Sommaire Constitution du prêt immobilierLe CREDIT LYONNAIS a accordé à monsieur [Z] [B] un prêt immobilier le 24 août 2013, accepté le 9 septembre 2013, d’un montant total de 222.010 euros, réparti sur deux lignes de crédit. La première ligne, d’un montant de 104.700 euros, était remboursable en 300 mensualités à un taux d’intérêt fixe de 3,85 %, tandis que la seconde, de 100.300 euros, était remboursable en 180 mensualités à un taux de 3,15 %. Mise en demeure et déchéance du termeLe 22 octobre 2020, le CREDIT LYONNAIS a informé monsieur [Z] [B] que les informations fournies lors de sa demande de prêt étaient inexactes, lui demandant des explications dans un délai de 30 jours. En réponse, monsieur [B] a expliqué des changements dans sa situation professionnelle. Cependant, le 28 octobre 2021, la banque a prononcé la déchéance du terme des deux prêts et a mis en demeure monsieur [B] de régler les sommes dues. Assignation en paiementLe 3 février 2022, le CREDIT LYONNAIS a assigné monsieur [Z] [B] devant le tribunal judiciaire d’Evry pour le paiement des sommes dues. Dans ses conclusions, la banque a demandé le débouté de monsieur [B] et a sollicité le paiement de 171.661,55 euros, ainsi que la résolution judiciaire des contrats de prêt. Arguments du CREDIT LYONNAISLe CREDIT LYONNAIS a soutenu que la déchéance du terme était justifiée par l’inexactitude des renseignements fournis par monsieur [B], ce qui violait son devoir de loyauté. La banque a également contesté le caractère abusif de la clause de déchéance, affirmant qu’elle était valide car elle portait sur des éléments substantiels. Réponse de monsieur [B]Monsieur [B] a contesté la validité de la clause de déchéance, la qualifiant d’abusive. Il a également soutenu que la mise en œuvre de cette clause était abusive tant sur le fond que sur la forme, arguant que le CREDIT LYONNAIS n’avait pas prouvé les manquements allégués. Demande de monsieur [B]Monsieur [B] a demandé au tribunal de déclarer la clause abusive, de débouter le CREDIT LYONNAIS de ses demandes, et de condamner la banque à lui verser 50.000 euros en dommages et intérêts pour préjudice moral et financier. Il a également sollicité des délais de paiement en cas de condamnation. Décision du tribunalLe tribunal a déclaré la clause d’exigibilité anticipée abusive et non écrite, constatant l’absence de déchéance du terme des contrats de prêt. Il a rejeté la demande de résolution judiciaire et a ordonné la poursuite des prêts selon les clauses convenues. Le CREDIT LYONNAIS a été condamné à verser 1.500 euros à monsieur [B] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et aux dépens. |
Questions / Réponses juridiques :
Quel est le fondement juridique de la déchéance du terme dans le contrat de prêt ?La déchéance du terme dans un contrat de prêt est généralement fondée sur des dispositions contractuelles spécifiques, ainsi que sur des principes de Procédures civile. En l’espèce, le CREDIT LYONNAIS invoque l’article 5 du contrat de prêt, qui stipule que « toutes les sommes dues au titre d’un prêt […] deviendraient exigibles par anticipation de plein droit, […] en cas d’inexactitude des renseignements ou inexactitudes fournis lors de la demande de prêt ». Cette clause est en lien avec le devoir de loyauté de l’emprunteur, qui doit fournir des informations exactes pour permettre au prêteur d’évaluer le risque de défaillance. Selon l’article L. 132-1 du Code de la consommation, les clauses qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties peuvent être considérées comme abusives. La jurisprudence, notamment l’arrêt de la CJUE du 26 janvier 2017 (C-421/14), précise que le juge doit examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépend d’une inexécution suffisamment grave. Ainsi, la validité de la clause de déchéance du terme dépend de la nature des informations inexactes fournies et de leur impact sur la décision d’octroi du prêt. Quelles sont les conséquences d’une clause abusive dans un contrat de prêt ?Lorsqu’une clause est déclarée abusive, elle est réputée non écrite, ce qui signifie qu’elle n’a pas d’effet juridique. En vertu de l’article L. 212-1 du Code de la consommation, les clauses abusives sont celles qui créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties. Dans le cas présent, le tribunal a déclaré abusive la clause de déchéance du terme stipulée à l’article 5 du contrat de prêt, car elle permettait au prêteur d’exiger le remboursement immédiat de la totalité des sommes dues en cas d’inexactitude des renseignements fournis, sans tenir compte de la gravité de l’inexactitude. Cette décision repose sur la recommandation 04-03 de la Commission des clauses abusives, qui souligne que de telles clauses peuvent créer un déséquilibre significatif, laissant penser que le prêteur a un pouvoir discrétionnaire pour apprécier l’existence d’une Non-respect par l’emprunteur. En conséquence, le tribunal a constaté l’absence de déchéance du terme des contrats de prêt, permettant ainsi à l’emprunteur de poursuivre le remboursement selon les termes initiaux du contrat. Comment se déroule la mise en œuvre de la déchéance du terme ?La mise en œuvre de la déchéance du terme doit respecter certaines conditions légales et contractuelles. Selon l’article 1226 du Code civil, le créancier doit d’abord mettre en demeure le débiteur de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable. La mise en demeure doit indiquer clairement que, faute de satisfaction de l’engagement, le créancier se réserve le droit de résoudre le contrat. Une fois la mise en demeure effectuée, si l’inexécution persiste, le créancier peut notifier la résolution du contrat, en précisant les raisons de cette décision. Dans le cas présent, le CREDIT LYONNAIS a notifié la déchéance du terme par courrier recommandé, mais le tribunal a jugé que cette mise en œuvre était fautive, car la clause de déchéance elle-même a été déclarée abusive. Ainsi, le tribunal a rappelé que la résolution judiciaire d’un contrat sanctionne l’inexécution de ce contrat par l’une des parties, et non un manquement aux obligations précontractuelles, comme la remise de faux documents. Quelles sont les implications de la résolution judiciaire d’un contrat de prêt ?La résolution judiciaire d’un contrat de prêt a des implications significatives pour les deux parties. Selon l’article 1184 du Code civil, la condition résolutoire est sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, permettant à une partie de demander la résolution en cas de non-exécution de l’autre partie. Cependant, dans le cas présent, le CREDIT LYONNAIS a demandé la résolution judiciaire en raison de la fourniture de faux documents par l’emprunteur. Le tribunal a jugé que la résolution judiciaire ne pouvait pas être fondée sur des manquements aux obligations précontractuelles, mais plutôt sur l’inexécution des obligations contractuelles, comme le non-paiement des échéances. En conséquence, le tribunal a rejeté la demande de résolution judiciaire, constatant que le CREDIT LYONNAIS n’invoquait pas d’impayé de la part de monsieur [B]. Cela signifie que le contrat de prêt reste en vigueur, et les parties doivent continuer à respecter les termes convenus. Quelles sont les conditions pour obtenir des dommages et intérêts dans le cadre d’un litige de prêt ?Pour obtenir des dommages et intérêts dans le cadre d’un litige de prêt, la partie demanderesse doit prouver l’existence d’un préjudice réel et direct résultant de l’inexécution ou de la mauvaise exécution du contrat. Selon l’article 1231-2 du Code civil, le débiteur n’est responsable que du préjudice qui était prévisible au moment de la conclusion du contrat. Dans le cas présent, monsieur [B] a demandé 50.000 euros de dommages et intérêts, arguant que son préjudice financier correspondait aux échéances échues depuis la déchéance du terme. Cependant, le tribunal a rejeté cette demande, considérant que les échéances impayées ne constituaient pas un préjudice indemnisable, mais plutôt une obligation contractuelle. De plus, pour le préjudice moral, le tribunal a noté que monsieur [B] n’avait pas justifié de la réalité de ce préjudice. Ainsi, pour obtenir des dommages et intérêts, il est essentiel de fournir des preuves tangibles du préjudice subi, qu’il soit financier ou moral. |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE D’EVRY-COURCOURONNES
8ème Chambre
MINUTE N°
DU : 12 Décembre 2024
AFFAIRE N° RG 22/00820 – N° Portalis DB3Q-W-B7G-OMIX
NAC : 53B
Jugement Rendu le 12 Décembre 2024
FE Délivrées le :
__________________
ENTRE :
SOCIETE CREDIT LYONNAIS, société anonyme au capital de 2.037.713.591 euros, dont le siège social est [Adresse 2], inscrite au Registre du Commerce et des Sociétés de LYON sous le numéro 954 509 741
Représentée par Maître Magali TARDIEU-CONFAVREUX de l’AARPI TARDIEU GALTIER LAURENT DARMON associés, avocats au barreau de PARIS plaidant,
DEMANDERESSE
ET :
Monsieur [Z] [E] [B], demeurant [Adresse 1]
Représenté par Maître Sophie HADDAD de la SELARL HADDAD-MOUTIER SOCIÉTÉ D’AVOCATS, avocats au barreau de l’ESSONNE plaidant,
DEFENDEUR
COMPOSITION DU TRIBUNAL :
Rachel MAMAN, Juge,siégeant à Juge Rapporteur avec l’accord des avocats ;
Magistrats ayant délibéré :
Président : Caroline DAVROUX, 1ère Vice-Présidente adjointe,
Assesseur : Rachel MAMAN, Juge,
Assesseur : Anne-Simone CHRISTAU, Juge,
Assistée de Madame Sarah TREBOSC, Greffier lors des débats et de la mise à disposition au greffe
DEBATS :
Vu l’ordonnance de clôture en date du 16 mai 2024 ayant fixé l’audience de plaidoiries au 03 Octobre 2024 date à laquelle l’affaire a été plaidée et mise en délibéré au 12 Décembre 2024
JUGEMENT : Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe,
Contradictoire et en premier ressort.
Selon une offre de prêt en date du 24 août 2013, acceptée le 9 septembre 2013, le CREDIT LYONNAIS a consenti à monsieur [Z] [B] un prêt immobilier d’un montant de 222.010 euros sur deux lignes :
– un prêt n°40076498M3Y Q11GH AB43 (engagement n°M13082017501) : d’un montant de 104.700 euros, remboursable en 300 mensualités au taux d’intérêt annuel fixe de 3,85 %,
– un prêt n°40076498M3Y Q12GH AB43 (engagement n°M13082017502) : d’un montant de 100.300 euros, remboursable en 180 mensualités au taux d’intérêt annuel fixe de 3,15 %.
Par lettre recommandée avec accusé de réception en date du 22 octobre 2020, le CREDIT LYONNAIS a informé monsieur [Z] [B] que les renseignements et justificatifs fournis à l’appui de sa demande de prêt s’avéraient inexacts et l’a mis en demeure d’avoir à lui fournir des explications et/ou des justificatifs, et ce dans un délai de 30 jours avant le prononcé de la déchéance du terme.
À réception de cette mise en demeure, monsieur [Z] [B] expliquait aux termes d’un courrier en réponse du 30 octobre 2020 au CREDIT LYONNAIS les changements dans sa situation professionnelle depuis l’obtention du prêt.
Par deux courriers recommandés avec accusé de réception délivrés le 28 octobre 2021, le CREDIT LYONNAIS a prononcé la déchéance du terme des prêts immobiliers de 104.700 euros et 100.300 euros et mis en demeure monsieur [Z] [B] de payer les sommes réclamées au titre du contrat de prêt.
Aucun règlement n’est intervenu.
Par exploit de commissaire de justice en date du 3 février 2022, le CREDIT LYONNAIS a fait assigner monsieur [Z] [B] en paiement des sommes dues au titre du contrat de prêt devant le tribunal judiciaire d’Evry.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 15 novembre 2023, le CREDIT LYONNAIS sollicite du tribunal de :
DEBOUTER Monsieur [Z] [E] [B] de l’intégralité de ses demandes ;A titre principal :
CONDAMNER M. [B] à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 171.661,55€ outre les intérêts à compter du 23 novembre 2021 jusqu’à parfait paiement ;A titre subsidiaire :
PRONONCER la résolution judiciaire des contrats de prêt n° M13082017501 et n°M13082017502 consentis à Monsieur [Z] [B] ;CONDAMNER Monsieur [Z] [B] au paiement de la somme de 155.687,48 € outre les intérêts à compter du 3 février 2022 jusqu’à parfait paiement ;En tout état de cause :
ORDONNER la capitalisation des intérêts échus pour une année entière à compter de la date de la présente assignation ;CONDAMNER M. [B] à payer au CREDIT LYONNAIS la somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens ;RAPPELER que l’exécution provisoire de la décision est de droit conformément à l’article 514 du Code de procédure civile, nonobstant toutes voies de recours et sans constitution de garantie.Au soutien de ses prétentions, le CREDIT LYONNAIS expose être fondé à titre principal à opposer la déchéance du terme prévu à l’article 5 du contrat de prêt en cas d’« inexactitude des renseignements ou justificatifs fournis lors de la demande de prêt ». Il rappelle que cette clause trouve son fondement dans le devoir de loyauté incombant à l’emprunteur et que les capacités contributives de l’emprunteur sont déterminantes dans le choix du prêteur d’octroyer un prêt. Le CREDIT LYONNAIS estime que le caractère falsifié du document est établi en raison la non-conformité des relevés de comptes BNP PARIBAS transmis par monsieur [B] lors de l’étude de sa demande de prêt et qu’il est hautement probable que les bulletins de salaires et avis d’imposition fournis aient aussi été falsifiés. Les explications fournies par Monsieur [B] en réponse à sa mise en demeure du 22 octobre 2020 n’ont pas été satisfaisantes. Il réclame en conséquence le paiement de sommes dues en principal, intérêts aux taux contractuels, indemnité forfaitaire et intérêts et frais jusqu’à parfait règlement.
En réponse au moyen adverse tiré de la nullité de la clause de déchéance du terme, le CREDIT LYONNAIS conteste son caractère abusif que monsieur [B] fonde sur la recommandation de la commission des clauses abusives n°04-03 qui vise les clauses de déchéance du fait de l’Non-respect d’une quelconque obligation, même mineure, résultant du contrat de prêt ou l’une quelconque des déclarations fausses ou inexactes de l’emprunteur.
Le CREDIT LYONNAIS fait valoir que, suite à cette recommandation, la commission précitée a cependant émis un avis n°05-01 du 24 février 2005 reconnaissant la validité de principe des clauses résolutoires pour la fourniture de renseignements inexacts dès lors que l’inexactitude porte sur des éléments substantiels, ce qui est le cas en l’espèce.
Le CREDIT LYONNAIS conteste également le déséquilibre significatif allégué par monsieur [B] de la clause de déchéance du terme, au regard de l’appréciation de la notion dégagée par la jurisprudence de la CJUE qui se fonde sur le caractère essentiel de l’obligation que la clause a vocation à protéger, sur la gravité de l’inexactitude des renseignements ou justificatifs fournis pour l’octroi du prêt par manquement à l’obligation de loyauté et sur la possibilité pour l’emprunteur de remédier amiablement ou judiciairement aux effets de la clause de déchéance du terme. Il considère qu’au regard de ces trois critères, la clause litigieuse ne crée pas de déséquilibre significatif, raison pour laquelle les tribunaux et la Cour d’appel de Paris rejettent les nullités soulevées sur ce fondement de la même clause que celle de l’espèce. Il estime que les arrêts de la Cour de cassation visés par monsieur [B] n’ont pas vocation à s’appliquer à l’espèce en ce que les clauses dont il s’agissait prévoyait la possibilité de prononcer l’exigibilité anticipée à raison de la fourniture de renseignement inexacts sans mention de ce qu’il s’agissait de renseignements fournis à l’occasion de la demande de prêt et se fonde à l’inverse sur un arrêt plus récent de la Cour de cassation qui a validé la clause litigieuse.
En réponse au moyen subsidiaire adverse tiré de l’irrégularité de la mise en œuvre de la déchéance du terme, le CREDIT LYONNAIS conteste tous les arguments développés par monsieur [B].
Subsidiairement, si le tribunal devait considérer la clause de déchéance du terme abusive, le CREDIT LYONNAIS demande au tribunal, au visa des articles 1224 et 1226 du code civil, de constater l’exigibilité anticipée de la créance suite à la notification de la déchéance du terme le 14 octobre 2021, faisant suite à sa mise en demeure du 22 octobre 2020 restée sans effet.
Plus subsidiairement, le CREDIT LYONNAIS demande au tribunal de prononcer la résolution judicaire du contrat de prêt au visa de l’article 1184 ancien du code civil et du nouvel article 1229 du code civil en raison des manquements de monsieur [B] à ses obligations contractuelles en communiquant de faux documents.
En tout état de cause, si le tribunal retenait la responsabilité du CREDIT LYONNAIS, il s’oppose à la demande de dommages et intérêts de monsieur [B] à hauteur de la somme de 50.000 euros en se fondant sur les dispositions de l’article 1231-2 du code civil et exposant qu’à défaut du paiement de la moindre sommes suite au prononcé de la déchéance du terme, monsieur [B] échoue à démontrer la preuve d’une perte subie ou d’un gain dont il aurait été privé.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 juillet 2023, monsieur [Z] [B] demande au tribunal de :
A titre principal :
Qualifier de clause abusive l’article 5 de l’offre de prêt litigieuse, avec toutes conséquences de droit, en ce compris la nullité de la déchéance du terme prononcée à son visa,Subsidiairement, dans l’hypothèse où le Tribunal devait considérer que ledit article 5 n’est pas constitutif d’une clause abusive :
Juger abusive, tant sur le fond que sur la forme, la mise en œuvre de la déchéance du terme de l’offre de prêt litigieuse,En Prononcer par conséquent la nullité,Par conséquent :
Débouter la Société LE CREDIT LYONNAIS de l’ensemble de ses demandes, fins et conclusions,Et, en sus :
Ordonner à la Société LE CREDIT LYONNAIS la reprise et la poursuite de l’offre de prêt litigieuse,Condamner la Société LE CREDIT LYONNAIS, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [B] la somme de 50.000, 00 €uros, à titre de dommages et intérêts, en réparation du préjudice moral et financier par lui subit, lequel préjudice financier correspond au montant des échéances échues depuis la déchéance du terme prononcée, jusqu’à la date de la décision à intervenir, soit une somme de 6.396, 12 €uros ( soit 355, 34 €uros x 18 mois), au titre de la tranche N°M13082017501 et une somme de 12.935, 34 €uros (soit 718, 63 €uros x 18 mois) au titre de la tranche N°M13082017502, soit la somme au total et A MINIMA de 19.331, 46 €uros,Condamner la Société LE CREDIT LYONNAIS, prise en la personne de son représentant légal, à verser à Monsieur [B] la somme de 3.000, 00 €uros, sur le fondement de l’article 700 du Code de Procédure Civile, ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance, dont distraction pour ce la concernant à Maître Sophie HADDAD, Avocats aux Offres de Droit, en application des articles 696 et 699 dudit Code,A titre très subsidiaire si le tribunal devait retenir la déchéance du terme de l’offre de prêt :
Réduire, à de plus justes proportions, le montant des sommes réclamées au titre des indemnités forfaitaires,Laisser à la charge de la Société LE CREDIT LYONNAIS les frais irrépétibles qu’elle a engagés, ainsi que les dépens par elle exposés,Accorder à Monsieur [B] la faculté de régler les éventuelles condamnations pécuniaires, qui seraient prononcées à son encontre, par 23 règlements mensuels d’un montant de 500, 00 €uros chacun, la 24ème et dernière échéance soldant la dette.Pour s’opposer à l’action en paiement du CREDIT LYONNAIS, monsieur [B] se prévaut à titre principal du caractère abusif de la clause de déchéance du terme stipulée au contrat de prêt litigieux au visa de l’article L 212-1 du code de la consommation, de jurisprudences de la cour de cassation et de la recommandation 04-02 du 30 septembre 2004 de la commission des clauses abusives. Il soutient qu’en prévoyant une déchéance automatique et de plein droit du contrat sans recours à justice ni même à mise en demeure préalable et en étant formulée de manière générale et imprécise quant aux éléments d’informations concernés par les fausses déclarations susceptibles d’entrainer la déchéance du terme, les termes de l’article 5 du contrat de prêt sont constitutifs d’une clause abusive.
Subsidiairement, monsieur [B] soutient que la mise en œuvre de la déchéance du terme est en toute hypothèse abusive tant sur le fond que sur la forme. Sur le fond il fait grief au CREDIT LYONNAIS de ne pas caractériser le manquement allégué à son devoir de loyauté faute en premier lieu de rapporter la preuve des éléments déclarés et/ou fournis lors de sa demande de prêt sur la base desquels une offre lui a été consentie ; faute en deuxième lieu d’avoir été tenu d’une obligation contractuelle de verser ses salaires sur le compte domiciliataire du prêt ; faute en troisième lieu de produire des documents probants au soutien de la non-conformité allégué des relevés bancaires, monsieur [B] n’ayant au demeurant jamais reconnu quelques faux relevés de compte que ce soit ; et faute en quatrième lieu d’être suffisant pour justifier de la déchéance du terme au regard des autres documents fournis par l’emprunteur qui ne sont pas discuté et sur la base desquels l’accord de prêt a été délivré, notamment son avis d’imposition 2012, une quittance de loyer 2013 et des bulletins de paie de mai à juillet 2013. Sur la forme, Monsieur [B] reproche au CREDIT LYONNAIS le manque de précision du courrier valant demande d’explication du 22 octobre 2020.
Monsieur [B] demande en conséquence au tribunal de débouter le CREDIT LYONNAIS de ses demandes et le condamner à la reprise de la poursuite de l’offre de prêt et à lui verser la somme de 50.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral et financier.
Très subsidiairement, si le tribunal devait retenir la déchéance du terme, il conteste la demande de la banque au titre de l’indemnité forfaitaire consécutive à la résiliation anticipée qui s’apparente à une clause pénale.
Reconventionnellement, monsieur [B] sollicite des délais de paiement au visa de l’article 1244-1 du code civil applicable au litige.
Pour un plus ample exposé des moyens développés par les parties, il sera renvoyé à la lecture des écritures précitées, conformément à l’article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l’instruction a été fixée au 16 mai 2024 par ordonnance du même jour.
L’affaire a été fixée sur l’audience juge unique du 3 octobre 2024 et les parties ont été avisées de la date à laquelle la décision sera rendue, par mise à disposition au greffe.
I/ Sur la demande en paiement du CREDIT LYONNAIS
A / Sur le caractère abusif de la clause d’exigibilité anticipée du prêt
L’article L. 132-1 du Code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016 précise que dans les contrats conclus entre professionnels et non-professionnels ou consommateurs, sont abusives les clauses qui ont pour objet ou pour effet de créer, au détriment du non professionnel ou du consommateur, un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties au contrat.
Par arrêt du 26 janvier 2017 (C-421/14), la Cour de justice de l’Union européenne (CJUE) a dit pour droit que l’article 3, § 1 de la directive 93/13/CEE du Conseil du 5 avril 1993 concernant les clauses abusives dans les contrats conclus avec les consommateurs devait être interprété en ce sens que s’agissant de l’appréciation par une juridiction nationale de l’éventuel caractère abusif de la clause relative à la déchéance du terme en raison de manquements du débiteur à ses obligations pendant une période limitée, il incombait à cette juridiction d’examiner si la faculté laissée au professionnel de déclarer exigible la totalité du prêt dépendait de l’inexécution par le consommateur d’une obligation qui présentait un caractère essentiel dans le cadre du rapport contractuel en cause, si cette faculté était prévue pour les cas dans lesquels une telle inexécution revêtait un caractère suffisamment grave au regard de la durée et du montant du prêt, si ladite faculté dérogeait aux règles de droit commun applicables en la matière en l’absence de dispositions contractuelles spécifiques et si le droit national prévoyait des moyens adéquats et efficaces permettant au consommateur soumis à l’application d’une telle clause de remédier aux effets de ladite exigibilité du prêt.
Par arrêt du 8 décembre 2022 (C-600/21), elle a dit pour droit que l’arrêt précité devait être interprété en ce sens que les critères qu’il dégageait pour l’appréciation du caractère abusif d’une clause contractuelle, notamment du déséquilibre significatif entre les droits et les obligations des parties au contrat que cette clause créait au détriment du consommateur, ne pouvaient être compris ni comme étant cumulatifs ni comme étant alternatifs, mais devaient être compris comme faisant partie de l’ensemble des circonstances entourant la conclusion du contrat concerné, que le juge national devait examiner afin d’apprécier le caractère abusif d’une clause contractuelle.
La recommandation 04-03 de la Commission des clauses abusives prévoit que « ces clauses qui autorisent la banque à exiger immédiatement la totalité des sommes dues, dès lors, notamment, que l’emprunteur n’a pas observé une quelconque obligation, même mineure, résultant du contrat de prêt ou que l’une quelconque des déclarations faites par l’emprunteur ont été reconnues fausses ou inexactes sont de nature à créer un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, dans la mesure où, elles tendent à laisser penser que l’établissement de crédit dispose d’un pouvoir discrétionnaire pour apprécier, d’une part l’existence d’une Non-respect commise par l’emprunteur et, d’autre part une inexactitude dans les déclarations de l’emprunteur, et qu’au surplus, elles laissent croire que le consommateur ne peut recourir au juge pour contester le bien-fondé de cette déchéance, que ces clauses apparaissent significativement déséquilibrées. »
L’avis 05-03 de la Commission des clauses abusives, cité par le CREDIT LYONNAIS ne contredit pas la recommandation précitée mais la précise, énonçant que la clause prévoyant que la résiliation et l’exigibilité immédiate des sommes due au titre du contrat de prêt en cas, notamment, de « renseignements ou documents fournis faux ou inexacts. » présente un caractère abusif en ce que la cause de l’exigibilité anticipée est « étrangère au manquement par l’emprunteur à son obligation essentielle ou se rapportent à des informations qui ne sont pas de nature à éclairer le prêteur sur le risque de défaillance de l’emprunteur.»
Néanmoins il est admis en jurisprudence que la clause qui permet au prêteur de prononcer la déchéance du terme en raison de la fourniture de renseignements inexacts lors de la souscription du contrat, dès lors que ceux-ci portent sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du concours financier, que l’emprunteur est appelé à fournir toutes explications utiles dans un délai raisonnable et qu’il conserve la faculté de recourir à un juge pour contester l’application de ladite clause à son égard ne crée aucun déséquilibre significatif au détriment du consommateur.
En l’espèce, le contrat stipule en son article 5.1 Exigibilité anticipé que « Sans préjudice des dispositions législatives relatives à la déchéance du terme, toutes les sommes dues au titre d’un prêt, tant en principal qu’en intérêts et accessoires, deviendraient exigibles par anticipation de plein droit, dans l’un des cas énumérés ci-après, sans que notre établissement ait à faire prononcer en justice la déchéance du terme, ni à procéder à une mise en demeure, à savoir : (…) – inexactitude des renseignements ou inexactitudes fournis lors de la demande de prêt ».
Cette clause, qui ne limite pas la faculté de prononcer l’exigibilité immédiate et de plein droit du prêt aux seuls cas de fourniture de renseignements inexacts portant sur des éléments déterminants du consentement du prêteur dans l’octroi du prêt, crée un déséquilibre significatif dans les droits et obligations des parties.
La clause sera en conséquence réputée non écrite.
B/ Sur la demande de résolution du contrat
– Sur la demande de résolution unilatérale par notification du contrat
Aux termes de l’article 1226 du code civil « Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.
La mise en demeure mentionne de manière apparente qu’à défaut pour le débiteur de satisfaire à son engagement, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.
Lorsque l’inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.
Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l’inexécution. »
Aux termes de l’article 768 du code de procédure civile « le tribunal ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif ».
Dans le corps de ses conclusions, le CREDIT LYONNAIS sollicite que soit constatée la résolution par notification du contrat de prêt à la date de la notification de la déchéance du terme le 14 octobre 2021 conformément aux dispositions des articles 1224 et suivants du code civil.
Cette demande, qui n’est toutefois pas reprise au dispositif de ses conclusions, ne sera en conséquence pas tranchée.
– Sur la demande de résolution judiciaire
Aux termes de l’article 1134, devenu 1103 du code civil, « Les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.
Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise.
Elles doivent être exécutées de bonne foi.».
En vertu de l’article 1184 du code civil, dans sa rédaction applicable au regard de la date de conclusion du contrat de prêt, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l’une des deux parties ne satisfait pas à son engagement.
Par ailleurs, selon l’article 1315 devenu 1353 du code civil « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation. »
En l’espèce, le CREDIT LYONNAIS reproche à monsieur [B] d’avoir fourni de faux documents au soutien de sa demande de prêt, ce que ce dernier conteste.
Elle communique à cet effet un échange de mails entre un de ses opérateurs du pôle pilotage et prévention de la fraude à la direction de la conformité du CREDIT LYONNAIS et une chargée de conformité spécialisée de la BNP PARIBAS. Par courriel du 19 octobre 2020, cette dernière indique, à propos de trois relevés BNP PARIBAS au nom de monsieur [B] couvrant la période du 9 mai 2023 au 9 août 2023, que « ces relevés sont non conformes (soldes et opérations) ».
La non-conformité de ce document n’est cependant pas corroborée par les autres pièces communiquées par le CREDIT LYONNAIS, qui se contente d’alléguer que la véracité des bulletins de salaires de la société FIKAGEST, de la quittance de loyer et de l’avis d’imposition 2012 sur les revenus 2011 de monsieur [B] seraient douteuses.
De sorte que la preuve du caractère déterminant des faux relevés bancaires dans la décision d’octroi du prêt n’est pas rapportée en l’état des autres éléments de nature à justifier de la situation financière et patrimoniale de monsieur [B].
En toute hypothèse, la résolution judiciaire d’un contrat sanctionne l’inexécution de ce contrat par l’une des parties, tel le non-paiement des échéances du crédit, et non un manquement aux obligations précontractuelles, telle que la remise de faux documents préalablement à la signature d’un prêt, qui est de nature à vicier le consentement et justifier le cas échéant la nullité du contrat.
En conséquence, le CREDIT LYONNAIS, qui n’invoque pas d’impayé de la part de monsieur [B], est mal fondé à solliciter la résolution judiciaire du contrat de prêt du chef de l’inexécution grave par ce dernier de ses obligations contractuelles.
II / Sur les demandes de Monsieur [B]
– Sur la reprise et la poursuite de l’offre de prêt
A défaut de déchéance du terme et de résolution judiciaire, les prêts :
– n°40076498M3Y Q11GH AB43 (engagement n°M13082017501) d’un montant de 104.700 euros, remboursable en 300 mensualités au taux d’intérêt annuel fixe de 3,85 %,
– n°40076498M3Y Q12GH AB43 (engagement n°M13082017502) d’un montant de 100.300 euros, remboursable en 180 mensualités au taux d’intérêt annuel fixe de 3,15 %,
consentis par le CREDIT LYONNAIS à monsieur [Z] [B] suivant offre de prêt en date du 24 août 2013, acceptée le 9 septembre 2013, se poursuivent entre les parties.
– Sur les dommages et intérêts
Monsieur [B] sollicite l’octroi de la somme de 50.000 euros, à titre de dommages et intérêts, en réparation de son préjudice moral et financier.
Il explique que son préjudice financier correspondrait au montant des échéances échues depuis la déchéance du terme prononcée, jusqu’à la date de la décision à intervenir.
Cependant, si le prononcé le 28 octobre 2021 de la déchéance du terme était fautif en l’espèce compte tenu de la poursuite des relations contractuelles, monsieur [B] n’est pas pour autant fondé à demander le paiement de sommes équivalentes au montant des échéances impayées depuis cette date en ce que ces échéances constituent la cause de l’obligation des parties et non un préjudice indemnisable.
S’agissant de son préjudice moral, monsieur [B] qui se contente de l’alléguer ne justifie pas de la réalité de ce dernier.
Il convient en conséquence de l’en débouter.
III/ Sur les demandes accessoires
A- Sur les dépens
En vertu de l’article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
En l’espèce, le CREDIT LYONNAIS, partie perdante, doit donc être condamné aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie HADDAD.
B- Sur l’article 700 du code de procédure civile
Aux termes de l’article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Dans tous les cas, le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations. Il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à ces condamnations.
Condamnée aux dépens, le CREDIT LYONNAIS indemnisera monsieur [B] de ses frais non compris dans les dépens par une somme qu’il est équitable de fixer à 1.500 euros.
Le tribunal, statuant publiquement, en premier ressort par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe,
DECLARE abusive et répute non écrite la stipulation contractuelle insérée à l’article 5 « Exigibilité anticipée » en ce qu’elle prévoit le prononcé de la déchéance du terme en cas « d’inexactitude des renseignements ou justificatifs fournis lors de la demande de prêt ».
CONSTATE l’absence de déchéance du terme des contrats de prêt n° M13082017501 et n°M13082017502 consentis à Monsieur [Z] [B] ;
REJETTE la demande de résolution judiciaire des contrats de prêt n°M130820117501 et n°M130820117502 ;
RAPPELLE que l’offre de prêt en date du 24 août 2013, acceptée le 9 septembre 2013, entre le CREDIT LYONNAIS et Monsieur [Z] [B] portant sur les prêts n°40076498M3Y Q11GH AB43 (engagement n°M13082017501) et n°40076498M3Y Q12GH AB43 (engagement n°M13082017502) se poursuit selon les clauses convenues entre les parties;
CONDAMNE le CREDIT LYONNAIS à payer à Monsieur [Z] [B] la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE le CREDIT LYONNAIS aux dépens, dont distraction au profit de Maître Sophie HADDAD en application de l’article 699 du code de procédure civile ;
DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;
RAPPELLE l’exécution provisoire de droit du présent jugement.
Ainsi fait et rendu le DOUZE DECEMBRE DEUX MILLE VINGT QUATRE, par Caroline DAVROUX, 1ère Vice-Présidente adjointe, assistée de Sarah TREBOSC, Greffier, lesquelles ont signé la minute du présent Jugement.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,