Clause attributive de compétence : 31 janvier 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 22/00742

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Clause attributive de compétence : 31 janvier 2023 Cour d’appel d’Angers RG n° 22/00742
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COUR D’APPEL

D’ANGERS

CHAMBRE A – COMMERCIALE

NR/IM

ARRET N°:

AFFAIRE N° RG 22/00742 – N° Portalis DBVP-V-B7G-E7WN

Jugement du 02 Février 2022

Tribunal de Commerce de LAVAL

n° d’inscription au RG de première instance 2021000532

ARRET DU 31 JANVIER 2023

APPELANTES :

SOCIÉTÉ DOMETIC GMBH, sociéte à responsabilité de droit allemand prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 7]

[Localité 8] (ALLEMAGNE)

SOCIÉTÉ HDI GLOBAL SE, société de droit prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social

[Adresse 6]

[Localité 1] (ALLEMAGNE)

Représentées par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 22048, et Me Christophe SCHÖDEL, avocat plaidant au barreau de PARIS

INTIMEES :

S.A.S. RAPIDO

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Dany DELAHAIE de la SCP CHANTEUX DELAHAIE QUILICHINI BARBE, substituée par Me ROUSSEAU-MERHEB, avocat postulant au barreau d’ANGERS – N° du dossier 2022177, et Me Joseph VOGEL, avocat plaidant au barreau de PARIS

S.A. ALLIANZ IARD, prise en la personne de ses représentants légaux, domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 5]

[Localité 4]

Représentée par Me Inès RUBINEL, avocat postulant au barreau d’ANGERS, en qualité d’administratrice provisoire de Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, avocat au barreau d’ANGERS – N° du dossier 225266, et Me Christine LIAUD-FAYET, avocat plaidant au barreau de NANTES

COMPOSITION DE LA COUR

L’affaire a été débattue publiquement à l’audience du 13 Septembre 2022 à 14 H 00, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Mme CORBEL, présidente de chambre, et Mme ROBVEILLE, conseillère, qui a été préalablement entendue en son rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme CORBEL, présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, conseillère

M. BENMIMOUNE, conseiller

Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS

ARRET : contradictoire

Prononcé publiquement le 31 janvier 2023 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l’article 450 du code de procédure civile ;

Signé par Catherine CORBEL, présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

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FAITS ET PROCEDURE

La société Dometic est une société à responsabilité limitée de droit allemand qui fournit des équipements de loisirs et des services accessoires pour les marchés des caravanes, mobile homes, automobiles, camions et bateaux ainsi que divers articles de réfrigération.

Elle est assurée auprès de la société HDI Global SE.

La société Rapido est un fabricant français de fourgons et de campings cars.

Elle est assurée auprès de la société Allianz IARD SA.

Aux motifs qu’à partir de 2016 il est apparu que certains modèles de réfrigérateurs fournis par la société Dometic équipant des fourgons et campings-cars de marque Rapido faisaient l’objet d’échauffements entraînant des incendies ou débuts d’incendie, la société Rapido et la société Allianz IARD ont, suivant actes d’huissier en date des 29 décembre 2017 et 15 janvier 2018, fait assigner la société Dometic et la société HDI Global SE devant la juridiction des référés près le tribunal de commerce de Laval, au visa de l’article 145 du code de procédure civile, aux fins de voir ordonner une mesure d’expertise.

Par ordonnance de référé du 26 mars 2018, le Président du tribunal de commerce de LAVAL a fait droit à la demande d’expertise judiciaire.

Par actes d’huissier des 23 et 30 décembre 2020, alors que les opérations d’expertise judiciaire étaient en cours, la SAS Rapido a fait assigner la société Dometic, la société HDI Global SE, ainsi que la SA Allianz IARD, aux fins de :

à titre liminaire,

– prononcer le sursis à statuer dans l’attente du dépôt du rapport d’expertise judiciaire,

à titre principal,

– la juger bien fondée à solliciter l’indemnisation de son entier préjudice consécutivement aux désordres affectant les réfrigérateurs de marque Dometic modèles RMD 85xx (et notamment 8505) et RML 93xx (et notamment 9335), survenus à partir de 2016 et l’ayant contrainte à mener des campagnes de remises à niveau,

– recevoir sa demande et l’en dire bien fondée,

– condamner solidairement la société Dometic et la société HDI Global SE au paiement de la somme de 2.181.333 euros (à parfaire notamment en cas d’actions correctives complémentaires à réaliser), outre les intérêts au taux légal à compter de la date de signification de l’assignation,

– ordonner l’exécution provisoire,

– condamner les sociétés Dometic et HDI Global SE à lui verser la somme de 80.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés Dometic et HDI Global SE aux entiers dépens, en ce compris les frais d’expertise judiciaire et de traduction.

En défense, les sociétés Dometic et HDI Global SE, in limine litis, se sont prévalues d’une exception d’incompétence territoriale du tribunal de commerce de Laval au bénéfice des juridictions allemandes, plus précisément celles du Landgericht de Siegen pour la société Dometic et celles du Landgericht de Hanovre pour la société HDI Global SE.

Subsidiairement, elles ont demandé au tribunal de lui donner acte de ce qu’elles se réservaient de conclure au fond.

Par jugement du 2 février 2022, le tribunal de commerce de Laval :

– a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par les sociétés Dometic et HDI Global SE,

– s’est déclaré compétent pour connaître des litiges opposant : la société Rapido à la société Dometic et à la société Allianz, la société Rapido à la société HDI Global SE et à la société Allianz,

– a dit que le greffe du présent tribunal procédera à la notification du présent jugement conformément aux dispositions de l’article 83 du code de procédure civile et qu’en l’absence de recours dans le délai prévu par l’article 84 dudit code, la cause fera l’objet d’un renvoi à l’audience du juge en charge de l’instruction des affaires du 6 avril 2022 et les parties seront invitées à conclure au fond,

– a condamné les sociétés Dometic et HDI Global SE à verser chacune aux sociétés Rapido et Allianz la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

– a condamné solidairement les sociétés Dometic et HDI Global SE aux dépens de l’incident.

Par déclaration du 28 avril 2022, la société Dometic et la société HDI Global SE ont interjeté appel de ce jugement en ce qu’il a rejeté l’exception d’incompétence soulevée par elles, s’est déclaré compétent pour connaître des litiges opposant : la société Rapido à la société Dometic et à la société Allianz, la société Rapido à la société HDI Global SE et à la société Allianz, les a condamnées à verser chacune aux sociétés Rapido et Allianz la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, condamné solidairement les sociétés Dometic et HDI Global SE aux dépens de l’incident ; intimant la SAS Rapido et la SA Allianz IARD.

Par requête déposée le 29 avril 2022, les sociétés Dometic et HDI Global SE ont sollicité de la cour l’autorisation d’assigner à jour fixe les sociétés Rapido et Allianz IARD.

Par ordonnance du 5 mai 2022, le président de la chambre commerciale, économique et financière de la cour d’appel d’Angers a dit que la cause pendante sur l’appel relevé par les requérantes à l’encontre du jugement rendu le 2 février 2022 par le tribunal de commerce de Bordeaux sera plaidée le mardi 13 septembre 2022 à 14h.

Par actes d’huissier des 18 et 20 mai 2022, les sociétés Dometic et HDI Global SE ont fait assigner la SAS Rapido et la SA Allianz IARD d’avoir à comparaître par ministère d’avocat constitué par devant la cour d’appel d’Angers à ladite audience.

Les parties ont conclu.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe :

– le 9 septembre 2022 pour les sociétés Dometic Gmbh et HDI Global SE,

– le 9 septembre 2022 pour la SAS Rapido,

– le 25 mai 2022 pour la SA Allianz IARD.

Les sociétés Dometic Gmbh et HDI Global SE demandent à la cour de :

– les déclarer recevables et bien fondées en leur appel,

y faisant droit,

– déclarer le tribunal de commerce de Laval territorialement incompétent,

par conséquent,

– infirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions,

– renvoyer les sociétés Rapido SAS et Allianz IARD Sa à mieux se pourvoir devant les juridictions allemandes, celles du Landgericht de [Localité 8] en Allemagne pour ce qui concerne la société Dometic Gmbh et du Landgericht de Hanovre en Allemagne pour ce qui concerne la société HDI Global SE,

à titre subsidiaire,

– leur donner acte de ce qu’elles se réservent de conclure au fond,

en tout état de cause,

– condamner les sociétés Rapido SAS et Allianz IARD Sa, in solidum, au paiement à chacune des sociétés Dometic et HDI Global SE de la somme d’un montant de respectivement 5.000 euros, en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les sociétés Rapido SAS et Allianz IARD SA aux entiers dépens.

La SAS Rapido sollicite de la cour qu’elle :

– confirme le jugement rendu le 2 février 2022 par le tribunal de commerce de Laval en toutes ses dispositions,

y ajoutant,

– condamne solidairement les sociétés Dometic et HDI Global SE à payer à la SAS Rapido la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamne solidairement les sociétés Dometic Gmbh et HDI Global SE aux entiers dépens.

La SA Allianz IARD demande à la cour de :

– déclarer les sociétés Dometic et HDI Global SE non fondées en leur appel, les en débouter,

– confirmer le jugement du tribunal de commerce de Laval du 2 février 2022 en toutes ses dispositions, en ce compris sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens alloués,

ce faisant,

– dire et juger les sociétés Dometic Gmbh et HDI Global SE irrecevables et en tout cas non fondées en leurs exceptions d’incompétence, les en débouter ainsi que de toutes leurs demandes, fins et prétentions,

– dire et juger le tribunal de commerce de Laval compétent pour connaître des demandes formées par la société Rapido et la société Allianz à l’encontre des sociétés Dometic et HDI Global SE,

– renvoyer les parties devant le tribunal judiciaire de commerce de Laval pour qu’elles concluent au fond,

et rejetant toute demande contraire comme irrecevable et en toute hypothèse infondée,

– dire n’y avoir lieu à évocation devant la cour au sens de l’article 88 du code de procédure civile,

– condamner en appel in solidum les sociétés Dometic et HDI Global SE, à payer à la société Allianz IARD, une somme de 4.000 euros conformément à l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner in solidum les sociétés Dometic et HDI Global SE, aux dépens conformément à l’article 699 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Le litige soumis à la cour concerne la compétence du tribunal de commerce de Laval pour connaître des demandes en indemnisation formées par la société Rapido à l’encontre de deux codéfendeurs, la société Dometic et son assureur la société HDI Global SE, la société Rapido ayant également appelé à la cause son assureur la société Allianz Iard sans formuler aucune demande à son égard.

La société Dometic et la société d’assurance HDI Global SE étant deux sociétés allemandes domiciliées en cet Etat, le litige est un litige transfrontalier au sein de l’Union Européenne.

Le Règlement de l’Union Européenne n°1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale a vocation à s’appliquer pour déterminer la compétence territoriale des tribunaux judiciaires à traiter du litige.

– Sur le rapport d’instance entre la société Rapido et la société Dometic

Au soutien de son exception d’incompétence, la société Dometic revendique le bénéfice de la clause attributive de compétence insérée dans ses conditions générales de vente, à l’article 15-1, aux termes de laquelle : ‘le tribunal compétent exclusif pour tous les litiges, dans la mesure où cela est autorisé légalement, est le tribunal compétent pour le siège de notre société’, en faisant valoir que conformément à l’article 25 paragraphe 1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012, la clause attributive de compétence instaure une compétence exclusive qui prime sur le principe de compétence général reconnu à l’article 4 dudit règlement ainsi que sur les autres règles de compétences spéciales, prévues notamment aux articles 7 et 8.

Elle soutient que le renvoi aux conditions générales de vente de la société Dometic consultables sur son site internet dont l’adresse électronique est communiquée, figurant clairement dans toutes les confirmations de commandes, tous les bons de livraison et toutes les factures, adressés à la société Rapido conformément à l’usage convenu et pratiqué par les parties depuis plusieurs années et dont l’application n’a jamais été contestée par la société Rapido, a emporté acceptation tacite par cette dernière de la clause attributive de compétence insérée dans les conditions générales de vente de la société Dometic.

Elle relève que ce n’est que dans ses conclusions d’appel que la société Rapido a contesté avoir reçu la lettre du 15 juillet 2009 à laquelle se trouvaient annexées les conditions générales de vente et fait observer qu’en toute hypothèse, l’usage pratiqué de manière constante entre les parties postérieurement à l’envoi de cette unique lettre, prime.

Elle conclut que la clause attributive de compétence est opposable à la société Rapido et doit s’appliquer et qu’en conséquence il conviendra de déclarer le tribunal de commerce de Laval incompétent territorialement et de renvoyer la société Rapido et son assureur la société Allianz à mieux se pourvoir devant le Landgericht de Siegen en Allemagne.

S’agissant de la prétendue absence de validité de la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de vente au regard de sa rédaction en termes trop généraux, elle soutient que la clause litigieuse répond à l’objectif de prévisibilité poursuivi par le Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012, en ce qu’en désignant le tribunal de son siège social, elle permet aux parties d’identifier précisément les juridictions désignées.

La société Rapido soutient que la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de vente invoquées par la société Dometic ne lui est pas opposable, faute pour cette dernière de rapporter la preuve qui lui incombe que ces conditions générales de vente ont été portées à sa connaissance et qu’elle les a acceptées selon l’une des formes prévues par l’article l’article 25-1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012.

Elle souligne que la société Dometic ne rapporte toujours pas en cause d’appel la preuve qu’elle lui ait envoyé les conditions générales de vente par lettre du 15 juillet 2009 et a fortiori celle de la réception de ladite lettre et de l’acceptation des conditions générales prétendument jointes.

Elle soutient en outre que le simple renvoi dans le document de confirmation de commande adressé à sa cliente par la société Dometic, à des conditions générales de vente dont il pourra être pris connaissance sur son site internet, ne saurait valoir communication effective de celles-ci, en soulignant que le document n’étant pas signé par son destinataire, la référence qu’il contient aux conditions générales de vente demeure purement déclarative et unilatérale.

Elle fait également valoir que la référence aux conditions générales de vente en tête des bons de livraison et des factures est une mention purement standard qui n’a vocation ni à porter à la connaissance du destinataire le contenu de celles-ci, ni à recueillir son consentement.

Elle soutient encore que la société Dometic ne rapporte pas la preuve de ses dires concernant l’existence d’une habitude établie entre les parties qui tiendrait à ce que le renvoi au site internet du vendeur pour la consultation des conditions générales de vente figurant dans toutes les confirmations de commandes, bons de livraison et factures, tous documents établis unilatéralement par le vendeur, vaille prise de connaissance par le client de ces conditions générales de vente et acceptation tacite de celles-ci.

Elle fait valoir que l’habitude pour les parties de requérir entre elles un accord exprès résulte au contraire de la lettre du 15 juillet 2009 aux termes de laquelle la société Dometic sollicitait de la société Rapido qu’elle confirme la réception et l’acceptation des conditions générales de vente par l’utilisation d’un formulaire joint, ainsi que de la rédaction de l’article 1.2 des conditions générales de vente prévoyant que ‘les conditions du client s’appliquent uniquement dans le cas et dans la mesure où nous avons expressément reconnues celles-ci par écrit au préalable (…) tout silence de notre part à de telles conditions divergentes n’étant en particulier pas synonyme d’acceptation ou d’approbation’ et de la formule figurant dans les bons de livraison au dessus de la signature des conducteurs et des destinataires de la marchandise.

A titre subsidiaire, elle soutient que la clause attributive de juridiction n’est pas valable dès lors qu’elle est rédigée en termes imprécis et ambigus, de sorte qu’elle ne répond pas à l’objectif de prévisibilité et de sécurité poursuivi par le Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012.

Elle conclut que la clause attributive de juridiction ne pouvant s’appliquer, elle est fondée à se prévaloir des dispositions de l’article 7.1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 applicable à la matière contractuelle prévoyant qu’une personne domiciliée sur un Etat membre peut être attraite devant le juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande, soit pour la vente de marchandise le lieu où en vertu du contrat les marchandises ont été livrées ou auraient dû être livrées.

Elle soutient qu’en application de ces dispositions, dans la mesure où les réfrigérateurs vendus par la société Dometic ont été livrés sur le site de la société Rapido à Mayenne, le tribunal de commerce de Laval, juridiction du lieu du siège de la société Rapido, est compétent pour connaître de son action contre la société Dometic.

La société Allianz Iard conclut également à la compétence du tribunal de commerce de Laval pour connaître de l’action introduite par la société Rapido contre la société Dometic, en soutenant, telle la société Rapido, que la clause attributive de juridiction invoquée par la société Dometic n’est pas applicable faute pour celle-ci d’établir que la société Rapido a eu connaissance des conditions générales de vente dans lesquelles elle est stipulée et les a acceptées, en faisant valoir que la société Dometic ne rapporte pas la preuve de leur envoi à la société Rapido par lettre du 15 juillet 2009 et de leur acceptation par celle-ci ou celle d’un usage pratiqué entre les parties ou répandu dans la branche commerciale considérée d’un renvoi aux conditions générales de vente à consulter sur un site internet.

Elle soutient également la nullité de la clause à raison d’une rédaction en termes trop généraux, en faisant observer qu’il est évoqué ‘un tribunal’ sans autre précision, ‘pour tous les litiges’, sans préciser dans quel rapport de droit et ‘le siège de notre société’ sans que l’adresse soit mentionnée.

Elle ajoute que le fait que le siège social de la société Dometic ne soit pas mentionné confère à la clause un caractère potestatif à celle-ci puisque tout changement de son adresse entraînera éventuellement un changement du tribunal territorialement compétent, imposé à la société Rapido.

Par ailleurs, elle fait valoir que partie à la même procédure que la société Dometic, pour avoir été assignée par la société Rapido, elle est néanmoins tiers au contrat de vente des réfrigérateurs.

Elle conclut que la clause attributive de juridiction contenue dans les conditions générales de vente lui est inopposable et ne peut primer sur les compétences spéciales prévues à l’article 7 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012.

Sur ce :

L’article 25 paragraphe 1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 prévoit que : ‘si les parties, sans considération de leur domicile, sont convenues d’une juridiction ou de juridictions d’un Etat membre pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé, ces juridictions sont compétentes, sauf si la validité de la convention attributive de juridiction est entachée de nullité quant au fond selon le droit de cet Etat membre. Cette compétence est exclusive, sauf convention contraire des parties.

La convention attributive de juridiction est conclue :

a) par écrit ou verbalement avec confirmation écrite ;

b) sous une forme qui soit conforme aux habitudes que les parties ont établies entre elles ; ou

c) dans le commerce international, sous une forme qui soit conforme à un usage dont les parties ont connaissance ou étaient censées avoir connaissance et qui est largement connu.

En l’espèce, il ressort de l’assignation délivrée les 23 et 30 décembre 2020 aux société Dometic, HDI Global SE et Allianz IARD, que l’action indemnitaire introduite par la société Rapido, est liée à l’acquisition par celle-ci auprès de la société Dometic de réfrigérateurs de marque Dometic, afin d’équiper des véhicules qu’elle a commercialisés au titre de modèles millésimés 2015, 2016 et 2017.

Au soutien de la compétence territoriale des juridictions allemandes du lieu de son siège social fondée sur l’application d’une clause attributive de juridiction conclue selon elle, conformément à l’article 25 paragraphe 1 b) du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012, soit selon une forme conforme aux habitudes établies entre les parties, la société Dometic verse aux débats un document intitulé ‘conditions générales de vente et de livraison de la société Dometic GmbH pour la livraison et les prestations aux entrepreneurs (clients) dans le sens de l’article §14 du BGB (code civil allemand)’ qui contient un article 15.2 inséré à l’article 15 sur le lieu de l’exécution, le tribunal compétent, le droit applicable, aux termes duquel ‘le tribunal compétent exclusif pour tous les litiges, dans la mesure où cela est autorisé légalement, est le tribunal compétent pour le siège de notre société’.

Les société Rapido et Dometic ne contestent pas qu’au moment des ventes litigieuses de réfrigérateurs, elles se trouvaient en relations habituelles d’affaires depuis plusieurs années.

Elles s’accordent également sur le fait que la conclusion des contrats de vente s’effectuait en suivant toujours le même processus, à savoir :

– une commande adressée à la société Dometic par la société Rapido,

– une confirmation de commande établie par la société Dometic, adressée à la société Rapido,

– un bon de livraison préparé par la société Dometic, signé par le chauffeur livreur et par le destinataire de la marchandise,

– une facture adressée par la société Dometic à la société Rapido.

L’examen des exemplaires de documents de confirmations de commandes versés aux débatspar la société Dometic, correspondant à des commandes passées par la société Rapido en septembre 2009, octobre 2012, juin 2013, septembre 2014, juin 2015 et juin 2016, révèle qu’ils sont tous présentés et rédigés en langue française de la même manière et qu’ils comportent de façon apparente, en tête, la mention : ‘nous vous remercions de la commande et confirmons selon nos conditions générales de vente dont vous pourrez prendre connaissance sur notre site internet’, suivie de l’adresse internet.

Les bons de livraison rédigés en langue allemande qui sont produits par la société Dometic, accompagnés de leur traduction libre en français, ainsi que les factures rédigées en français, comportent en entête et de manière apparente la mention selon laquelle ils ont été établis ‘sur la base de nos conditions générales de vente (voir internet : mention de l’adresse internet)’.

Il en résulte qu’au moment des ventes litigieuses, selon une pratique constante suivie dans le cadre de relations d’affaires établies entre les parties depuis plusieurs années, les trois documents émis par la société Dometic à réception de chaque commande passée par la société Rapido, établissant la relation contractuelle, à savoir la confirmation de commande, le bon de livraison et la facture, comportaient en entête, de manière apparente, une invitation de la cliente à prendre connaissance des conditions générales de vente de la société Dometic sur la base desquelles le contrat est conclu, en la renvoyant à les consulter sur son site internet, à l’adresse expressément rappelée sur chacun des documents concernés.

La société Rapido qui a reçu pendant plusieurs années, selon une pratique établie entre elle et la société Dometic, des bons de confirmation de commandes, des bons de livraisons et des factures faisant clairement référence aux conditions générales de vente de la société Dometic qu’elle était en mesure, moyennant des diligences normales, de consulter, sans jamais signaler une difficulté pour en prendre connaissance ou en solliciter une copie et sans en contester l’application aux ventes qu’elle continuait de conclure selon le même processus, a tacitement accepté ces conditions générales de vente et avec elles, la clause attributive de juridiction y figurant.

Le fait que la société Rapido ait pu se voir adresser par la société Dometic le 15 juillet 2009 une lettre indiquant joindre les conditions générales de vente Dometic et sollicitant la confirmation de leur réception en utilisant le formulaire joint, au surplus non reconnu par la société Rapido qui fait observer que la preuve n’en est pas rapportée, n’est pas de nature à remettre en cause l’usage entre les parties démontré par les pièces versées aux débats émises postérieurement à la date à laquelle la lettre aurait prétendument été envoyée, selon lequel les ventes conclues entre elles étaient soumises aux conditions générales de vente Dometic consultables sur son site internet, acceptées tacitement par la société Rapido.

La clause attributive de juridiction contenue à l’article 15.2 des conditions générales de vente de la société Dometic est donc opposable à la société Rapido.

Par ailleurs, l’article 25 paragraphe 1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 sus rappelé prévoit que la clause attributive de juridiction doit porter sur ‘des différends nés ou à naître à l’occasion d’un rapport de droit déterminé’.

En l’espèce, la clause attributive de juridiction aux termes de laquelle ‘le tribunal compétent exclusif pour tous les litiges, dans la mesure où cela est autorisé légalement, est le tribunal compétent pour le siège de notre société’, se trouve insérée dans les conditions générales de vente, dans un paragraphe traitant du lieu de l’exécution des obligations contractuelles, du tribunal compétent et du droit applicable.

Il s’en déduit que la clause est applicable pour tous les litiges trouvant leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel la clause a été convenue, soit celui résultant du contrat de vente.

En outre, en désignant les juridictions du siège social de la société Dometic, la clause litigieuse permet d’identifier précisément les juridictions désignées comme pouvant être saisies.

La clause attributive de juridiction litigieuse qui répond à l’objectif de prévisibilité prévu poursuivi par le Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 est valablement convenue entre les parties.

Enfin la désignation de la juridiction compétente par référence au siège social de la société Dometic ne confère pas à la clause un caractère potestatif.

Ainsi en définitive, la clause attributive de juridiction contenue à l’article 15.2 des conditions générales de vente de la société Dometic sera considérée comme applicable à l’action introduite par la société Rapido contre la société Dometic.

Par suite, la juridiction compétente pour connaître du litige opposant la société Rapido à la société Dometic est celle du siège de la société Dometic qui se trouve en Allemagne.

Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce que le tribunal de commerce de Laval s’est déclaré compétent pour connaître de l’action opposant la société Rapido à la société Dometic.

Statuant à nouveau, la société Rapido sera renvoyée à mieux se pourvoir pour l’exercice de son action à l’encontre de la société Dometic.

– Sur le rapport d’instance entre la société Rapido et la société HDI Global SE

La société HDI Global SE soutient que l’application du principe général posé par l’article 4 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 selon lequel un demandeur domicilié sur le territoire peut attraire un défendeur domicilié sur le territoire d’un autre Etat membre devant les juridictions de l’Etat membre où se trouve le domicile du défendeur, conduit à retenir la compétence du Landgericht de Hanovre en Allemagne dès lors que son siège se trouve à Hanovre en Allemagne.

Elle ajoute que l’application de l’article 13§1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 qui prévoit qu’en matière d’assurance de responsabilité, l’assureur peut également être appelé devant la juridiction saisie de l’action de la victime contre l’assuré si la loi de cette juridiction le permet, conduit à retenir pour l’action de la société Rapido contre la société HDI Global SE la compétence des juridictions allemandes désignées par la clause attributive de compétence figurant dans les conditions générales de vente pour connaître de l’action de la société Rapido contre la société Dometic.

Elle fait encore valoir que si l’article 11b prévoit que l’assureur domicilié sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre en cas d’action intentée par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile et que l’article 12 prévoit que l’assureur peut également être attrait devant la juridiction où le fait dommageable s’est produit s’il s’agit d’une assurance de responsabilité, l’article 13§2 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 précise que les articles 10,11 et 12 sont applicables en cas d’action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur lorsque l’action directe est possible.

Elle prétend qu’en l’espèce les dispositions du droit allemand sont applicables dès lors que tant l’obligation contractuelle (contrat de vente) que le contrat d’assurance sont soumis au droit allemand.

Elle indique que les dispositions du droit allemand ne prévoient pas la possibilité d’une action directe du tiers lésé contre l’assureur du responsable, sauf s’il s’agit, ce qui n’est pas le cas en l’espèce, d’un assureur de responsabilité en exécution de l’obligation d’assurance automobile ou si une procédure d’insolvabilité a été ouverte à l’égard de l’assuré ou si le lieu de séjour de l’assuré est inconnu.

Elle en déduit qu’aucune des règles de compétences spéciales prévues par le Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 ne permet au demandeur, la société Rapido, d’assigner l’assureur du responsable, la société HDI Global SE, devant les juridictions du lieu de son domicile, par dérogation au principe de l’article 4 prévoyant la compétence du domicile du défendeur.

La société Rapido soutient que l’application des dispositions des articles 12 et 13.2 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 conduit à retenir la compétence du tribunal de commerce de Laval, par dérogation au principe général de l’article 4 du même règlement, dès lors que, selon elle, la loi applicable à son action est la loi française et que celle-ci autorise l’action directe de la personne lésée contre l’assureur du responsable.

Sur la détermination de la loi applicable à son action, elle soutient que les dispositions de l’article 4 paragraphe I du Règlement de l’Union Européenne ‘Rome II’ prévoyant que la loi applicable à une obligation non contractuelle résultant d’un fait dommageable est celle du pays où le dommage survient, conduit à retenir l’application de la loi française, tout comme celles de l’article 5, paragraphe 2 du même texte, qui prévoient que la loi applicable à une obligation non contractuelle découlant d’un dommage causé par un produit est la loi du pays dans lequel la personne lésée avait sa résidence habituelle au jour du dommage, si le produit a été commercialisé dans ce pays, puisqu’en l’espèce le dommage allégué s’est produit en France, que la personne lésée avait son siège en France et que les biens ont été livrés en France.

Elle soutient que le tribunal de commerce de Laval est également la juridiction compétente désignée par l’article 13§1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 prévoyant qu’en matière d’assurance de responsabilité, l’assureur peut être appelé devant la juridiction saisie de l’action de la victime de l’assuré si la loi de cette juridiction le permet, en faisant valoir que le tribunal de commerce de Laval a été valablement saisi de l’action de la société Rapido, victime, contre la société Dometic, l’assurée, et que la loi française permet la mise en cause de l’assureur du défendeur.

La société Allianz Iard conclut, telle la société Rapido, à la compétence des juridictions françaises à l’égard de la société HDI Global SE par application des article 12 et 13 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012.

Sur ce :

Dans la mesure où il résulte de ce qui précède que la compétence du tribunal de commerce de Laval n’a pas été retenue pour l’action de la société Rapido contre la société Dometic, la société Rapido n’est pas fondée à se prévaloir au soutien de la compétence des juridictions françaises des dispositions de l’article 13§1 prévoyant la possibilité pour la victime d’appeler l’assureur de responsabilité devant la juridiction saisie de l’action de la victime contre l’assuré.

Par dérogation à la règle générale de compétence du domicile du défendeur prévue à l’article 4 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012, l’article 12 vise le cas des actions intentées contre un assureur domicilié sur le territoire d’un Etat membre, par le preneur d’assurance, l’assuré ou un bénéficiaire, en donnant compétence aux juridictions du lieu où le fait dommageable s’est produit lorsqu’il s’agit d’une assurance de responsabilité.

L’article 13§2 du même règlement prévoit que les articles 10,11 et 12 sont applicables en cas d’action directe intentée par la personne lésée contre l’assureur lorsque l’action directe est possible.

Le renvoi ainsi opéré par l’article 13§2 à l’article 12 a pour objet d’ajouter à la liste des demandeurs les personnes ayant subi un dommage.

Il en résulte que la personne lésée peut intenter une action directement contre l’assureur devant le tribunal du lieu où elle est domiciliée dans un Etat membre, lorsqu’une telle action directe est possible et que l’assureur est domicilié sur le territoire d’un Etat membre.

En l’espèce, la société Rapido prétendant avoir entendu exercer, en qualité de personne lésée, une action directe contre l’assureur de la société Dometic, il convient de vérifier si une telle action est possible.

En matière contractuelle, la personne lésée peut agir directement contre l’assureur de la personne devant réparation, si la loi applicable à l’obligation contractuelle, ou la loi applicable au contrat d’assurance, le prévoient.

En matière délictuelle, l’article 18 du Règlement ‘ Rome II’ permet l’exercice par une personne lésée d’une action directe contre l’assureur de la personne devant réparation, lorsqu’une telle action est prévue par la loi applicable à l’obligation non contractuelle, indépendamment de ce qui est prévu par la loi applicable au contrat d’assurance choisie par les parties à ce contrat.

La matière délictuelle s’entend de toute demande qui vise à mettre en jeu la responsabilité d’un défendeur et qui ne se rattache pas à la matière contractuelle.

En l’espèce, le litige entre la société Rapido et la société Dometic assurée auprès de la société HDI Global SE trouve son origine dans le rapport contractuel entre les parties, à savoir la vente par la société Dometic à la société Rapido de réfrigérateurs de la marque Dometic afin d’équiper des véhicules commercialisés par la société Rapido.

Il convient de relever que la société Rapido s’est d’ailleurs prévalue au soutien de son action contre la société Dometic introduite devant les juridictions françaises, des dispositions de l’article 7.1 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 applicables exclusivement à la matière contractuelle.

Ainsi, en application de la règle sus rappelée applicable en matière contractuelle, la société Rapido ne peut agir directement contre la société HDI Global SE, assureur de la société Dometic, que si la loi applicable à l’obligation contractuelle ou la loi applicable au contrat d’assurance le prévoient.

Il n’est pas contesté que la loi applicable à l’obligation contractuelle soit celle applicable aux contrats de vente conclus entre la société Rapido et la société Dometic est la loi allemande.

La loi applicable au contrat d’assurance conclu entre la société Dometic, société allemande, et la société HDI Global SE, société allemande, est également la loi allemande.

La société HDI Global SE soutient, sans être contredite sur le point, que les dispositions du droit allemand, soit l’article 115, premier alinéa du code des assurances allemand, ne prévoient l’action directe d’un tiers lésé contre l’assureur que dans des conditions précises qui ne sont pas réunies en l’espèce, à savoir s’il s’agit d’une assurance de responsabilité en exécution d’une obligation d’assurance en matière automobile, si une procédure d’insolvabilité a été ouverte sur le patrimoine de l’assuré ou si faute de masse, la demande d’ouverture a été rejetée ou si un administrateur provisoire de l’insolvabilité a été désigné, ou si le lieu de séjour de l’assuré est inconnu.

Ainsi en définitive, l’action directe de la société Rapido à l’encontre de l’assureur de la société Dometic, la société HDI Global SE n’étant pas possible selon la loi allemande, la société Rapido n’est pas fondée à se prévaloir des règles spéciales de compétence en matière d’assurance, prévues à l’article 12 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012.

Aucune des règles spéciales de compétence invoquées par la société Rapido au soutien de la compétence des juridictions françaises n’est donc applicable.

Il sera ajouté que c’est à juste titre que la société HDI Global SE soutient, pour les mêmes motifs tenant à ce que la condition selon laquelle l’action directe soit possible n’est pas remplie, que l’article 11.1b auquel renvoie l’article 13§2, prévoyant que l’assureur domicilié sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait dans un autre Etat membre devant la juridiction du lieu où le demandeur a son domicile, n’est pas non plus applicable à l’action directe de la société Rapido contre la société HDI Global SE.

Il reste qu’en matière d’assurance, les dispositions de l’article 11.1 a) qui prévoient que l’assureur domicilié sur le territoire d’un Etat membre peut être attrait devant les juridictions de l’Etat membre où il a son domicile, reprenant en cela le principe de la compétence du domicile du défendeur prévu à l’article 4 du Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012, trouvent à s’appliquer.

Elles conduisent à retenir la compétence des juridictions de l’Etat membre où se trouve le domicile du défendeur, soit celles du Landgericht de Hanovre en Allemagne dès lors que son siège se trouve à Hanovre en Allemagne.

Le jugement critiqué sera en conséquence infirmé en ce que le tribunal de commerce de Laval s’est déclaré compétent pour connaître de l’action opposant la société Rapido à la société HDI Global SE.

Statuant à nouveau, la société Rapido sera renvoyée à mieux se pourvoir pour l’exercice de son action à l’encontre de la société HDI Global SE à laquelle la société Allianz Iard a été appelée.

– Sur le rapport d’instance entre la société Rapido et Allianz Iard

La société Allianz Iard, domiciliée en France et qui se trouve liée à la société Rapido par un contrat d’assurance soumis à la loi française, a été assignée en même temps que les deux autres sociétés défenderesses domiciliées en Allemagne.

L’assignation ne contient aucune demande de la société Rapido à l’encontre de la société Allianz Iard.

Aucune partie ne prétend et encore moins ne développe de moyen tendant à justifier qu’Allianz Iard puisse être attraite devant les juridictions allemandes.

Aucune des hypothèses d’extension de compétence à l’égard des codéfendeurs prévues de manière spécifique par le Règlement de l’Union Européenne n° 1215/2012 ne permet de l’attraire devant les juridictions allemandes, étant précisé qu’elle n’a été ni appelée en intervention, ni en garantie et que les codéfenderesses, pas plus que la société Rapido, n’ont formé de demande à son encontre.

La société Allianz Iard ne prétend pas non plus agir à l’encontre des défenderesses en qualité d’assureur de la société Rapido, subrogée dans les droits de son assuré. Ainsi en définitive, l’action de la société Rapido contre la société Allianz Iard relève de la compétence du tribunal de commerce de Laval.

Le jugement du tribunal de commerce de Laval critiqué sera confirmé en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître de l’action de la société Rapido contre la société Allianz Iard.

– Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement critiqué sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

Partie perdante, la société Rapido sera condamnée aux dépens de première instance et d’appel.

La société Rapido sera en outre condamnée à payer à la société Dometic et à la société HDI Global SE, chacune une somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Les demandes formées au même titre contre la société Allianz seront rejetées.

La demande de la société Allianz contre les sociétés Dometic et HDI Global SE seront également rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire, rendu par mise à dispositon au greffe,

– INFIRME le jugement du tribunal de commerce de Laval du 2 février 2022 SAUF en ce qu’il s’est déclaré compétent pour connaître de l’action de la société Rapido contre la société Allianz Iard ;

Statuant à nouveau et y ajoutant,

– DECLARE le tribunal de commerce de Laval incompétent pour connaître de l’action de la société Rapido contre la société Dometic GmbH, contre la société HDI Global SE et contre la société Allianz Iard, qui relève de la compétence des juridictions allemandes ;

– RENVOIE la société Rapido pour l’exercice de ces actions à mieux de pourvoir ;

– CONDAMNE la société Rapido aux dépens de première instance et d’appel ;

– CONDAMNE la société Rapido à payer à chacune des sociétés Dometic GmbH et HDI Global SE la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

– DEBOUTE la société Rapido et la société Allianz Iard de leurs demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Déboute les sociétés Dometic et HDI Global SE de leurs demandes contre la société Allianz Iard fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

S. TAILLEBOIS C. CORBEL

 


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