Votre panier est actuellement vide !
06/11/2020
ARRÊT N°
N° RG 19/04579 – N° Portalis DBVI-V-B7D-NIFF
APB/SK
Décision déférée du 30 Septembre 2019 – Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de TOULOUSE ( F 17/01518)
M-L. BLATT
[R] [B]
C/
Société WEATHERFORD SERVICES LIMITED
INFIRMATION PARTIELLE
Grosse délivrée
le
à
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
***
COUR D’APPEL DE TOULOUSE
4eme Chambre Section 2
***
ARRÊT DU SIX NOVEMBRE DEUX MILLE VINGT
***
APPELANT
Monsieur [R] [B]
[Adresse 1]
[Localité 5]
Représenté par Me Jean-Charles BOURRASSET de la SCP DUSAN-BOURRASSET-CERRI, avocat postulant au barreau de TOULOUSE
Représenté par Me William WOLL, avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉE
Société WEATHERFORD SERVICES LIMITED Prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 2]
[Adresse 2]
POINTE NOIRE/REPUBLIQUE DU CONGO
Représentée par Me Julian COCKAIN-BARERE de la SELAS MORVILLIERS-SENTENAC AVOCATS, avocat au barreau de TOULOUSE
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 786 et 907 du Code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 1er Octobre 2020, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant madame Caroline PARANT, présidente et madame Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère, chargée du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Caroline PARANT, présidente
Alexandra PIERRE-BLANCHARD, conseillère
Florence CROISILLE-CABROL, conseillère
Greffier, lors des débats : Eve LAUNAY
ARRET :
– contradictoire
– prononcé publiquement par mise à disposition au greffe après avis aux parties
– signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière de chambre
EXPOSE DU LITIGE :
M. [R] [B], de nationalité congolaise, a été embauché à compter du 1er mai 2013 par la société Weatherford services limited (ci-après W.S.L), société dont le siège social est situé aux Bermudes (Royaume-Uni), en qualité de coordinateur logistique, suivant contrat de travail à durée déterminée de 12 mois, régi par le code du travail de la République du Congo et la convention collective des entreprises du secteur pétrolier de la République de Congo. Ce premier contrat a été conclu à [Localité 5].
Le 1er mai 2014, M. [B] a été promu superviseur logistique, en contrat à durée indéterminée soumis à la même législation, contrat conclu à [Localité 4].
Le 21 janvier 2015, un avenant a été signé sur place par les parties aux termes duquel M. [B] est devenu directeur des approvisionnement et achats classé 12 échelon 6.
Le 31 juillet 2015, afin de rejoindre la société Air liquide, M. [B] a présenté sa démission. Il a reçu une contre proposition du directeur général de la société Weatherford à un poste au niveau sous-régional. M. [B] a accepté et est resté.
Le 7 octobre 2015, M. [B] a reçu un courrier l’informant de la suspension de son contrat de travail avec effet immédiat (l’équivalent en droit français d’une mise à pied conservatoire) aux motifs suivants :
– l’activité de son département serait “entachée d’irrégularités”,
– M. [B] ferait preuve d’un manque de professionnalisme et de leadership sur ses équipes,
– la société serait acculée à payer des pénalités douanières de près de 600 000 000 Francs CFA (soit environ 914 000 €) en raison de ses négligences.
Le 16 octobre 2015, M. [B] a répondu par voie d’huissier en réfutant les griefs reprochés et en expliquant que les pénalités seraient le résultat d’une situation antérieure.
Par lettre du 9 novembre 2015, M. [B] a été licencié sans préavis ni indemnité pour des faits qualifiés de fautes lourdes par l’employeur.
M [B] a saisi le 2 décembre 2015 le tribunal de travail de Pointe Noire des demandes suivantes :
– statuer sur le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
– ordonner sa réintégration,
– à défaut, lui payer la somme de 550 000 000 franc CFA (soit environ 840 000 €).
Parallèlement à cette instance, le 18 septembre 2017, M. [B] a saisi le conseil de prud’hommes de Toulouse de la contestation de ce même licenciement.
Le 12 décembre 2016, M. [B] a également saisi le procureur de la république de [Localité 4] d’une plainte avec constitution de partie civile contre les deux dirigeants de la société W.S.L pour diffamation, dénonciation calomnieuse et injures publiques à raison des termes employés dans la lettre de licenciement.
Cette procédure pénale a donné lieu à la saisine du juge d’instruction mais n’a pas abouti à une quelconque décision, au motif selon M. [B] de pressions politiques sur les magistrats saisis.
Le 7 novembre 2017, le salarié a saisi le comité des droits de l’homme des Nations Unies d’une action contre l’État congolais pour violation de l’article 2 du premier protocole facultatif se rapportant au pacte international relatif aux droits civils et politiques. L’issue de cette procédure est ignorée de la cour.
Le 20 avril 2018, M. [B] a demandé la radiation de son affaire devant le tribunal de travail de Pointe Noire et s’est désisté de son action. Ce désistement d’action a été constaté par jugement du tribunal du travail de Pointe Noire du 2 mars 2020.
Par jugement du 30 septembre 2019, le conseil de prud’hommes de Toulouse :
– s’est déclaré incompétent au profit du Tribunal de Pointe noire au Gabon (sic),
– a dit qu’il n’y avait lieu à application de l’article 700 de Code de procédure civile pour quiconque,
– a laissé à chaque partie la charge de ses propres dépens.
M. [B] a interjeté appel dans des conditions de délai et de forme qui ne sont pas discutées.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 8 septembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, M [B] demande à la cour de :
– infirmer le jugement entrepris,
– déclarer les juridictions françaises compétentes,
– évoquer le litige,
– rejeté la demande d’expertise formulée par la société W.S.L,
– prononcer la nullité de la suspension du contrat de travail individuel de M. [B] prononcée le 7 octobre 2015 par la société W.S.L,
– constater la nullité du licenciement de Monsieur [B] du 9 octobre 2015,
– condamner la société au paiement de la somme totale de 2’440’163,80 € se décomposant comme suit :
* 1 871 357, 30 € à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
* 12 701, 52 € à titre d’indemnité compensatrice de préavis,
* 473 206, 31 € à titre d’indemnité pour perte de chance,
* 72 898, 69 € à titre de frais de procédure initiée au Congo,
* 10 000 € à titre de dommages et intérêts pour préjudice moral,
* 4000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
– ordonner que ces sommes portent intérêt au taux légal,
– ordonner la capitalisation des intérêts,
– condamner la société Weatherford aux entiers dépens.
Par conclusions notifiées par voie électronique le 25 septembre 2020, auxquelles il est expressément fait référence, la société weatherford services limited demande à la cour de :
A titre principal, sur l’incompétence territoriale du conseil de prud’hommes et de la cour d’appel de Toulouse :
– confirmer le jugement en ce que le conseil s’est déclaré incompétent sur la totalité de l’affaire au profit du tribunal de Pointe-Noire vers lequel le salarié a été invité à réintroduire sa requête,
Ce faisant,
– constater l’existence d’une clause attributive de juridiction dans le cadre d’un contrat,
– dire et juger que la clause est parfaitement valable au regard du contexte international,
– constater au surplus que le salarié a saisi le tribunal du travail de Pointe Noire au Congo manifestant une volonté d’attribuer compétence à ladite juridiction,
En conséquence,
– dire et juger que seul le tribunal du travail de Pointe Noire au Congo est compétent pour connaître du litige,
– se déclarer incompétent et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
– confirmer pareillement le jugement en ce qu’il a débouté M. [B] de toutes ses demandes, fins et conclusions,
– rectifier l’erreur matérielle présente dans le jugement en déclarant que le conseil de prud’hommes de Toulouse s’est déclaré incompétent sur la totalité de l’affaire au profit du tribunal de Pointe Noire au Congo, en lieu et place du tribunal de Pointe-Noire au Gabon,
A titre surabondant et sous réserve que la cour estime qu’il existe une compétence du juge français concomitante avec celle du juge congolais,
– constater l’existence d’une situation de litispendance,
– constater que le tribunal du travail de Pointe Noire a été saisi par M. [B] avant la saisine du conseil de prud’hommes et de la cour d’appel de céans,
En conséquence,
– se dessaisir de l’affaire au profit du premier juge saisi,
En tout état de cause au titre des exceptions de procédure,
– condamner M. [B] au paiement de la somme de 5000 € au titre de l’article 700 1° du code de procédure civile, outre les entiers frais et dépens de l’instance en ce compris les éventuels frais d’exécution de la décision à intervenir,
Sur le fond si par extraordinaire la cour rejetait les exceptions de procédures soulevées et décidait d’user de son pouvoir d’évocation :
* Avant dire droit :
– constater l’absence de preuve de la teneur du droit congolais,
– ordonner une mesure d’expertise avec mission donnée à l’expert de :
* examiner la lettre de suspension et indiquer, au visa du droit applicable et de la jurisprudence, la validité intrinsèque de la lettre (conditions de fond et de forme), savoir notamment les conditions pouvant justifier la suspension et le degré de motivation exigé, la possibilité pour l’employeur d’invoquer ou non des griefs ultérieurement,
* indiquer quelle est la procédure suivant la lettre de suspension : entretien ou autre, le caractère obligatoire de cet entretien éventuel pour le salarié, les modalités de réponse aux griefs et les conséquences juridiques y attachées,
* indiquer notamment si la réponse du salarié ou son refus de s’entretenir avec sa hiérarchie peut s’interpréter comme une démission,
* indiquer la procédure de licenciement faisant suite à la suspension, les conditions de fond, de forme et de préavis le cas échéant,
* indiquer la qualification des griefs motivant le licenciement, faute, motif légitime ou autre et leurs conséquences en termes indemnitaires,
* indiquer les conditions donnant droit à indemnisation des préjudices invoqués par le salarié, savoir : la violation du délai de préavis de rupture légal, le licenciement abusif, la perte de chance, les frais de procédure au Congo, le préjudice moral,
* indiquer les éléments pris en compte pour le calcul des indemnités liées à chacun des préjudices précités,
* indiquer les éléments pouvant venir en déduction des indemnités ou pouvant faire perdre tout droit à indemnité,
* communiquer et expliquer tout élément de droit, qu’il s’agisse de qualification juridique, élément d’appréciation et de contextualisation en jurisprudence ou pratique locale, droit constitutionnel, loi, réglementation, circulaire, convention collective ou accord collectif de toute nature applicable au litige,
– réserver les dépens et les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
MOTIFS :
Sur la compétence des juridictions françaises :
M. [B] soutient que la clause de son contrat de travail attributive de compétence au tribunal du travail congolais ne fait nullement obstacle à la saisine du juge français dans la mesure où l’affaire porte sur la résiliation du contrat de travail et non son exécution.
Il rappelle que l’article L1221-5 du code du travail prohibe toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de travail ; que s’il est exact que cette prohibition ne concerne que les contrats de droit français il n’en demeure pas moins que, s’agissant d’un contrat de travail conclu avec une société étrangère et devant être exécuté à l’étranger, le juge français doit appliquer la loi étrangère conformément aux règles du droit international privé.
En l’espèce le droit applicable au contrat est le droit congolais.
M. [B] soutient que lorsque le contrat est soumis à une loi étrangère, le juge français doit l’interpréter en faisant application de la loi étrangère conformément aux règles du droit international privé, règles reprises aux articles 3§1 et 8§1 du règlement CE n° 593/2008 dit ‘Rome I’.
Or le code du travail congolais prévoit dans son article 212 que le tribunal compétent est celui du lieu de travail, mais que pour les litiges nés de la résiliation du contrat de travail, et nonobstant toute attribution conventionnelle de juridiction, le travail dont le lieu de recrutement est situé dans une autre localité que celle du lieu de l’emploi aura le choix entre le tribunal de celui de recrutement et celui du travail.
En l’espèce M. [B] soutient avoir été recruté à Toulouse de sorte qu’il avait le choix, pour un litige né de la résiliation du contrat de travail, entre le tribunal du travail de Pointe-Noire ou le conseil de prud’hommes de Toulouse. Ainsi la clause de juridiction figurant l’article 13 du contrat de travail de l’intéressé ne fait pas obstacle à la saisine du tribunal dans lequel le salarié était domicilié au jour de son recrutement c’est-à-dire Toulouse.
D’ailleurs le conseil de prud’hommes de Toulouse est territorialement compétent puisque l’article R1412-1 du code du travail permet au salarié de saisir le conseil de prud’hommes du lieu où l’engagement été contracté. Lorsque le contrat est conclu par correspondance, le lieu d’engagement est celui où l’intéressé a reçu le projet et d’où il l’a envoyé après signature, ce qui est [Localité 5].
Sur la litispendance alléguée par l’employeur, M. [B] réplique qu’au jour de l’examen du litige, elle n’existe plus dans la mesure où il s’est désisté de son action le 20 avril 2018 soit avant que le conseil de prud’hommes de Toulouse statut le 30 septembre 2019, le tribunal du travail de Pointe-Noire n’ayant fait que constater le désistement par jugement du 2 mars 2020. Il ajoute que le fait de lui refuser le droit d’être jugé en France alors qu’il n’existe plus de procédure en cours contre son employeur au Congo constituerait une violation de l’article 6§1de la Convention européenne des droits de l’homme et 14§1 du pacte international relatif aux droits civils, civiques et politiques.
La société W.S.L soutient que les juridictions françaises sont incompétentes en l’espèce dans la mesure où d’une part il existe une clause attributive de juridiction dans le contrat de travail et où, d’autre part, le salarié a lui-même manifesté la volonté de saisir la juridiction congolaise du travail. En saisissant le tribunal du travail de Pointe-Noire, la partie qui comparaît sans soulever l’incompétence du juge avant toute défense au fond valide la compétence par le mécanisme de prorogation de compétence.
Par ailleurs l’employeur conteste le fait que son recrutement aurait eu lieu à [Localité 5]. En effet dans le cadre du premier contrat à durée déterminée au sujet duquel il n’existe aucun litige, le recrutement avait bien eu lieu à [Localité 5]. En revanche ce n’est pas le cas du contrat à durée indéterminée objet du litige car à cette date il résidait depuis un an à [Localité 4] au Congo. D’ailleurs le contrat mentionne expressément le lieu de recrutement comme étant [Localité 4] au Congo.
Subsidiairement, la société fait valoir que le juge congolais a été saisi en premier par le salarié, et que le procès devant le tribunal du travail de Pointe-Noire était encore en cours à la date à laquelle le conseil de prud’hommes de Toulouse a statué : à cette date le tribunal de Pointe-Noire n’avait pas encore constaté le désistement, d’ailleurs à cette date la société n’avait pas accepté le désistement car elle avait formulé une demande reconventionnelle en dommages et intérêts pour procédure abusive. Il y a bien identité de parties et d’objet du litige concernant les deux actions. Le conseil de prud’hommes a donc constaté à bon droit la litispendance de sorte que le jugement devra être confirmé.
Par ailleurs elle rappelle que le juge français n’examine sa compétence qu’au regard de son propre droit et donc l’argumentation de M. [B] selon lequel le juge français devrait examiner sa compétence à la lumière du droit congolais n’est pas recevable.
En effet il s’agit d’un principe de droit international privé selon lequel on n’ applique que la loi du for saisi pour déterminer la loi applicable. Ce principe découle du principe de non-ingérence entre Etats qui interdit à un état de déterminer la compétence juridictionnelle d’un autre État pour tel ou tel contentieux.
Sur ce :
Il est constant entre les parties que la société employeur est une société de droit britannique, son activité principale s’exerce surtout en Afrique du Nord et Afrique Sub Saharienne.
Elle possède notamment un établissement à [Localité 4], au [Localité 3] (République du Congo) au sein duquel il est également constant que se déroulait le contrat de travail de M. [B].
Il est également constant que le contrat de travail à durée indéterminée de M. [B] comporte les clauses suivantes :
‘Article 13 : règlement des conflits :
tout conflit pouvant survenir à l’occasion de ce contrat de travail pourra, conformément à l’article 240 du code du travail, être soumis, par l’une ou l’autre des parties, à l’Inspecteur du Travail et des Lois Sociales du lieu d’exécution du contrat ou à son suppléant en vue de son règlement amiable.
En cas d’échec du règlement amiable, le litige sera soumis au Tribunal de Travail du lieu de l’emploi.’
‘Article 14 : droit applicable :
pour l’exécution du présent contrat de travail, les parties déclarent se référer au code du travail de la République du Congo (loi 45/75 du 15 mars 1975 et lois 6/96 du 6 mars 1996), aux lois le modifiant, aux différents règlements d’application et à la Convention Collective des Entreprises de Services Pétroliers.’
La cour constate donc que le contrat de travail de droit congolais de M. [B] comporte une clause attributive de compétence au profit du tribunal du travail du lieu de l’emploi c’est-à-dire Pointe-Noire au Congo.
S’il est exact qu’en droit français, selon l’article L1221-5 du code du travail est réputée nulle et de nul effet toute clause attributive de juridiction incluse dans un contrat de travail, il est constant que ces dispositions ne sont pas applicables à un contrat international conclu avec une société étrangère, tel celui conclu entre les parties, sauf si la clause fait échec à la compétence internationale impérative d’une juridiction française.
Tel est le cas lorsque le contrat de travail s’exécute en France, car ce critère entraîne ‘l’internationalisation des dispositions de droit français’ c’est-à-dire l’application au contrat international des dispositions impératives des articles R1412-1 et R1412-4 du code du travail.
Mais il est constant que le contrat de travail de M. [B] s’est exécuté uniquement au Congo.
Par ailleurs, le contrat à durée indéterminée du 1er mai 2014, contrat dont la rupture est discutée, n’a pas été conclu à [Localité 5] contrairement aux dires de M. [B] mais bien au Congo à [Localité 4] comme le mentionne expressément ce contrat.
Le salarié se trouvait en effet depuis un an au Congo, et entretient une confusion avec son recrutement initial à [Localité 5] en contrat à durée déterminée or ce lieu de recrutement sur un contrat distinct et antérieur est inopérant en l’espèce.
Ainsi la cour est en présence d’un contrat conclu au Congo entre un salarié congolais et une société de droit britannique, pour un emploi occupé au Congo.
La juridiction française saisie de la question de sa compétence doit apprécier celle-ci non pas en application du droit congolais comme le demande M. [B] mais en application du droit français c’est-à-dire de la loi du for saisi par application du principe général du droit international privé de non-ingérance entre Etats interdisant à tout Etat de déterminer en fonction de ses propres lois la compétence d’un autre Etat.
Sur ce point la cour relève que M. [B], en se prévalant des dispositions des articles 3§1 et 8§1 du règlement CE n° 593/2008 dit ‘Rome I’, fait une confusion entre le droit applicable au contrat que visent ces textes, et dont il n’est pas discuté qu’il s’agit du droit congolais, et la juridiction compétente ce qui recouvre deux notions distinctes en droit international privé. En effet une juridiction française peut être compétente tout en devant appliquer un droit étranger.
De manière générale en droit du travail la compétence des juridictions françaises peut résulter :
– de la nationalité des parties (or le salarié est congolais et l’employeur est britannique),
– de la transposition, dans l’ordre international, des règles d’ordre public de l’article R. 1412-1 du code du travail. Ainsi un conseil de prud’hommes français peut donc être saisi du litige :
– si le travail est exécuté dans un établissement en France (ce n’est pas le cas en l’espèce)
– lorsque l’action est intentée par le salarié, si l’engagement a été contracté en France (ce n’est pas le cas en l’espèce) ou si l’employeur est établi en France
(ce qui n’est pas allégué)
– lorsque le travail est effectué en dehors de tout établissement, si le salarié est domicilié en France (à la date de saisine du Conseil de prud’hommes de Toulouse le salarié était domicilié à Toulouse mais il n’a jamais effectué un travail hors de tout établissement, il était affecté à l’établissement de Pointe Noire).
En l’absence en l’espèce de tout critère permettant d’invalider la clause attributive de compétence figurant au contrat, la cour appliquera celle-ci et confirmera le jugement entrepris ayant retenu son incompétence.
En application des dispositions de l’article 81 du code de procédure civile, lorsque le juge estime que l’affaire relève de la compétence d’une juridiction étrangère, il renvoie seulement les parties à mieux se pourvoir. Le jugement déféré ne pouvait donc désigner le ‘tribunal de Pointe Noire au Gabon’ et sera infirmé sur ce point, la cour renvoyant les parties à mieux se pourvoir.
Sur le surplus des demandes :
Le jugement sera confirmé en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens.
M. [B], échouant en son recours, sera condamné aux dépens d’appel.
Il n’y a pas lieu de faire application des dispositions au titre de l’article 700 du code de procédure civile devant la présente cour.
PAR CES MOTIFS :
Confirme le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré incompétent le conseil de prud’hommes de Toulouse pour juger l’affaire, et en ses dispositions sur les frais irrépétibles et les dépens,
L’infirme en ce qu’il a désigné le ‘tribunal de Pointe Noire au Gabon’ compétent,
Statuant à nouveau sur ce point, et y ajoutant,
Renvoie les parties à mieux se pourvoir,
Dit n’y avoir lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne M. [B] aux dépens d’appel.
Le présent arrêt a été signé par Caroline PARANT, présidente, et par Eve LAUNAY, greffière.
La greffièreLa présidente
Eve LAUNAYCaroline PARANT