Clause d’Approvisionnement exclusif : 2 juin 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-22.371

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Clause d’Approvisionnement exclusif : 2 juin 2021 Cour de cassation Pourvoi n° 19-22.371

COMM.

CH.B

COUR DE CASSATION
______________________

Audience publique du 2 juin 2021

Rejet non spécialement motivé

M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président

Décision n° 10278 F

Pourvoi n° J 19-22.371

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________

DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 2 JUIN 2021

1°/ M. [G] [A],

2°/ Mme [W] [I], épouse [A],

domiciliés tous deux [Adresse 1],

ont formé le pourvoi n° J 19-22.371 contre l’arrêt rendu le 4 juin 2019 par la cour d’appel d’Angers (chambre A, commerciale), dans le litige les opposant à la société Heineken entreprise, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Graff-Daudret, conseiller, les observations écrites de la SARL Cabinet Briard, avocat de M. et Mme [A], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Heineken entreprise, et l’avis de Mme Guinamant, avocat général référendaire, après débats en l’audience publique du 7 avril 2021 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Graff-Daudret, conseiller rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Fornarelli, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.

1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.

2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.

EN CONSÉQUENCE, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [A] aux dépens ;

En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. et Mme [A] et les condamne à payer à la société Heineken entreprise la somme globale de 3 000 euros ;

Ainsi décidé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt et un. MOYEN ANNEXE à la présente décision

Moyen produit par la SARL Cabinet Briard, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [A].

Il est fait grief à l’arrêt attaqué d’avoir déclaré M. et Mme [A] recevables mais mal fondés en leur demande en nullité de leur engagement de caution à l’égard de la société Heineken Entreprise, de les avoir déboutés de leur demande en nullité de leur engagement de caution à l’égard de la société Heineken Entreprises et de les avoir déboutés de leur demande de mainlevée de la saisie attribution pratiquée le 10 décembre 2013,

Aux motifs que « B – Sur le fond de la demande de nullité ; que pour répondre aux époux [A] qui soutiennent que la Cour de cassation aurait dans son arrêt du 15 novembre 2017 retenu que les deux actes notariés formaient un tout indivisible, il convient de relever, comme le fait l’appelante à juste titre, que la Cour de cassation ne s’est nullement prononcée sur une quelconque interdépendance entre les contrats mais qu’elle a simplement prononcé une cassation disciplinaire, pour dénaturation, à l’encontre de l’arrêt de la cour d’appel de Rennes en ce qu’il avait retenu, dans sa motivation, qu’aucun des actes de prêts et de cautionnements ne faisait mention d’un contrat de fourniture de bière alors que la procuration annexée à l’acte de cautionnement avec affectation hypothécaire mentionnait que la société Heineken donnait pouvoir à sa mandataire pour signer un contrat exclusif de fourniture de bière ; qu’il est notable que les époux [A] ne poursuivent nullement la caducité de leur engagement de caution mais uniquement sa nullité ; qu’au soutien de leur demande ils font valoir que le contrat de fourniture de bières ferait partie, avec leur acte de cautionnement, d’un tout indivisible de sorte que, en l’absence de signature de ce contrat de fournitures, leur cautionnement serait entaché de nullité ; qu’au vu des pièces produites aux débats, il est constant que la banque n’a prêté les fonds nécessaires à son installation à la société Alex que sous réserve d’obtenir un cautionnement ; qu’il est également constant que ce cautionnement a été consenti par la société Heineken et que cette dernière, pour consentir à ce cautionnement, a demandé et obtenu des associés de la société Alex que ces derniers la garantissent au cas où elle viendrait à devoir exécuter son obligation de caution à l’égard de l’organisme prêteur ; que la procuration jointe à l’acte notarié de sous cautionnement des époux [A] au profit de la société Heineken et qui fait corps avec démontre bien qu’un contrat exclusif de fourniture de bière devait être signé entre la société Heineken et la société Alex ; qu’aux termes de cette procuration, cette société, prise en la personne de M. [U], donnait procuration à sa mandataire de signer le contrat comportant l’attribution du prêt consenti par la banque à la société Alex, l’engagement de caution de la société Heineken, le contrat de bières exclusif pendant une durée de 5 ans et l’acte de caution solidaire des époux [A] ; qu’il est d’ailleurs notable que par un mail du 28 novembre 2011, la société Heineken s’est émue auprès du notaire n’avoir “aucune trace du contrat d’approvisionnement signé par le client” et lui a demandé de le lui transmettre rapidement ; que la société Heineken ne produit aux débats aucun contrat de fourniture de bières ; que cependant même s’il est ainsi parfaitement acquis qu’un contrat de fourniture des bières devait être signé entre la société Heineken et la société Alex et qu’il n’est pas justifié qu’il l’ait été, il reste qu’une partie à une convention ne peut poursuivre la nullité de son engagement en se prévalant de l’absence de signature par un tiers d’une convention distincte – que dans le cas où elle avait fait de la signature de cette seconde convention la cause déterminante de son consentement et en avait informé son co-contractant, – ou encore lorsque la convention qui devait être signée par ce tiers formait avec la sienne un ensemble de contrats interdépendants ; qu’en l’espèce ni l’acte de prêt auquel les époux [A] sont intervenus volontairement, ni l’acte de sous cautionnement qu’ils ont consentis à la société Heineken ne portent mention de ce qu’ils ne se seraient engagés qu’en considération du fait que la société Heineken avait vocation à devenir le fournisseur de bières de la société Alex ; qu’aucune pièce produite aux débats n’établit non plus que, même en l’absence de stipulation contractuelle, ils auraient fait de la signature de ce contrat de fourniture la condition déterminante de leur engagement et qu’ils en auraient informé la société Heineken, le seul fait que la procuration plus haut visée, dont le contenu a plus haut été rappelé, ait été annexée à leur engagement de sous caution notarié n’en faisant pas preuve ; que le fait que l’acte de prêt, l’engagement de cautionnement principal de la société Heineken et l’engagement de sous cautionnement sont intervenus concomitamment et que la procuration visée dans l’acte notarié de prêt mentionnait la signature d’un contrat de fourniture de bières entre la société Heineken et la société Alex ne suffit pas, en soi, à caractériser un lien d’interdépendance entre ces différents contrats et le contrat de fourniture de bières ; que l’interdépendance résulte en effet de la caractérisation d’un ensemble contractuel indivisible ; que ce caractère indivisible peut résulter d’une volonté expresse des parties ; qu’ il peut également résulter du fait que l’exécution de l’ensemble des conventions est nécessaire à la réalisation d’une même opération ; qu’ en l’espèce, l’acte de prêt et de cautionnement par la société Heineken ne comporte aucune mention de laquelle il résulterait que l’organisme bancaire, la société Alex et la société Heineken auraient expressément entendu rendre le contrat de prêt et le cautionnement principal indivisible d’un contrat de fourniture de bière à passer entre la société Alex et la société Heineken ou encore faire de la conclusion d’un tel contrat la condition de leurs propres engagements ; que l’acte notarié de cautionnement des époux [A] ne comporte pas plus de clause en ce sens, la volonté des parties de constituer un ensemble contractuel indivisible ne pouvant résulter de la seule annexion à l’acte notarié de cautionnement d’une procuration donnée par la société Heineken à sa mandataire pour signer un contrat exclusif de fourniture de bière ; que par ailleurs les conventions de prêt, de cautionnement principal et de sous cautionnement tels que résultant des actes notariés produits aux débats pouvaient, objectivement, parfaitement être exécutées indépendamment de la conclusion du contrat exclusif de fourniture de bière lequel n’influait pas sur la capacité de chacune des parties à honorer les engagements de prêteur, emprunteur, caution et sous caution ; qu’ il résulte de ce qui précède que les époux [A] ne rapportent pas la preuve qui leur incombe de ce que la signature d’un contrat de fourniture de bière entre la société Alex et la société Heineken aurait été déterminante de leur consentement au sous cautionnement et qu’ils en auraient informé l’appelante ; qu’ ils n’établissent pas plus le caractère interdépendant des conventions sur lequel ils fondent leur demande en nullité ; qu’ ils seront dès tors, par infirmation du jugement, déboutés de leur demande d’annulation de leur engagement de cautionnement à l’égard de la société Heineken entreprise. » (arrêt, p. 10 à 13)

1° Alors que les contrats concomitants qui s’inscrivent dans une opération économique unique et qui n’ont aucun sens indépendamment les uns des autres sont interdépendants, de sorte que l’absence de conclusion de l’un d’entre eux entraîne l’anéantissement, par voie de conséquence, de tous les autres ; qu’en l’espèce, pour débouter les époux [A] de leurs demandes, la cour d’appel a jugé que les quatre contrats litigieux n’étaient pas interdépendants dès lors qu’ils ne comportaient aucune stipulation en ce sens et que les contrats de prêt et de cautionnement pouvaient parfaitement être exécutés indépendamment de la conclusion du contrat de fourniture exclusive de bière, ce dont elle a déduit que l’absence de conclusion du contrat d’approvisionnement ne pouvait avoir eu pour effet de délier les demandeurs au pourvoi de leur engagement de caution solidaire ; qu’en statuant de la sorte, cependant que le cautionnement octroyé par la société Heineken en garantie du prêt consenti par la banque au débiteur principal, lui-même contre-garanti par le cautionnement solidaire des demandeurs au pourvoi, ne se concevait sans la conclusion corrélative du contrat d’approvisionnement exclusif qui devait être signé entre cette société et le débiteur principal, ce dont il résultait que ces quatre contrats étaient interdépendants et que l’absence de conclusion du contrat d’approvisionnement exclusif, privant de cohérence l’intégralité de l’opération, avait nécessairement eu pour effet d’entraîner l’anéantissement de l’ensemble contractuel dans son entier et, en particulier, de l’engagement de caution octroyé par les demandeurs au pourvoi, la cour d’appel a violé les articles 1134 et 1218 du code civil (dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016) ;

2° Alors qu’ayant constaté, d’une part, que l’octroi du prêt au débiteur principal était subordonné à son cautionnement par le brasseur, lequel avait lui-même subordonné son engagement à l’obtention du sous cautionnement des associés de la société Alex, et, d’autre part, que la procuration qui était jointe à l’acte notarié de sous-cautionnement des demandeurs au pourvoi, et qui faisait corps avec celui-ci, démontrait qu’un contrat exclusif de fourniture de bière devait être signé entre le brasseur et le débiteur principal concomitamment aux trois autres contrats, la cour d’appel a néanmoins jugé que les quatre contrats litigieux n’étaient pas interdépendants ; qu’en statuant ainsi, cependant qu’il ressortait de ses propres constatations que le contrat de prêt, les deux contrats de cautionnement et le contrat d’approvisionnement exclusif s’inscrivaient dans un ensemble contractuel indivisible puisant sa cohérence et son unité dans la conclusion concomitante des quatre contrats qui devaient être signés entre les parties, de sorte que l’absence de conclusion du contrat de fourniture ? qu’elle a souverainement constatée ? avait nécessairement eu pour conséquence d’entraîner l’anéantissement des trois autres contrats, la cour d’appel, qui n’a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles 1134 et 1218 du code civil (dans leur rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016) ;

3° Alors que, dans leurs conclusions d’appel, les époux [A] soutenaient que l’interdépendance entre les quatre contrats litigieux était constituée dès lors qu’aucun cocontractant n’aurait souscrit l’un des contrats si les autres ne s’étaient pas aussi engagés ; qu’ils faisaient ainsi valoir que la banque n’aurait jamais conclu le prêt si la société Heineken n’avait pas conclu le cautionnement, que la société Heineken n’aurait jamais conclu le cautionnement si la société Alex n’avait pas conclu le contrat d’approvisionnement exclusif et que les associés de la société Alex n’auraient jamais conclu le contrat de sous-cautionnement si la société Heineken n’avait pas conclu le contrat de cautionnement ; qu’en s’abstenant de répondre à ce moyen déterminant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile ;

4° Alors que les juges ne peuvent accueillir ou rejeter les demandes dont ils sont saisis sans examiner, même sommairement, les éléments de preuve qui leur sont fournis par les parties au soutien de leurs prétentions; que les époux [A] avaient produit aux débats deux courriers électroniques datés des 28 et 29 novembre 2011, aux termes desquels l’un des représentant de la société Heineken écrivait au notaire rédacteur des actes de prêt et de cautionnement : « Nous avons bien reçu la copie exécutoire et nous vous en remercions. Cependant nous n’avons aucune trace de notre convention de bière signée par le client. Merci de nous la transmettre très rapidement », ce à quoi le notaire leur avait répondu : « Je vous confirme avoir recueilli la signature de Mr et Mme [A] au moyen d’un acte authentique de prêt permettant notamment l’inscription d’hypothèque. Concernant votre contrat de bière, il s’a[g]it d’un document sous seing privé devant être régularisé entre votre client et vous-même » ; qu’il ressortait sans équivoque de ces courriers électroniques que, dans l’esprit des parties et notamment de la société Heineken, la conclusion des actes de prêt et de cautionnements devait nécessairement s’accompagner de celle, concomitante, d’un contrat de fourniture exclusive avec le débiteur principal ; que pour débouter les époux [A] de leurs demandes, la cour d’appel a jugé que ni l’acte de prêt et de cautionnement principal, ni l’acte de cautionnement consenti par les demandeurs au pourvoi ne comportaient de mention expresse dont il résulterait que les parties contractantes auraient entendu rendre les contrats litigieux interdépendants, d’une part, et, que « le fait que l’acte de prêt, l’engagement de cautionnement principal de la société Heineken et l’engagement de sous cautionnement sont intervenus concomitamment et que la procuration visée dans l’acte notarié de prêt mentionnait la signature d’un contrat de fourniture de bières entre la société Heineken et la société Alex ne suffi[sait] pas, en soi, à caractériser un lien d’interdépendance entre ces différents contrats et le contrat de fourniture de bières », d’autre part ; qu’en statuant de la sorte, sans analyser, même sommairement l’échange de courriers électroniques intervenu les 28 et 29 novembre 2011 entre le représentant de la société Heineken et le notaire rédacteur des actes litigieux, ce qui l’aurait inévitablement conduite à constater que les parties avaient entendu lier les trois contrats effectivement signés au quatrième qui ne l’a pas été, la cour d’appel a encore violé l’article 455 du code de procédure civile ;

5° Alors, en tout état de cause, que le cautionnement ne peut exister que sur une obligation valable ; qu’en vertu du caractère accessoire de son propre engagement, la sous-caution est recevable à opposer à la caution de premier rang la nullité du cautionnement principal lorsque celui-ci est dénué de cause pour solliciter l’anéantissement de son propre engagement ; qu’en l’espèce, pour débouter les époux [A] de leurs demandes, la cour d’appel a estimé que l’absence de conclusion du contrat de fourniture exclusive par la société Heineken, contrairement aux prévisions des parties, était sans impact sur la validité des trois autres contrats litigieux ; qu’en statuant de la sorte, cependant que l’absence de conclusion du contrat de fourniture exclusive avait eu pour effet de priver de cause l’engagement de la caution principale, de sorte que – celle-ci ayant renoncé à se prévaloir de cette exception pour échapper à tout paiement-, la sous-caution était recevable à lui opposer une telle exception, de nature à entraîner l’anéantissement de son propre engagement, la cour d’appel a violé les articles 2289 et 2313 du code civil.

6° Alors, enfin, que le cautionnement d’une obligation conditionnelle ne peut exister lorsque la condition est défaillie ; qu’en l’espèce, ainsi que l’a jugé la cour d’appel, la société Heineken n’avait accepté de cautionner le prêt et de prendre à sa charge les sommes éventuellement dues par le débiteur principal au créancier que sous réserve de la signature concomitante d’un contrat de fourniture exclusive avec le débiteur principal ; qu’à défaut de réalisation de cette condition, l’obligation garantie par le cautionnement des époux [A] n’a pu valablement exister de sorte que leur cautionnement doit être regardé comme nul ; qu’en jugeant néanmoins que l’absence de conclusion du contrat de fourniture exclusive était sans impact sur la validité des trois autres contrats litigieux, et notamment du cautionnement consenti par les époux [A], la cour d’appel a violé l’article 2289 du code civil, ensemble l’article 1165 du même code (dans sa rédaction antérieure à l’entrée en vigueur de l’ordonnance du 10 février 2016).

 


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