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COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 56C
14e chambre
ARRET N°
CONTRADICTOIRE
DU 07 JUILLET 2022
N° RG 22/03090 – N° Portalis DBV3-V-B7G-VFTA
AFFAIRE :
S.A. AXENS
C/
S.A.S. GEODIS FF FRANCE
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Avril 2022 par le Tribunal de Commerce de PONTOISE
N° RG : 2019F00770
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 07.07.2022
à :
Me Oriane DONTOT, avocat au barreau de VERSAILLES
Me Sophie PORCHEROT, avocat au barreau de VERSAILLES
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE SEPT JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
S.A. AXENS
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentant : Me Oriane DONTOT de la SELARL JRF & ASSOCIES, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 617 – N° du dossier 20220369
Assistée de Me Olga JEFREMOVA, avocat plaidant au barreau de Paris
APPELANTE
****************
S.A.S. GEODIS FF FRANCE,
anciennement dénommée GEODIS FREIGHT FORWARDING FRANCE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentant : Me Sophie PORCHEROT de la SELARL REYNAUD AVOCATS, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 177 – N° du dossier 383122
Assistée de Me Guillaume BRAJEUX et Mona DEJEAN, avocats plaidants au barreau de Paris
INTIMEE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 08 Juin 2022, Madame Marina IGELMAN, conseiller ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Nicolette GUILLAUME, Président,
Madame Pauline DE ROCQUIGNY DU FAYEL, Conseiller,
Madame Marina IGELMAN, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Mme Elisabeth TODINI
EXPOSE DU LITIGE
La société Axens est une société productrice et exportatrice de produits chimiques.
La société Geodis FF France, anciennement dénommée la société Geodis Freight Forwarding France, est une société spécialisée dans l’organisation de transports de marchandises immatriculée au registre des commissionnaires de transport du Val-d’Oise.
La société Axens est une cliente de la société Geodis depuis une quinzaine d’année.
Au cours de l’année 2018, la société Axens a vendu des produits chimiques à une société brésilienne de raffinage (la société Petrobas) dont elle a confié l’organisation du transport à la société Geodis.
Les marchandises ont été bloquées au port de [Localité 5] au Brésil, induisant des frais de stockage et de gestion de sinistre à hauteur de la somme de 1 777 401,95 euros.
Par acte d’huissier de justice délivré le 9 octobre 2019, la société Axens a fait assigner au fond la société Geodis FF France aux fins d’obtenir principalement sa condamnation à lui régler la somme de 1 777 401,95 euros, sauf à parfaire, outre intérêts au taux légal à compter des mises en demeure du 7 décembre 2018 (pour 950 624 euros), du 16 avril 2019 (pour 768 991,96 euros) et du 13 juin 2019 (pour 57 785,99 euros), lesdits intérêts capitalisés, outre sa condamnation aux entiers dépens ainsi qu’au règlement de 20 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
Par jugement contradictoire rendu le 19 avril 2022, le tribunal de commerce de Pontoise :
– s’est déclaré incompétent pour connaître du présent litige,
– a déclaré compétent le tribunal de commerce de Paris pour connaître de toutes les prétentions des parties,
– a laissé à la charge de la société Axens les dépens de l’instance, en ce compris les frais de greffe liquidés la somme de 73,22 euros TTC.
Par déclaration reçue au greffe le 5 mai 2022, la société Axens a interjeté appel de ce jugement en tous ses chefs de disposition.
Autorisée par ordonnance rendue le 9 mai 2022, la société Axens a fait assigner à jour fixe la société Geodis FF France pour l’audience fixée au 8 juin 2022 à 14 heures devant la 14ème chambre de la cour d’appel de Versailles.
Copie de cette assignation a été remise au greffe le 13 mai 2022.
Dans ses dernières conclusions déposées le 3 jun 2022 auxquelles il convient de se reporter pour un exposé détaillé de ses prétentions et moyens, la société Axens demande à la cour, au visa des articles 42 et 48 du code de procédure civile et 1119 du code civil, de :
– infirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise le 19 avril 2022 en ce que le tribunal s’est déclaré incompétent pour connaître du litige opposant les sociétés Axens et Geodis FF France, anciennement dénommée Geodis Freight Forwarding France, a déclaré compétent le tribunal de commerce de Paris pour connaître de toutes les prétentions des parties et laissé à la charge de la société Axens les dépens de l’instance, en ce compris les frais de greffe liquidés à la somme de 73,22 euros TTC ;
statuant à nouveau,
– juger le tribunal de commerce de Pontoise compétent pour connaître du litige opposant les sociétés Axens et Geodis FF France, anciennement dénommée Geodis Freight Forwarding France ;
– renvoyer le litige devant le tribunal de commerce de Pontoise pour être jugé ;
– condamner la société Geodis FF France, anciennement dénommée Geodis Freight Forwarding France, à la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance.
Aux termes de ses dernières conclusions déposées le 25 mai 2022, la société Geodis FF France, au visa des articles 1119 du code civil, 48 du code de procédure civile, L. 1432-10 du code des transports et du décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 instituant le contrat-type commission de transport, sollicite de la cour de :
– confirmer le jugement rendu par le tribunal de commerce de Pontoise en date du 19 avril 2022 en ce qu’il a jugé la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de la société Geodis valide et opposable à la société Axens et, par conséquent, s’est déclaré incompétent pour connaître du litige et déclaré le tribunal de commerce de Paris compétent pour connaître de toutes les prétentions des parties,
– condamner la société Axens à lui payer une indemnité de 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamner la société Axens aux dépens.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
La société Axens, appelante, sollicite l’infirmation du jugement querellé en ce que le tribunal de commerce de Pontoise s’est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris. Elle demande le rejet de l’exception d’incompétence soulevée par la société Geodis FF France.
D’une manière générale, elle conteste l’applicabilité des conditions générales de vente de la société Geodis FF France qui figurent au dos des factures qu’elle a émises à leurs relations contractuelles, et a fortiori au présent litige en ce qui concerne la clause attributive de juridiction qui y est stipulée.
Elle demande en premier lieu à la cour de déclarer la clause attributive de juridiction litigieuse comme réputée non écrite.
Elle argue à cet égard des dispositions de l’article 48 du code de procédure civile qui prévoient qu’une clause attributive de juridiction doit être ‘spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée’ et fait valoir que ce n’est pas le cas en l’espèce, les conditions générales et en particulier la clause attributive de juridiction étant écrites, au dos des factures, en caractères extrêmement ténus et pâles, « à tel point que la lecture en est rendue excessivement ardue ».
Elle ajoute que la clause n’est pas mise en évidence par rapport aux autres clauses des conditions générales puisque sa présentation est exactement identique à celle des autres clauses.
La société Axens soutient en deuxième lieu que les conditions générales de la société Geodis FF France ne lui sont pas opposables.
Ainsi, elle fait valoir qu’elle n’a jamais accepté, ni reconnu avoir accepté, que ces conditions générales soient applicables à leurs relations contractuelles.
Elle fait état d’une jurisprudence selon laquelle l’absence d’opposition expresse à l’application des conditions générales est insuffisante, même en présence d’une relation d’affaires suivie, pour caractériser leur acceptation tacite.
Elle ajoute que l’analyse des éléments produits par la société Geodis FF France fait obstacle à la caractérisation certaine de son acceptation tacite en soulignant que les conditions générales sont contradictoires, mentionnant tantôt la compétence du tribunal de commerce de Bobigny, tantôt celle du tribunal de commerce de Paris, tandis que si cela est la conséquence d’un changement de siège social comme le prétend l’intimée, ce changement ne lui a jamais été notifié.
Elle fait également remarquer la contradiction résultant des documents de transport attestant de la prise en charge des marchandises, qui eux contiennent des conditions générales renvoyant à la compétence des juridictions du lieu de domicile de la société Geodis FF France.
En troisième lieu, la société Axens prétend que c’est le contrat-cadre du 23 février 2010, formalisé au moyen d’une Charte de Services, qui les lie, tandis qu’il ne comprend aucune clause attributive de compétence.
S’agissant de l’application du contrat-type de commission de transport issu du décret n° 2013-293 du 5 avril 2013, elle rétorque à ce moyen soulevé par l’intimée que la « loi nouvelle » ne s’applique pas aux actes juridiques conclus antérieurement, soit au cas présent au contrat-cadre de 2010, outre le fait qu’il s’agit de dispositions supplétives qui n’ont pas vocation à s’appliquer en présence d’un contrat-cadre énumérant les éléments essentiels du contrat.
L’intimée, la société Geodis FF France, sollicite quant à elle la confirmation du jugement du tribunal de commerce de Pontoise qui a décliné sa compétence au profit du tribunal de commerce de Paris.
Elle soutient que la société Axens recherche sa responsabilité au titre de deux contrats portant sur l’organisation de deux transports de France au Brésil en date d’avril et septembre 2018, soumis aux conditions générales qui figurent sur son site internet ainsi qu’au dos des différents documents qu’elle lui a transmis dans le cadre de leur relation commerciale.
Elle prétend d’abord que la clause attributive de juridiction stipulée dans ses conditions générales est conforme aux exigences du code de procédure civile, notamment en ce qu’elle est écrite en caractères gras et plus gros que le reste du texte, attirant ainsi l’attention du lecteur.
Elle expose ensuite que ses conditions générales sont opposables à Axens, en visant quant à elle des jurisprudences de la Cour de cassation prévoyant que lorsque les parties entretiennent des relations commerciales depuis plusieurs années et que les factures contiennent une référence claire à des conditions générales de vente, il y a acceptation tacite de ces conditions générales.
Elle relève que les conditions générales ont en l’espèce bien été portées à la connaissance d’Axens ; qu’elles figurent au verso des factures litigieuses et qu’au bas de la première page de ces documents, il est indiqué que ‘le client reconnaît avoir pris connaissance et accepter les conditions générales de vente figurant au verso’.
Elle ajoute que la qualité du destinataire personne physique des conditions générales n’a pas d’incidence sur leur opposabilité à la société Axens.
Selon elle, seules ses conditions générales du 1er octobre 2016 sont applicables, le changement opéré quant au choix de la juridiction compétente, soit la juridiction parisienne, naturellement compétente en la matière, ayant été opéré à l’occasion du changement de son siège social en septembre 2015.
Elle répond aussi que les 2 documents de transports FIATA dont se prévaut Axens sont distincts du contrat de commission de transport, seul liant les parties au présent litige
Elle dénie toute valeur contractuelle à la Charte de service de 2010 dont se prévaut l’appelante, qui n’est qu’un cahier des charges et non pas un contrat-cadre et ajoute qu’elle ne lui est pas opposable, le document n’étant ni signé, ni tamponné, ni paraphé par ses soins.
Elle allègue qu’en tout état de cause, le document produit par la société Axens est, par application de l’article L. 1432-10 du code de commerce, complété par le contrat-type commission de transport institué par le décret n° 2013-293 du 5 avril 2013, prévoyant en son article 16 une clause attributive de compétence à la juridiction parisienne.
Sur ce,
Sur la clause attributive de juridiction conventionnelle :
Les conditions générales de la société Geodis, mentionnées au dos des factures qu’elle émet, contiennent une clause intitulée ‘Compétence – prescription’ qui prévoit que :
‘Qu’il s’agisse d’envois de détails ou autres envois, tous les litiges entre commerçants relatifs à l’interprétation ou à l’exécution des présentes conditions générales seront obligatoirement soumis au tribunal de commerce de Paris ou l’établissement secondaire de l’OT si ce dernier a conclu ou réglé l’affaire donnant lieu au litige, même en cas d’appel en garantie ou de pluralité de défendeurs’.
A supposer ces conditions générales applicables aux 2 transports litigieux, ce qui reste à déterminer, alors qu’en outre, une clause attributive de compétence est autonome par rapport à la convention principale dans laquelle elle s’insère de sorte qu’elle ne saurait être affectée par l’inefficacité de cet acte, il convient en tout état de cause de relever que telle que figurant aux dites conditions générales de vente de la société Geodis FF France, cette clause contrevient aux dispositions de l’article 48 du code de procédure civile selon lesquelles : « Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée. ».
En effet, la clause invoquée par l’intimée est insérée au dos des factures litigieuses (en tout cas de celle en date du 3 avril 2018 – pièce n° 2 intimée – , alors que celle du 19 septembre 2018 en date du 19 septembre 2018 versée en pièce n°3 par l’intimée est vierge de toute mention), dans le dernier article des conditions générales de vente reproduites en caractères particulièrement petits et ramassés.
Cette clause, intitulée « compétence -prescription », est en outre présentée de façon strictement similaire aux autres clauses de l’acte, sans que rien ne permette à son lecteur de la différencier ni d’avoir son attention attirée dessus.
Enfin, pour écarter le jeu de cette clause en l’espèce, il sera également retenu que le tribunal désigné compétent a été modifié au cours de l’année 2016, sans qu’à ce moment-là non plus l’attention du co-contractant n’ait été attirée sur ce changement, l’information du transfert du siège social de la société Geodis de Villepinte à Roissy-en-France, sans lien au demeurant avec le changement de désignation du tribunal compétent de Bobigny à Paris, dans un journal d’annonces légales étant insuffisante à cet égard.
Sur les dispositions supplétives :
S’agissant du document intitulé « Charte de service pour le transport maritime » en date du 23 février 2010 dont se prévaut l’appelante, il n’y a pas lieu là non plus, au stade de la caractérisation de la juridiction compétente, d’en apprécier l’applicabilité aux transports litigieux.
En effet, l’article L. 1432-10 du code des transports dispose qu’à défaut de convention écrite définissant les rapports entre les parties au contrat sur les matières mentionnées à l’article L. 1432-2, les clauses des contrats types mentionnées à la section 3 s’appliquent de plein droit aux contrats de commission de transport ayant pour objet une liaison internationale.
Or, la charte visée par la société Axens porte sur les thèmes suivants : « critères de validation du pilote, identification des parties et acteurs, modes de communication, process de traitement de la commande pour les flux exports, suivi de l’activité, facturation, amélioration continue et expertise, système d’information », qui ne recouvrent pas les matières mentionnées à l’article L. 1432-2 du code des transports que sont « la nature et l’objet du transport ; les modalités d’exécution du service tant en ce qui concerne le transport proprement dit que les conditions d’enlèvement et de livraison des objets transportés ; les obligations respectives de l’expéditeur, du commissionnaire, du transporteur et du destinataire ; le prix du transport ainsi que celui des prestations accessoires prévues. », de sorte que les clauses des contrats types supplétives de la volonté des parties ont vocation à s’appliquer en l’espèce, peu important que la « charte de service » visée soit antérieure au décret n° 2013-293 du 5 avril 2013 portant approbation du contrat type de commission de transport, alors qu’en outre les prestations litigieuses datent de 2018.
L’annexe à l’article D. 1432-3 du contrat type de commission de transport prévoyant en son article 16 qu’ « en cas de litige ou de contestation relatif à un contrat de commission de transport incluant un transport international, seul le tribunal de commerce de Paris est compétent, même en cas de pluralité de défendeurs ou d’appels en garantie », c’est par suite à juste titre que le jugement attaqué a dit le tribunal de commerce de Paris compétent en l’espèce.
Le jugement critiqué sera en conséquence confirmé en ce qu’il a jugé sur la compétence.
Sur les demandes accessoires :
Le jugement sera également confirmé en sa disposition relative aux dépens de première instance.
Partie perdante, la société Axens ne saurait prétendre à l’allocation de frais irrépétibles. Elle devra en outre supporter les dépens d’appel.
Il serait par ailleurs inéquitable de laisser à la société Geodis FF France la charge des frais irrépétibles exposés en cause d’appel. L’appelante sera en conséquence condamnée à lui verser une somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
La cour statuant par arrêt contradictoire,
Confirme le jugement du 19 avril 2022 en toutes ses dispositions,
Condamne la société Axens à verser à la société Geodis FF France la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Dit que la société Axens supportera les dépens d’appel.
Arrêt prononcé par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile, signé par Madame Nicolette GUILLAUME, Président et par Madame Elisabeth TODINI, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,Le président,