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COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE
Chambre 3-3
ARRÊT SUR COMPETENCE
DU 05 OCTOBRE 2023
N° 2023/120
Rôle N° RG 23/01386 – N° Portalis DBVB-V-B7H-BKVVD
SOCIETE SUSJE
C/
S.A.S. LEMOUZY
S.A.R.L. SOY CUBA
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sandra JUSTON
Me Michel GOUGOT
Me Krista LEROUX
Décision déférée à la Cour :
Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 05 Janvier 2023 enregistrée au répertoire général sous le n° 2021F01268.
APPELANTE
SOCIETE SUSJE, Société de droit italien (SDE), prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE, SIMON-THIBAUD, JUSTON, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
INTIMEES
S.A.S. LEMOUZY, prise en la personne de son représentant légal,
dont le siège social est sis [Adresse 3]
représentée par Me Michel GOUGOT de la SCP TROEGELER – GOUGOT – BREDEAU- TROEGELER – MONCHAUZOU, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE substitué par Me Marie LESSI, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE,
assistée de Me Maëlle BLAZEJCZYK, avocat au barreau d’AGEN, plaidant
S.A.R.L. SOY CUBA, prise en la personne de sa gérante Mme [G] [T],
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Krista LEROUX de la SELEURL KRISTA LEROUX AVOCAT, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE
*-*-*-*-*
COMPOSITION DE LA COUR
En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 27 Juin 2023, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur Philippe DELMOTTE, Président, chargé du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Philippe DELMOTTE, Président
Madame Françoise PETEL, Conseillère
Madame Françoise FILLIOUX, Conseillère
Greffier lors des débats : Madame Laure METGE.
Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe, après prorogation, le 05 Octobre 2023.
ARRÊT
Contradictoire,
Prononcé par mise à disposition au greffe le 05 Octobre 2023
Signé par Monsieur Philippe DELMOTTE, Président et Madame Laure METGE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
***
Exposé du litige
La société Lemouzy, qui a son siège à Villeuve sur Lot (47), est une société spécialisée dans la vente au détail de chaussures.
La société Soy Cuba, qui a son siège à [Localité 4] (13), est une société spécialisée dans le commerce de gros de vêtements et chaussures.
La société Susje, société de droit italien, ayant son siège social en Italie, a pour activité la fabrication et la commercialisation de chaussures et d’articles de maroquinerie.
Le 11 mars 2020, la société Lemouzy a commandé à la société Soy Cuba 48 paires de chaussures moyennant le prix de 3184€ HT.
Le 19 août 2020, la société Susje a directement expédié les marchandises à la société Lemouzy.
Après livraison de la marchandise, la société Soy Cuba a adressé une facture à la société Lemouzy que celle-ci a réglé au moyen de deux chèques.
Le 25 août 2020, la société Susje a adressé à la société Lemouzy une facture correspondant à la livraison des mêmes marchandises, facture que la société Lemouzy a refusé de régler.
Par ordonnance du 20 avril 2021, devenue irrévocable, le juge des référés du tribunal de commerce d’Agen, saisi par la société Susje, a condamné la société Lemouzy au paiement d’une provision de 3250€ à valoir sur la facture litigieuse du 25 août 2020.
Par actes d’huissier des 30 septembre et 4 octobre 2021, la société Lemouzy a assigné les sociétés Susje et Soy Cuba devant le tribunal de commerce de Marseille à l’effet, au principal,
– de voir juger que la dette au titre de la commande de chaussures auprès de la société Soy Cuba est éteinte et que la société Susje ne détient aucune créance à son encontre
– de voir juger qu’elle ne doit pas exécuter l’ordonnance de référé du 20 avril 2021
– de voir condamner la société Susje à tels dommages et intérêts et sommes au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– de voir déclarer opposable à la société Soy Cuba la décision à intervenir.
Pour justifier la compétence du tribunal de commerce de Marseille, la société Lemouzy s’est prévalue d’une clause attributive de compétence contenue dans le bon de commande.
La société Susje a soulevé l’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Marseille.
La société Soy Cuba n’a pas comparu à l’audience de plaidoiries.
Par jugement du 5 janvier 2023, le tribunal s’est déclaré territorialement compétent.
Par déclaration du 20 janvier 2023, la société Susje a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 25 janvier 2023, le magistrat délégué du Premier Président de cette cour a autorisé la société Susje à assigner les société Lemouzy et Soy Cuba à l’audience du 27 juin 2023.
Vu les conclusions du 20 janvier 2023 de la société Susje demandant à la cour
Au visa des articles 42, 43, 46, 48, 73 à 75, 83 à 89 et 384 du code de procédure civile, 1199 du code civil, 4, 7 et 8 du Réglement CE et du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012
– de réformer le jugement
– de déclarer la clause attributive de compétence contenue dans le bon de commande signé par les sociétés Soy Cuba et Lemouzy non valable et non écrite
– de déclarer que cette clause lui est inopposable
– de déclarer l’exéception d’incompétence qu’elle a soulevée recevable et bien fondée
– de déclarer le tribunal de commerce de Marseille territorialement incompétent pour connaître du litige opposant la société Susje aux sociétés Lemouzy et Soy Cuba
– de rejeter toutes prétentions contraires
– de condamner la société Lemouzy à lui payer la somme de 1500€ sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens.
Vu les conclusions du 9 juin 2023 de la société Lemouzy demandant à la cour
au visa des articles 1103, 1199, 1240 et 1342 et suivants du code civil, 42 et suivants et 88 du code de procédure civile
Sur la compétence territoriale
– à titre principal, de confirmer le jugement et de débouter les parties adverses de leurs demandes plus amples ou contraires
– à titre subsidiaire, dans l’hypothèse où la cour dirait le tribunal de commerce de Marseille incompétent,
– de renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce d’Agen
– de débouter les parties adverses de leurs demandes plus amples ou contraires
– de réserver les dépens
Sur le fond, si le jugement déféré était confirmé
– d’évoquer l’entier litige
A titre principal
– de déclarer éteinte la dette au titre de la commande de chaussures réalisée le 11 mars 2020
– de retenir que la société Susje ne détient aucune créance à son égard
A titre subsidiaire, si la cour reconnaissait à la société Susje la qualité de créancière
– de constater que la société Soy Cuba constituait la créancière apparente de la société Lemouzy
– de condamner la société Soy Cuba à lui rembourser la somme de 3889,20€, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir
– de condamner la société Soy Cuba à lui payer l’ensemble des frais relatifs à la saisie-attribution pratiquée à son encontre par la société Susje, soit la somme de 1505,10€ arrêtée au 22 février 2022 ainsi que les frais et intérêts postérieurs, sous astreinte de 50€ par jour de retard à compter de la décision à intervenir
En tout état de cause, de débouter les parties adverses de leurs demandes plus amples ou contraires
– de condamner la société Susje à lui payer la somme de 5000€ à titre de dommages et intérêts pour procédure et agissements abusifs à son encontre
– de condamner la société Susje à lui régler la somme de 493,79€ équivalant au remboursement des sommes indûment saisies ainsi que des frais bancaires y afférents
– de condamner la partie qui succombera à lui payer la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
En tout état de cause, s’il n’était pas fait droit à la demande d’évocation,
– de renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce de Marseille
– de débouter les parties de leurs demandes plus amples ou contraires
– de condamner la partie qui succombera à lui payer la somme de 3000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile
– de condamner la partie succombante aux entiers dépens de l’appel.
Vu les conclusions du 21 juin 2023de la société Soy Cuba demandant à la cour
au visa des articles 42 et suivants, 88 et suivants et 700 du code de procédure civile
– de confirmer le jugement
– d’user de sa faculté d’évocation
– de juger que la société Lemouzy l’a valablement payée au titre de la commande de chaussures passée le 11 mars 2020 auprès d’elle
– de condamner la société Susje à lui payer la somme de 2000€ en indemnisation du préjudice subi du fait de la violation de son obligation de ne pas solliciter de paiement auprès des clients de la société Soy cuba
– de débouter les sociétés Susje et Lemouzy de toutes demandes foumulées à son encontre
– de condamner la société Susje à lui payer la somme de 4000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Motifs
L’article 48 du code de procédure civile dispose que toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenues entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ai été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.
En l’espèce, sur le bon de commande signé le 11 mars 2020, figure la clause suivante : ‘en cas de litige seul le tribunal de Marseille est compétent’.
Indépendamment de l’appréciation du caractère apparent ou non de cette clause, il est constant que celle-ci figure dans un bon de commande passé exclusivement entre la société Lemouzy et la société Soy Cuba ; les sociétés Lemouzy et Soy Cuba ne produisent aucune pièce démontrant que la société Susje a eu connaissance de la clause litigieuse et/ou a accepté expressément de s’y soumettre et, par voie de conséquence, a accepté la compétence du tribunal de commerce de Marseille pour statuer sur un litige opposant les trois sociétés.
Il en résulte que cette clause est inopposable à la société Susje.
Il est par ailleurs constant que lorsque le défendeur à une instance a son siège social dans un Etat membre de l’Union européenne, la compétence est déterminée exclusivement sur le fondement du Règlement du12 décembre 2012 dit Bruxelles I Bis, le demandeur, de nationalité française, ne pouvant bénéficier ni des règles de compétence interne du code de procédure civile, ni du privilège de nationalité de l’article 14 du code civil pour attraire le défendeur, domicilié dans un autre Etat membre de l’Union Européenne, devant un tribunal français.
Ainsi, la compétence de principe, posée par l’article 4 § 1 du Règlement précité, est celle de la juridiction du lieu du domicile du défendeur : ‘sous réserve du présent règlement, les personnes domiciliées sur le territoire d’un Etat membre sont attraites, quelle que soit leur nationalité, devant les juridictions de cet Etat membre’ ; à cet égard, la société Susje a son siège en Italie et n’exploite aucun établissement secondaire en France.
Cependant, il résute de l’article 7, 1, a et b du même Règlement qu’une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat membre peut être attraite dans un autre Etat membre, en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu de l’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande ; aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est, pour la vente de marchandises, le lieu d’un Etat membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées.
Il n’est pas contesté en l’espèce (pièce n° 6 de la société Susje) que les lots de chaussures ont été livrées par la société Susje au siège de la société Lemouzy situé à [Localité 5] (47).
Il y a lieu en conséquence d’infirmer le jugement, de déclarer le tribunal de commerce de Marseille territorialement incompétent pour connaître du litige opposant la société Lemouzy à la société Susje et à la société Soy Cuba et de renvoyer l’affaire devant le tribunal de commerce d’Agen, juridiction du lieu de livraison de la marchandise.
PAR CES MOTIFS
Infirme le jugement déféré dans toutes ses dispositions ;
Statuant à nouveau ;
Déclare inopposable à la société Susje la clause attributive de compétence insérée dans le bon de commande du 11 mars 2020 ;
Déclare le tribunal de commerce de Marseille territorialement incompétent pour connaître du litige opposant la société Lemouzy à la société Susje et à la société Soy Cuba au profit du tribunal de commerce d’Agen, juridiction du lieu de livraison de la marchandise ;
Dit que le dossier de l’affaire sera renvoyé par le Greffe du tribunal de commerce de Marseille au Greffe du tribunal de commerce d’Agen dans les conditions de l’article 97 du code de procédure civille ;
Condamne la société Lemouzy aux entiers dépens de la présente instance ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes des sociétés Lemouzy et Soy Cuba, condamne la société Lemouzy à payer à la société Susje la somme de 1500€.
LE GREFFIER LE PRESIDENT