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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE PARIS
Pôle 5 – Chambre 8
ARRÊT DU 09 DÉCEMBRE 2022
(n° / 2022, 6 pages)
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/04239 – N° Portalis 35L7-V-B7G-CFLKN
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 Février 2022 -Tribunal de Commerce d’EVRY – RG n° 2021F00667
APPELANTE
S.A.R.L. GROUPE AUDICER CONSEIL, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés audit siège en cette qualité,
Immatriculée au registre du commerce et des sociétés d’EVRY sous le numéro 793 414 699,
Dont le siège social est situé [Adresse 2]
[Localité 5]
Représentée par Me Matthieu BOCCON GIBOD de la SELARL LEXAVOUE PARIS-VERSAILLES, avocat au barreau de PARIS, toque : C2477,
Assistée de Me Augustin ROBERT de la SELARL GRAMOND & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0101,
INTIMÉES
Madame [H] [L] épouse [S]
Née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 6]
De nationalité française
Demeurant [Adresse 3]
[Localité 4]
Représentée par Me Guillaume DAUCHEL de la SELARL CABINET SEVELLEC DAUCHEL, avocat au barreau de PARIS, toque : W09,
Assistée de Me Florence MELLOT, avocate au barreau de PARIS, toque : W09,
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre, et Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère.
Ces magistrates ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Madame Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre
Madame Anne-Sophie TEXIER, conseillère.
Madame Florence DUBOIS-STEVANT, conseillère
Un rapport a été présenté à l’audience par Madame [G] [Z] dans le respect des conditions prévues à l’article 804 du code de procédure civile.
Greffier, lors des débats : Madame Liselotte FENOUIL
ARRÊT :
– Contradictoire
– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT, Présidente de chambre et par Liselotte FENOUIL, greffière, présente lors de la mise à disposition.
*
* *
FAITS ET PROCÉDURE:
Le 29 septembre 2017, la société Groupe Audicer Conseil a acquis, auprès Mme [L] épouse [S] et de M. [O] l’ensemble des parts sociales détenues dans le capital de la société AA Audits Associés Cabinet Lexenaire. Le même jour, les cédants et le cessionnaire ont signé une convention de garantie d’actif et de passif.
Le 4 décembre 2017, la société BNP-Paribas, à la demande de Mme [L] épouse [S], a accordé à la société Groupe Audicer Conseil une garantie bancaire à première demande d’un montant maximum de 125.000 euros dégressif par tranches annuelles. Cet acte contient une clause attributive de compétence aux termes de laquelle «’Le présent engagement est soumis au droit français, et tout litige ou toute contestation relatif à son application ou à son exécution sera de la compétence exclusive des tribunaux de Paris’».
Le 6 mai 2020, la société Groupe Audicer Conseil a notifié à Mme [L] épouse [S] la mise en jeu de la garantie d’actif et de passif.
Puis, le 30 juin 2021, la société Groupe Audicer Conseil a notifié à la BNP-Paribas la mise en jeu de la garantie bancaire à première demande et a fait assigner en référé la BNP-Paribas pour obtenir le paiement de la somme de 75.’000 euros au titre de la garantie bancaire à première demande. La société BNP-Paribas s’est exécutée avant l’audience de référé.
Par assignation du 3 septembre 2021, Mme [L] épouse [S] a attrait la société Groupe Audicer Conseil devant le tribunal de commerce d’Evry en demandant au tribunal de dire irrecevable la société Groupe Audicer Conseil à mettre en oeuvre la convention de garantie et la garantie bancaire de BNP Paribas.
La société Groupe Audicer Conseil a soulevé une exception d’incompétence du tribunal de commerce d’Evry au motif que la convention de garantie bancaire à première demande, sur laquelle porte une partie des demandes de Mme [L] épouse [S], attribue compétence exclusive au tribunal de commerce de Paris pour connaître de tous litiges portant sur son application et son exécution.
Par jugement du 22 février 2022, le tribunal de commerce d’Evry a débouté la société Groupe Audicer Conseil de son exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris et s’est déclaré compétent pour connaître du litige.
Pour statuer ainsi le tribunal a retenu que le défendeur à l’instance était une société commerciale située dans le ressort du tribunal de commerce d’Evry, que la garantie bancaire consentie par la BNP Paribas est un contrat unilatéral, que la clause attributive de compétence qu’il contient ne peut être excipée que par son signataire, la BNP Paribas, laquelle n’est pas partie à l’instance, que ni Mme [L] épouse épouse [S], ni la société Groupe Audicer Conseil ne sont parties à ce contrat, qui ne fait l’objet d’aucune demande dans le cadre de cette instance.
La société Groupe Audicer Conseil a relevé appel de ce jugement par déclaration du 10 mars 2022, en intimant Mme [L] épouse [S].
Après y avoir été autorisée par ordonnance du 18 mars 2022, la société Groupe Audicer Conseil a, par acte du 31 mars 2022, fait assigner à jours fixe Mme [L] épouse [S] pour plaider l’appel à l’audience du 27 septembre 2022.
Dans ses dernières conclusions (n°’2), déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 23’septembre 2022, la société Groupe Audicer Conseil demande à la cour de :
– Infirmer le jugement en qu’il a l’a déclarée mal fondée en son exception d’incompétence, l’a déboutée de son exception d’incompétence et en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître du litige,
– Statuant à nouveau, juger que le tribunal de commerce d’Evry est incompétent pour connaître des demandes de Mme [L] épouse [S] relatives à la garantie bancaire à première demande consentie par BNP-Paribas, en conséquence, renvoyer les demandes de Mme [L] épouse [S] relatives à la garantie bancaire à première demande au tribunal de commerce de Paris, exclusivement compétent, condamner Mme [L] épouse [S] à lui payer la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
Par dernières conclusions d’intimé, déposées au greffe et notifiées par voie électronique le 14’septembre 2022, Mme [L] [S] demande à la cour de :
– confirmer en tout point le jugement du 22 février 2022 aux termes duquel le tribunal de commerce d’Evry s’est déclaré compétent pour trancher le litige portant sur la convention de garantie personnelle souscrite par Mme [L] épouse [S] au profit de la société Groupe Audicer Conseil, débouter la société Groupe Audicer Conseil de l’ensemble de ses demandes, et la condamner à lui verser la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Groupe Audicer Conseil aux entiers dépens avec recouvrement direct en application de l’article 699 du code de procédure civile.
SUR CE,
Il sera liminairement relevé que l’exception d’incompétence territoriale n’est soulevée par la société Groupe Audicer Conseil qu’à l’égard des prétentions de Mme [L] épouse [S] relatives à la garantie bancaire à première demande.
La société Groupe Audicer Conseil soutient que les demandes de Mme [L] épouse [S] ne se limitent pas à la garantie d’actif et de passif, mais portent également sur la garantie bancaire à première demande consentie le 4 décembre 2017 par la BNP Paribas et que ces dernières ne relèvent pas de la compétence territoriale du tribunal de commerce d’Evry, mais de celle du tribunal de commerce de Paris en vertu de la clause attributive de compétence figurant dans la garantie bancaire. Elle fait valoir que si un lien existe entre la garantie d’actif et de passif et la garantie bancaire à première demande, cette dernière présente néanmoins un caractère indépendant, la banque garante ne pouvant invoquer les exceptions et les contestations que le donneur d’ordre, Mme [L] épouse [S], pourrait opposer au bénéficiaire, dans le cadre de la garantie d’actif et de passif.
Mme [L] épouse [S] réplique que la clause attributive de juridiction contenue dans l’acte de garantie à première demande ne trouve pas à s’appliquer dès lors que le litige opposant les parties porte sur la mise en oeuvre de la convention de garantie d’actif et de passif et qu’aucun contentieux ne les oppose à la banque BNP-Paribas au sujet de la garantie à première demande. Elle fait valoir que la garantie bancaire présente un caractère accessoire à la convention de garantie d’actif et de passif et n’a vocation à s’appliquer que si celle-ci est jugée applicable aux demandes d’indemnisation formées par le cessionnaire. Elle en déduit que l’instance ne concernant que la mise en ‘uvre de la convention de garantie principale, le tribunal de commerce d’Evry est exclusivement compétent.
Dans le dispositif de son assignation saisissant le tribunal de commerce d’Evry, Mme [L] épouse [S] demande au tribunal de :
– déclarer irrecevable car forclose la société Groupe Audicer Conseil à mettre en ‘uvre la convention de garantie et la garantie bancaire BNP-Paribas plus de 9 mois après sa date d’expiration le 29 septembre 2020, en ce qui concerne le licenciement de Mme [R] et la réclamation alléguée du client Esifer,
-déclarer irrecevable la société Groupe Audicer Conseil à mettre en ‘uvre la convention de garantie et la garantie bancaire BNP-Paribas au sujet des prétendues réclamations de la SCI Gopamina, faute de respect des conditions de mise en ‘uvre desdites garanties ;
– dire et juger que la société Groupe Audicer Conseil ne remplit pas les conditions de mise en ‘uvre de la convention de garantie et de la garantie bancaire BNP Paribas au sujet des prétendues réclamations de la SCI Gopamina (‘).
Il résulte de ce dispositif que le litige porte sur la recevabilité de la mise en oeuvre tant de la garantie d’actif et de passif que de la garantie bancaire à première demande, quand bien même la BNP Paribas n’a pas été attraite à l’instance.
La garantie bancaire consentie le 4 décembre 2017 par la société BNP-Paribas comporte une clause attributive de compétence ainsi libellée « le présent engagement est soumis au droit français, et tout litige ou toute contestation relatif à son application ou à son exécution sera de la compétence exclusive des Tribunaux de Paris ».
Conformément à l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. En l’espèce, la régularité de cette clause n’est pas discutée.
Si la garantie bancaire à première demande a été consentie par la BNP Paribas au profit du cessionnaire pour garantir les engagements pris par le cédant dans la convention de garantie d’actif et de passif, elle n’en est pas moins pour autant autonome quant à sa mise en oeuvre. En effet, la banque s’est engagée irrévocablement et inconditionnellement à payer au bénéficiaire, dans la limite de la somme maximum de 125.000 euros, toutes sommes que le bénéficiaire lui réclamera sans pouvoir différer le paiement ou soulever des contestations pour quelque motif que ce soit, la mise en oeuvre de cette garantie à première demande étant seulement subordonnée au respect d’un formalisme (lettre recommandée/ certification par le bénéficiaire de ce que le donneur d’ordre a manqué à ses obligations au titre de la garantie d’actif et de passif).
La garantie d’actif et de passif et la garantie bancaire à première demande sont deux conventions distinctes dans lesquelles le garant n’est pas le même et qui répondent à des conditions de mise en oeuvre spécifiques. La garantie bancaire à première demande peut être activée par le cessionnaire simplement en respectant le formalisme prévu à l’acte, quand bien même il existe un désaccord avec le cédant sur l’application de la garantie d’actif et de passif.
En vertu de la clause attributive de compétence figurant dans la garantie bancaire, clause que la société Groupe Audicer Conseil, en sa qualité de bénéficiaire de la garantie est en droit d’invoquer, les ‘Tribunaux de Paris’ sont compétents pour connaître d’un litige ou d’une contestation relatif à l’application ou à l’exécution de la garantie bancaire à première demande. Il n’est pas contesté que le litige relève de la compétence de la juridiction commerciale, seule la compétence territoriale étant discutée. Il s’ensuit que la société Groupe Audicer Conseil est fondée en son exception d’incompétence du tribunal de commerce d’Evry au profit du tribunal de commerce de Paris.
La cour, statuant à nouveau, dira le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître des demandes de Mme [L] épouse [S] relatives à la garantie bancaire à première demande. Le jugement sera infirmé en ce sens.
L’équité ne commande pas de faire application de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Groupe Audicer Conseil étant fondée en son exception d’incompétence, les dépens de l’appel seront laissés à la charge de Mme [L] épouse [S].
PAR CES MOTIFS,
Infirme le jugement en ce qu’il a dit la société Groupe Audicer Conseil mal fondée en son exception d’incompétence, l’en a déboutée et a dit le tribunal de commerce d’Evry compétent pour connaître du présent litige, le confirme pour le surplus,
Statuant à nouveau’ des chefs infirmés et y ajoutant,
Déclare la société Groupe Audicer Conseil fondée en son exception d’incompétence,
Déclare le tribunal de commerce d’Evry incompétent pour connaître des demandes de Mme [L] épouse [S] relatives à la garantie bancaire à première demande consentie par BNP-Paribas, et dit le tribunal de commerce de Paris compétent pour en connaitre,
Ordonne le renvoi des demandes de Mme [L] épouse [S] relatives à la garantie bancaire à première demande au tribunal de commerce de Paris,
Dit n’y avoir lieu à condamnation au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne Mme [L] épouse [S] aux dépens de l’appel.
La greffière,
Liselotte FENOUIL
La Présidente,
Marie-Christine HÉBERT-PAGEOT