Clause attributive de compétence : 5 mai 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04259

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Clause attributive de compétence : 5 mai 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 21/04259
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N° RG 21/04259 – N° Portalis DBV2-V-B7F-I5QI

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE CIVILE ET COMMERCIALE

ARRET DU 05 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

2021R00006

TRIBUNAL DE COMMERCE DE BERNAY du 28 Octobre 2021

APPELANTES :

Madame [N], [R], [B] [L]

née le [Date naissance 2] 1948 à [Localité 10] (75)

[Adresse 4]

[Localité 3]

S.A.S. [N] [L] CONSEIL

[Adresse 4]

[Localité 3]

représentées et assistées par Me Virginie CAREL, avocat au barreau de ROUEN

INTIMEE :

S.A.S. UROMAR

[Adresse 6]

ogistique

[Localité 5]

représentée par Me Vincent MOSQUET de la SELARL LEXAVOUE NORMANDIE, avocat au barreau de ROUEN et assistée par Me Xavier HARANGER, avocat au barreau de PARIS, plaidant

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 02 Mars 2022 sans opposition des avocats devant M. URBANO, Conseiller, rapporteur,

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame FOUCHER-GROS, Présidente

M. URBANO, Conseiller

M. MANHES, Conseiller

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DEVELET, Greffier

DEBATS :

A l’audience publique du 02 Mars 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 05 Mai 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Rendu publiquement le 05 Mai 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame FOUCHER-GROS, Présidente et par Mme DEVELET, Greffier.

*

* *

EXPOSE DES FAITS ET DE LA PROCEDURE :

Au cours du mois de décembre 2012, Mme [N] [L] a constitué avec un tiers une société par actions simplifiée dénommée Union Rouennaise d’Opérations Maritimes et Aériennes exerçant sous le nom commercial UROMAR.

Au cours du mois de septembre 2016, la société SIFA Transit a racheté le fonds de commerce de la société Union Rouennaise d’Opérations Maritimes et une nouvelle société UROMAR a été fondée le 30 septembre 2016, la société SIFA Transit en étant associée unique.

Cette société UROMAR a pour objet, directement ou indirectement, tant en France qu’à l’étranger, d’importer et exporter toutes marchandises, produits, matériaux et matériels et d’effectuer toutes opérations de transit, de transport et de manutention.

A compter du 1erseptembre 2016, la nouvelle société UROMAR a été présidée par la SAS [N] [L] Conseil, elle-même présidée par Mme [N] [L] et la durée du mandat social a été fixée à quatre ans.

Le 9 septembre 2016, le siège social de la nouvelle société UROMAR a été transféré à [Localité 5] et, peu après, la société SIFA a cédé 10% des parts sociales à la SAS [N] [L] Conseil.

Par courrier électronique du 4 octobre 2019, le directeur du département France et du développement de la société SIFA a avisé la SAS [N] [L] Conseil de ce qu’elle serait déchargée de toute « mission managériale » à compter du 30 juin 2020 mais que toutefois, la SIFA souhaitait que Mme [L] continue d’accompagner le développement commercial de la société à Madagascar et qu’il était offert à Mme [L] de racheter les parts de la société UROMAR pour 100 000 euros en deux termes en juillet 2020 et juin 2021.

Le départ de Mme [L] ayant été reporté fin août 2020, aucune décision n’a été prise pour pourvoir à son remplacement à compter du 1erseptembre 2020 et les parties sont en désaccord sur le point de savoir si le mandat de cette dernière s’est tacitement poursuivi au-delà de cette date, la société UROMAR le soutenant et Mme [L] et la SAS [N] [L] Conseil le contestant.

Par courrier du 30 décembre 2020, la SAS [N] [L] Conseil a informé la société UROMAR de son intention de démissionner, démission prenant effet trois mois plus tard tel que prévu aux statuts.

Après qu’une réunion se soit tenue au siège de la société SIFA au cours de laquelle il a été proposé à Mme [L] de continuer à travailler au sein d’UROMAR depuis chez elle ou depuis le siège de la SIFA, ce qu’elle a refusé, la société UROMAR a contesté la démission de la SAS [N] [L] Conseil par courrier du 20 janvier 2021 au motif qu’elle n’avait pas été adressée à la SIFA.

Au cours d’une réunion à la SIFA, Mme [L] a téléphoné à neuf clients de la société UROMAR afin de les prévenir de son départ fixé au 15 février 2021 et de les aviser de son remplacement par M. [P] puis, elle a établi un courrier d’adieu à ses clients qui leur a été adressé au cours du mois de février 2021.

Une assemblée générale s’étant tenue le 2 mars 2021 et Mme [N] [L] ayant été assistée de son avocat, les parties se sont vivement opposées sur la date à laquelle il convenait de faire cesser les fonctions de la SAS [N] [L] Conseil et un procès-verbal de carence a été dressé.

A la requête de la SAS [N] [L] Conseil, le président du tribunal de commerce de Rouen a rendu une ordonnance le 9 avril 2021 désignant MeBranchu en qualité de mandataire ad’hoc de la société UROMAR avec mission de convoquer et tenir une assemblée générale ayant pour objet :

« – De prendre acte de l’arrivée du terme du mandat de la société [N] [L] Conseil le 1er septembre 2020,

– De désigner la Société SIFA en qualité de nouvelle Présidente, à compter rétroactivement du 1er septembre 2020,

– De constater que la Société [N] [L] Conseil est désormais délivrée de toute clause de non concurrence, le délai de 3 mois ayant expiré. » 

Une procédure ayant le même objet (désignation d’un mandataire) a été diligentée par la société SIFA Transit devant le tribunal de commerce de Rouen et un désistement est intervenu le 2 juin 2021.

Parallèlement, le 7 avril 2021, la société UROMAR, suspectant que Mme [N] [L] avait commencé à travailler avec une société concurrente alors qu’elle était toujours à la tête de la société UROMAR, a déposé une requête devant le président du tribunal de commerce de Bernay afin d’être autorisée à effectuer des mesures d’instruction sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

Il a été fait droit à la demande par ordonnance du 22 avril 2021 ayant désigné un huissier de justice, la SCP Carole Duparc et [T] [X], pouvant se faire assister d’un expert informaticien, afin de prendre copie de toute correspondance notamment numérique mentionnant divers mots clés et se faire communiquer les téléphones professionnels et personnels de Mme [N] [L] afin d’y procéder à des recherches similaires.

Le 4 mai 2021 à 9h20 et 10h30, cette ordonnance a été respectivement signifiée à la SAS [N] [L] Conseil et à Mme [N] [L].

Le 7 mai 2021, Me[I] a présidé une assemblée générale à l’issue de laquelle la société SIFA Transit a été désignée présidente de la société UROMAR.

Le 4 juin 2021, la SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] ont fait assigner la société UROMAR devant le président du tribunal de commerce de Bernay afin que soit rétractée l’ordonnance du 22 avril 2021 ayant fait droit à la demande de mesure d’instruction in futurum.

Par ordonnance du 28 octobre 2021, le président du tribunal de commerce de Bernay a :

– rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la société [N] [L] Conseil et Mme [L], s’est déclaré compétent ;

– dit ne pas avoir le pouvoir de statuer sur l’exécution des mesures d’exécution et a rejeté en conséquence les griefs tirés de l’exécution des mesures ;

– rejeté la demande de nullité du procès-verbal d’huissier des 4, 25, 26 et 27 mai 2021 ;

– déclaré l’ordonnance rendue par M. le Président du tribunal de commerce de Bernay du 22 avril 2021 bien fondée ;

– donné acte à la société Uromar qu’elle renonce à la saisie des courriers électroniques identifiés dans la boite aux lettres électroniques [Courriel 8] ;

En conséquence,

– confirmé l’ordonnance rendue le 22 avril 2021, dans son intégralité hormis les courriers électroniques présents dans la boite aux lettres électroniques [Courriel 8] ;

– enjoint à la société [N] [L] Conseil et Mme [L] d’avoir à remettre à la SCP Duparc et Flament le téléphone identifié dans le procès-verbal de constat et à partir duquel elle a accès au numéro [XXXXXXXX01] ;

– dit que cette injonction sera assortie d’une astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de 8 jours après la signification de la présente ordonnance ;

– s’est réservé la compétence pour liquider l’astreinte ;

– débouté les parties de leurs autres ou plus amples demandes ;

– condamné solidairement la société [N] [L] Conseil et Mme [L] aux entiers dépens, ceux visés à l’article 701 du code de procédure civile étant liquides à la somme de 40,66 euros et à payer sous la même solidarité à la société Uromar la somme de 5.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.

La SAS [N] [L] Conseil et Mme [L] ont interjeté appel de cette ordonnance par déclaration du 5 novembre 2021.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 2 mars 2022.

EXPOSE DES PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :

Vu les conclusions du 25 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SAS [N] [L] Conseil et Mme [L] qui demandent à la cour de :

– recevant la société [N] [L] Conseil et Mme [L] en leur appel de l’ordonnance rendue par le Président du tribunal de commerce de Bernay du 28 octobre 2021 ;

Y faisait droit,

– réformer l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions et statuant à nouveau ;

– rétracter l’ordonnance rendue par M. le Président du tribunal de commerce de Bernay du 22 avril 2021, rendue à la demande de la société Uromar ;

– annuler l’ensemble des opérations d’instruction subséquentes et ordonner la restitution des éléments saisis ;

– prononcer la nullité du procès-verbal dressé par Me [X] de la SCP Carole Duparc et [T] [X] en date des 4 mai, 25 mai, 26 mai et 27 mai 2021 ;

– débouter la société Uromar de sa demande d’injonction de remise du téléphone identifié dans le procès-verbal de constat de la SCP Carole Duparc et Olivier Flamant ainsi que de l’astreinte sollicitée sur le dispositif ;

– prononcer la nullité du procès-verbal dressé par Me [X] de la SCP Carole Duparc et [T] [X] en date des 19 et 30 novembre 2021 ;

– débouter la société Uromar de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

– condamner la société Uromar à payer à la société [N] [L] Conseil la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et à Mme [L] la somme de 7.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile de première instance ;

– condamner la société Uromar à payer à la société [N] [L] Conseil et à Mme [L] la somme de 5.000 euros chacune au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile dans le cadre de la procédure d’appe1 ;

– condamner la société Uromar aux dépens de première instance et d’appel.

Vu les conclusions du 28 février 2022, auxquelles il est renvoyé pour l’exposé des moyens et arguments de la SAS Uromar qui demande à la cour de :

– confirmer l’ordonnance du Président du tribunal de commerce de Bernay du 28 octobre 2021;

– rejeter toutes les demandes fins et conclusions des Appelantes ;

– prononcer une amende civile de 5.000 euros à l’encontre de la société [N] [L] Conseil et de 5.000 euros à l’encontre de Mme [L] ;

– condamner solidairement la société [N] [L] Conseil et Mme [L] à payer à la société Uromar la somme de 5.000 euros pour procédure abusive ;

– condamner solidairement la société [N] [L] Conseil et Mme [L] à payer à la société Uromar la somme de 9.912 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner solidairement la société [N] [L] Conseil et Mme [L] aux dépens qui seront directement recouvrés par la SELARL Lexavoué Normandie.

MOTIVATION DE LA DECISION :

Sur la compétence du président du tribunal de commerce de Bernay :

La SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] ont interjeté appel de l’ordonnance entreprise en toutes ses dispositions mais ont déclaré s’en rapporter sur la compétence du tribunal de commerce de Bernay.

Dès lors que les mesures autorisées par le juge ayant fait droit à la requête devaient être exécutées dans le ressort du tribunal de commerce de Bernay, ce qui était le cas en l’espèce, le président du tribunal de commerce était compétent pour les autoriser.

Par ailleurs, aucune clause attributive de compétence territoriale ne pouvant être opposée à la partie requérante s’agissant d’une demande de mesure d’instruction fondée sur les dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, le président du tribunal de commerce de Bernay était compétent pour en connaître quand bien même une clause attribuant compétence au tribunal de commerce de Rouen a été insérée dans le mandat liant la société Uromar à la SAS [N] [L] Conseil.

L’ordonnance entreprise qui a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par la SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] sera confirmée sur ce point.

Sur l’absence de motivation de l’ordonnance du 22 avril 2021 :

Exposé des moyens :

La SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] soutiennent que tant l’ordonnance du 22 avril 2021 que l’ordonnance entreprise sont « lapidairement motivées » et qu’elles n’énoncent pas les circonstances susceptibles d’autoriser une dérogation au principe du contradictoire ni aucune autre circonstance de droit ou de fait.

La société UROMAR soutient que l’ordonnance du 22 avril 2021 renvoie aux motifs énoncés dans la requête et que l’ordonnance entreprise comporte six pages de motivations.

Réponse de la cour :

Aux termes de l’article 495 du code de procédure civile, l’ordonnance sur requête est motivée.

La requête qui est présentée au juge doit contenir une motivation sur la nécessité de déroger au principe de la contradiction et expliciter les circonstances qui justifient cette dérogation.

Le juge doit prendre en considération la requête dans son ensemble, la motivation requise pouvant découler de l’exposé par le requérant des circonstances de fait du litige, sans être nécessairement reprise dans un paragraphe dédié de la requête.

Dès lors que la requête est motivée, l’ordonnance du juge peut l’être par renvoi à la nature des faits et aux justifications du recours à une procédure non contradictoire énoncées par cette requête.

La requête présentée au juge du tribunal de commerce le 7 avril 2021 comporte, de sa page 4 à sa page 19, une motivation particulièrement développée énonçant les circonstances de fait à la suite desquelles la société UROMAR s’est persuadée de l’existence de manquements graves de sa présidente, la SAS [N] [L] Conseil et de Mme [N] [L] à l’obligation de loyauté et de non-concurrence dont elle déclare qu’elle pesait sur elles et sur la nécessité que des mesures d’investigation soient prises à leur insu.

L’ordonnance du 22 avril 2021 est motivée comme suit :

« Vu la requête qui précède et les moyens exposés par :

La SAS UROMAR [Adresse 6] représentée par SELARL Xavier HARANGER ‘ Maître [Adresse 7]

Vu les motifs y exposés,

Vu les pièces produites,

Vu les articles 145, 249, 490 à 495, 874 et 875 du Code de procédure civile, et L. 153-1 et suivants du Code de commerce,

Vu les articles R. 153-1 à R. 153-8 du Code de commerce ;

Disons que la requérante justifie d’un motif légitime à nous demander une mesure d’instruction en vue d’un futur procès, notamment pour violation de ses obligations contractuelles, concurrence déloyale et faute de gestion.

Constatons qu’il existe un motif légitime à ordonner les mesures visées ci-dessous et qu’au vu des justifications produites, et du risque de dépérissement des éléments recherchés, la société Uromar est fondée à ne pas appeler contradictoirement les parties visées par la mesure et à procéder par voie de requête ».

Le juge ayant expressément renvoyé aux motifs de la requête, son ordonnance saitsfait à l’exigence de l’article 495 du code de procédure civile.

Par ailleurs, le juge de la rétractation a motivé comme suit : « Sur l’absence de motivation de l’ordonnance :

Attendu que l’article 495 du Code de Procédure Civile dispose que « l’ordonnance sur requête est motivée » ;

Attendu que la Cour de cassation admet qu’une ordonnance en visant la requête en admet les motifs sans les reproduire, même si la référence à ladite requête est implicite ; » et après avoir examiné la motivation de l’ordonnance du 22 avril 2021 a considéré qu’elle était motivée.

Ainsi L’ordonnance entreprise satisfait à l’exigence de motivation, le moyen qui postulait le contraire doit être rejeté.

Sur la nullité du procès-verbal de constat de Me [X] des 4, 25, 26 et 27 mai 2021, sur celle du procès-verbal des 19 et 30 novembre 2021 et les irrégularités affectant les mesures d’execution :

Exposé des moyens :

Mme [N] [L] affirme ne pas se souvenir si l’huissier instrumentaire était porteur de la minute de l’ordonnance du 22 avril 2021.

Mme [N] [L] et la SAS [N] [L] Conseil soutiennent que les procès-verbaux dressés par l’huissier instrumentaire désigné par l’ordonnance du 22 avril 2021 sont nuls comme ayant été établis à la demande de la société UROMAR représentée par son président, c’est-à-dire par la SAS [N] [L] Conseil, alors que la demande a été toujours formée par son directeur général M. [Y] ; que cette irrégularité leur a causé un grief dès lors que les mesures qu’elles contestent ont été ordonnées.

La société UROMAR soutient que le juge saisi de la rétractation d’une ordonnance sur requête ne peut connaître des irrégularités affectant l’exécution des mesures d’instruction.

Réponse de la cour :

Selon l’article 497 du Code de procédure civile « Le juge a la faculté de modifier ou de rétracter son ordonnance, même si le juge du fond est saisi de l’affaire.»

L’instance en rétractation a pour seul objet de soumettre à l’examen d’un débat contradictoire les mesures initialement ordonnées à l’initiative d’une partie en l’absence de son adversaire et la saisine du juge de la rétractation se trouve limitée à cet objet.

Le juge de la rétractation ne peut dès lors connaître du contentieux de l’exécution de la mesure d’instruction ordonnée sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile qui n’affecte pas la décision ayant autorisé cette mesure.

C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le premier juge a dit ne pas avoir le pouvoir de statuer sur l’exécution des mesures d’exécution, a rejeté en conséquence les griefs tirés de l’exécution des mesures et a rejeté la demande de nullité du procès-verbal d’huissier des 4, 25, 26 et 27 mai 2021.

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce que le premier juge a dit ne pas avoir le pouvoir de statuer sur l’exécution des mesures d’exécution et a rejeté en conséquence les griefs tirés de l’exécution des mesures et rejeté la demande de nullité du procès-verbal d’huissier des 4, 25, 26 et 27 mai 2021.

Les demandes en annulation formées par la SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] du procès-verbal des 19 et 30 novembre 2021 seront rejetées.

Sur l’existence d’un motif légitime :

Exposé des moyens :

La société UROMAR déclare suspecter la SAS [N] [L] Conseil d’avoir :

– transmis des informations confidentielles à la concurrence alors que son mandat social était en cours en communiquant des cotations (des devis) à un ancien prestataire d’UROMAR, M. [K], qui travaille désormais pour le compte d’une société Léon Vincent, concurrente d’UROMAR, ce qui permettait à la société Léon Vincent de connaître la politique tarifaire d’UROMAR, ces faits ayant été découverts après avoir vérifié les courriers électroniques de Mme [N] [L];

– détourné des marchandises ou la clientèle de la société UROMAR au profit d’une société Léon Vincent exerçant une activité concurrente, ces faits ayant été découverts à la suite d’une erreur de livraison et d’une erreur de transmission de courrier électronique;

– collaboré avec cette société au détriment de la société UROMAR, ces faits ayant été découverts en examinant un échange de courriers électroniques;

– commis des actes de concurrence déloyale en favorisant le départ de plusieurs salariés d’UROMAR dont certains ont été embauchés par la société Léon Vincent ;

– commis des fautes de gestion en faisant payer par compensation par la nouvelle société UROMAR une dette de l’ancienne société UROMAR créée par Mme [N] [L] au profit d’un tiers, M. [F] ;

– commis une faute en n’ayant aucune réaction face aux agissements déloyaux de la société Léon Vincent qui dénigrait la société UROMAR en faisant circuler le bruit auprès de la clientèle qu’elle ne serait plus en mesure d’exercer son activité ;

La SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] contestent ces allégations et soutiennent que :

– la gestion de la société UROMAR n’était plus assumée par Mme [N] [L] qui déclare avoir été « placardisée » par la société SIFA Transit, associée majoritaire ;

– cette gestion inadaptée a entraîné la démission de plusieurs salariés dont certains ont rejoint la société Léon Vincent tandis que d’autres ont rejoint d’autres sociétés également concurrentes ;

– M. [K] avait la qualité de commercial, responsable d’agence à Madagascar et recevait, depuis des années, des cotations ;

– le mandat social de la SAS [N] [L] Conseil avait expiré de plein droit au 1erseptembre 2020 et elle était libérée de ses obligations à l’égard de la société UROMAR à compter de cette date ;

– la société SIFA Transit connaissait pertinemment l’existence de la créance de M. [F] à l’égard de l’ancienne société UROMAR et savait qu’elle avait été reprise par la nouvelle société UROMAR alors que rien n’a été payé à M. [F], aucune compensation n’étant prouvée;

– une erreur de livraison ne saurait démontrer l’existence d’un détournement de marchandise ;

Réponse de la cour :

Selon l’article 145 du code de procédure civile, s’il existe un motif légitime de conserver ou d’établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d’un litige, les mesures d’instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.

La société UROMAR verse aux débats :

– de multiples courriers électroniques entre Mme [N] [L] et M. [K] lequel a été un prestataire de la société SIFA et notamment un échange de courriers entre les mêmes et M. [Z] [A], dirigeant d’une société Léon Vincent, concurrente de la société UROMAR (Pièce n°9) dont il ressort que, dès le 3 décembre 2020 Mme [N] [L] entendait collaborer avec la société Léon Vincent et que Mme [N] [L] s’est entremise entre cette société et M. [K] pour qu’il rejoigne également la société Léon Vincent ou qu’il travaille pour elle en délaissant la société UROMAR et la société SIFA Transit ;

-divers courriers électroniques de Mme [N] [L] et de l’un des dirigeants de la société SIFA Transit, M. [G]. Le 29 décembre 2020 ce dernier a avisé Mme [N] [L] de ce qu’il venait de recevoir un courrier de M. [K] lui annonçant qu’il mettait fin à sa collaboration avec UROMAR. Dans sa réponse, Mme [N] [L] lui a déclaré qu’elle n’était pas au courant. Les parties ne contestent pas que M. [K] travaille désormais pour la société Léon Vincent ;

-de multiples courriers électroniques de Mme [N] [L] et M. [K] (pièces n° 29 à 66) entre le 30 décembre 2020 et le 8 mars 2021 desquels il apparaît que Mme [N] [L] a transmis à M. [K] des cotations permettant de connaître la politique tarifaire de la société UROMAR, certains courriers étant transférés par M. [K] sur sa boîte mail personnelle à un moment où la société UROMAR pouvait estimer que M. [K] n’était plus son prestataire (notamment pièces n° 47, 48, 54, 56 à 58) ;

-un courrier électronique émanant de M. [K] depuis sa boîte mail personnelle adressé à la société SIFA Transit le 25 mars 2021 aux termes duquel il l’avisait de la réception d’un colis au nom de Mme [O], ancienne cliente de la société UROMAR mais qui était désormais cliente de la société Léon Vincent (pièce n° 75).

Une livraison a bien été effectuée chez UROMAR le 25 mars 2021 portant sur un colis à destination d’UROMAR [Localité 5], la facture relative à cette livraison était au nom de Mme [N] [L] et comportait un numéro de téléphone portable [XXXXXXXX01] n’étant pas connu d’UROMAR et qui s’est avéré être celui de Mme [N] [L] (pièce n° 73);

-le justificatif de ce que de nombreux salariés de la société UROMAR, dont elle déclare qu’ils étaient sous « le management quotidien » de Mme [N] [L] ont quitté l’entreprise et certains d’entre eux sont désormais employés par la société Léon Vincent, la liste de ceux-ci étant donnée sous forme de tableau dans les conclusions de Mme [N] [L] en page 29 ;

Au vu de ces divers courriers électroniques connus de la société UROMAR et constituant l’essentiel de la motivation de sa requête initiale, celle-ci pouvait supposer que la SAS [N] [L] Conseil dirigée par Mme [N] [L], qui était encore formellement sa présidente et avant qu’elle n’entende démissionner selon courrier du 30 décembre 2020, avait l’intention de travailler avec une société concurrente, la société Léon Vincent et qu’elle entendait y reconstituer son équipe initiale avec M. [K] et quelques salariés de la société UROMAR.La société UROMAR pouvait également supposer que certains de ses clients s’étaient détournés d’elle au profit de la société Léon Vincent et que Mme [N] [L] et M. [K] connaissaient pertinemment ce fait.

Les éléments rapportés ci-dessus constituent un motif légitime au sens de l’article 145 du code de procédure civile permettant à la société UROMAR de solliciter une mesure d’instruction.

Sur la nécessité de déroger au principe du contradictoire :

Exposé des moyens :

La société UROMAR soutient que Mme [N] [L] ayant agi à son insu et ayant utilisé une adresse électronique anonyme, il était essentiel que la mesure ordonnée ne soit pas connue de la SAS [N] [L] Conseil ni de Mme [N] [L] dès lors que, s’agissant de messages électroniques rédigés par un ordinateur ou un téléphone portable, leur effacement constituait une possibilité.

Elle fait observer que lors de l’exécution des mesures d’instruction, il est apparu que Mme [N] [L] avait dissimulé un téléphone n° [XXXXXXXX01] et que lorsque le juge de la rétractation lui a fait injonction de le remettre, elle en a auparavant effacé le contenu ce qui démontre, a posteriori, la nécessité de procéder en dehors du contradictoire.

Mme [N] [L] et la SAS [N] [L] Conseil soutiennent qu’il n’existe aucun élément de nature à avoir exclu le principe du contradictoire lors de l’ordonnance initiale.

Réponse de la cour :

La société UROMAR affirme que Mme [N] [L] a utilisé une adresse mail « [Courriel 9] » et elle verse aux débats divers courriers électroniques en provenance ou à destination de cette adresse provenant d’une boite mail de la société SIFA Transit (pièce n° 112 notamment).

Ni Mme [N] [L] ni la SAS [N] [L] Conseil n’ont émis une quelconque observation sur ce point.

Le fait que, lors de l’exécution de l’ordonnance entreprise, Mme [N] [L] ait remis un téléphone dont elle avait effacé le contenu, ne saurait justifier a posteriori qu’il ait été dérogé au principe du contradictoire. En revanche, le fait que la société UROMAR:

– ait découvert dans ses diverses boîtes mail de multiples courriers électroniques lui ayant fait supposer l’existence d’anomalies graves pouvant être imputées à Mme [N] [L],

– ait détecté une adresse électronique anonyme aboutissant à Mme [N] [L],

– ait également détecté accidentellement un numéro de téléphone non connu de la société UROMAR aboutissant à Mme [N] [L],

justifie la dérogation au principe du contradictoire dès lors qu’eu égard à ce qu’elle pouvait légitimement considérer comme une volonté de dissimulation de Mme [N] [L], il était évidemment à craindre un effacement pur et simple de tous les messages se trouvant sur les diverses boîtes mail considérées et le dépérissement de toutes les preuves exclusivement numériques en l’espèce.

Les éléments rapportés ci-dessus constituent un motif légitime permettant à la société UROMAR de solliciter une mesure d’instruction dérogeant au principe du contradictoire.

Sur la disproportion des mesures ordonnées :

Exposé des moyens :

La SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] soutiennent que :

-l’injonction figurant dans l’ordonnance initiale dans les termes suivants « Disons que jusqu’à l’issue des opérations de constat, les requis devront s’abstenir de tout contact et de toute communication avec toutes personnes et/ou sociétés et/ou entités visées dans la requête et/ou dans l’ordonnance, à l’exception de leur avocat les cas échéant » constitue une restriction aux libertés.

-le juge a autorisé une mesure d’instruction portant sur 55 adresses mail ayant nécessité 4 jours de manipulations informatiques ce qui est excessif et disproportionné;

-ces mesures ont été autorisées sur de nombreuses adresses mails n’ayant aucun rapport avec les anomalies prétendument découvertes ;

-elles ont visé des milliers de messages de sorte que, devant le juge de la rétractation, la société UROMAR a renoncé à exploiter diverses boites mail ce qui démontre le caractère disproportionné de la mesure ;

-la société UROMAR avait déjà accès à la boite mail de Mme [N] [L] de sorte que la mesure était inutile ;

-la vie privée de Mme [N] [L] a été atteinte lorsque l’huissier a placé dans un dossier informatique les correspondances entre Mme [N] [L] et son avocat incluant des tiers et qu’elle a dû remettre un téléphone avec lequel elle passait ses appels personnels.

La société UROMAR soutient que :

-l’injonction faite à Mme [N] [L] de s’abstenir de tout contact et de toute communication avec des personnes visées dans la requête est usuelle ;

-le téléphone dont se servait Mme [N] [L] lui avait été remis par la société UROMAR et devait nécessairement être examiné dès lors qu’il avait servi à envoyer et à recevoir des messages pouvant être en rapport avec les faits ;

-Mme [N] [L] a remis, en cours de procédure un téléphone dont elle a effacé les données ;

-le fait qu’il existe un nombre très important de messages concernés par la mesure, laquelle est circonscrite à certaines adresses et à certains mots clés, n’est pas disproportionné ;

-s’il est exact que la société UROMAR peut avoir accès aux boîte mail à l’adresse @sifalogistics.com, elle ne peut avoir accès aux courriers effacés, la mesure étant donc utile ;

Réponse de la cour :

L’injonction faite à Mme [N] [L] de s’abstenir de tout contact et de toute communication avec les personnes visées dans la requête ou l’ordonnance durant le temps d’exécution de la mesure correspond à une nécessité évidente visant à donner son plein effet aux investigations autorisées judiciairement qui pourraient s’avérer inutiles dès lors que les personnes concernées, avisées de la mesure, pourraient effacer les données numériques précisément recherchées.

Le moyen soutenu par Mme [N] [L] et la SAS [N] [L] Conseil sera rejeté.

S’agissant de l’injonction faite à Mme [N] [L] par le juge de la rétractation de remettre à l’huissier le téléphone correspondant au numéro [XXXXXXXX01], ce téléphone a été mentionné dans la facture relative à la livraison du 25 mars 2021 dans les locaux de la société UROMAR d’un colis au nom de Mme [O], ancienne cliente de la société UROMAR mais qui était désormais cliente de la société Léon Vincent (pièce n° 75) de sorte qu’il en résultait qu’il avait été utilisé dans le cadre professionnel par son possesseur qui s’est avéré être Mme [N] [L].

L’injonction faite à Mme [N] [L] de le remettre était donc proportionné au but recherché.

S’agissant du nombre des boites mail et du nombre particulièrement important des messages concernés par les mesures d’instruction, le respect de la vie personnelle de la dirigeante de la société et le secret des affaires ne constituent pas en eux-mêmes un obstacle à l’application des dispositions de l’article 145 du code de procédure civile, dès lors que le juge constate que les mesures demandées procèdent d’un motif légitime et sont nécessaires à la protection des droits de la partie qui les a sollicitées.

En l’espèce, le juge de la requête a autorisé des copies informatiques de tous les messages visant huit personnes parmi lesquelles Mme [N] [L], la SAS [N] [L] Conseil, M. [K], M. [A] et la société Léon Vincent, ces messages devant contenir la mention de divers mots clés énoncés dans son ordonnance, le juge ayant indiqué que les recherches devaient se cantonner à diverses périodes précises (1erseptembre 2020 et jour des constatations, 1erjanvier 2021 et jour des constatations, 1eroctobre 2020 et jour des constatations, 1ernovembre 2020 et jour des constatations) ; il a par ailleurs exclu de la recherche tout document ou dossier personnel et toutes correspondances couvertes par le secret de l’avocat.

En procédant de la sorte, le juge de la requête ainsi que le juge de la rétractation ont limité les mesures d’instructions sollicitées à diverses personnes et à divers sujets ainsi que dans le temps,ce qui tient compte des nécessités de la preuve et du respect de la vie privée de Mme [N] [L] et de la confidentialité de ses rapports avec son conseil. A cet égard, le fait que les investigations aient abouti à collecter des milliers de messages ou que la société UROMAR ait renoncé à exploiter certains d’entre eux eu égard à l’ampleur de sa tâche ne suffit pas, en soi, à caractériser la disproportion alléguée.

Enfin, le moyen tiré de la méconnaissance par l’huissier du caractère confidentiel de certains courriers échangés entre Mme [N] [L] ou la SAS [N] [L] Conseil et leur avocat ne relève pas des pouvoirs du juge de la rétractation s’agissant d’une difficulté relative aux contentieux de l’exécution des mesures ordonnées.

Le moyen tiré de la disproportion des mesures sera rejeté.

L’ordonnance entreprise sera confirmée en toutes ses dispositions.

Sur l’existence d’une procédure abusive :

Exposé des moyens :

La société UROMAR soutient que la procédure diligentée par Mme [N] [L] et la SAS [N] [L] Conseil est abusive en ce qu’un téléphone a été dissimulé puis a été remis totalement effacé après injonction.

Mme [N] [L] et la SAS [N] [L] Conseil déclarent avoir utilisé les voies de recours ouvertes par la loi.

Réponse de la cour :

La saisine d’une juridiction n’est que la mise en ‘uvre du droit d’ester en justice.

La société UROMAR ne démontre pas que c’est par intention de lui nuire que Mme [L] et la SAS [N] [L] Conseil ont diligenté leur action. Le fait de perdre en justice ne suffit pas à caractériser l’abus de la procédure diligentée par le perdant.

Les demande formées par la société UROMAR à cet égard seront rejetées.

PAR CES MOTIFS :

La cour statuant publiquement par arrêt contradictoire ;

Confirme l’ordonnance du président du tribunal de commerce de Bernay du 28 octobre 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

Rejette la demande de nullité des procès-verbaux dressés par Me [T] [X] de la SCP Carole Duparc et Olivier [X] les 19 et 30 novembre 2021 ;

Rejette la demande de condamnation pour procédure abusive formée par la société UROMAR contre Mme [N] [L] et la SAS [N] [L] Conseil ;

Condamne solidairement la SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] aux dépens et accorde un droit de recouvrement direct à la SELARL Lexavoué Normandie ;

Condamne solidairement la SAS [N] [L] Conseil et Mme [N] [L] à payer à la société UROMAR la somme de 5000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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