Clause attributive de compétence : 8 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04252

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Clause attributive de compétence : 8 juin 2022 Cour d’appel de Paris RG n° 20/04252
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REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 5 – Chambre 6

ARRET DU 08 JUIN 2022

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 20/04252 – N° Portalis 35L7-V-B7E-CBSPW

Décision déférée à la Cour : Jugement du 07 Janvier 2020 -Tribunal de Commerce d’EVRY RG n° 2019F00494

APPELANTE

Madame [D] [H] épouse [Y]

née le 12 Décembre 1972 à SALIES DE BEARN

11 rue des Petites Roches

85600 MONTAIGU

Représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034

INTIMEES

SA MOULINS SOUFFLET

agissant poursuites et diligences de son Directeur Général y domicilié en cette qualité

7, Quai de l’Apport Paris

91100 CORBEIL ESSONNNES

N° SIRET : B 5 43. 780 .449

Représentée par Me Vincent RIBAUT de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L0010 avocat postulant ayant pour avocat plaidant Me Laurent POUGET

SARL [Y] HOLDING

prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité audit siège

2 place Camille Bouvet

40100 DAX

N° SIRET : 751 .92 4.5 23

DÉFAILLANTE ( signification de la déclaration d’appel en date du 28 Août 2020 converti en procès- verbal de recherches conformément à l’article 659 du Code de Procédure Civile)

COMPOSITION DE LA COUR :

L’affaire a été débattue le 11 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

M. Marc BAILLY, Président de chambre

Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, Conseillère

Mme Florence BUTIN,Conseillère

qui en ont délibéré,

un rapport a été présenté à l’audience par Madame Florence BUTIN, Conseillère dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL

ARRET :

– Défaut

– par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marc BAILLY, Conseiller et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présente lors de la mise à disposition.

*

* *

La société MOULINS SOUFFLET SA, exerçant une activité de meunerie et de fourniture de farine, avait notamment pour client [S] [Y] qui exploitait un fonds de commerce de boulangerie au 2 place Camille Bouvet à DAX (40100) et était co-gérant avec son épouse [D] [H] de la SARL [Y] HOLDING, immatriculée en 2012 et établie à la même adresse.

Selon acte du 5 septembre 2012 portant reconnaissance de dette et convention d’exclusivité de fournitures, la société MOULINS SOUFFLET a consenti à la société [Y] HOLDING un prêt d’un montant de 152 158,80 euros remboursable au taux de 4,5% en 60 mensualités du 28 juillet 2012 au 28 juin 2017, garanti par la caution solidaire de [S] [Y] et [D] [H] épouse [Y] souscrite aux termes du même acte.

Un solde de 102 015,26 euros restant dû à l’expiration du délai précité, la SARL [Y] HOLDING a été mise en demeure d’avoir à s’acquitter de cette somme par courrier du 25 mars 2019. La même demande a été adressée à [D] [H] le 19 avril 2019 au titre de son engagement de caution, par lettre recommandée qui n’a pas été retirée.

La SA MOULINS SOUFFLET ayant par ailleurs selon contrat du 04 juillet 2012 accordé dans le même cadre un prêt à [S] [Y] et [D] [H] épouse [Y] d’un montant de 35 778,80 resté impayé à hauteur de 9 990,40 euros, celle-ci a également été enjointe de régulariser sa situation par courrier recommandé du 25 mars 2019 reçu le 30 suivant.

Une procédure de redressement judiciaire ayant été ouverte le 1er février 2017 par jugement du tribunal de commerce de DAX à l’égard de [S] [Y], convertie en liquidation le 20 septembre suivant et clôturée pour insuffisance d’actifs le 15 juillet 2020, c’est dans le contexte des démarches précitées demeurées infructueuses que par acte du

27 mai 2019, la SA MOULINS SOUFFLET a fait assigner la société [Y] HOLDING et [D] [H] devant le tribunal de commerce d’EVRY pour obtenir leur condamnation solidaire au titre du premier prêt et celle de [D] [H] seule en exécution du second, l’ensemble au bénéfice de l’exécution provisoire.

Par jugement réputé contradictoire en date du 10 janvier 2020, le tribunal de commerce d’EVRY a :

– condamné solidairement la SARL [Y] HOLDING et [D] [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 102 015,26 euros,

– condamné [D] [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 9 990,40 euros,

– condamné la SARL [Y] HOLDING et [D] [Y] à payer solidairement à la SA MOULINS SOUFFLET 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et débouté la SA MOULINS SOUFFLET du surplus,

– ordonné l’exécution provisoire,

– condamné la SARL [Y] HOLDING et [D] [Y] solidairement aux dépens en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 84.48 euros TTC.

Ce, aux motifs que les actes fondant les demandes sont versés aux débats et que les sommes réclamées ne sont pas discutées dans leur principe et quantum.

Par déclaration en date du 25 février 2020, [D] [Y] a formé appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs sauf en ce qu’il a débouté la SA MOULINS SOUFFLET du surplus de ses demandes.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 23 août 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens qui y sont développés, [D] [H] épouse [Y] demande à la cour de :

SE DECLARER territorialement incompétente ainsi que le Tribunal de commerce d’EVRY et renvoyer le dossier devant le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON en application des articles 42 et 48 du code de procédure civile, après avoir annulé le jugement du tribunal de commerce d’EVRY du 07 janvier 2020 ;

CONDAMNER la SA MOULINS SOUFFLET à payer à [D] [H] épouse [Y] une indemnité de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

faisant valoir pour l’essentiel que :

– [D] [Y] n’a jamais exercé une activité commerciale en son nom propre, les contrats en cause ne peuvent être qualifiés d’actes de commerce, les clauses attributives de compétence à la juridiction du siège du prêteur sont irrégulières comme n’étant pas souscrites entre commerçants ni spécifiées de façon suffisamment apparente ;

– l’appelante étant domiciliée à MONTAIGU (85600) dans le ressort de la cour d’appel de POITIERS, la cour d’appel de PARIS ne pourra que se déclarer territorialement incompétente ainsi que le tribunal de commerce d’EVRY et renvoyer l’affaire devant le tribunal judiciaire de LA ROCHE SUR YON après avoir annulé le jugement entrepris.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 21 novembre 2020, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé détaillé des prétentions et moyens, la SA MOULINS SOUFFLET demande à la cour de :

Vu les articles 1103 et 1104, 1231-1 et suivants du code civil,

CONFIRMER le jugement du tribunal de commerce d’EVRY du 7 janvier 2020 en toutes ses dispositions ;

Y AJOUTER,

CONDAMNER [D] [H] épouse [Y] aux dépens.

CONDAMNER [D] [H] épouse [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 4 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

faisant valoir pour l’essentiel que :

– les prêts ont été octroyés au bénéfice de la SARL [Y] HOLDING dont la forme sociale implique nécessairement une activité commerciale, fut-elle dans le domaine de la boulangerie de sorte que le caractère commercial des engagements respectifs des parties est incontournable ;

– [D] [Y] est présentée dans l’acte comme cogérante de la société, elle a un intérêt pécuniaire dans la société cautionnée puisque tirant ses revenus de celle-ci, n’établissant pas à l’époque avoir eu d’autres ressources que celles issues de l’activité concernée, l’absence d’inscription au RCS n’est pas un critère pertinent ;

– il est constant que seules sont sanctionnées les clauses figurant soit en plus petits caractères que le reste du texte, soit insérées parmi de nombreuses autres peu visibles ou encore par exemple figurant au verso de documents contractuels uniquement signés au recto.

La SARL [Y] HOLDING, dont le siège social n’a pas été modifié sur son Kbis, n’a pas constitué avocat. Les déclaration d’appel et conclusions en défense lui ont respectivement été signifiées les 28 août et 1er décembre 2020 selon les modalités prévues à l’article 659 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 15 février 2022.

MOTIFS DE LA DECISION :

Il est rappelé qu’en application de l’article 472 du code de procédure civile, si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond mais le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

Dès lors qu’aucune demande n’est formée à l’encontre de la société [Y] HOLDING SARL, l’appel formé à l’égard de cette partie est irrecevable en application de l’article 542 du code de procédure civile.

1- validité de la clause attributive de compétence territoriale :

L’article 48 du code de procédure civile dispose que toute clause « qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée ».

En application de l’article L. 721-3 du code de commerce dans sa version applicable au litige, « les tribunaux de commerce connaissent :

1° Des contestations relatives aux engagements entre commerçants, entre établissements de crédit ou entre eux ;

2° De celles relatives aux sociétés commerciales ;

3° De celles relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ».

La question de l’opposabilité de la clause litigieuse à [D] [H] ne dépendant pas de la nature commerciale de l’acte de cautionnement souscrit mais de sa qualité de commerçante, les développements relatifs à l’intérêt patrimonial susceptible d’être retiré par l’appelante de l’opération en cause sont inopérants.

Les commerçants personnes physiques sont définis aux termes de l’article L.121-1 du code de commerce comme ceux qui à titre personnel « exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle » ce qui ne se déduit pas de la qualité de co-gérante d’une entité holding elle-même constituée sous la forme d’une société commerciale.

Ce mandat social étant en réalité la seule circonstance invoquée par l’intimée, celle-ci échoue à démontrer que [D] [H] avait la qualité de commerçante et en conséquence, était susceptible de se voir imposer à ce titre une clause attributive de compétence territoriale dont il n’y a donc pas lieu d’apprécier le caractère suffisamment apparent qui est sans incidence sur la solution du litige.

Étant observé que la société MOULINS SOUFFLET ne formule aucune demande relative à la compétence matérielle de la juridiction consulaire en se contentant de soutenir que la contestation relative à l’effet de la clause concernée ne peut prospérer, il y a lieu d’infirmer la décision entreprise – qui n’encourt pas la nullité de ce chef – en ce qu’elle a :

– condamné solidairement [D] [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 102 015,26 euros,

– condamné [D] [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 9 990,40 euros,

– condamné [D] [Y] à payer solidairement à la SA MOULINS SOUFFLET 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [D] [Y] solidairement aux dépens en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 84.48 euros TTC.

statuant ainsi sur des demandes dont le tribunal de commerce d’EVRY ne pouvait connaître, et renvoyer les parties devant la Cour d’appel de POITIERS en vertu de l’article 90 alinéa 3 du code de procédure civile.

2- dépens et frais irrépétibles :

La SA MOULINS SOUFFLET qui succombe supportera la charge des dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

Elle sera également condamnée à payer à [D] [H], qui a dû exposer des frais irrépétibles, une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile qu’il est équitable de fixer à 2 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour,

Statuant publiquement, par arrêt rendu par défaut,

DIT irrecevable l’appel interjeté à l’égard de la SARL [Y] HOLDING ;

INFIRME le jugement déféré en ce qu’il a :

– condamné solidairement [D] [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 102 015,26 euros,

– condamné [D] [Y] à payer à la SA MOULINS SOUFFLET la somme de 9 990,40 euros,

– condamné [D] [Y] à payer solidairement à la SA MOULINS SOUFFLET 1 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamné [D] [Y] solidairement aux dépens en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 84.48 euros TTC.

Statuant à nouveau de ces chefs,

DIT le tribunal de commerce d’EVRY est incompétent pour connaître des demandes formées à l’encontre de [D] [H] ;

RENVOIE l’affaire à la connaissance de la Cour d’appel de POITIERS ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA MOULINS SOUFFLET aux dépens d’appel ;

CONDAMNE la SA MOULINS SOUFFLET à payer à [D] [H] la somme de 2 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

 


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