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SOC.
SG
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 3 mars 2021
Rejet
M. HUGLO, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 302 F-D
Pourvoi n° H 19-20.506
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 3 MARS 2021
La société Vinci construction France, société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° H 19-20.506 contre l’arrêt rendu le 25 juin 2019 par la cour d’appel de Colmar (chambre sociale, section B), dans le litige l’opposant à M. W… F…, domicilié […] , défendeur à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Vinci construction France, de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de M. F…, après débats en l’audience publique du 13 janvier 2021 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Le Masne de Chermont, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,
la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Colmar, 25 juin 2019), M. F… a été engagé, suivant un contrat de travail à durée déterminée, du 4 janvier 1984 au 31 mars 1989, par la société Chantiers modernes, établie en France et aux droits de laquelle vient la société Vinci construction France, en qualité de technicien du service matériel. Il a été affecté, pendant la durée de cet engagement, au chantier de construction de la route menant d’Edea à Yaoundé, au Cameroun.
2. Il était stipulé au contrat de travail que les différends nés à l’occasion de l’exécution et de la rupture de celui-ci relèveront de la compétence des juridictions camerounaises.
3. Se plaignant d’un préjudice résultant du défaut d’affiliation pendant cette période à la Caisse de retraite des expatriés, le salarié a saisi, le 1er décembre 2017, la juridiction prud’homale. La société Vinci construction France a soulevé une fin de non-recevoir tirée de l’incompétence de cette juridiction pour connaître des demandes du salarié.
Examen des moyens
Sur le second moyen, ci-après annexé
4. En application de l’article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n’y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société Vinci construction France fait grief à l’arrêt de dire que le conseil de prud’hommes de Strasbourg est territorialement compétent pour juger le litige, alors :
« 1°/ qu’une clause attributive de compétence peut être conclue sans formalisme ; qu’en l’espèce, tout en mentionnant ce principe, la cour d’appel a considéré que la renonciation de M. F… au privilège de juridiction des articles 14 et 15 du code civil était équivoque, dès lors qu’il n’avait ‘pas spécialement approuvé la clause attributive de juridiction’ ; qu’en instaurant ainsi un formalisme que la loi ne prévoit pas, la cour d’appel a violé les textes susvisés, ensemble les articles 1103, anciennement 1134, du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
2°/ qu’une clause attributive de compétence est un engagement autonome, indépendant de l’accord substantiel, qui peut être conclue sans formalisme, de sorte que la volonté des parties de s’engager sur ce point ne saurait être contestée sur le fondement de considérations étrangères à la clause et aux stipulations portant sur le même objet ; qu’en l’espèce, pour considérer que M. F… n’était pas valablement engagé par la clause attributive de compétence conclue par ce dernier avec la société Chantiers modernes, la cour d’appel a jugé que le caractère équivoque de sa renonciation au privilège de juridiction des articles 14 et 15 du code civil résultait de ce qu’il n’avait ‘pas spécialement approuvé la clause attributive de juridiction’, que le contrat était imprécis et incomplet, qu’il ne décrivait pas ses fonctions et qu’il ne s’agissait que d’une convention type destinée à satisfaire aux exigences des autorités camerounaises afférentes à l’accueil des travailleurs étrangers ; qu’en statuant ainsi par des motifs inopérants, dès lors qu’il était constant que la clause avait été signée librement par M. F…, et qui n’étaient susceptibles de remettre en cause ni la validité de la clause autonome d’attribution de juridiction, ni l’absence d’équivoque de son consentement à la clause litigieuse, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des articles 1134 du code civil dans sa rédaction antérieure à l’ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 et L.1221-1 du code du travail ;
3°/ qu’une clause attributive de compétence peut être conclue sans formalisme, de sorte que la volonté des parties de s’engager sur ce point ne saurait être contestée sur le fondement de considérations étrangères à la clause et aux stipulations portant sur le même objet ; qu’en l’espèce, la cour était saisie d’une clause stipulant que ‘les différends nés à l’occasion de l’exécution de la rupture du présent contrat de travail relèveront de la compétence des juridictions camerounaises et notamment de l’inspecteur du travail (art. 146) et des tribunaux (art. 138 et 139 du code du travail) du Cameroun’ ; qu’en affirmant ‘que la clause attributive de juridiction ne lui permettait aucunement d’avoir conscience qu’en l’approuvant il renonçait au privilège de juridiction’ qu’il invoquait, bien que cela ressortait nécessairement des termes clairs de la clause litigieuse et qu’il n’existait aucun élément potentiellement contradictoire avec celle-ci, la cour d’appel, qui a implicitement exigé une mention expresse de la renonciation que la loi n’exigeait pas, a violé les articles 14 et 15 du code civil, ensemble les articles 1103, anciennement 1134, du code civil et L.1221-1 du code du travail ;
4°/ qu’ est claire et précise la clause selon laquelle ‘les différends nés à l’occasion de l’exécution de la rupture du présent contrat de travail relèveront de la compétence des juridictions camerounaises et notamment de l’inspecteur du travail (art. 146) et des tribunaux (art. 138 et 139 du code du travail) du Cameroun’ ; qu’en jugeant que cette clause ne valait pas renonciation au privilège de juridiction, la cour d’appel a dénaturé le sens et la portée clairs de la clause attributive de compétence et a violé le principe selon lequel les juges du fond ne peuvent dénaturer les écrits produits devant lui ;
5°/ que les juges du fond ne peuvent méconnaître les termes du litige, tels que fixés par les conclusions des parties ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a affirmé ‘que la clause attributive de juridiction ne lui permettait aucunement d’avoir conscience qu’en l’approuvant il renonçait au privilège de juridiction’ qu’il invoquait devant elle ; qu’en statuant ainsi, bien que M. F… n’ait pas soutenu dans ses écritures qu’il n’aurait pas compris le sens de la clause, la cour d’appel a méconnu les termes du litige et violé l’article 4 du code de procédure civile ;
6°/ que les juges du fond doivent répondre aux conclusions des parties et examiner les pièces qui les fondent ; qu’en l’espèce, face aux allégations de M. F… selon lesquelles son contrat de travail était incomplet, la société Vinci construction France répondait que, ‘si certaines rubriques n’étaient pas complétées dans le contrat de travail, elles l’étaient dans le contrat transmis aux autorités camerounaises compétentes ainsi que dans l’annexe au contrat (en particulier le poste de travail et la classification) . Il ne fait donc guère de doute que ces éléments forment un ensemble contractuel cohérent, soumis tant à la clause de choix de la loi qu’à la clause de choix des juridictions compétentes’ ; qu’en affirmant simplement que le contrat était ‘incomplet’ et ne décrivait pas les fonctions confiées à M. F…, la cour d’appel, qui n’a ni répondu aux conclusions opérantes et étayées de l’exposante, ni examiné les pièces qui les sous-tendaient, a violé l’article 455 du code de procédure civile ;
7°/ que les juges du fond doivent s’expliquer sur les conclusions opérantes des parties ; qu’en l’espèce, la société Vinci construction France faisait valoir que la compétence des juridictions camerounaises résultait aussi du choix fait par les parties de soumettre leurs relations à la loi camerounaise, dès lors que l’article 139 de la loi camerounaise du 27 novembre 1974 portant
code du travail disposait que ‘le tribunal compétent est en principe celui du lieu du travail’ et que, s’il demeurait loisible au travailleur qui ne résiderait plus au lieu du travail de porter le tribunal du lieu de sa résidence, c’était uniquement à la condition que celui-ci soit situé au Cameroun ; qu’en ne s’expliquant pas sur ce moyen opérant, la cour d’appel a violé l’article 455 du code de procédure civile. »