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CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 30 septembre 2020
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 593 F-D
Pourvoi n° N 19-15.152
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 30 SEPTEMBRE 2020
La société Tercim, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° N 19-15.152 contre l’arrêt rendu le 12 février 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 16), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Consar Ltd, dont le siège est […] ), société de droit ghanéen,
2°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié […] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Matuchansky, Poupot et Valdelièvre, avocat de la société Tercim, de la SCP Baraduc, Duhamel et Rameix, avocat de la société Consar Ltd, après débats en l’audience publique du 7 juillet 2020 où étaient présents Mme Batut, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 février 2019), le 11 août 2011, la société ghanéenne Consar a signé avec la société suisse Interbulk Trading (la société Interbulk), filiale d’une groupe cimentier italien, un contrat de coopération portant sur la construction et l’exploitation d’une cimenterie au Ghana, qui contenait une clause attribuant compétence, en cas de litige, aux tribunaux compétents de Paris. La société française Tercim, membre du même groupe (italien), a été chargée du montage juridique et financier de l’opération.
2. La société Interbulk s’étant retirée du projet en 2016, son cocontractant l’a assignée, ainsi que la société Tercim, devant le tribunal de commerce de Paris pour les voir condamner in solidum au paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice. La société Tercim a soulevé l’incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de commerce de Versailles, lieu de son siège social.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Tercim fait grief à l’arrêt de déclarer le tribunal de commerce de Paris compétent, alors :
« 1°/ qu”il résulte des articles 4-1 et 8 du règlement (UE) n° 1215/2012 du Parlement européen et du Conseil du 12 décembre 2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, que la compétence des juridictions d’un Etat
membre fondée sur l’existence d’une pluralité des défendeurs suppose impérativement que la juridiction devant laquelle sont attraits les défendeurs soit la juridiction du domicile de l’un d’eux ; qu’en retenant au contraire qu’il serait conforme audit règlement, et plus spécifiquement à ses objectifs, de permettre, en ce qui a trait à la compétence interne, à un demandeur d’attraire tous les codéfendeurs devant une juridiction qui ne serait pas celle du domicile de l’un d’eux, la cour d’appel a violé, par fausse interprétation, les textes susvisés ;
2°/ que si l’article 42 du code de procédure civile donne la possibilité au demandeur, en présence de plusieurs défendeurs, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux, ce texte ne lui permet pas d’attraire ces défendeurs devant une juridiction dont la compétence à l’égard de l’un d’eux aurait un fondement autre que territorial et qui, notamment, ne serait compétente qu’en vertu d’une clause attributive de juridiction à laquelle tous les défendeurs ne sont pas parties ; qu’en retenant au contraire, pour admettre la compétence du tribunal de commerce de Paris à l’égard de la société Tercim, codéfenderesse à l’action, qu’en l’état d’une pluralité de défendeurs, le demandeur pouvait attraire ceux-ci devant la juridiction de son choix et, notamment, devant la juridiction désignée par une clause attributive de juridiction stipulée dans un contrat auquel la société Tercim n’était pas partie et qui n’était pas celle du domicile de l’un des défendeurs, dès lors que ce choix du demandeur n’aurait été pas arbitraire et qu’il aurait existé un rapport étroit entre les demandes justifiant qu’elles soient jugées ensemble, la cour d’appel a violé le texte susvisé. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l’article 23 de la Convention de Lugano du 30 octobre 2007 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, les parties, dont l’une au moins a son domicile sur le territoire d’un État lié par la Convention, peuvent convenir d’un tribunal ou de tribunaux pour connaître des différends nés ou à naître à l’occasion de leurs rapports de droit.
5. Selon l’article 6, § 2, de cette convention, une personne domiciliée sur le territoire d’un Etat lié peut être attraite en garantie ou en intervention devant le tribunal saisi de la demande originaire, à moins que la demande n’ait été formée que pour traduire hors de son tribunal celui qui a été appelé.
6. L’arrêt relève notamment que la société Tercim, appartenant au même groupe que la société Interbulk, est intervenue dans le montage juridique et financier de l’accord de coopération conclu entre cette société et la société Consar, et que cette dernière, reprochant à son cocontractant l’exécution défectueuse de l’accord et sa résiliation abusive, l’a assignée devant le tribunal de commerce de Paris, juridiction désignée par la clause d’élection de for stipulée dans le contrat.
7. Il en résulte que la société Tercim, domiciliée en France, Etat lié par la Convention de Lugano, pouvait, bien qu’ayant son siège social à Versailles, être attraite avec la société Interbulk devant le tribunal de commerce de Paris, saisi de la demande originaire par application de l’article 23 de ladite Convention, aux fins de leur condamnation in solidum à réparer les conséquences financières des manquements contractuels imputés à cette société.
8. Par ce motif de pur droit, substitué à ceux critiqués par le moyen, dans les conditions prévues aux articles 620, alinéa 1er et 1015 du code de procédure civile, la décision déférée se trouve légalement justifiée.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Tercim aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du trente septembre deux mille vingt.