1. Vérifiez toujours les conditions générales de vente et les dispositions légales applicables avant de formuler une demande indemnitaire en cas de non-conformité des services fournis par un prestataire.
2. Assurez-vous de prouver les manquements de l’organisateur du séjour à ses obligations contractuelles, en fournissant des éléments concrets et des preuves tangibles pour étayer votre demande de remboursement ou d’indemnisation. 3. En cas de litige lié à un forfait touristique, référez-vous aux dispositions du code du tourisme pour connaître vos droits et les recours possibles en cas de non-conformité des services fournis, notamment en ce qui concerne les réductions de prix, les dommages et intérêts, et les remboursements. |
Sommaire → Résumé de l’affaireMme [G] a conclu un contrat avec la société EF Education pour un séjour linguistique à Malte, mais a contesté les conditions d’exécution du contrat, notamment l’hébergement. Elle est rentrée en France en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19. Après des échanges infructueux, elle a assigné la société EF en justice pour obtenir un remboursement partiel du prix du séjour. Elle demande également des indemnités pour les repas, les frais médicaux, le billet d’avion de retour, le matériel pédagogique non fourni et le préjudice moral subi. La société EF a proposé un règlement amiable, mais Mme [G] a refusé. Elle conteste les demandes de remboursement de Mme [G] et estime que son offre de 5.845 euros est satisfaisante. Le tribunal doit statuer sur le litige en prenant en compte les dispositions du code du tourisme et du code civil.
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→ Les points essentielsSur les demandes indemnitaires formées par Mme [G]Conformément à l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ». Selon l’article 1104 du code civil, « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi. L’article 1217 du code civil dispose : « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut : Par ailleurs, l’article L. 211-1 du code du tourisme, inclus au sein d’un chapitre « Régime de la vente de voyages et de séjours », prévoit l’application des dispositions de ce chapitre « aux personnes physiques ou morales qui élaborent et vendent ou offrent à la vente dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale : L’article L. 211-2 du code dispose alors que : Les articles L. 211-16 et L. 211-17 du code de tourisme instaurent en outre un régime de responsabilité particulier car de plein droit applicable aux professionnels vendant un forfait touristique, en cas de mauvaise exécution des services prévus par ce contrat. En l’espèce, le séjour linguistique souscrit par Mme [G] s’analyse en un forfait touristique au sens des articles L. 211-1 et L. 211-2 du code de tourisme, combinant, selon la facture produite, à la fois un service de transport (transfert aller de l’aéroport jusqu’à l’école ou l’hébergement), la fourniture d’un hébergement à Malte, laquelle constitue une caractéristique essentielle du forfait, ainsi qu’un service touristique caractérisé par l’inscription dans une école locale et la dispense de cours. Force est d’ailleurs de relever que, dans les conditions générales produites aux débats, la société Ef invoque elle-même comme étant applicables au contrat les dispositions légales et réglementaires prévues par le code du tourisme. Il y a donc lieu de faire application de l’ensemble de ces dispositions. Mme [G] sollicite, pour une première partie, un remboursement partiel du prix acquitté pour le séjour et, pour une seconde partie, une indemnisation à titre de réparation pour les manquements selon elle caractérisés de la société EF à ses obligations contractuelles. Ces prétentions seront analysées successivement, dans l’ordre du dispositif de ses écritures. Sur le remboursement pour la partie non effectuée du séjour linguistiqueEn vertu des paragraphes V et VI de l’article L. 211-16 susvisé du code de tourisme, « V.-Lorsqu’une part importante des services de voyage ne peut être fournie comme prévu dans le contrat, l’organisateur ou le détaill Les montants alloués dans cette affaire: – 5.500 euros à Mme [V] [G] pour remboursement partiel du prix du contrat de séjour
– 340 euros à Mme [V] [G] pour remboursement de la prestation supplémentaire prévue au contrat – 600 euros à Mme [V] [G] pour dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel – 500 euros à Mme [V] [G] pour dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral – 2.000 euros à Mme [V] [G] au titre de l’article 700 du code de procédure civile |
→ Réglementation applicable– Article 1217 du Code civil : prévoit les conditions et les conséquences de l’inexécution des obligations contractuelles, y compris la possibilité pour le créancier de demander l’exécution forcée en nature, la résolution du contrat, ou une réduction du prix, ainsi que la possibilité de demander des dommages-intérêts en cas de non-exécution ou de mauvaise exécution.
– Article 700 du Code de procédure civile : permet à une partie de demander une indemnité pour les frais non couverts par les dépens qu’elle a engagés au cours d’un procès. – Article L. 211-1 du Code du tourisme : définit les activités considérées comme des opérations de vente de voyages et de séjours, incluant les services liés au transport, à l’hébergement, ou à d’autres services touristiques. – Article 455 du Code de procédure civile : stipule que les jugements doivent mentionner les prétentions respectives des parties et leurs moyens, les écritures et les pièces produites par elles doivent être visées et analysées. |
→ AvocatsBravo aux Avocats ayant plaidé ce dossier: – Me Anne-Sophie BARDIN LAHALLE
– Me Didier DALIN |
→ Mots clefs associés & définitions– Litige
– Contrat – Séjour linguistique – Conditions d’exécution – Hébergement – Crise sanitaire – Remboursement – Repas – Frais médicaux – Billet d’avion – Matériel pédagogique – Préjudice moral – Inexécution des prestations – Propositions amiables – Pandémie Covid-19 – Rapatriement – Offre de règlement – Dépens – Code du tourisme – Code civil – Organisme de formation – Activité scolaire – Litige: un différend ou un désaccord entre deux parties qui peut être résolu par des moyens juridiques
– Contrat: un accord entre deux parties qui crée des obligations juridiques – Séjour linguistique: un programme éducatif qui permet à une personne d’apprendre une langue étrangère en séjournant dans un pays où cette langue est parlée – Conditions d’exécution: les termes et les conditions qui régissent l’exécution d’un contrat ou d’un accord – Hébergement: le logement fourni à une personne pendant son séjour – Crise sanitaire: une situation d’urgence liée à la santé publique – Remboursement: le remboursement d’une somme d’argent versée à l’avance – Repas: les repas fournis pendant un séjour ou une activité – Frais médicaux: les coûts liés aux soins de santé – Billet d’avion: un document qui permet à une personne de voyager en avion – Matériel pédagogique: les outils et les ressources utilisés pour l’enseignement – Préjudice moral: le dommage causé à une personne sur le plan émotionnel ou psychologique – Inexécution des prestations: le non-respect des obligations contractuelles – Propositions amiables: des solutions proposées de manière amiable pour résoudre un litige – Pandémie Covid-19: une épidémie mondiale de la maladie à coronavirus 2019 – Rapatriement: le retour d’une personne dans son pays d’origine – Offre de règlement: une proposition de règlement d’un litige – Dépens: les frais engagés dans le cadre d’une procédure judiciaire – Code du tourisme: la législation régissant l’industrie du tourisme – Code civil: le code de lois qui régit les relations entre les individus – Organisme de formation: une entité qui fournit des services de formation – Activité scolaire: une activité éducative organisée dans le cadre scolaire |
REPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/14850
N° Portalis 352J-W-B7F-CVT5U
N° MINUTE :
Assignation du :
30 Novembre 2021
JUGEMENT
rendu le 30 Janvier 2024
DEMANDERESSE
Madame [V] [L] [G]
[Adresse 3]
[Localité 1]
représentée par Me Anne-Sophie BARDIN LAHALLE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0815
DÉFENDERESSE
S.A.R.L. EF EDUCATION
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Didier DALIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0349
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Géraldine DETIENNE, Vice-Présidente
Nathalie VASSORT-REGRENY, Vice-Présidente
Pierre CHAFFENET, Juge
assistés de Samir NESRI, Greffier lors des débats
et de Nadia SHAKI, Greffier lors de la mise à disposition
Décision du 30 Janvier 2024
4ème chambre 1ère section
N° RG 21/14850 – N° Portalis 352J-W-B7F-CVT5U
DÉBATS
A l’audience du 14 Novembre 2023 tenue en audience publique devant Monsieur CHAFFENET, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT
Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Le 5 novembre 2019, Mme [V] [G] a conclu avec la SARL EF Education (ci-après la société EF) un contrat numéroté FRR1040304 pour un séjour de perfectionnement en langue anglaise au sein du centre EF de Malta [Localité 5] (Malte) entre le 6 janvier 2020 et le 5 juin 2020, pour un prix total de 11.445 euros.
Au cours de ce séjour, par courrier du 29 janvier 2020, Mme [G] a contesté les conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités de son hébergement. Elle est ensuite revenue en France le 15 mars 2020, le centre d’études ayant fermé en raison de la crise sanitaire liée à la Covid-19.
Par second courrier recommandé daté du 14 mai 2020, Mme [G], réitérant notamment ses griefs quant aux conditions de son hébergement, a sollicité un remboursement partiel du prix de son séjour à hauteur de 6.872,70 euros. Suivant réponse adressée le 19 juin 2020, la société EF lui a offert la somme de 1.335,11 euros.
Les différents échanges qui s’en sont suivis entre Mme [G] et la société EF n’ayant pas permis de trouver une issue amiable à leur litige, par acte d’huissier de justice en date du 30 novembre 2021, Mme [G] a fait assigner la société EF devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par dernières conclusions régularisées par la voie électronique le 2 décembre 2022, Mme [G] demande au tribunal, au visa de l’article 1217 du code civil, de :
“DIRE recevable et bien fondée Mademoiselle [G] en toutes ses demandes
EN CONSÉQUENCE
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 6.242,70 € en remboursement du séjour linguistique non effectué
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 600 € en remboursement des 116 repas réglés
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 30 € en remboursement des frais médicaux acquittés
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 491,96 € en remboursement du coût du billet d’avion de retour en France
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 340 € en remboursement du matériel pédagogique jamais fourni
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 5.000 € en réparation du préjudice moral subi
CONDAMNER la société EF EDUCATION à payer à Mademoiselle [G] la somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile
CONDAMNER la société EF EDUCATION aux entiers dépens de l’instance”.
Elle fait pour l’essentiel valoir que sa demande s’analyse en une demande de remboursement et d’indemnisation pour inexécution des prestations convenues avec la société EF au visa de l’article 1217 du code civil.
Elle soutient alors que :
– sur l’ensemble du programme, seules dix semaines de cours ont été dispensées par la société EF en raison des injonctions au rapatriement adressées à compter du 12 mars 2020 par l’ambassade de France à Malte. Elle conteste toute proposition par la défenderesse d’une alternative par des cours en ligne, outre que cette alternative ne pouvait suppléer l’objet du contrat, ainsi que toute possibilité de reprise du cursus en 2021 ou 2022 compte tenu de l’évolution incertaine de la crise sanitaire mondiale ;
– elle a dû prendre à sa charge cent seize repas durant son séjour, soit la somme de 600 euros, lesquels étaient pourtant inclus dans le forfait au titre de la demi-pension la semaine et de la pension complète les week-end ;
– bien qu’une assurance santé soit automatiquement souscrite lors de l’adhésion au séjour, elle a été contrainte de débourser la somme de 30 euros au titre de frais de santé ;
– malgré les sollicitations adressées à la société EF, l’inexécution par cette dernière de ses obligations contractuelles l’a contrainte à organiser seule, en urgence et par ses propres moyens son rapatriement en France, l’amenant à débourser la somme de 491,96 euros pour un billet d’avion ;
– elle n’a jamais reçu le matériel pédagogique mentionné comme supplément au contrat ; qu’il ne peut lui être imputé à faute son absence de réclamation de ce matériel durant le séjour, étant davantage préoccupée par les conditions de son hébergement non conformes ;
– ces mêmes circonstances lors de son séjour puis lors de son rapatriement lui ont causé un préjudice moral qu’elle évalue à la somme de 5.000 euros.
Par dernières conclusions régularisées par la voie électronique le 1er juin 2022, la société EF demande au tribunal de :
“CONSTATER que la société EF EDUCATION ne cesse depuis 2020 de formuler des propositions amiables à Madame [V] [G] qui les a toutes refusées.
DONNER ACTE à la société EF EDUCATION de son offre de régler, à titre amiable et pour solde de toute compte et sans reconnaissance de responsabilité, une somme de 5 845 €.
DIRE ET JUGER que cette offre est satisfactoire.
DEBOUTER Madame [V] [G] de toutes ses autres demandes.
CONDAMNER Madame [V] [G] en tous les dépens”.
Elle soutient en substance que l’écourtement du séjour a résulté d’un événement imprévisible, à savoir la pandémie liée à la Covid-19 ; qu’elle a ainsi été contrainte de s’organiser en urgence pour traiter le rapatriement de ses étudiants, alors que son personnel était lui-même confiné ; que cette situation est survenue alors qu’elle avait déjà engagé sur place la quasi-totalité des frais afférents aux séjours proposés, lui causant de lourdes pertes financières.
Elle souligne qu’elle a proposé à Mme [G] de multiples solutions amiables, notamment le suivi de cours en ligne ou la reprise du cursus sur les deux années suivantes, qu’elle a également accepté le remboursement des cent seize repas et de lui restituer la somme de 5.245 euros sur le prix total du séjour.
Elle conteste en revanche toute inclusion dans le forfait souscrit du prix du billet d’avion, de sorte qu’aucune indemnité ne peut lui être réclamée à cet égard. Elle soutient également que seul l’assureur auprès duquel Mme [G] s’est engagée est tenu de l’indemniser pour les frais de santé restés à sa charge. Elle relève enfin que la demanderesse n’a pas contesté, au cours de son séjour, avoir reçu le matériel pédagogique remis à chaque étudiant lors de son arrivée.
Elle considère dans ces circonstances satisfactoire son offre indemnitaire à hauteur de 5.845 euros.
La clôture a été ordonnée le 6 décembre 2022, l’affaire plaidée lors de l’audience du 14 novembre 2023 et mise en délibéré au 30 janvier 2024.
Par message adressé le 12 janvier 2024, le tribunal a entendu solliciter les observations des parties sur l’applicabilité au litige des dispositions du code du tourisme au regard de la portée de l’article L. 211-1 de ce code et a en conséquence autorisé la transmission de notes en délibéré sur ce point.
Par note en délibéré du 15 janvier 2024, Mme [G] a sollicité, compte tenu de la vente du séjour linguistique réalisé par la société EF, l’application à titre principal des dispositions du code du tourisme et subsidiairement, de celles du code civil. Par note en délibéré du 18 janvier 2024, la société EF a rappelé être un organisme de formation spécialisé dans l’apprentissage des langues étrangères, tant en France qu’à l’étranger par l’organisation de séjours linguistiques, et qu’elle exerce avant tout une activité scolaire, l’hébergement et le déplacement n’étant que des prestations accessoires à cette activité.
Pour un plus ample exposé des faits de la cause et des prétentions des parties, il est fait expressément référence aux pièces du dossier et aux dernières écritures des parties conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
Sur les demandes indemnitaires formées par Mme [G]
Conformément à l’article 1103 du code civil, « Les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits ».
Selon l’article 1104 du code civil, « Les contrats doivent être négociés, formés et exécutés de bonne foi.
Cette disposition est d’ordre public. »
L’article 1217 du code civil dispose : « La partie envers laquelle l’engagement n’a pas été exécuté, ou l’a été imparfaitement, peut :
– refuser d’exécuter ou suspendre l’exécution de sa propre obligation ;
– poursuivre l’exécution forcée en nature de l’obligation ;
– obtenir une réduction du prix ;
– provoquer la résolution du contrat ;
– demander réparation des conséquences de l’inexécution.
Les sanctions qui ne sont pas incompatibles peuvent être cumulées ; des dommages et intérêts peuvent toujours s’y ajouter ».
Par ailleurs, l’article L. 211-1 du code du tourisme, inclus au sein d’un chapitre « Régime de la vente de voyages et de séjours », prévoit l’application des dispositions de ce chapitre « aux personnes physiques ou morales qui élaborent et vendent ou offrent à la vente dans le cadre de leur activité commerciale, industrielle, artisanale ou libérale :
1° Des forfaits touristiques ;
2° Des services de voyage portant sur le transport, le logement, la location d’un véhicule ou d’autres services de voyage qu’elles ne produisent pas elles-mêmes ».
L’article L. 211-2 du code dispose alors que :
« I.-Constitue un service de voyage :
1° Le transport de passagers ;
2° L’hébergement qui ne fait pas partie intégrante du transport de passagers et qui n’a pas un objectif résidentiel ;
3° La location de voitures particulières, (…)
4° Tout autre service touristique qui ne fait pas partie intégrante d’un service de voyage au sens des 1°, 2° ou 3°.
II.-A.-Constitue un forfait touristique la combinaison d’au moins deux types différents de services de voyage aux fins du même voyage ou séjour de vacances, dépassant vingt-quatre heures ou incluant une nuitée, si :
1° Ces services sont combinés par un seul professionnel, y compris à la demande du voyageur ou conformément à son choix, avant qu’un contrat unique incluant tous ces services ne soit conclu (…) ».
Les articles L. 211-16 et L. 211-17 du code de tourisme instaurent en outre un régime de responsabilité particulier car de plein droit applicable aux professionnels vendant un forfait touristique, en cas de mauvaise exécution des services prévus par ce contrat.
En l’espèce, le séjour linguistique souscrit par Mme [G] s’analyse en un forfait touristique au sens des articles L. 211-1 et L. 211-2 du code de tourisme, combinant, selon la facture produite, à la fois un service de transport (transfert aller de l’aéroport jusqu’à l’école ou l’hébergement), la fourniture d’un hébergement à Malte, laquelle constitue une caractéristique essentielle du forfait, ainsi qu’un service touristique caractérisé par l’inscription dans une école locale et la dispense de cours. Force est d’ailleurs de relever que, dans les conditions générales produites aux débats, la société Ef invoque elle-même comme étant applicables au contrat les dispositions légales et réglementaires prévues par le code du tourisme.
Il y a donc lieu de faire application de l’ensemble de ces dispositions.
Mme [G] sollicite, pour une première partie, un remboursement partiel du prix acquitté pour le séjour et, pour une seconde partie, une indemnisation à titre de réparation pour les manquements selon elle caractérisés de la société EF à ses obligations contractuelles.
Ces prétentions seront analysées successivement, dans l’ordre du dispositif de ses écritures.
Sur le remboursement pour la partie non effectuée du séjour linguistique
En vertu des paragraphes V et VI de l’article L. 211-16 susvisé du code de tourisme, « V.-Lorsqu’une part importante des services de voyage ne peut être fournie comme prévu dans le contrat, l’organisateur ou le détaillant propose, sans supplément de prix pour le voyageur, d’autres prestations appropriées, si possible de qualité égale ou supérieure à ceux spécifiés dans le contrat, pour la continuation du contrat, y compris lorsque le retour du voyageur à son lieu de départ n’est pas fourni comme convenu.
Lorsque les autres prestations proposées donnent lieu à un voyage ou séjour de qualité inférieure à celle spécifiée dans le contrat, l’organisateur ou le détaillant octroie au voyageur une réduction de prix appropriée.
Le voyageur ne peut refuser les autres prestations proposées que si elles ne sont pas comparables à ce qui avait été prévu dans le contrat ou si la réduction de prix octroyée n’est pas appropriée.
VI.-Lorsqu’une non-conformité perturbe considérablement l’exécution d’un voyage ou séjour et que l’organisateur ou le détaillant n’y remédie pas dans un délai raisonnable fixé par le voyageur, ce dernier peut résoudre le contrat sans payer de frais de résolution et demander, le cas échéant, conformément à l’article L. 211-17, une réduction de prix et en cas de dommage distinct des dommages et intérêts.
S’il s’avère impossible de proposer d’autres prestations ou si le voyageur refuse les autres prestations proposées conformément au troisième alinéa du V, le voyageur a droit, s’il y a lieu, à une réduction de prix et, en cas de dommage distinct, à des dommages et intérêts conformément à l’article L. 211-17, sans résolution du contrat.
Si le contrat comprend le transport de passagers, l’organisateur ou le détaillant fournit également au voyageur, dans les cas mentionnés aux deux précédents alinéas, le rapatriement par un moyen de transport équivalent, dans les meilleurs délais eu égard aux circonstances de l’espèce et sans frais supplémentaires pour le voyageur ».
L’article L. 211-17 du code de tourisme prévoit, en son paragraphe I, que :
« I.-Le voyageur a droit à une réduction de prix appropriée pour toute période de non-conformité des services fournis dans le cadre d’un contrat, sauf si l’organisateur ou le détaillant prouve que la non-conformité est imputable au voyageur ».
En l’espèce, il est tout d’abord acquis que le séjour linguistique à Malte de Mme [G] a été interrompu à compter du 15 mars 2020 en raison de la crise sanitaire mondiale liée à la propagation du virus de la Covid 19, laquelle a entraîné la fermeture du centre dans laquelle Mme [G] étudiait et son retour en urgence sur le territoire français.
Si la société EF indique ainsi dans ses écritures que « l’abréviation du séjour a été un évènement imprévisible lié à une pandémie planétaire dont la société EF EDUCATION a été la première victime » (page 3 de ses écritures), elle ne se prévaut toutefois pas d’une éventuelle force majeure caractérisée par ces circonstances et pouvant justifier une exonération de sa responsabilité, ne concluant d’ailleurs pas dans son dispositif au rejet global des demandes de Mme [G].
La société EF se prévaut en revanche d’une proposition de services alternatifs au séjour initial, à savoir un suivi de cours en ligne ou de reprise du cursus souscrit dans les deux années ayant suivi celle de l’annulation du séjour.
Toutefois, il y a lieu de relever l’absence de pièce communiquée établissant la bonne transmission de ces propositions à Mme [G] ou permettant au tribunal d’apprécier la qualité de ces prestations alternatives. En outre, compte tenu de la durée du séjour devant se dérouler du 6 janvier au 5 juin 2020 et de son arrêt total dès le 15 mars 2020, il y a lieu de considérer que celui-ci a été considérablement perturbé dans son exécution, de sorte que Mme [G] était en toute hypothèse en droit de refuser, conformément au paragraphe VI de l’article précité, les alternatives proposées par la société EF et de solliciter une réduction de prix.
A cet égard, la société EF indique proposer « à titre amiable, et contrairement aux indications figurant dans ses Conditions Générales de Vente » une somme de 5.245 euros à titre d’indemnisation.
Le séjour devait se dérouler sur vingt-deux semaines et n’a pu être exécuté que sur dix semaines. Il ressort de la facture datée du 5 novembre 2019 que le coût pour ce semestre d’études était de 10.490 euros, outre 195 euros de frais d’inscription et 20 euros pour le transfert aller de l’aéroport jusqu’à l’école ou l’hébergement. Le reste des sommes facturées correspond au matériel pédagogique devant être remis à Mme [G] (340 euros) – prestation supplémentaire objet d’une demande séparée de Mme [G] – et à une assurance maladie/rapatriement relevant d’un autre prestataire, la société Erika Insurance Ltd (400 euros), dont il n’y a donc pas lieu de tenir compte au titre du prix du séjour lui-même.
Au vu de ces éléments et en l’absence de plus amples moyens des parties, il sera retenu une réduction du prix de 5.352,50 euros.
En outre, pour la partie exécutée du séjour, il ressort des clichés produits par Mme [G], non contestés en défense, et de sa réclamation adressée dès le mois de janvier 2020 qu’elle a été logée dans des chambres accueillant plus de deux étudiants, soit dans des conditions non conformes aux stipulations du contrat prévoyant un logement « en chambre double chez l’habitant », et que ne lui a pas été fourni l’ensemble des repas au titre des « demi-pension la semaine et pension complète le week-end » convenues au forfait souscrit.
La société EF n’oppose aucune réponse à ces moyens et il est au contraire mentionné sur une seconde facture émise par celle-ci le 11 septembre 2020, outre un geste commercial de 600 euros au titre des repas supplémentaires, un séjour en « homeshare (colocation d’étudiants EF) » à partir du 20 janvier 2020 et jusqu’à la fin de son séjour. Il n’est pas contestable que de telles modalités de logement sont d’une qualité inférieure à celles initialement convenues.
Ces circonstances, qui caractérisent de nouveaux manquements de l’organisateur du séjour à ses obligations, justifient une réduction supplémentaire du prix.
En conséquence, la société EF sera condamnée à rembourser à Mme [G] la somme de 5.500 euros au titre des différentes non-conformités ayant affecté son séjour.
Sur le remboursement des repas inclus dans le forfait
Conformément à l’article L. 211-17 du code de tourisme, pris en son paragraphe II, « II.-Le voyageur a droit à des dommages et intérêts de la part de l’organisateur ou du détaillant pour tout préjudice subi en raison de la non-conformité des services fournis. L’indemnisation est effectuée dans les meilleurs délais ».
En l’occurrence, il ressort de la facture du 5 novembre 2019 que Mme [G] devait bénéficier d’une « demi-pension la semaine et pension complète le weekend » sur toute la durée de son séjour.
Aux termes de ses écritures, la société EF ne conteste pas la somme de 600 euros que Mme [G] déclare avoir déboursée pour pallier le manquement de l’organisateur du séjour aux obligations convenues. Cette somme constitue ainsi un préjudice matériel en lien avec ledit manquement.
La société EF sera en conséquence condamnée à payer à Mme [G] la somme de 600 euros à ce titre.
Sur le remboursement des frais médicaux acquittés
Ainsi que précédemment rappelé, si Mme [G] a souscrit par l’intermédiaire de la société EF et en prévision de son séjour une assurance santé, il résulte des conditions générales de vente produites par les parties que les prestations devaient être servies par la société Erika Insurance Ltd. Rien n’établit alors que la société EF devrait être, en lieu et place de cette dernière société, débitrice d’une quelconque obligation de remboursement au titre de ce contrat.
De plus, Mme [G] ne produit pas les conditions de cette assurance, notamment ses éventuelles franchises applicables, ni ne produit aucune pièce justifiant le montant de 30 euros qu’elle indique avoir déboursé en lien avec cette assurance.
Dans ces circonstances, sa demande sera rejetée.
Sur le remboursement du coût du billet d’avion
Il ressort de la comparaison du devis initialement proposé à Mme [G] et de la facture du 5 novembre 2019 qu’a été exclue du forfait une prestation pour « vol A/R soumis à conditions ». Il s’en déduit le choix de Mme [G] d’assumer pleinement le coût de ses voyages aller et retour entre la France et Malte.
Elle ne peut alors pas imputer à la société EF les circonstances de son retour, naturellement précipitées en raison des mesures de confinement prises en réponse à la propagation de la Covid 19. Il n’est pas non plus justifié d’une mauvaise organisation de la part de la société EF lors de la fin du séjour susceptible d’avoir entravé ou retardé Mme [G] dans ses démarches, ni d’une aide spécifique sollicitée par celle-ci et restée sans réponse de la part de la défenderesse.
En conséquence, Mme [G], échouant à rapporter un manquement de la société EF à ses obligations en lien avec la fin de son séjour et son retour vers la France, sera déboutée de sa demande à ce titre.
Sur le remboursement du matériel pédagogique non fourni
Ainsi que précédemment évoqué, les éléments contractuels produits justifient que Mme [G] s’est acquittée d’une somme complémentaire de 340 euros au titre d’un « matériel pédagogique », dont elle conteste la remise. Cette mention rejoint les précisions données aux conditions générales de la société EF : « les manuels de cours EfektaTM sont en supplément au prix défini ci-après ».
Conformément à l’article 1353 du code civil, « Celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.
Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l’extinction de son obligation ».
La société EF expose que le matériel pédagogique a été remis à Mme [G] en début de séjour, mais ne verse toutefois aucune preuve au soutien de cette affirmation. Si elle souligne que la demanderesse n’avait jamais mentionné cette absence avant son retour en France, il ne saurait en être déduit une quelconque preuve de l’exécution de son obligation d’autant que, s’agissant d’une prestation en supplément du séjour d’études, rien n’établit la nécessité pour chaque étudiant de disposer de ce matériel pour suivre les cours dispensés dès leur arrivée.
En conséquence, la société EF sera condamnée à payer à Mme [G] la somme de 340 euros à titre de remboursement de cette prestation non exécutée.
Sur la demande au titre d’un préjudice moral
Ainsi que précédemment exposé, aux termes de l’article L. 211-17 du code de tourisme, Mme [G] est en droit de solliciter des dommages et intérêts de la part de l’organisateur pour tout préjudice subi en raison de la non-conformité des services fournis.
Il ressort des pièces communiquées et il n’est pas contesté par la société EF que, durant le temps limité du séjour, Mme [G] a été contrainte de changer à quatre reprises d’hébergements du fait de leurs conditions non conformes au contrat ou de leur éloignement important par rapport à son école, outre qu’elle a dû engager des sommes complémentaires non nécessairement prévues en raison des repas non fournis par ses familles d’accueil.
Ces circonstances ont légitimement été une source d’inquiétudes et de tracasseries pour Mme [G], alors jeune majeure et qui entendait se focaliser sur l’apprentissage de la langue anglaise. Elle indiquait ainsi dans une évaluation intermédiaire de la qualité de son séjour que celui-ci était « assez satisfaisant, je m’attendais tout de même à mieux par rapport aux familles d’accueils, à mon arrivé à Malte. Je suis maintenant heureuse d’être en Guest House ».
En revanche et pour les motifs précédemment retenus, la société EF ne peut être tenue responsable des circonstances et conditions du retour de Mme [G] vers la France.
Au vu de ces éléments, il lui sera alloué la somme de 500 euros à titre de réparation de son préjudice moral.
Sur les autres demandes
La société EF, succombant, sera condamnée aux dépens de l’instance.
Il convient, en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, de mettre à sa charge une partie des frais non compris dans les dépens et exposés par Mme [G] à l’occasion de la présente instance. Elle sera ainsi condamnée à lui payer la somme de 2.000 euros à ce titre.
L’exécution provisoire est, en vertu des articles 514-1 à 514-6 du code de procédure civile issus du décret 2019-1333 du 11 décembre 2019, de droit pour les instances introduites comme en l’espèce à compter du 1er janvier 2020. Il n’y a pas lieu de l’écarter.
Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire, en premier ressort et par mise à disposition au greffe,
Condamne la SARL EF Education à payer à Mme [V] [G] la somme de 5.500 euros à titre de remboursement partiel du prix du contrat de séjour FRR1040304,
Condamne la SARL EF Education à payer à Mme [V] [G] la somme de 340 euros à titre de remboursement de la prestation supplémentaire prévue au contrat FRR1040304,
Condamne la SARL EF Education à payer à Mme [V] [G] la somme de 600 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice matériel,
Condamne la SARL EF Education à payer à Mme [V] [G] la somme de 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
Déboute Mme [V] [G] de sa demande en remboursement de frais de santé,
Déboute Mme [V] [G] de sa demande en remboursement du billet d’avion pour son retour en France,
Condamne la SARL EF Education à payer à Mme [V] [G] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la SARL EF Education aux dépens,
Rejette toute autre demande plus ample ou contraire des parties,
Rappelle que le présent jugement est, de droit, exécutoire par provision.
Fait et jugé à Paris le 30 Janvier 2024.
Le GreffierPour la Présidente empêchée
Nadia SHAKIPierre CHAFFENET