontre pas l’existence d’un lien de causalité entre les manquements allégués de la banque à son devoir de vigilance, dont il a été démontré qu’ils n’étaient pas établis pour les deux premiers virements, et ses difficultés économiques.

Le jugement déféré sera par conséquence confirmé en ce qu’il a débouté les appelants de leur demande tendant à voir condamner la société Banque Postale à leur payer la somme de 12 000 euros au titre du préjudice matériel subi et à leur rembourser la somme de 12 500 euros au titre des factures impayées de la société Stricher.

Sur la demande en paiement de la somme de 7 500 euros au titre du préjudice moral

La société KJF-Transports soutient que le fait de ne pas pouvoir honorer ses engagements et régler ses factures porte nécessairement atteinte à son honneur et à sa réputation et qu’il convient de réparer le préjudice subi à ce titre.

Toutefois, le préjudice moral est le dommage atteignant les intérêts extra-patrimoniaux et non économiques de la personne, en lésant les droits de la personnalité, et il en est ainsi, pour une personne morale, en cas d’atteinte à sa réputation et/ou à son image, et en l’espèce, les appelants ne démontrent pas la dégradation concrète de la réputation, ou de l’image de la société KJF-Transports auprès de ses clients. Le préjudice moral de M. [V] n’est pas davantage établi. Il y a donc lieu de débouter les appelants de leur demande tendant à voir condamner la société Banque Postale à leur payer la somme de 7 500 euros au titre du préjudice moral subi.

Le jugement déféré sera donc confirmé de ce chef.

Sur les dépens et les frais irrépétibles

Aux termes de l’article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie. Les appelants en supporteront donc la charge.

Il n’apparaît pas inéquitable, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de laisser à la charge des parties les frais irrépétibles qu’elles ont été contraintes d’engager dans la présente instance pour assurer la défense de leurs intérêts. Elles seront par conséquent déboutées de leurs demandes respectives formées à ce titre.

PAR CES MOTIFS

CONFIRME le jugement déféré du tribunal de commerce de Paris du 4 novembre 2021 ;

Y ajoutant,

CONDAMNE in solidum la société KJF-Transports et M. [F] [V] aux entiers dépens ;

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire.

*****

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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