Clause de cession du journaliste : le calcul des indemnités

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Clause de cession du journaliste : le calcul des indemnités

Concernant le calcul des indemnités du journaliste chef de rubrique, la commisson arbitrale est obligatoirement saisie pour déterminer l’indemnité due lorsque la durée des services excède quinze années et il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre l’indemnité due au titre des quinze premières années et celle due au titre des années postérieures (Soc 06 octobre 2004 n°02-20550).

Il appartient exclusivement à la commission arbitrale des journalistes de fixer le montant de l’indemnité de licenciement, pour sa totalité, lorsque l’ancienneté est supérieure à quinze années.

Lorsque la juridiction prud’homale est également saisie, la commission arbitrale n’est pas tenue par les appréciations que porte la juridiction sur le litige, s’agissant des circonstances ou des indemnités éventuellement fixées (Soc 29 octobre 2002 n°01-40348).

La demande de fixation du salaire de référence n’est formée que dans le cadre de la demande de condamnation au titre de l’indemnité et il n’est pas prévu que la juridiction prud’homale fixe préalablement l’assiette de calcul de cette indemnité avant la décision de la commission, qui en tout état de cause n’est pas tenue par les éléments de la décision de la juridiction prud’homale.

L’article L.7112-4 du code du travail dispose que ‘Lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due.

L’article L. 7112-5 dispose que ‘Si la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste professionnel, les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 sont applicables, lorsque cette rupture est motivée par l’une des circonstances suivantes :

1° Cession du journal ou du périodique ;

2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ;

3° Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux. Dans ces cas, le salarié qui rompt le contrat n’est pas tenu d’observer la durée du préavis prévue à l’article L. 7112-2.’

Cette commission est composée paritairement d’arbitres désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité.

Si les parties ou l’une d’elles ne désignent pas d’arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal judiciaire, dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

Si les arbitres désignés par les parties ne s’entendent pas pour choisir le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal judiciaire.

En cas de faute grave ou de fautes répétées, l’indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée.

La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d’appel.’

Résumé de l’affaire :

Contexte de l’affaire

M. [D] [R] a été employé par la société Mondadori Magazines France en tant que chef de rubrique depuis le 18 février 2002, sous un contrat de travail à durée indéterminée. Les relations de travail étaient régies par la convention collective nationale des journalistes. En juillet 2019, la société Reworld Media Magazines a acquis Mondadori Magazines France.

Rupture du contrat de travail

Le 25 septembre 2019, M. [R] a notifié à Reworld Media Magazines son intention de rompre son contrat en exerçant sa clause de cession. La société a confirmé la réception de cette notification le 27 septembre 2019, indiquant que le contrat prendrait fin le 26 octobre 2019, après un préavis d’un mois. Les documents de fin de contrat ont été remis à M. [R] le jour de la cessation de son emploi.

Procédures judiciaires

M. [R] a saisi la commission arbitrale des journalistes, puis le conseil de prud’hommes de Paris le 18 juin 2020 pour contester le montant de l’indemnité de licenciement perçue pour ses quinze premières années d’ancienneté. Le jugement du conseil de prud’hommes, rendu le 29 novembre 2021, a débouté M. [R] de toutes ses demandes et l’a condamné aux dépens.

Appel et demandes de M. [R]

M. [R] a interjeté appel de ce jugement le 20 décembre 2021, demandant à la cour d’infirmer la décision du conseil de prud’hommes et de reconnaître un salaire mensuel de référence de 5 146,74 euros pour le calcul de son indemnité de licenciement. Il a également demandé le paiement d’un solde d’indemnité et la fixation de l’indemnité pour les années d’ancienneté supérieures à quinze.

Réponse de la société Reworld Media Magazines

La société Reworld Media Magazines a, par ses conclusions du 7 juin 2022, demandé la confirmation du jugement du conseil de prud’hommes et a formulé une demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Elle a également demandé à ce que M. [R] soit condamné à lui verser une somme pour les frais de la procédure.

Compétence de la commission arbitrale

La cour a examiné la compétence de la commission arbitrale pour déterminer l’indemnité de licenciement due à M. [R], en vertu des articles L.7112-4 et L.7112-5 du code du travail. Il a été établi que la commission arbitrale est seule compétente pour fixer le montant total de l’indemnité lorsque l’ancienneté dépasse quinze ans.

Décision de la cour

La cour a infirmé le jugement du conseil de prud’hommes concernant la demande de M. [R] et a renvoyé les parties devant la commission arbitrale pour statuer sur l’indemnité de licenciement. M. [R] a été condamné aux dépens d’appel, et les parties ont été déboutées de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

6 novembre 2024
Cour d’appel de Paris
RG
22/00138
Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 6 – Chambre 6

ARRET DU 06 NOVEMBRE 2024

(n°2024/ , 5 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00138 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CE47K

Décision déférée à la Cour : Jugement du 29 Novembre 2021 -Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de PARIS – RG n° 20/03967

APPELANT

Monsieur [D] [O] [R]

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représenté par Me Vianney FERAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : C1456

INTIMEE

S.A.S. REWORLD MEDIA MAGAZINES Reworld Media Magazines, société par actions simplifiée à associé unique, immatriculée au RCS de Nanterre sous le numéro 452 791 262, dont le siège social est sis [Adresse 2] à [Localité 4], agissant poursuites et diligences en la personne de son Président et représentant légal domicilié en cette qualité audit siège.

[Adresse 2]

[Localité 4] / FRANCE

Représentée par Me Pascal LAGOUTTE de la SELARL CAPSTAN LMS, avocat au barreau de PARIS, toque : K0020

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 23 Septembre 2024, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Stéphane THERME, Conseiller, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, entendu en son rapport, composée de :

Madame Marie-José BOU, Présidente de chambre et de la formation

Monsieur Didier LE CORRE, Président de chambre

Monsieur Stéphane THERME, Conseiller

Greffier, lors des débats : Mme Gisèle MBOLLO

ARRET :

– Contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Madame Marie-José BOU , Présidente de chambre et par Gisèle MBOLLO, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

RAPPEL DES FAITS ET PROCEDURE

M. [D] [R] a exercé pour la société Mondadori Magazines France dans le cadre d’un contrat de travail à durée indéterminée en qualité de chef de rubrique, à compter du 18 février 2002 .

Les relations contractuelles entre les parties étaient soumises à la convention collective nationale de travail des journalistes.

A effet du 31 juillet 2019, la société Reworld Media Magazines a acquis la société Mondadori Magazines France.

Par courrier du 25 septembre 2019, M. [R] a informé la société Reworld Media Magazines de sa volonté de rompre son contrat de travail par l’exercice de sa clause de cession.

Par courrier du 27 septembre 2019, la société a accusé réception de l’exercice de la clause de cession faite par M. [R] et lui a confirmé que son contrat prendrait fin le 26 octobre 2019, à l’issue du préavis d’un mois.

Le 26 octobre 2019, la société Reworld Media Magazines a remis à M. [R] les documents de fin de contrat.

M. [R] a saisi la commission arbitrale des journalistes.

Le 18 juin 2020, M. [R] a saisi le conseil de prud’hommes de Paris pour contester le montant de l’indemnité qui lui a été versée pour la période des quinze premières années d’exercice.

Par jugement du 29 novembre 2021, auquel la cour se réfère pour l’exposé de la procédure antérieure et des prétentions initiales des parties, le conseil de prud’hommes a rendu la décision suivante : « 

– Déboute M. [R] de l’ensemble de ses demandes,

– Déboute la SAS Reworld Media Magazines de sa demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– Condamne M. [R] au paiement des entiers dépens. »

M. [R] a relevé appel de ce jugement par déclaration transmise par voie électronique le 20 décembre 2021.

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 10 mars 2022 auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, M. [R] demande à la cour de :

‘- Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris du 29 novembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes et en ce qu’il l’a condamné aux entiers dépens ;

Et, statuant à nouveau, de :

– Juger que le salaire mensuel de référence de M. [R], à prendre en compte pour le calcul de l’indemnité de licenciement qui lui est due, est de 5 146, 74 euros ;

– Juger en conséquence que l’indemnité de licenciement due par la société Reworld Media Magazines à M. [R] au titre de ses 15 premières années d’ancienneté est de 77 201, 15 euros ;

– Condamner la société Reworld Media Magazines à payer à M. [R] un solde d’indemnité de 15 509, 32 euros au titre des 15 premières années d’ancienneté, majoré des intérêts au taux légal depuis la date de la saisine du Conseil de prud’hommes le 18 juin 2020 ;

– Juger qu’il appartiendra à la Commission arbitrale des journalistes de fixer le montant de l’indemnité au titre des années d’ancienneté supérieures à 15 ;

– Condamner la société Reworld Media Magazines à payer à M. [R] la somme de 3 500 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles ;

– Condamner la société Reworld Media Magazines aux entiers dépens.»

Par ses dernières conclusions communiquées par voie électronique le 07 juin 2022, auxquelles la cour se réfère expressément pour l’exposé des moyens, la société Reworld Media Magazines demande à la cour de : 

– Confirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris en date du 29 novembre 2021 en ce qu’il a débouté M. [R] de l’ensemble de ses demandes et l’a condamné aux entiers dépens de première instance ;

– Infirmer le jugement du Conseil de prud’hommes de Paris en date du 29 novembre 2021 en ce qu’il a débouté la société Reworld Media Magazines de sa demande reconventionnelle au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Statuant à nouveau sur ce point,

– Condamner M. [R] au paiement d’une somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile de 1ère instance ;

En tout état de cause :

– Débouter M. [R] de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– Condamner M. [R] à régler à la société Reworld Media Magazines la somme de 2 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d’appel ;

– Condamner M. [R] aux entiers dépens d’appel.»

L’ordonnance de clôture a été rendue le 02 juillet 2024.

Par message adressé par le réseau privé virtuel le 08 octobre 2024, la cour a invité les parties à s’expliquer sur la compétence de la commission arbitrale, par note en délibéré à adresser au plus tard le 15 octobre 2024.

Par note parvenue le 10 octobre 2024, le conseil de M. [R] a indiqué que :

– la commission arbitrale est seule compétente pour fixer le montant total de l’indemnité de licenciement,

– la commission arbitrale attend la décision de la cour d’appel pour statuer, sous déduction de la provision versée au titre des quinze premières années devant être fixée par la cour après avoir statué sur le montant du salaire brut de référence.

Par note parvenue le 11 octobre 2024, le conseil de l’intimée a exposé que la demande porte sur l’assiette de référence de l’indemnité de licenciement, l’appelant demandant un solde de la partie d’indemnité pour les quinze premières années d’exercice.

MOTIFS

L’article L.7112-4 du code du travail dispose que ‘Lorsque l’ancienneté excède quinze années, une commission arbitrale est saisie pour déterminer l’indemnité due.

Cette commission est composée paritairement d’arbitres désignés par les organisations professionnelles d’employeurs et de salariés. Elle est présidée par un fonctionnaire ou par un magistrat en activité ou retraité.

Si les parties ou l’une d’elles ne désignent pas d’arbitres, ceux-ci sont nommés par le président du tribunal judiciaire, dans des conditions déterminées par voie réglementaire.

Si les arbitres désignés par les parties ne s’entendent pas pour choisir le président de la commission arbitrale, celui-ci est désigné à la requête de la partie la plus diligente par le président du tribunal judiciaire.

En cas de faute grave ou de fautes répétées, l’indemnité peut être réduite dans une proportion qui est arbitrée par la commission ou même supprimée.

La décision de la commission arbitrale est obligatoire et ne peut être frappée d’appel.’

L’article L. 7112-5 dispose que ‘Si la rupture du contrat de travail survient à l’initiative du journaliste professionnel, les dispositions des articles L. 7112-3 et L. 7112-4 sont applicables, lorsque cette rupture est motivée par l’une des circonstances suivantes :

1° Cession du journal ou du périodique ;

2° Cessation de la publication du journal ou périodique pour quelque cause que ce soit ;

3° Changement notable dans le caractère ou l’orientation du journal ou périodique si ce changement crée, pour le salarié, une situation de nature à porter atteinte à son honneur, à sa réputation ou, d’une manière générale, à ses intérêts moraux. Dans ces cas, le salarié qui rompt le contrat n’est pas tenu d’observer la durée du préavis prévue à l’article L. 7112-2.’

La commisson arbitrale est obligatoirement saisie pour déterminer l’indemnité due lorsque la durée des services excède quinze années et il n’y a pas lieu d’opérer une distinction entre l’indemnité due au titre des quinze premières années et celle due au titre des années postérieures (Soc 06 octobre 2004 n°02-20550). Il appartient exclusivement à la commission arbitrale des journalistes de fixer le montant de l’indemnité de licenciement, pour sa totalité, lorsque l’ancienneté est supérieure à quinze années.

Lorsque la juridiction prud’homale est également saisie, la commission arbitrale n’est pas tenue par les appréciations que porte la juridiction sur le litige, s’agissant des circonstances ou des indemnités éventuellement fixées (Soc 29 octobre 2002 n°01-40348).

La demande qui est formée par M. [R] devant la cour d’appel est une condamnation au paiement du montant de l’indemnité de licenciement pour les quinze premières années, et non une demande de provision comme cela est indiqué dans la note en délibéré. Compte tenu de l’ancienneté de M. [R], supérieure à quinze années, elle relève ainsi de la compétence exclusive de la commission arbitrale.

La demande de fixation du salaire de référence n’est formée que dans le cadre de la demande de condamnation au titre de l’indemnité et il n’est pas prévu que la juridiction prud’homale fixe préalablement l’assiette de calcul de cette indemnité avant la décision de la commission, qui en tout état de cause n’est pas tenue par les éléments de la décision de la juridiction prud’homale.

Il y a lieu de renvoyer les parties devant la commission arbitrale prévue par l’article L.7112-4 du code du travail pour qu’il soit statué sur leur demande.

Le jugement du conseil de prud’hommes, qui a statué sur la demande formée par M. [R], sera infirmé de ce chef.

M. [R] supportera les dépens de première instance et d’appel.

Il n’y a pas lieu à allouer d’indemnité sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les parties seront déboutées de leurs demandes.

Par ces motifs,

La cour,

Infirme le jugement du conseil de prud’hommes, sauf en ce qu’il a condamné M. [R] aux dépens et a débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles,

Statuant à nouveau sur le chef infirmé,

Renvoie les parties devant la commission arbitrale prévue par L.7112-4 du code du travail,

Condamne M. [R] aux dépens d’appel,

Déboute les parties de leurs demandes sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

La Greffière La Présidente


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