Clause attributive de compétence : 7 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/16764

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Clause attributive de compétence : 7 octobre 2022 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 18/16764
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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 07 OCTOBRE 2022

N° 2022/351

Rôle N° RG 18/16764 – N° Portalis DBVB-V-B7C-BDHJP

SAS AVIAPARTNER MARSEILLE

C/

[E] [Y]

SAS BUSYBEE SUD-EST

Copie exécutoire délivrée

le :

07 OCTOBRE 2022

à :

Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Me Talissa ABEGG, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de MARTIGUES en date du 28 Septembre 2018 enregistré au répertoire général .

APPELANTE

SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Michel KUHN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [E] [Y], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Vanessa MARTINEZ, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Ziane OUALI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

SAS BUSYBEE SUD-EST, demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Talissa ABEGG, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 30 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Madame Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Madame Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Septembre 2022 et prorogé au 07 Octobre 2022

ARRÊT

Contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 07 Octobre 2022

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [Y] a été mis à la disposition de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, par différents contrats de mission conclus avec la société d’intérim BUSYBEE SUD-EST, pour la période de février 2013 à décembre 2016.

Par requête du 11 août 2017, Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues aux fins de voir requalifier les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée, fixer son ancienneté au 13 juillet 2016, condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer des dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos, des dommages-intérêts pour licenciement abusif et irrégulier ainsi qu’une indemnité compensatrice de préavis, condamner in solidum la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE et la SAS BUSYBEE SUD EST à payer des dommages-intérêts pour préjudice subi pour prêt de main d’oeuvre, notamment.

Par jugement du 28 septembre 2018, le conseil de prud’hommes a :

Dit et jugé Monsieur [Y] bien fondé en partie en son action,

Dit et jugé avoir lieu de mettre hors de cause la société BUSYBEE sur l’appel en garantie de la société AVIAPARTNER,

Dit et jugé que la demande en appel en garantie n’est pas de sa compétence en présence d’un contrat commercial entre la société AVIAPARTNER et la société BUSYBEE,

Dit et jugé que certaines demandes présentées par Monsieur [Y] à l’encontre de la société BUSYBEE sont infondées,

Dit et jugé que certaines demandes présentées par Monsieur [Y] à l’encontre de la société BUSYBEE sont illicite,

Dit et jugé avoir à requalifier les contrats de mission temporaires conclus dès le 6 avril 2016 en un contrat de travail à durée indéterminée à raison de la violation des dispositions des articles L.1251-5 et 6 et L.1251-40 du code du travail,

Dit et jugé que la rupture du contrat de travail s’analyse en un licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse,

Dit et jugé que l’ancienneté retenue est celle du 6 avril 2016,

Condamné, en conséquence, la société AVIAPARTNER, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

-1762,67 € à titre d’indemnité de préavis,

– 176,26 € à titre d’incidence congés payés sur préavis,

– 1762,67 € à titre d’indemnité de requalification,

Rappelé que ces montants bénéficient de l’exécution provisoire de plein droit en application des dispositions combinées des articles R.1454-14 et R.1454-28 du code du travail, fixe la moyenne à la somme de 1762 €,

Ordonné à la société AVIAPARTNER, la remise de tous les documents régularisés à compter de la notification du jugement, attestation Pôle Emploi, certificat de travail, bulletin de salaire reprenant les rémunérations fixées dans la décision,

Ordonné à la société AVIAPARTNER d’avoir à régulariser auprès des organismes sociaux les sommes fixées sur le bulletin de salaire,

Condamné la société AVIAPARTNER, prise en la personne de son représentant légal en exercice, à verser à Monsieur [Y] les sommes suivantes :

– 5.800 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement réputé dépourvu de cause réelle et sérieuse,

– 20 € à titre d’indemnité pour frais de procédure,

-1.080 € à titre d’indemnité pour frais de procédure,

Débouté Monsieur [Y] du surplus de ses demandes,

Débouté la société AVIAPARTNER de ses demandes,

Débouté la société BUSYBEE de sa demande d’indemnité pour frais de procédure,

Dit que les intérêts légaux seront calculés à compter du 11 août 2017, avec capitalisation, en application des articles 1231-7 et 1343-2 du code civil,

Vu les articles 695 et 696 du code de procédure civile, mis les entiers dépens à la charge de la société AVIAPARTNER.

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE a interjeté appel de ce jugement par déclarations d’appel des 22 et 23 octobre 2018. Par ordonnance du 24 septembre 2019, les instances, enrôlées sous les numéros 18/16834 et 18/16764, ont été jointes sous le numéro 18/16764.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 8 février 2021, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE demande à la cour de :

– réformer le jugement.

– débouter Monsieur [Y] de l’intégralité de ses prétentions fins et conclusions.

– en tout état de cause, au visa des articles 564 et 954 du code de procédure civile, le débouter de son appel incident et prononcer l’irrecevabilité des conclusions signifiées le 31 décembre 2020 en ce qu’elles ne mentionnent pas les moyens nouveaux.

– par extraordinaire, condamner la société BUSYBEE à relever garantie et à garantir les condamnations mises à la charge de la société AVIAPARTNER.

– à titre très subsidiaire, procéder à un partage de responsabilité entre les deux sociétés, prononcer la solidarité et dire et juger que la société BUSYBEE sera condamnée à relever et garantir la société AVIAPARTNER à hauteur de 50 % des condamnations prononcées contre elle.

– à titre très, très subsidiaire, réduire les prétentions de Monsieur [Y] au regard de son ancienneté réelle de 15 semaines et sur la base d’un salaire temps plein de 1.480,30 €.

– condamner la société BUSYBEE à une somme de 3.500 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 31 décembre 2020, Monsieur [Y] demande à la cour de :

– réformer la décision entreprise par le conseil de prud’hommes de MARTIGUES.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 500 € à titre de dommages-intérêts pour non-respect des temps de repos.

– requalifier les contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée.

– fixer l’ancienneté de Monsieur [Y] au 25 février 2013.

– fixer la rémunération mensuelle moyenne de Monsieur [Y] à la somme de 1.762,67 €.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.762,67 € au titre de l’indemnité légale de requalification.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 20.000 € au titre des dommages-intérêts pour procédure abusive.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.000 € au titre des dommages-intérêts en raison de l’irrégularité de la procédure de licenciement.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.762,67 € bruts au titre de l’indemnité compensatrice de préavis, outre congés payés à hauteur de 176,27 €.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à délivrer à Monsieur [Y] les documents de rupture du contrat régularisés, sous astreinte de 50 € par jour de retard à compter de la notification de la décision.

– déclarer la cour compétente pour liquider les éventuelles astreintes.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à la somme de 5.000 € au titre de dommages-intérêts pour le préjudice de prêt illicite de main d”uvre.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE au paiement des intérêts de droit à compter du jour de la saisine du conseil de prud’hommes de MARTIGUES.

Suivant conclusions notifiées par voie électronique le 24 septembre 2019, la société BUSYBEE SUD- EST demande à la cour de :

– dire et juger que la cour est matériellement incompétente pour statuer sur l’appel en garantie de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE.

– confirmer le jugement rendu entre les parties par le conseil de prud’hommes de Martigues en date du 28 septembre 2018.

Par conséquent,

– débouter la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE et Monsieur [Y] de l’intégralité de leurs demandes à l’encontre de la société BUSYBEE SUD-EST.

Y ajoutant,

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à la société BUSYBEE SUD-EST la somme de 3.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

– condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE aux entiers dépens.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 mai 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur l’appel incident et la recevabilité de la demande nouvelle

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE fait valoir qu’en cause d’appel, Monsieur [Y] a produit des premières conclusions d’intimé sans préciser qu’il se considérait appelant incident, sans viser les éventuels chefs du jugement critiqués dans le cadre d’un appel incident et en modifiant ses demandes indemnitaires, ou même en rajoutant des demandes qui n’avaient pas été présentées devant le premier juge.

L’appel incident, s’il devait être qualifié comme tel, sera donc reconnu comme étant irrecevable au visa de l’article 564 du code de procédure civile et, en tout état de cause, les demandes de Monsieur [Y] en cause d’appel ne sont pas fondées. Ainsi, et en particulier, la demande de 20.000 € pour procédure abusive est irrecevable et infondée.

Monsieur [Y] réplique que l’appel incident est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes, c’est à dire par voie de conclusions, et il ne répond donc pas à des conditions impératives liées à la déclaration d’appel.

***

L’intimé qui souhaite former un appel incident n’est pas tenu par les termes de la déclaration d’appel prévus à l’article 901 du code de procédure civile et l’appel incident est formé de la même manière que le sont les demandes incidentes (article 551 du code de procédure civile), c’est-à-dire soit par voie de conclusions notifiées à l’avocat de la partie constituée, soit, pour les parties défaillantes, par voie d’assignation. Pour autant, l’appel incident ne différant pas, par sa nature ou son objet, de l’appel principal, les conclusions portant appel incident doivent déterminer l’objet du litige porté devant la cour d’appel et la cour n’est saisie que des prétentions figurant dans le dispositif. Aussi, pour constituer appel incident, les conclusions doivent nécessairement comprendre une prétention tendant à la réformation ou à l’annulation du jugement.

En l’espèce, les premières conclusions notifiées par Monsieur [Y], le 19 avril 2019, déterminent suffisamment l’objet du litige qu’il entend porter devant la cour et le dispositif des dites conclusions mentionnent bien la prétention de Monsieur [Y] tendant à la ‘réformation de la décision entreprise par le conseil de prud’hommes de Martigues’ ainsi que les chefs de demandes sollicités dans le cadre de l’appel incident.

Par ailleurs, la suppression de la règle de la recevabilité des demandes nouvelles résultant de l’ancien article R.1452-6 du code du travail, par décret n° 2016-660 du 20 mai 2016, est applicable aux instances introduites devant les conseils de prud’hommes à compter du 1er août 2016 (article 45 du décret). Or, il y a lieu de constater, en l’espèce, que Monsieur [Y] a saisi le conseil de prud’hommes de Martigues le 11 août 2017 et, en cause d’appel, a présenté une nouvelle demande au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive. Monsieur [Y] ne présentant aucun moyen tendant à la recevabilité, contestée par la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, de cette demande nouvelle au regard des conditions posées par les articles 564 (invoqué par la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE), 565 et 567 du code de procédure civile, la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive doit donc être déclarée irrecevable.

Sur la recevabilité des conclusions signifiées par Monsieur [Y] le 31 décembre 2020

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut que les conclusions signifiées par Monsieur [Y], le 31 décembre 2020, contreviennent aux dispositions de l’article 954 du code de procédure civile puisqu’elles ne présentent pas de manière distincte les moyens nouveaux par rapport aux précédentes écritures et sont donc irrecevables.

***

Cependant, aucune sanction n’étant prévue en cas de non-respect des prescriptions posées par l’article 954 du code de procédure civile, la demande tendant à déclarer les conclusions du 31 décembre 2020 irrecevables, sera rejetée.

Sur la demande de requalification des contrats de mission en contrat de travail à durée indéterminée

Monsieur [Y] conclut, en premier lieu, que la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE a recouru aux contrats précaires pour faire face à un besoin structurel de main d”uvre et que, de février 2013 à décembre 2016, il a été placé dans une situation d’emploi précaire sur des motifs illicites et particulièrement fallacieux, démontrant qu’il s’agissait pour l’employeur de pallier à un besoin structurel de main d”uvre. Ainsi, au titre des contrats des 25 février 2013 et 19 octobre 2016, il a pourvu au remplacement de plusieurs salariés ; les contrats suivants ont pour motif « Formation » qui n’est pas un motif reconnu par le code du travail ; au titre des cas de recours, les contrats des 7 mars 2013, 8 juillet 2013 et 29 juillet ne comportent pas le nom de l’agent remplacé et la société AVIAPARTNER MARSEILLE n’hésite pas à appliquer deux motifs de recours différents.

Selon Monsieur [Y], la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE par l’intermédiaire de la société d’intérim BUSYBEE, utilise les contrats de mission de manière abusive, en les détournant de leurs finalités légales, et dans le but de faire fluctuer sa main d”uvre au gré de ses besoins.

Il fait valoir qu’il appartiendra à la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE de justifier des motifs de recours aux contrats précaires tant pour les cas de remplacements de salariés que pour les autres motifs tel que l’accroissement temporaire d’activité.

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut que le seul nombre de contrats de mission ne peut en soi tendre à démontrer que le recours au travail temporaire avait pour objet ou pour effet de pourvoir à un emploi durable et permanent de l’entreprise utilisatrice ; que si les missions ont bien fait l’objet de plusieurs contrats distincts, cela ne saurait suffire à conférer au poste occupé par le salarié le caractère d’emploi durable et permanent, dans la mesure où les motifs de recours invoqués étaient par nature temporaires et surtout tous justifiés ; que les contrats de mission répondaient systématiquement à un besoin déterminé qui était indépendant du contrat précédent ; qu’ainsi, dans le cadre de ses engagements contractuels, elle doit faire face à des commandes exceptionnelles de clients résultant d’aléas et le seul fait de recourir à des contrats de travail à durée déterminée de manière récurrente au motif de remplacement de salariés absents ne suffit pas à requalifier le contrat de travail à durée déterminée en contrat de travail à durée indéterminée ; qu’il incombe à l’entreprise de travail temporaire de veiller à la conformité du contrat de mission qu’elle conclut avec son salarié.

La société BUSYBEE SUD EST fait valoir que, s’agissant des griefs relatifs aux motifs des contrats de mission ou aux postes liés à l’activité normale et permanente de l’entreprise utilisatrice, elle ne peut aucunement être mise en cause.

***

En cas de litige sur le motif du recours au travail temporaire, il incombe à l’entreprise utilisatrice de rapporter la preuve de la réalité du motif énoncé dans le contrat.

En l’espèce, Monsieur [Y] conteste les motifs des recours mentionnés sur les contrats de mission, les considérant comme ‘fallacieux’.

Il ressort des contrats produits que ceux-ci ont été conclus pour des motifs de remplacement de salariés absents, d’accroissements temporaires d’activité, de formations professionnelles ou de tâches occasionnelles précisément définies.

Outre le fait que certains des motifs sont illicites, en ce qu’ils ne sont pas prévus par la loi, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE ne produit aucun élément de nature à prouver la réalité des motifs énoncés dans l’ensemble des contrats.

Dans ces conditions, et pour ce motif, la requalification en contrat de travail à durée indéterminée est encourue dès le 25 février 2013.

Sur l’indemnité de requalification

Alors que Monsieur [Y] réclame une indemnité de requalification de 1.762,67 €, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut que, sur la base d’un temps complet et d’un taux horaire de 9,76 €, l’indemnité ne peut être supérieure à 1.480,30 € ; que l’indemnité ne peut être sollicitée car il ne s’agit pas d’un contrat de travail à durée déterminée mais d’un contrat de mission et que la demande en paiement doit être dirigée contre l’employeur.

***

Lorsqu’un contrat de mission est requalifié en contrat de travail à durée indéterminée, il est alloué au salarié une indemnité de requalification ne pouvant être inférieure à un mois de salaire et qui est à la charge de l’entreprise utilisatrice. Il convient de prendre en compte le salaire de base et les accessoires du salaire (primes, gratifications, majorations).

En l’espèce, il ressort du bulletin de salaire du mois de décembre 2016 que Monsieur [Y] a perçu un salaire mensuel de 1.703,40 €.

Il convient donc de condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] ladite somme de 1.703,40 € au titre de l’indemnité de requalification.

Sur la fixation de l’ancienneté

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut que l’ancienneté ‘reconstituée’ de Monsieur [Y] est de 15 semaines, soit moins de quatre mois.

Cependant, compte tenu de la requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, l’ancienneté de Monsieur [Y] sera prise en compte à compter du 25 février 2013, comme sollicité par celui-ci.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre du non-respect des temps de repos

Monsieur [Y] fait valoir que la privation du repos journalier génère, de fait, un trouble dans la vie personnelle du salarié et engendre des risques pour sa santé et sa sécurité ; que tel a été le cas en l’espèce puisqu’il était souvent contraint de réaliser des missions d’ « agent de piste », la nuit, de 22 heures à 6 heures, en reprenant le lendemain son poste, souvent dès 7 heures, comme cela ressort de la lecture des bulletins de paie ; que c’est à l’employeur de prouver que les temps de repos ont bien été respectés ; que dans le cadre de ses conclusions d’appelant, la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE se contente d’indiquer ne pas être son employeur ; qu’or, l’intégralité du contentieux lié aux heures de travail, ainsi qu’à l’amplitude horaire, concerne uniquement l’entreprise utilisatrice, et la charge de la preuve lui incombe exclusivement et la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE ne produit pas les plannings de travail censés démontrer que les temps de repos auraient été respectés.

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut que la demande est mal dirigée en ce qu’elle n’est pas l’employeur de Monsieur [Y] et la demande est donc irrecevable ; que, sur le fond, au-delà du débat juridique sur la charge de la preuve en matière de durée du travail, il est nécessaire que Monsieur [Y] puisse un minimum apporter des arguments objectifs et factuels pour fonder une demande qui reste soumise aux prescriptions impératives des articles 6 et suivants du code de procédure civile ; que force est de constater qu’il ne procède que par affirmation, aucun fait et aucune date ne sont cités ; que la lecture des bulletins de paie de la société de travail temporaire ne permet pas de cibler une quelconque violation de quelque nature que ce soit.

La société BUSYBEE SUD EST conclut que la demande est formulée uniquement à l’encontre de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE sur le fondement des bulletins de salaire ; que la lecture des bulletins de salaire ne met aucunement en évidence une quelconque violation du temps de repos quotidien ; que Monsieur [Y] ne fournit aucun élément de nature à démontrer que le repos quotidien n’aurait pas été respecté ; que si la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE n’avait juridiquement pas la qualité d’employeur de Monsieur [Y], en sa qualité d’entreprise utilisatrice, elle était responsable des conditions d’exécution du travail des salariés intérimaires mis à sa disposition, lesquelles comprennent, notamment, la durée du travail, et ce conformément aux dispositions de l’article L.1251-21 du code du travail.

***

En application de l’article L.1251-40 du code du travail et de la considération selon laquelle la charge de la preuve du respect des temps de repos obligatoires incombe exclusivement à l’employeur, en l’espèce à la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, il ressort des bulletins de salaire que Monsieur [Y] a bien travaillé de nuit, notamment sur le poste d’ ‘agent de site’ et a perçu des ‘majorations de nuit 22heures -6 heures’ ( bulletins de salaire de juillet, septembre, octobre et décembre 2016).

Alors que Monsieur [Y] indique qu’il reprenait son poste le lendemain, dès 7 heures, il appartient à la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE de rapporter la preuve du respect du repos quotidien accordé au salarié, ce qu’elle ne fait pas.

Le droit au repos ayant pour objectif de garantir la sécurité et la santé du salarié, son non-respect a causé, de ce fait à Monsieur [Y], un préjudice qui sera réparé par la somme de 300 € de dommages-intérêts.

Sur l’indemnisation du licenciement irrégulier et abusif

Eu égard à la requalification des contrats d’intérim en un contrat de travail à durée indéterminée et en l’absence de l’engagement d’une procédure de licenciement et de lettre motivée de licenciement, la rupture du contrat de travail de Monsieur [Y], survenue le 30 décembre 2016, est dépourvue de cause réelle et sérieuse.

***

Monsieur [Y] sollicite des dommages-intérêts au motif que la procédure de licenciement n’a pas été respectée et qu’il a subi un préjudice dès lors que, dans le cadre d’un entretien préalable, il aurait pu faire valoir ses droits pour maintenir le lien contractuel.

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE conclut au rejet de cette demande.

Monsieur [Y] procède par affirmation et la preuve d’un préjudice résultant directement pour lui de cette irrégularité n’est pas rapportée. La demande de dommages-intérêts présentée doit donc être rejetée.

***

En application des dispositions de l’article L.1235-3 du code du travail, et compte tenu de son âge au moment de la rupture du contrat de travail (34 ans), de son ancienneté (3 ans et 10 mois ), de sa qualification, de sa rémunération (1.762,67 €), des circonstances de la rupture mais également de l’absence de justification de sa situation professionnelle postérieurement à la rupture du contrat de travail, il convient d’accorder à Monsieur [Y] une indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse d’un montant de 11.000 €.

Il convient également d’allouer à Monsieur [Y] l’indemnité compensatrice de préavis de 1.762,67 €, telle que sollicitée, outre les congés payés afférents.

La remise d’une attestation Pôle Emploi, d’un certificat de travail, d’un bulletin de salaire rectificatif conformes à la teneur du présent arrêt et la régularisation auprès des organismes sociaux de la situation du salarié s’imposent sans qu’il y ait lieu de prévoir une astreinte, aucun élément laissant craindre une résistance de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE n’étant versé au débat.

Sur la demande de dommages-intérêts au titre d’un prêt illicite le main d’oeuvre

Force est de constater que Monsieur [Y] ne présente aucun moyen de droit et de fait à l’appui de cette prétention qui sera donc rejetée.

Sur la demande tendant à condamner la société BUSYBEE SUD EST à garantir la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE des condamnations prononcées et sur la demande d’un partage de responsabilités entre la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE et la société BUSYBEE SUD EST

– sur l’exception d’incompétence soulevée par la société BUSYBEE SUD EST :

La société BUSYBEE SUD EST soulève l’incompétence matérielle de la cour d’appel au profit du tribunal de commerce de Marseille pour statuer sur l’appel en garantie au regard des dispositions du code du travail, du code de commerce et de l’accord cadre conclu entre les deux sociétés, le 15 juillet 2014, qui est un accord commercial relevant de la compétence du tribunal de commerce, s’agissant d’apprécier les relations commerciales entre elles.

La SAS AVIAPARTNER MARSEILLE réplique qu’il s’agit d’une prétention nouvelle présentée devant la cour d’appel, sans que ce moyen n’ait été soulevé en première instance, et qui, au regard de l’article 564 du code de procédure civile, est irrecevable ; que la société BUSYBEE SUD-EST n’a pas soulevé cette exception d’incompétence in limine litis, soit avant tout débat sur le fond, alors que la cour ne peut soulever ce moyen d’office ; qu’enfin, lorsque le tribunal de commerce est saisi d’un appel en garantie, il se contente de surseoir à statuer dans l’attente de la procédure pendante devant la cour d’appel.

***

Il ressort du jugement du 28 septembre 2018 que la demande relative à la compétence de la juridiction prud’homale a été soulevée et débattue devant les premiers juges et qu’elle a été tranchée par ces derniers. Il ne s’agit donc pas d’une demande nouvelle.

Par ailleurs, il ressort des conclusions de la société BUSYBEE SUD-EST que cette demande est présentée in limine litis, avant la demande de confirmation du jugement.

En application des articles L.1411-1 et suivants du code du travail, le conseil de prud’hommes est compétent pour statuer sur les litiges relatifs à un contrat de travail entre les employeurs et leurs salariés ou entre salariés. En revanche, le conseil de prud’hommes n’est pas compétent pour statuer sur les litiges entre deux sociétés.

En l’espèce, la société BUSYBEE SUD-EST soulève une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Marseille en invoquant la clause attributive de compétence prévue à l’accord cadre du 15 juillet 2014 signé par les deux sociétés.

En outre, il est constant que Monsieur [Y] ne formule aucune demande à l’encontre de la société BUSYBEE SUD EST. Dès lors, la demande de condamnation à la garantir formée par la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à l’encontre de la société BUSYBEE SUD-EST ne porte pas sur un contrat de travail ou sur un litige entre un employeur et son salarié.

S’agissant d’un litige entre deux sociétés commerciales, la juridiction prud’homale n’est pas compétente pour en connaître. Il convient en conséquence, par confirmation du jugement du conseil de prud’hommes, de recevoir l’exception d’incompétence soulevée par la société BUSYBEE SUD-EST et de renvoyer l’examen de la demande en garantie formée par la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE contre la société BUSYBEE SUD-EST au tribunal de commerce de Marseille.

Sur les intérêts

Les créances salariales porteront intérêts au taux légal à compter de la réception par l’employeur de la lettre de convocation devant le bureau de conciliation et les sommes allouées de nature indemnitaire porteront intérêts au taux légal à compter du jugement pour la partie confirmée et à compter du présent arrêt pour le surplus.

Sur l’article 700 du code de procédure civile et sur les dépens

Les dispositions du jugement relatives aux frais irrépétibles et aux dépens seront confirmées et il est équitable de condamner la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.500 € au titre des frais non compris dans les dépens qu’il a engagés en cause d’appel.

Il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société BUSYBEE SUD EST les frais irrépétibles qu’elle a engagés en cause d’appel.

Les dépens d’appel seront à la charge de la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE, partie succombante par application de l’article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Déclare l’appel incident de Monsieur [Y] régulier et ses conclusions notifiées le 31 décembre 2020 recevables,

Déclare irrecevable la demande nouvelle présentée au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive,

Confirme le jugement sauf sur les dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien, sur la période de requalification de la relation contractuelle en contrat de travail à durée indéterminée, sur la détermination de l’ancienneté du salarié, sur les montants de l’indemnité de requalification et de l’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Statuant à nouveau sur les chefs infirmés,

Dit que la relation contractuelle est requalifiée en contrat de travail à durée indéterminée à compter du 25 février 2013,

Fixe l’ancienneté de Monsieur [E] [Y] à compter du 25 février 2013,

Condamne la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [E] [Y] les sommes de :

– 300 € au titre des dommages-intérêts pour non-respect du repos quotidien,

– 1.703,40 € au titre de l’indemnité de requalification,

– 11.000 € au titre des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

Y ajoutant,

Condamne la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE à payer à Monsieur [E] [Y] la somme de 1.500 € au titre l’article 700 du code de procédure civile, en cause d’appel,

Déboute la SAS BUSYBEE SUD EST de sa demande au titre l’article 700 du code de procédure civile en cause d’appel,

Condamne la SAS AVIAPARTNER MARSEILLE aux dépens d’appel.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


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