Clause attributive de compétence : 9 juillet 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10707

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Clause attributive de compétence : 9 juillet 2020 Cour d’appel de Paris RG n° 19/10707
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RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 5

ARRÊT DU 09 JUILLET 2020

(n° , 12 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 19/10707 – N° Portalis 35L7-V-B7D-CAAEA

Décision déférée à la cour : jugement du 16 mai 2019 -tribunal de commerce de PARIS 04 – RG n° 2017068629 – appel sur la compétence

APPELANTE

SOCIÉTÉ GEOLAM MANAGEMENT GMBH, société de droit suisse

Ayant son siège social [Adresse 4]

[Adresse 3])

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477

Ayant pour avocat plaidant Me Jean-Dominique TOURAILLE, avocat au barreau de PARIS, toque : P445

INTIMÉE

SAS DISTRIBUTION MATERIAUX BOIS PANNEAUX (D.M.B.P)

Ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]

N° SIRET : 508 102 159

Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Représentée par Me Frédéric LALLEMENT de la SELARL BDL Avocats, avocat au barreau de PARIS, toque : P0480

Ayant pour avocat plaidant Me Marc PICHON DE BURY, avocat au barreau de PARIS, toque : D1740

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 16 janvier 2020, en audience publique, devant la cour composée de :

Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente

Mme Christine SOUDRY, conseillère, chargée du rapport

Mme Camille LIGNIERES, conseillère

qui en ont délibéré,

Greffière, lors des débats : Mme Hortense VITELA-GASPAR

ARRÊT :

– contradictoire

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Mme Marie-Annick PRIGENT, présidente et par Mme Hortense VITELA-GASPAR, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS ET PROCÉDURE :

La société Geolam Management (ci-après société Geolam) est une société de droit suisse domiciliée en suisse spécialisée dans la fabrication de matériaux en bois composite et hybride. Elle a fait l’acquisition le 10 février 2012 du fonds de commerce de la société Géobois.

La société Distribution Matériaux Bois Panneaux ‘ D.M.B.P. (ci-après société DMBP) a une activité de distribution de matériaux de construction. Elle exerce notamment sous l’enseigne Dispano.

La société DMBP s’est approvisionnée en lames de terrasse en bois en vue de leur revente auprès de ses propres clients, particuliers et professionnels, d’abord auprès de la société Géobois puis auprès de la société Geolam.

Le 24 janvier 2012, la société Geolam et la société DMBP ont conclu un contrat-cadre annuel régional prévoyant une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de commerce de Paris.

Ce contrat a été suivi d’autres accords dénommés « accords commerciaux », conclus le 27 février 2013, le 5 février 2014 et le 20 janvier 2015, contenant également une clause attributive de juridiction au profit du tribunal de commerce de Paris.

Ayant reçu de nombreuses réclamations de ses clients se plaignant de la défectuosité des lames fournies, la société DMBP a, par acte d’huissier du 3 novembre 2017, assigné la société Geolam devant le tribunal de commerce de Paris en vue de voir engager sa responsabilité.

La société Geolam a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Paris au profit des juridictions suisses.

Par jugement du 16 mai 2019, le tribunal de commerce de Paris a :

-dit recevable, mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Geolam, l’en a déboutée et s’est déclaré compétent ;

-renvoyé les parties à l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire du 19 juin 2019 à 9H30 ;

-enjoint à la société de droit suisse Geolam de conclure au fond pour cette audience ;

-renvoyé les parties à la première audience du juge chargé d’instruire l’affaire de septembre 2019, pour plaidoiries sur le fond ;

-dit que tout manquement à ce calendrier par l’une des parties serait sanctionné par une amende civile de 3.000 euros ;

-condamné la société Geolam à payer à la société DMBP la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

-condamné la société Geolam aux dépens qui seront liquidés avec le jugement définitif.

Par déclaration du 17 juin 2019, la société Geolam a interjeté appel de ce jugement, en ce qu’il a :

-dit recevable, mais mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Geolam, l’en a déboutée et s’est déclaré compétent ;

-renvoyé les parties à l’audience du juge chargé d’instruire l’affaire du 19 juin 2019 à 9H30 ;

-enjoint à la société Geolam de conclure au fond pour cette audience ;

-renvoyé les parties à la première audience du juge chargé d’instruire l’affaire de septembre 2019, pour plaidoiries sur le fond ;

-dit que tout manquement à ce calendrier par l’une des parties serait sanctionné par une amende civile de 3.000 euros ;

-condamné la société Geolam à payer à la société DMBP la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens ;

-condamné la société Geolam aux dépens qui seront liquidés avec le jugement définitif.

Par requête du 17 juin 2019, la société Geolam a saisi le premier président de la cour d’une requête afin d’être autorisée à assigner à jour fixe.

Par ordonnance du 26 juillet 2019, il a été fait droit à cette requête.

Par acte d’huissier de justice du 8 août 2019, la société Geolam a assigné la société DMBP à comparaître devant la cour d’appel de Paris le 16 janvier 2020.

***

Prétentions et moyens des parties :

Dans ses dernières conclusions du 13 janvier 2020, la société Geolam demande à la cour de :

Vu les articles 9, 42, 75 et suivants, et 80 du code de procédure civile,

Vu les dispositions de la convention de Lugano,

-confirmer le jugement statuant sur la compétence du 16 mai 2019 en ce qu’il a déclaré recevable l’exception d’incompétence qu’elle a soulevée ;

-infirmer ledit jugement pour le surplus;

En conséquence et statuant à nouveau,

-déclarer le tribunal de commerce de Paris incompétent pour statuer sur l’ensemble des demandes formulées par la société DMBP à son encontre aux termes de son assignation du 3 novembre 2017 ;

-renvoyer la société DMBP à mieux se pourvoir devant la juridiction suisse compétente ;

En tout état de cause,

-condamner la société DMBP à lui verser la somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

-condamner la société DMBP aux entiers dépens.

La société Geolam Mangement invoque la compétence des juridictions suisses.

Elle prétend tout d’abord que pour les commandes et livraisons antérieures au 24 janvier 2012, la compétence des juridictions suisses ressort des dispositions de l’article 2.1 de la convention de Lugano qui prévoient la compétence de la juridiction dans le ressort de laquelle se trouve le domicile du défendeur. Elle observe que contrairement à ce qu’a décidé le tribunal de commerce de Paris, celui-ci ne pouvait retenir sa compétence alors qu’aucune des livraisons n’a eu lieu dans son ressort.

Ensuite elle se prévaut de l’article 10 de ses conditions générales de vente acceptées par la société DMBP le 27 février 2012 et qui prévoient la compétence des tribunaux suisses. Elle affirme que la société DMBP a expressément accepté la primauté desdites conditions générales.

Elle soutient ainsi que la clause attributive de compétence stipulée dans les contrats conclus le 24 janvier 2012, le 27 février 2013 et le 5 février 2014 est écartée par les dispositions de ses conditions générales qui prévalent.

Elle ajoute que la volonté des parties de faire prévaloir les conditions générales de la société Geolam sur tout autre accord a été confirmée par le retrait des termes « par dérogation (aux conditions générales de vente du fournisseur) » dans l’accord commercial du 20 janvier 2015. Elle fait valoir que la prééminence de ses conditions générales a encore été confirmée par l’acceptation de ses nouvelles conditions générales par la société DMBP le 2 mars 2015.

Enfin elle se prévaut de l’autorité de la chose jugée attachée à la décision du tribunal fédéral suisse du 26 juillet 2019 qui aurait définitivement tranché en faveur de la compétence des juridictions suisses pour connaître des réclamations nées de ventes réalisées postérieurement au 20 janvier 2015.

En tout état de cause, elle prétend qu’il n’existe aucune indivisibilité ni connexité quant aux réclamations portées par les clients de la société DMBP.

Dans ses dernières conclusions du 15 janvier 2020, la société DMBP demande à la cour de:

Vu les articles 1134 (ancien), 1156 (ancien), 1603, 1641 et 1382 (ancien) du code civil,

-confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Paris le 16 mai 2019 en ce qu’il a :

‘dit mal fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Geolam, l’en a déboutée et s’est déclaré compétent ;

‘condamné la société Geolam à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

En conséquence,

-renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Paris pour qu’il soit jugé sur le fond;

-condamner la société Geolam à lui payer la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour soutenir que le tribunal de commerce de Paris est compétent, la société DMBP invoque les clauses attributives de compétence contenues dans le contrat cadre du 24 janvier 2012 ainsi que dans les accords commerciaux du 27 février 2013, 5 février 2014 et 20 janvier 2015. Elle soutient que ces contrats indiquent que leurs dispositions dérogent aux conditions générales de vente du fournisseur. Elle ajoute que dans des accords ultérieurs conclus avec la société Geolam, les parties ont manifesté la volonté que leurs litiges soient soumis au tribunal de commerce de Paris.

En ce qui concerne les ventes conclues avant le 24 janvier 2012, elle fait valoir l’existence d’un lien étroit avec les autres ventes conclues postérieurement de sorte que les litiges afférents à ces ventes devraient être jugés ensemble. Elle invoque ainsi l’indivisibilité des litiges relatifs à ces ventes.

Elle invoque également un lien de rattachement évident avec la France (lieu d’exécution de l’obligation, lieu de matérialisation du dommage…) qui justifierait la compétence des juridictions françaises.

En tout état de cause, elle se prévaut des dispositions de l’article 5.1 b) de la convention de Lugano ainsi que des dispositions de l’article 46 du code de procédure civile en vertu desquelles le tribunal compétent serait celui du lieu de la livraison effective de la chose. Or elle prétend que les livraisons relatives aux ventes litigieuses ont toutes eu lieu en France, ce qui justifierait la compétence du tribunal de commerce de Paris.

La cour renvoie, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, à la décision déférée et aux écritures susvisées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

***

MOTIFS

Sur la compétence

Le litige soumis au tribunal de commerce de Paris concerne l’exécution de contrats de vente portant sur des lames de terrasse en bois conclus entre la société DMBP d’une part, et la société Geolam ou la société Geobois, dont la société Geolam aurait repris les engagements, d’autre part.

Dès lors que le litige met en cause une société domiciliée en France et une société domiciliée en Suisse, il y a lieu de faire application des dispositions de la convention concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale conclue à Lugano le 30 octobre 2007 (Convention de Lugano)

En vertu de l’article 2.1 de cette convention, « Sous réserve des dispositions de la présente Convention, les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat lié par la présente Convention sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat. »

Toutefois l’article 5 de la même convention prévoit que: ‘Une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat lié par la présente Convention peut être attraite, dans un autre Etat lié par la présente convention :

1. a) en matière contractuelle, devant le tribunal du lieu où l’obligation qui sert de base à la demande a été ou doit être exécutée (‘)’.

En outre, l’article 23 1. de cette convention précise que : « Si les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un Etat lié par la présente Convention, sont convenues d’un tribunal ou de tribunaux d’un Etat lié par la présente Convention pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ce tribunal ou les tribunaux de cet Etat sont compétents. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties. Cette convention attributive de juridiction est conclue:

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite, ou

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles, ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties avaient connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu et régulièrement observé dans ce type de commerce par les parties à des contrats du même type dans la branche commerciale considérée. »

Il ressort de ces dispositions que par principe, la compétence pour connaître du présent litige relève des juridictions suisses, juridictions du domicile du défendeur. Toutefois cette compétence peut être exclue en présence d’une clause attributive de compétence convenue entre les parties ou encore en faveur de la juridiction dans le ressort de laquelle a eu lieu la livraison des marchandises s’agissant de contrats de vente.

Sur les ventes conclues avant le 24 janvier 2012

Il n’est pas discuté que pour les ventes conclues avant le 24 janvier 2012, date du contrat cadre régional entre la société DMBP et la société Geolam, il n’existait aucune clause attributive de compétence liant les parties. Les dispositions de l’article 23 1 de la convention de Lugano sont donc inapplicables.

En outre, il sera relevé qu’aucune livraison relative aux ventes litigieuses n’a eu lieu à Paris de sorte que la compétence du tribunal de commerce de Paris ne peut être fondée sur l’article 5 1 a) de la convention de Lugano.

Enfin il convient d’observer que contrairement à ce que soutient la société DMBP, l’indivisibilité du litige n’est pas un critère de regroupement des litiges devant la même juridiction selon la convention de Lugano. Cette convention n’envisage que le cas de demandes connexes, c’est à dire, selon l’article 28.3, des demandes liées entre elles par un rapport si étroit qu’il y a intérêt à les instruire et à les juger en même temps afin d’éviter des solutions qui pourraient être inconciliables si les causes étaient jugées séparément. Toutefois les conditions de mise en oeuvre de l’article 28 de la convention ne sont pas réunies dès lors qu’il n’y a aucun risque de contrariété de décisions. En effet, chaque vente doit être envisagée isolément.

Dès lors, la compétence pour connaître des litiges liés aux ventes conclues avant le 24 janvier 2012 relève des juridictions suisses, juridictions dans l’Etat duquel est domicilié le défendeur.

Le jugement entrepris sera donc infirmé en ce qu’il a retenu sa compétence sur ce point et les parties seront invitées à mieux se pourvoir.

Sur les ventes conclues après le 24 janvier 2012

Les parties revendiquent chacune l’application de clauses attributives de compétence distinctes. Les dispositions de l’article 23 1 de la convention de Lugano sont donc applicables. Il conviendra en conséquence de vérifier les conditions d’application desdites clauses attributives de compétence et leur articulation entre elles.

Le 24 janvier 2012, la société DMBP et la société Geolam ont conclu un contrat dénommé « contrat cadre annuel régional ». Ce contrat prévoit en son article 1er, intitulé « Objet », que : « En application de l’article L. 441-7 du Code de commerce, les Parties sont convenues que le présent contrat-cadre et l’ensemble des conventions désignées ci-dessous, ci après désignés par « le Contrat », traduisent l’intégralité de la négociation commerciale intervenue à ce jour entre le Fournisseur et la Société.

Ces conventions constituent des contrats d’application au contrat-cadre pouvant être établis entre la Société et le Fournisseur. Ces conventions sont les suivantes :

Conditions logistiques et d’approvisionnement qui constituent les conditions particulières auxquelles sont référencés, achetés et livrés et/ou mis à disposition les produits du Fournisseur. Elles complètent les conditions générales de vente du Fournisseur.

L’accord commercial résultant de la négociation commerciale menée entre le Fournisseur et la société, qui définit les conditions de l’opération de vente des produits, ainsi que les prestations de services rendues par la Société destinées à favoriser la commercialisation des produits et la relation commerciale entre les Parties, au sens de l’article L 441-7-I-2° du Code de commerce. »

Ainsi les parties ont, conformément aux dispositions de l’article L 441-7 du code de commerce alors applicables, entendu régir leurs relations par un contrat cadre et deux contrats d’application à ce contrat cadre : les conditions logistiques et d’approvisionnement d’une part, et l’accord commercial d’autre part ; cet ensemble contractuel étant désigné dans la suite des articles du contrat cadre sous les termes « Contrat ».

L’article 8 du contrat cadre prévoit que: « Le Contrat est régi par la loi française. POUR TOUT LITIGE SUSCEPTIBLE DE S’ELEVER ENTRE LES PARTIES QUANT A LA FORMATION, L’EXECUTION, L’INTERPRETATION OU LES SUITES DU CONTRAT-CADRE, LE TRIBUNAL DE COMMERCE DE PARIS SERA SEUL COMPETENT, NONOBSTANT PLURALITE DE DEFENDEURS ET/OU APPEL EN GARANTIE, MEME POUR LES PROCEDURES D’URGENCE OU LES PROCEDURES CONSERVATOIRES EN REFERE OU PAR REQUETE. »

La société Geolam prétend que cette clause attributive de compétence a été écartée d’un commun accord par les parties au profit de ses conditions générales de vente qui prévoient la compétence des tribunaux suisses ainsi qu’il résulte d’un échange de correspondances des 20 et 22 février 2012 et de la signature des conditions générales de vente par la société DMBP le 27 février 2012. La société DMBP conteste cette interprétation des faits.

Par courriel du 20 février 2012, la société Geolam (Manuel Garcia) a indiqué à la société DMBP ([Z] [B]) : « Faisons suite à nos échanges et votre courrier daté du 24/01/2012, je vous retourne les documents suivants signés et paraphés :

Accord commercial régional (2 ex)

Contrat cadre annuel régional (2 ex)

Par contre je ne peux souscrire aux conditions logistiques d’approvisionnement proposées et qui concernent la livraison de bois naturels. Elles ne sont tout simplement pas adaptées au commerce de nos produits.

Comme l’année passée, en prorogation de nos accords, il me serait agréable que nos conditions générales priment et que vous me retourniez le document joint signé par votre Direction Commerciale. »

Par lettre en réponse du 22 février 2012, ayant pour objet: « Contrat GEOLAM Gmbh ‘ DMBP Conditions générales des ventes DMBP et GEOLAM », la société DMBP ([Z] [B]) a indiqué: « Nous avons bien pris connaissance de votre mail en date du 20 février 2012 et de votre souhait de voir s’appliquer les conditions générales de vente de votre société en lieu et place de celles proposées par notre enseigne.

Notre objectif est évidemment là que chaque partie trouve une solution équitable et intelligente compte tenu de la spécificité de vos produits et du minimum de garantie obtenues de part et d’autre pour le bon déroulement des approvisionnements de marchandises en importation. Le paragraphe 5 de vos conditions générales de vente fait principalement l’objet du débat.

-RESPECT DES DELAIS et QUANTITES DE LIVRAISON en PRE-SAISON: en cas de non respect par Geolam des délais et lieux de livraison des produits, notre société se réserve le droit de résilier totalement ou partiellement la commande en cours ou les commandes à venir selon les échéanciers prévus.

Tout retard ou défaut de livraison de pré-saison doit être porté à notre connaissance par courrier (le mail n’est pas suffisant) et pour l’agence et pour le responsable du marché; notre responsabilité est engagée auprès de nos clients sur le respect des délais et la promesse de disponibilité. Un délai minimal de deux mois doit être respecté. Nous nous engageons à vous répondre sous 10 jours ouvrés. Passé ce délai et sans réponse de notre part, la commande sera considérée comme acceptée.

COTATIONS PRE-SAISONS et PRIX:

La particularité de vos produits tient à leur saisonnalité; les approvisionnements et leurs ventes sur une période plus courte que l’exercice annuel de 12 mois nécessitent le respect mutuel des accords conclus sur les délais de livraison ‘ voir paragraphe précédent- et le maintien des prix dits de pré-saison.

Les quantités de produits commandées DIRECT FABRICANT en PRE-SAISON ‘ période de Septembre à Novembre de chaque année ‘ le sont sur la base d’un prix préétabli selon chaque profil. Ce prix est fixé sur un taux de change a minima et doit être précisé sur votre offre. La couverture sur les taux de change revient à l’importateur.

Le coût des matières premières, les diverses taxes, droits ou redevances ou tout autre frais imposés par une autorité administrative doivent être intégrés à cette offre et ne sauraient remettre en cause un engagement de présaison. Il revient à votre fabricant et à votre société de prendre la mesure de ce type de commande et de nous communiquer les bons éléments tarifaires qui nous engagent ‘ catalogue compris ‘ sur plus de la moitié de l’exercice suivant.

Il en sera différemment pour les produits :

au départ de votre stock de [Localité 7] pour les approvisionnements hors période de pré-saison ou une fois le volume de pré-saison épuisé,

à destination du CIBM ([Localité 5] ou [Localité 6]) hors période de pré-saison ou une fois le volume de pré-saison épuisé.

Un tarif reprenant vos conditions générales de vente trouvera alors toute sa justification.

PRIX ACCEPTE et LIVRAISON:

Toute marchandise qui ne pourrait être délivrée au prix convenu doit être signalée à l’acheteur ou l’agence concernée. A l’acceptation de celui-ci, vous pourrez procéder à la livraison. Il ne saurait être question de recevoir de la marchandise à un prix non convenu entre les parties et de subir des coûts de transports aller et retour.

MODALITES DE PAIEMENTS ‘ Votre paragraphe § 1

Il n’y a pas d’acompte à verser sur nos commandes. Nos conditions de règlement sont à 30 jours fin de mois.

GARANTIES – Votre paragraphe § 8

« Notre garantie est limitée au 6 premiers mois d’utilisation. » Cette formulation n’est pas recevable en l’état. De quelle garantie parle-t-on’ Si votre produit peut par nature faire l’objet de dilatation, il doit conserver ses qualités premières au-delà d’un délai de 6 mois.

A redéfinir sans nul doute. »

Le 27 février 2012, [Z] [B], en sa qualité de chef de marché, a signé les conditions générales de vente de la société Geolam en indiquant « Lu et approuvé en référence à notre courrier du 20 février 2012 ».

Il ne fait pas de doute que cette mention contient une erreur matérielle en ce qu’elle vise un courrier du 20 février 2012 alors qu’il s’agit en réalité du courrier du 22 février 2012.

Contrairement à ce que soutient la société DMBP, celle-ci ne saurait se prévaloir d’un défaut de pouvoir de M. [B] pour approuver les conditions générales de vente de la société Geolam alors que ce dernier était l’interlocuteur de la société Geolam dans le cadre des négociations contractuelles. En outre, il convient de relever que les nouvelles conditions générales de ventes de la société Geolam datées de 2015 ont également été approuvées par M. [B] indiquant être dûment habilité à cet effet.

Les conditions générales de vente de la société Geolam ont ainsi été approuvées valablement par la société DMBP sous les réserves émises dans le courrier du 22 février 2012.

Or l’article 10 de ces conditions générales de vente stipule que : « Tout litige découlant des présentes conditions générales ou d’un contrat relève exclusivement de la compétence des tribunaux du domicile de la Société en Suisse. »

Et il sera observé que les réserves émises par la société DMBP à l’acceptation des conditions générales de vente de la société Geolam ne portent aucunement sur cet article.

Il convient en conséquence de rechercher comment s’articulent les conditions générales de vente et le contrat cadre annuel régional et notamment si l’article 10 desdites conditions générales de vente concernant l’élection de for a pu déroger à l’article 8 du contrat cadre.

Il sera rappelé que le contrat cadre a été conclu en application des dispositions de l’article L 441-7 du code de commerce.

En effet, le fournisseur et le distributeur sont obligés de conclure et d’établir chaque année avant le 1er mars, sous peine de sanctions pénales, une convention commerciale unique qui intègre les conditions particulières de vente, les services de coopération commerciale ainsi que tous les services distincts de ceux déjà considérés au titre de la vente ou de la commercialisation.

Selon l’article L 441-6 du code de commerce, les conditions générales de vente constituent le socle de la négociation commerciale.

Ainsi chaque fois que des conditions dérogatoires aux conditions générales de vente sont conclues, ce qui implique une négociation, ou chaque fois qu’il est convenu de services de coopération commerciale ou d’autres obligations, une convention unique doit être établie.

Il s’ensuit que la conclusion du contrat cadre du 24 janvier 2012, de l’accord commercial régional daté du même jour et l’approbation des conditions générales de vente du fournisseur le 27 février 2012 résultent de la même négociation commerciale qui devait s’achever avant le 1er mars 2012. Ainsi il ne peut être déduit de l’acceptation le 27 février 2012 des conditions générales de vente par la société DMBP, une volonté de déroger aux dispositions de contrat cadre notamment en ce qui concerne le choix du for.

Pour rechercher comment s’articulent ces deux clauses, il convient donc d’abord de s’attacher à leur champ d’application.

L’article 8 du contrat cadre s’applique à tout litige susceptible de s’élever entre les parties quant « aux suites du contrat-cadre ». Les litiges auxquels il est ainsi fait référence concernent notamment tous les litiges afférents aux ventes conclues en application dudit contrat cadre, ce qui est précisément l’objet du présent litige.

L’article 10 des conditions générales de vente s’applique à tout litige découlant « d’un contrat ». Or l’article 1 des conditions générales de ventes indique quant à lui que : « Les présentes conditions générales régissent toutes les relations commerciales entre Geolam GmbH (la Société) et un acheteur. Elles font partie intégrante de tout contrat conclu entre la Société et l’acheteur. Toute commande de produits implique l’acceptation sans réserve par l’acheteur et son adhésion pleine et entière aux présentes conditions générales de vente qui prévalent sur tout autre document de l’acheteur, sauf accord écrit préalable de la Société. (…) ». Ainsi la clause d’élection du for stipulée aux conditions générales de vente a vocation à s’appliquer à tout litige découlant d’un contrat de vente conclu avec la société Geolam, ce qui est l’objet du présent litige.

Il en ressort que les deux clauses ont le même champ d’application.

Dans ces conditions, il convient de faire primer la clause particulière résultant de l’article 8 du contrat cadre conclu entre la société DMBP et la société Geolam sur la clause générale résultant de l’article 10 des conditions générales de vente applicables à tout acheteur de la société Geolam.

En outre, il sera relevé que les parties ont par la suite réitéré, dans d’autres dispositions particulières, leur volonté de soumettre les litiges les opposant au tribunal de commerce de Paris. Ainsi les accords commerciaux conclus les 27 février 2013 et 5 février 2014 prévoient dans leur article 10 que « Pour tout litige susceptible de s’élever entre les parties quant à la formation, l’exécution, l’interprétation ou les suites de l’accord, le tribunal de commerce de Paris sera seul compétent (…) ». Les suites de l’accord comprennent en effet nécessairement les ventes conclues entre les deux sociétés.

De surcroît, les parties ont clairement exprimé, dans les accords commerciaux conclus les 27 février 2013 et 5 février 2014, leur volonté que les stipulations desdits accords dérogent aux conditions générales de vente de la société Geolam. En effet, ces accords mentionnent que : « Le présent Accord constitue les conditions particulières par lesquelles les Parties cherchent à dynamiser la commercialisation des Produits du Fournisseur, par dérogation ou en complément des conditions générales de vente du Fournisseur. »

Il en résulte que le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître des litiges afférents aux contrats de vente conclus entre la société DMBP et la société Geolam entre le 24 janvier 2012 et le 19 janvier 2015 inclus. Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a retenu sa compétence pour connaître des litiges afférents à ces ventes.

Sur les ventes conclues à partir du 20 janvier 2015

Pour revendiquer la compétence des juridictions suisses en ce qui concerne les ventes conclues à partir du 20 janvier 2015, la société Geolam se prévaut d’un amendement apporté à l’accord commercial conclu entre les parties le 20 janvier 2015.

Cet accord mentionne ainsi que : « Le présent Accord constitue les conditions particulières par lesquelles les Parties cherchent à dynamiser la commercialisation des Produits du Fournisseur, par dérogation ou en complément des conditions générales de vente du Fournisseur. »

La société Geolam soutient que les termes rayés manifestent la volonté des parties d’exclure toute possibilité de dérogation aux conditions générales de vente par l’accord commercial. Les parties auraient ainsi entendu que l’accord commercial ne vienne qu’en complément des conditions générales de vente.

Toutefois la portée de cette rature manuscrite des mots « par dérogation », qui existe sur les exemplaires des deux parties au litige, n’apparaît pas claire et la volonté des parties d’exclure toute dérogation aux conditions générales de vente par les clauses de l’accord commercial ne peut en être déduite. En effet, si l’intention des parties avait été d’attribuer aux juridictions suisses la connaissance des litiges susceptibles d’intervenir entre elles dans les suites de l’accord commercial du 20 janvier 2015 et de faire prévaloir ainsi l’article 10 des conditions générales de vente de la société Geolam, elles n’auraient pas prévu spécifiquement à l’article 10 de l’accord commercial du 20 janvier 2015 la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître de « tout litige susceptible de s’élever entre les parties quant à la formation, l’exécution, l’interprétation ou les suites de l’accord ».

Par ailleurs, aucune autorité de la chose jugée ne peut être invoquée par la société Geolam du chef de la décision du tribunal fédéral suisse en date du 26 juillet 2019 dès lors que l’objet du litige était distinct de celui soumis au tribunal de commerce de Paris et portait sur le paiement de trois commandes passées en 2015 et 2016 par la société DMBP à la société Geolam et ayant donné lieu à des livraisons en 2016.

En conséquence, le tribunal de commerce de Paris est compétent pour connaître des litiges afférents aux contrats de vente conclus entre la société DMBP et la société Geolam à compter du 20 janvier 2015.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu’il a retenu sa compétence pour ces ventes.

Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile

La société Geolam succombe partiellement à l’instance d’appel sur compétence. Les dispositions du jugement entrepris relatives aux dépens et aux frais irrépétibles seront confirmées.

La société Geolam supportera également les dépens de l’instance d’appel. Il apparaît toutefois inéquitable de faire application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les demandes de ce chef seront rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement et contradictoirement,

CONFIRME le jugement entrepris en ce qu’il a retenu la compétence du tribunal de commerce de Paris pour connaître des litiges afférents aux ventes de lames de terrasse en bois conclues entre les sociétés DMBP et Geolam à compter du 24 janvier 2012 ;

CONFIRME le jugement entrepris quant aux dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles ;

L’INFIRME pour le surplus ;

Statuant à nouveau,

INVITE les parties à mieux se pourvoir en ce qui concerne les litiges afférents aux ventes de lames de terrasse en bois entre les sociétés DMBP et Geolam conclues avant le 24 janvier 2012 ;

Y ajoutant,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société Geolam aux dépens de l’instance d’appel sur compétence.

Hortense VITELA-GASPARMarie-Annick PRIGENT

Greffière Présidente

 


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