Clause attributive de compétence : 3 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13150

·

·

Clause attributive de compétence : 3 février 2023 Cour d’appel d’Aix-en-Provence RG n° 19/13150
Ce point juridique est utile ?

COUR D’APPEL D’AIX-EN-PROVENCE

Chambre 4-1

ARRÊT AU FOND

DU 03 FEVRIER 2023

N° 2023/034

Rôle N° RG 19/13150 – N° Portalis DBVB-V-B7D-BEYEN

[C] [L]

C/

[N] [K]

Spciété CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED

Copie exécutoire délivrée le :

03 FEVRIER 2023

à :

Me Clément BENAIM de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE

Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Décision déférée à la Cour :

Jugement du Conseil de Prud’hommes – Formation de départage de MARSEILLE en date du 05 Juin 2019 enregistré au répertoire général sous le n° F16/02269.

APPELANT

Monsieur [C] [L], demeurant [Adresse 1]

représenté par Me Clément BENAIM de la SARL THELYS AVOCATS, avocat au barreau de MARSEILLE substitué par Me Ludovic TANTIN, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Monsieur [N] [K], demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Lionel BUDIEU, avocat au barreau de NICE substitué par Me Fanny LECADRE, avocat au barreau de NICE, Me Françoise BOULAN, avocat au barreau d’AIX-EN-PROVENCE

Société de droit étranger CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED, demeurant [Adresse 3] Iles vierges britanniq

non comparante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

En application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 24 Octobre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président, chargé du rapport, qui a fait un rapport oral à l’audience, avant les plaidoiries.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président

Mme Stéphanie BOUZIGE, Conseiller

Mme Emmanuelle CASINI, Conseiller

Greffier lors des débats : Monsieur Kamel BENKHIRA

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 03 Février 2023

Signé par Madame Ghislaine POIRINE, Conseiller faisant fonction de Président et Monsieur Kamel BENKHIRA, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

Monsieur [C] [L] a été embauché en qualité de second à bord du voilier Vitalia II le 15 mars 2015 par la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited, dont le siège social est situé dans les Iles Vierges Britanniques.

Le navire Vitalia II est la propriété de Monsieur [N] [K].

Monsieur [C] [L] a indiqué à Monsieur [N] [K], par courriel du 11 mars 2016, qu’il souhaitait démissionner de ses fonctions, puis il a confirmé la poursuite de son contrat de travail par courriel du 7 avril 2016.

Il a été licencié par mail du 24 mai 2016.

Sur sa demande, le tribunal de commerce de Marseille a ordonné le 27 octobre 2016 la saisie conservatoire du navire Vitalia II à hauteur de 40’000 euros pour sûreté de la créance salariale. Après paiement direct de cette somme par Monsieur [N] [K] entre les mains d’un huissier de justice, la mainlevée de la saisie conservatoire du navire a été ordonnée le 3 novembre 2016.

Par requête du 24 novembre 2016, Monsieur [C] [L] a saisi la juridiction prud’homale de demandes en paiement de dommages-intérêts pour défaut de régularisation des cotisations sociales, de dommages-intérêts pour travail dissimulé et d’indemnités de rupture.

Par jugement de départage du 5 juin 2019, le conseil de prud’hommes de Marseille s’est déclaré compétent pour connaître du litige, a écarté la clause attributive de compétence, a dit que [N] [K] était l’employeur d'[C] [L], a dit que la rupture du contrat de travail en date du 24 mai 2016 s’analysait en un licenciement sans cause réelle et sérieuse, a fixé la moyenne du salaire mensuel à la somme de 5000 euros brut, a condamné [N] [K] à payer à [C] [L] les sommes suivantes :

-1233,32 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

-5000 euros de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

a condamné [N] [K] à remettre au salarié un bulletin de salaire récapitulatif des sommes allouées, une attestation Pôle Emploi, un certificat de travail et un solde de tout compte rectifiés conformément à la présente procédure et à régulariser la situation du salarié auprès des organismes sociaux français, a dit n’y avoir lieu à assortir cette remise et cette régularisation d’une astreinte, a précisé que les condamnations concernant les créances de nature salariale porteraient intérêts au taux légal à compter de la demande en justice et que les condamnations concernant des créances de nature indemnitaire porteraient intérêts au taux légal à compter du jugement, a dit n’y avoir lieu à exécution provisoire des dispositions du jugement qui n’étaient pas de plein droit exécutoires par provision, a condamné [N] [K] à payer à [C] [L] la somme de 2000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, a rejeté toute autre demande et a condamné [N] [K] aux dépens comprenant les frais exposés par [C] [L] pour la saisie conservatoire.

Monsieur [C] [L] a interjeté appel du jugement prud’homal, par déclaration d’appel du 9 août 2019, à l’encontre de Monsieur [N] [K] et de la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited.

Il a signifié sa déclaration d’appel et ses conclusions d’appelant à la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited par acte d’huissier de justice, par transmission à officier ministériel étranger, en l’espèce “The Registar uf the Supreme Court, C/O [Adresse 10], BRITISH VIRGIN ISLANDS”, en date du 8 novembre 2019.

Monsieur [C] [L] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par RPVA le 7 novembre 2019, de :

Confirmer le jugement entrepris en ce qu’il

ÉCARTE la clause attributive de compétence,

DIT que [N] [K] est employeur d'[C] [L],

DIT que la rupture du contrat de travail en date du 24 mai 2016 s’analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse,

FIXE la moyenne du salaire mensuel à la somme de 5000 euros bruts,

CONDAMNE [N] [K] à payer à [C] [L] la somme de 1233,2 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

Statuant à nouveau des chefs infirmés

– DIRE les juridictions françaises compétentes pour juger du présent litige compétent.

– DIRE ET JUGER que la loi française est applicable.

– DIRE ET JUGER que tant la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED et Monsieur [K] avaient la qualité d’employeur à l’égard de Monsieur [L] ;

– DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [L] est irrégulier ;

– DIRE ET JUGER que le licenciement de Monsieur [L] est dépourvu de toute cause réelle et sérieuse ;

– DIRE ET JUGER que la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED et Monsieur [K] ont commis des faits de travail dissimulé à l’encontre de Monsieur [L] ;

– CONDAMNER en conséquence solidairement et conjointement la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED et Monsieur [K] à verser à Monsieur [L] les sommes suivantes :

– 45’000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

– 10’000 euros à titre du solde de l’indemnité compensatrice de préavis,

– 1000 euros au titre des congés payés sur préavis,

– 1490 euros au titre de l’indemnité légale de licenciement,

– 5000 euros (1 mois de salaire) à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement,

– 30’000 euros à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

– CONDAMNER solidairement Monsieur [N] [K] ainsi que la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED à régulariser sous astreinte de 1000 euros par jour de retard, le paiement des cotisations sociales et patronales auprès des caisses françaises de sécurité sociale, de prévoyance et de retraite.

– CONDAMNER solidairement et conjointement la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED et Monsieur [K] à verser à Monsieur [L] la somme de 12’000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– CONDAMNER solidairement et conjointement la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED et Monsieur [K] aux entiers dépens dont la somme de 1300 euros correspondant aux frais de saisie conservatoire du navire VITALIA II.

– CONDAMNER solidairement et conjointement la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS LIMITED et Monsieur [K] à remettre à Monsieur [L], sous astreinte de 100 euros par jour de retard, le certificat de travail, l’attestation pôle emploi, ainsi que les bulletins de paie rectifiés ;

– DIRE ET JUGER que les condamnations prononcées bénéficieront des intérêts de droit à compter de la date d’exigibilité des éléments de salaires et de la date du jugement à venir s’agissant des éléments indemnitaires.

Monsieur [N] [K] demande à la Cour, aux termes de ses conclusions notifiées par voie électronique le 6 février 2020, de :

RÉFORMER la décision entreprise en ce que le conseil de prud’hommes de Marseille a retenu sa compétence au profit du tribunal d’instance de Marseille

Statuant à nouveau

DIRE ET JUGER que seul le tribunal d’instance de Marseille était compétent, et ce après phase de conciliation obligatoire auprès de la DDTM, si à tout le moins la qualité d’employeur de M. [K] devait être retenue, l’affaire opposant dès lors un marin français à un armateur français

RÉFORMER la décision entreprise en ce que la qualité d’employeur de M. [K] a été retenue

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que le seule la société CMS a la qualité d’employeur

RÉFORMER la décision entreprise en ce que l’application du droit français a été retenue

Statuant à nouveau,

DIRE ET JUGER que seul le droit britannique a vocation à s’appliquer

RÉFORMER la décision entreprise en ce que M. [K] a été condamné à régler diverses sommes à M. [L] à titre d’indemnité légale de licenciement et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle ni sérieuse

Statuant à nouveau,

DÉBOUTER M. [L] de l’ensemble de ses demandes

RÉFORMER la décision entreprise en ce que M. [K] a été condamné à remettre des documents sociaux à M. [L] et à régulariser sa situation auprès des caisses de sécurité sociale

RÉFORMER la décision entreprise en ce que M. [K] a été condamné au paiement de la somme de 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC

Statuant à nouveau

DIRE ET JUGER que M. [L] devait verser à M. [K] la somme de 5000 euros en application des dispositions de l’article 700 du CPC

RÉFORMER la décision entreprise en ce que M. [K] a été débouté de sa demande de restitution de la somme de 40’000 euros

Statuant à nouveau

Le CONDAMNER sous une astreinte qui ne saurait être inférieure à 500 euros par jour de retard, à restituer la somme de 40’000 euros versée par Monsieur [K] pour obtenir la mainlevée de la saisie conservatoire du navire VITALIA II.

CONFIRMER la décision déférée en ce que M. [L] a été débouté de paiement de l’indemnité forfaitaire de travail dissimulé

Le CONDAMNER à verser à Monsieur [K] une somme de 10’000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens ceux d’appel distraits au profit de Maître Françoise BOULAN, membre de la SELARL LEXAVOUE AIX EN PROVENCE, avocats associés, aux offres de droit.

La clôture de l’instruction de l’affaire a été prononcée par ordonnance du 6 octobre 2022.

SUR CE :

Sur l’incompétence du conseil de prud’hommes au profit du tribunal d’instance :

Monsieur [N] [K] soulève l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes de Marseille au profit du tribunal d’instance de Marseille, et soutient , au visa des dispositions de l’article L.5542-48 du code des transports modifié par la loi n° 2016-816 du 20 juin 2016-article 38 et des dispositions de l’article R.221-13 du code de l’organisation judiciaire, que le litige élevé par Monsieur [L] en sa qualité de gens de mer relève de la compétence du tribunal d’instance et ce, conformément à la position de la chambre sociale de la Cour de Cassation.

Monsieur [C] [L] soutient que le conseil de prud’hommes est parfaitement compétent ; qu’au vu de l’article R.1412-4 du code du travail applicable en vertu de l’article L.5541-1 du code des transports, la clause attributive de compétence est réputée non écrite ; que par ailleurs, la clause attributive de compétence incluse dans un contrat de travail international ne peut faire échec aux dispositions impératives de l’article R.1412-1 du code du travail ; qu’il doit être rappelé que « l’article 21 du règlement 44/2001 du 22 décembre 2009 n’admet la validité de la clause attributive de juridiction que lorsqu’elle est postérieure à la naissance du différend, ou si elle permet au travailleur de saisir d’autres tribunaux que ceux indiqués à la section 5 » (Dalloz Action 2015/2016 Droits Maritimes, n° 415.16 et suivants) ; qu’en l’espèce, il est démontré que Monsieur [L] vit à [Localité 11], a travaillé en France et que son embauche a été réalisée en France ; que la Cour constatera donc l’inapplicabilité de ladite clause attributive de compétence au présent litige du fait de l’impossibilité de déroger aux dispositions impératives des articles R.1412-1 et L.1412-1 du code du travail au regard de l’ordre public international français et des dispositions de droit communautaire.

Monsieur [L] fait valoir par ailleurs qu’en application de l’article 7 de la Convention de Bruxelles du 10 mai 1952, les Tribunaux de l’État dans lequel la saisie du navire a été opérée, sont compétents sur le fond du procès ; que la créance maritime de Monsieur [L] étant née en France où la saisie conservatoire du navire Vitalia II a été pratiquée, ce sont bien les juridictions françaises et non celles du Royaume-Uni qui sont compétentes territorialement pour connaître du présent litige.

Il soutient que la jurisprudence affirme de manière constante la compétence internationale des conseils de prud’hommes français vis-à-vis d’un marin domicilié en France, travaillant à bord d’un navire étranger, exploité à partir d’un port français ; qu’il ne peut être contesté que le Vitalia II a été exploité à partir d’un port français et que l’exécution du contrat de travail de Monsieur [L] ne présente aucun lien avec un tout autre État que la France ; qu’en conséquence, les juridictions françaises sont pleinement compétentes pour connaître de la formation, de l’exécution et de la rupture du contrat de travail de Monsieur [L].

***

Monsieur [N] [K] ne critique pas la disposition du jugement de départage du 5 juin 2019 ayant écarté la clause attributive de compétence, mais soulève l’incompétence matérielle du conseil de prud’hommes de Marseille au profit du tribunal d’instance de Marseille.

Il invoque les dispositions suivantes :

– l’article R.221-13 du code de l’organisation judiciaire, modifié par le décret n° 2015-219 du 27 février 2015 en son article 12, applicable au présent litige, qui dispose que « le tribunal d’instance connaît des contestations relatives à la formation, à l’exécution ou à la rupture du contrat de travail entre l’employeur el le marin, dans les conditions prévues par le livre V de la cinquième partie du code des transports » ;

– l’article L.5542-48 du code des transports qui précise : « Tout différend qui peut s’élever à l’occasion de la formation, de l’exécution ou de la rupture d’un contrat de travail entre l’employeur et le marin est porté devant le juge judiciaire. Sauf en ce qui concerne le capitaine, cette instance est précédée d’une tentative de conciliation devant l’autorité compétente de l’Etat ».

Toutefois, comme rappelé par le premier juge, l’article L.5000-3 du code des transports dispose : « Les dispositions de la présente partie s’appliquent sous réserve des engagements internationaux de la France et des compétences reconnues aux Etats par le droit international :

1° Aux navires battant pavillon français, en quelque lieu qu’ils se trouvent ;

2° Aux navires battant pavillon d’un Etat étranger, auxquels sont assimilés pour l’application du présent code les navires sans pavillon ou sans nationalité, dans les espaces maritimes relevant de la juridiction ou de la souveraineté française ».

Il résulte de l’application combinée des dispositions des articles L.5000-3 et L. 5542-48 du code des transports et R.221-13 du code de l’organisation judiciaire, dans leur rédaction applicable au litige, que le conseil de prud’hommes est seul compétent pour connaître des litiges entre armateur et marin portant sur la conclusion, l’exécution ou la rupture du contrat d’engagement maritime sur un navire étranger.

En l’espèce, le salarié étant affecté sur un navire étranger, enregistré au Royaume Uni, c’est à juste titre que le conseil de prud’hommes de Marseille s’est déclaré compétent pour connaître du litige opposant le salarié affecté sur un navire battant pavillon anglais à son employeur.

Sur le droit applicable :

Monsieur [N] [K] fait valoir que le contrat de travail de Monsieur [L] prévoit son assujettissement aux lois britanniques ; que le droit anglais a été librement choisi par les parties ; que le juge doit rechercher quelle a été l’intention des parties, en vertu des articles 1156 et suivants anciens du code civil ; qu’il ne saurait être contesté que l’intention des parties, en l’espèce, a été de souscrire un contrat de travail dans le but de réaliser un tour du monde, ce que ne conteste pas Monsieur [L] ; que la situation est strictement différente de celle d’un propriétaire de navire sachant pertinemment que la navigation serait intégralement faite en France et imposant au marin de régulariser un contrat de travail soumis artificiellement à un droit étranger ; que l’ensemble des jurisprudences produites aux débats par Monsieur [L] concerne cette dernière hypothèse ; que tel n’est pas le cas en l’espèce ; que le navire a quitté le port de [Localité 7] le 23 mai 2015 pour rallier la Méditerranée en prévision d’un départ en novembre 2015 pour effectuer un tour du monde ; que malheureusement, deux jours après le départ de [Localité 7], alors que le navire se trouvait au large de l’Espagne, Monsieur [K] a été victime d’une grave chute à bord qui a nécessité son rapatriement sanitaire depuis [Localité 8] ; que cet arrêt a été mis à profit pour faire effectuer différents travaux à bord, le site de [Localité 5] ayant été retenu pour son tarif portuaire plus avantageux ; qu’en avril 2016, l’état physique de Monsieur [K] s’étant amélioré, celui-ci a décidé de naviguer sur les côtes africaines et plus particulièrement au Sénégal et ce dans l’attente du mois de novembre 2016 choisi pour réengager son tour du monde ; que Monsieur [L] a présenté sa démission alors que le navire se situait à [Localité 4] ; que Monsieur [L], engagé en avril 2015, a donc navigué en tout et pour tout deux mois sur la période de son contrat de travail ; que la commune intention des parties était l’accomplissement d’un tour du monde, et en aucun cas la navigation dans les eaux françaises, tel que cela ressort notamment de deux attestations versées par le concluant ; qu’en outre, Monsieur [K] produit un document émanant de l’ENIM qui est la caisse de sécurité sociale des marins, dont il ressort que les périodes de travaux immobilisant le navire ou de présence dans un chantier sont exclues des périodes d’affiliation auprès de la sécurité sociale française en vertu de l’article L.5552-16 alinéa 4 du code des transports ; que 90 % du temps passé au sein du chantier de [Localité 5] ne doit donc pas être comptabilisé ; que la Cour jugera dès lors que seul le droit britannique a vocation à gouverner les conditions de formation, d’exécution et de rupture du contrat d’engagement maritime, accepté en parfaite connaissance de cause par Monsieur [L].

Monsieur [N] [K] soutient qu’en tout état de cause, Monsieur [L] ne démontre pas en quoi le droit français serait plus favorable que le droit anglais et que la décision doit être réformée en ce que le droit français a été retenu, sans démonstration de son caractère plus favorable.

Monsieur [C] [L] soutient que c’est bien la loi française qui doit recevoir application, tant au regard du code des transports (articles L.5000-3 et L.5541-1), qu’au regard du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil du 17 juin 2008 dit « Rome 1 » – article 8 ; que c’est la loi française qui s’applique dans la mesure où le lieu principal d’exécution du contrat de travail de Monsieur [L] s’est toujours situé en France, l’intéressé ayant principalement travaillé à bord du navire Vitalia II dans les eaux territoriales françaises ; qu’il est incontestable que la France est le pays à partir duquel Monsieur [L] a accompli son travail en plus d’être le pays avec lequel le contrat de travail présente les liens les plus étroits ; qu’il en résulte que les conditions de travail de Monsieur [L] et de rupture de son contrat doivent être soumises aux règles du droit du travail français.

***

Il ressort du contrat de travail conclu entre Monsieur [C] [L] et la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited (pièce 1 versée par chacune des parties) qu’il a été signé le 15 mars 2015, à effet du 1er avril 2015, avec mention du port d’embarcation de [Localité 12] (France) et mention de l’adresse du salarié à [Localité 5] (France).

S’il ressort des attestations de [I] [V], marin, et de [H] [E], directeur technique du chantier naval de [Localité 5], que le navire est parti de [Localité 7] en mai 2015 pour “effectuer un tour du monde sur plusieurs années”, il est constant toutefois que le propriétaire du navire, Monsieur [K], a eu un grave accident à bord deux jours après le départ de [Localité 7] et qu’il a été rapatrié par avion sanitaire sur [Localité 9] le 26 mai 2015 (selon facture produite par l’intimé en pièce 6) et que dans l’attente d’un nouveau départ, le navire Vitalia II a été amarré pendant quelques mois à [Localité 5] pour des travaux de réfection.

Il ressort du journal de bord du navire que celui-ci est reparti de [Localité 6] le 18 avril 2016 pour [Localité 4] et que le 15 mai 2016, le Vitalia II était à Tenerife (pièce 5 versée par M. [K]).

Comme relevé par le premier juge, le navire était toujours sur le territoire français lorsque Monsieur [C] [L] a adressé, par courriel du 11 mars 2016, sa démission. La rupture du contrat de travail a été signifiée au salarié par courriel du 24 mai 2016, alors que Monsieur [L] était sur le navire, à [Localité 5].

Au vu de ces éléments, il apparaît que Monsieur [C] [L], qui avait sa résidence à [Localité 5] selon contrat de travail du 15 mars 2015, a principalement travaillé à bord du navire Vitalia II dans les eaux territoriales françaises (engagement le 1er avril 2015, retour du navire à [Localité 5] fin mai 2015, nouveau départ le 18 avril 2016 et rupture du contrat le 24 mai 2016, soit environ 2 mois de navigation dans les eaux internationales, sur 14 mois de relation contractuelle).

Il convient de souligner que, durant l’immobilisation du navire Vitalia II à quai, à [Localité 5], le contrat de travail de Monsieur [C] [L] n’a pas été suspendu, ce qui n’est pas discuté par Monsieur [N] [K]. D’ailleurs, Monsieur [L] a écrit le 11 mars 2016 à Monsieur [K] : « J’effectuerai donc mon préavis conformément à notre accord et accomplirai toutes les missions nécessaires afin que [H] [O] ait un bateau prêt à partir pour la date convenue’ » (pièce 3 versée par l’appelant), l’employeur ayant répondu : « Je n’ai aucun doute que le bateau soit en ordre de marche pour le 11 avril’ », en sorte qu’il est établi que le salarié continuait bien à exécuter son contrat de travail sur le navire, même si ce dernier était à quai.

Monsieur [N] [K], qui argumente malgré tout que les périodes de travaux immobilisant le navire à [Localité 5] ne comptent pas pour apprécier et examiner les critères présidant au droit applicable, produit une instruction de l’ENIM, caisse de sécurité sociale des marins, qui indique :

« Situation des navires en travaux (article L. 5552-16 alinéa 4 du code des transports) :

S’agissant des marins embarqués sur les navires étrangers, présents sur le territoire français, pour accompagner la période de travaux, si en application de l’anicle L.5552-16 du code des transports et R8 (II) du code des pensions et retraites des marins, les intéressés ne peuvent acquérir de droits à pension pour les périodes en chantier de réparation, on ne peut légitimement les obliger à une affiliation au titre de l’article l.5551 du code des transports au titre d’une résidence en France pour la période de réparation.

Dès lors, les périodes de travaux immobilisant le navire ou de présence dans un chantier naval sont exclues du champ d’application de l’article L.5551-1 pour les marins qui n’ont pas de foyer sur le territoire français» (pièce 13 versée par M. [K]).

Il résulte de ce document d’instructions de l’ENIM que les marins sont exclus de l’affiliation au régime de pensions, durant les périodes de travaux immobilisant le navire ou durant sa présence dans un chantier naval en France, pour ceux qui n’ont pas de foyer sur le territoire français.

Or, Monsieur [C] [L], de nationalité française, a sa résidence habituelle en France (domicilié à [Localité 5] comme précisé dans son contrat de travail).

De ce fait, comme retenu par le premier juge, les articles L.5551-1 et L.5552-16 du code des transports, qui prévoient que sont affiliés au régime d’assurance vieillesse des marins les gens de mer “résidant en France de manière stable et régulière et embarqués sur un navire battant pavillon d’un État étranger’”, y compris durant “les périodes pendant lesquelles le marin a dû interrompre la navigation pour cause de congé ou repos, de maladie, d’accident, de naufrages, d’innavigabilité du navire’”.

Monsieur [C] [L] a donc accompli habituellement son travail sur le territoire français.

Au regard de l’article 8 du règlement du Parlement européen et du conseil du 17 juin 2008, n° 593/2008, dit “Rome 1”, si le contrat individuel de travail est régi par la loi des parties, ce choix ne peut toutefois avoir pour résultat de priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable selon les paragraphes 2 et 3 de cet article. Or, à défaut de choix exercé par les parties, le paragraphe 2 de l’article 8 prévoit que le contrat individuel de travail est régi par la loi du pays dans lequel ou, à défaut, à partir duquel le travailleur, en exécution du contrat, accomplit habituellement son travail.

Les dispositions du code du travail relatives au travail dissimulé, à l’entretien préalable au licenciement et à la notification du licenciement par lettre motivée font partie des dispositions impératives de la loi française.

Si Monsieur [K] soutient que Monsieur [L] ne démontre pas en quoi les dispositions impératives de la loi française seraient plus protectrices que celles de la loi choisie par les parties dans le contrat de travail, à savoir le droit anglais, il reconnaît toutefois que la rupture du contrat de travail de Monsieur [L], en dehors de toute procédure et sans motivation de la lettre de notification de licenciement, est irrégulière et dépourvue de cause réelle et sérieuse en application du droit français (page 18 de ses écritures). Effectivement, le droit français qui impose la mise en place d’une procédure de licenciement et la notification au salarié du motif de licenciement est plus protecteur des droits du travailleur que la loi anglaise appliquée en l’espèce par l’employeur, ayant notifié au salarié, par courriel du 24 mai 2016, sans aucun formalisme et aucune motivation, qu’il ne faisait « plus partie de l’équipage de Vitalia II à partir du jour de (son) arrivée à [Localité 5] ».

De même, il n’est pas utilement discuté que la loi française concernant le travail dissimulé est plus protectrice que la loi anglaise. Monsieur [N] [K] ne conteste pas que, selon l’article 174 du code du travail des Iles Vierges Britanniques, le travail dissimulé est sanctionné par une amende n’excédant pas 8000 dollars tandis qu’en droit français, l’infraction de travail dissimulé est sanctionnée d’un emprisonnement de trois ans et d’une amende de 45’000 euros et le salarié a droit à une indemnité forfaitaire de six mois pour travail dissimulé, ce dont il résulte que les dispositions de la loi française sont plus protectrices que celles du droit anglais.

En conséquence, il y a lieu de faire application en l’espèce des dispositions impératives du droit français relatives à la procédure, à la notification d’une lettre motivée de licenciement et au travail dissimulé.

Sur la qualité d’employeur de [N] [K] :

Monsieur [N] [K] conteste en premier lieu la demande présentée par Monsieur [L] de condamnation “solidaire” de Monsieur [K] et de la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Ltd alors qu’il résulte de l’article 1310 du code civil que la solidarité ne peut être que soit prévue par la loi, soit prévue par le contrat et que Monsieur [L] ne fonde pas juridiquement sa demande de condamnation solidaire.

Il soutient que Monsieur [L], qui a signé un contrat de travail avec la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Ltd, laquelle lui régle les salaires et établit les bulletins de salaire, de même qu’elle lui donne les instructions dans le cadre de l’exécution de son contrat de travail, ne rapporte pas la preuve selon laquelle Monsieur [K] pourrait se voir dévolu la qualité d’employeur ; que Monsieur [K], auquel Monsieur [L] a présenté sa démission selon courrier du 11 mars 2016, lui a répondu très clairement, s’agissant de la procédure à suivre pour valider la démission de Monsieur [L], demandant à ce dernier d’adresser son courrier de démission à la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Ltd ; que Monsieur [K] a systématiquement renvoyé Monsieur [L] vers la société CMS pour tout ce qui a touché à son embauche, à la formalisation de sa démission et à son licenciement ; qu’en conséquence, Monsieur [K] doit être mis hors de cause.

Monsieur [C] [L] soutient que la totalité des instructions, des directives et des missions était donnée au salarié directement par Monsieur [K] ; que si la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS était l’employeur de droit, c’est bien Monsieur [K] qui dictait ses volontés dans la gestion du navire à Monsieur [L] tout au long de la relation de travail ; que le recours à la société CMS n’avait pour seul objet que de tenter d’échapper aux obligations du droit social français et notamment de l’acquittement du montant des cotisations sociales ; que c’est Monsieur [K] qui a sollicité la rétractation de la démission de Monsieur [L], puis qui a pris la décision de le congédier du bateau sans aucun respect des formes ; qu’il était en tout point l’employeur de fait de Monsieur [L] et qu’il devra donc en cette qualité être condamné solidairement avec la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS.

***

Alors qu’il résulte des pièces versées aux débats que, suite à l’interrogation adressée à une société de conseil en droit maritime aux fins de connaître les solutions permettant à Monsieur [N] [K] notamment de réduire le coût social de l’équipage (pièces 11 produites par Monsieur [L]), un contrat de travail a été conclu le 15 mars 2015 entre [C] [L] et la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited précisant, comme relevé par le premier juge, que « le marin effectuera toutes les tâches qui lui seront demandées par le propriétaire du bateau », sous le contrôle du capitaine du navire.

Il ressort des pièces versées par l’appelant que, s’agissant des discussions relatives à la rupture de la relation de travail, les ordres sont donnés par Monsieur [N] [K] ou son secrétariat :

-courriel du 11 mars 2016 de [C] [L] au secrétariat de [N] [K] : « Cher Monsieur [K],

Je suis au regret de vous informer que je n’entends pas conserver mon poste de Second à bord de votre bateau Vitalia II et vous fais donc part de ma démission.

En effet les évolutions récentes de l’organisation ne me permettent malheureusement pas d’envisager sereinement la poursuite de mon contrat.

J’effectuerai donc mon préavis conformément à notre accord’

En outre je remettrai les documents : moyens de paiement et espèces en ma possession à la personne que vous voudrez bien m’indiquer.

J’espère avoir pleinement répondu à vos attentes lors de la mission que vous avez bien voulu me confier’» ;

-courriel en réponse de [H] [O] du 11 mars 2016 : « [P] [C],

Je suis désolé que la re organisation récente ne te convienne pas et que tu ne puisses envisager sereinement la suite. Je n’ai aucun doute que le bateau soit en ordre de marche pour le 11 avril et que la passation se fera dans les règles.

Nous avons échangé à plusieurs reprises et je suis conscient de ton point de vue ! » ;

-courriel de “Contact [N] [K]” (“[F]”) du 15 mars 2016 adressé à [C] [L] :

« M. [K] m’a indiqué que vous resteriez jusqu’au 1er mai 2016 et que votre préavis commencera donc au 1er avril 2016. Pourriez-vous confirmer et modifier les termes de votre e-mail du 11 mars ci-dessous ‘

D’autre part, la procédure veut que le membre d’équipage envoie une lettre recommandée à CSM à Gibraltar. Nous devons également recevoir la copie de cette lettre par email.

L’adresse de CMS à Gibraltar est la suivante’ » ;

-courriel en réponse de [C] [L] le 15 mars 2016 : « Je le ferai ce soir » ;

-courriel du 15 mars 2016 de [C] [L] à “Contact [N] [K]” : « Cher Monsieur [K],

Je fais suite à mon précédent courriel concernant la démission de mes fonctions de second à bord de Vitalia II et vous confirme par la présente mon accord pour que mon préavis, que j’effectuerai, prenne fin le 1er mai 2016 à l’endroit où nous nous trouverons à cette date, avec comme convenu prise en charge des frais de rapatriement’

Pour la bonne forme, j’adresserai mon courrier de démission par AR et avec les dates définitives convenues, à CMS à Gibraltar » ;

-courriel du 4 avril 2016 de “Contact [N] [K]” (“[F]”) adressé à [C] [L] :

« Pourriez-vous nous envoyer copie du courrier que vous avez adressé à CMS Gibraltar ‘ » ;

-courriel en réponse du 4 avril 2016 de [C] [L] : « Je suis extrêmement confus mais je crains d’avoir omis de le faire. Souhaitez-vous que je leur envoie un mail’ » ;

-courriel en réponse de “Contact [N] [K]” (“[F]”) adressé à [C] [L] : « Il faut le faire par courrier en LAR. L’adresse de CMS est la suivante’ Puis vous m’envoyer par e-mail copie de votre courrier » ;

-courriel du 8 avril 2016 de [C] [L] à secrétariat de [N] [K] : « Cher Monsieur [K],

Pour faire suite à notre conversation téléphonique d’hier, je vous confirme mon accord pour poursuivre la mission que vous avez bien voulu me confier sur Vitalia II.

Je m’adapterai à la nouvelle organisation mise en place pour cette nouvelle saison.

Je souhaiterai néanmoins que nous ayons une discussion tous les deux dès que possible afin que je puisse vous faire part plus clairement de mon analyse de la situation.

Je vous remercie encore de la confiance que vous voulez bien m’accorder » ;

-courriel du 8 avril 2016 de “[F]” (“contact [N] [K]”) à [C] [L] : « Pour que ce soit clair, cela veut dire que vous restez au poste de second rang sur Vitalia II ‘ » ;

-courriel du 8 avril 2016 de [C] [L] au secrétariat de [N] [K] : « Oui je resterais si vous le souhaitez mais j’aimerais vous faire part clairement et directement de mes aspirations et de mon analyse » ;

-courriel du 8 avril 2016 de [C] [L] à secrétariat [N] [K] : « Cher Monsieur [K],

Pour faire suite à notre conversation téléphonique d’hier, je vous confirme mon accord pour poursuivre la mission que vous avez bien voulu me confier sur Vitalia II.

Je m’adapterai à la nouvelle organisation mise en place pour cette nouvelle saison.

Je souhaiterai néanmoins que nous ayons une discussion tous les deux dès que possible afin que je puisse vous faire part plus clairement de mon analyse de la situation’ » ;

-courriel du 24 mai 2016 de [N] [K] adressé à [C] [L] : « Monsieur [L],

Je vous confirme notre conversation de début mai à savoir que vous ne faites plus partie de l’équipage de Vitalia II à partir du jour de votre arrivée à [Localité 5].

Je vous demande de restituer à [W] [A] les 2 cartes de crédit dont vous aviez usage dans le cadre de votre mission et qui ont été bloquées ce jour.

Je vous demande également de restituer à [M] [S] :

1) La première caisse de bord dont vous étiez dépositaire et dans laquelle il restait à fin avril 4910 euros.

2) L’ensemble du matériel Vitalia II qui vous a été fourni : outils, habillement, cirés, bottes.

Nous attendons de votre part votre e-mail indiquant que vous avez bien débarqué » ;

-courriel en réponse du 26 mai 2016 de [C] [L] à [N] [K] : « Pour faire suite à votre mail je vous confirme que conformément à votre demande, j’ai débarqué de Vitalia II le 24 mai au soir.

Je termine la comptabilité concernant les dépenses effectuées au mois de mai que je vous adresserai ce jour ainsi avec les justificatifs du mois d’avril.

A la suite de cela, je remettrai tous les soldes des montants dont je pourrais encore être dépositaire conformément à vos souhaits.

Les cartes bleues ont été remises à [W] [A] » ;

-courriel du 6 juin 2016 de [C] [L] adressé au secrétariat de [N] [K] : « Pouvez-vous m’envoyer le décompte que vous avez fait des sommes qui me seraient dues, afin que je puisse vérifier de mon côté par rapport à la discussion que j’ai eu avec M. [K] » ;

-courriel en réponse du 7 juin 2016 de [F] [U] (“contact [N] [K]”) : « Je vous prie de trouver ci-dessous les détails demandés ».

Il ressort de ces échanges de courriels que des instructions étaient données à Monsieur [C] [L] relativement à l’exécution et à la poursuite du contrat de travail par le propriétaire du navire, Monsieur [N] [K], lequel a notifié au salarié la rupture du contrat de travail.

Il importe peu qu’il ait été demandé à Monsieur [L], lequel avait dans un premier temps présenté sa démission, d’adresser son courrier de démission par lettre recommandée à la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited au motif que “la procédure veut que le membre d’équipage envoie une lettre recommandée à CSM à Gibraltar”, alors même que l’accord intervenu quant à la poursuite du contrat de travail avait été conclu entre Monsieur [L] et Monsieur [K] et que ce dernier a ensuite décidé de licencier le salarié, exerçant ainsi le pouvoir de rompre le contrat de travail appartenant à l’employeur.

De même, le “décompte des sommes dues” au salarié a été établi par le secrétariat de Monsieur [N] [K].

En conséquence, c’est à juste titre que le premier juge a dit que Monsieur [N] [K] était l’employeur de Monsieur [C] [L], même s’il ne peut être condamné solidairement avec la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited car la solidarité n’est pas en l’espèce prévue par le contrat, ni par la loi.

La société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited étant l’employeur officiel de Monsieur [L] ne pouvait être mis hors de cause, comme l’a décidé le premier juge, au motif inopérant que la société CMS n’était pas intervenue dans la rupture de la relation de travail.

Les deux employeurs, la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited et Monsieur [C] [L], seront condamnés in solidum au paiement des sommes résultant de l’exécution et la rupture du contrat de travail.

Sur la rupture du contrat de travail :

Monsieur [C] [L] fait valoir qu’il ressort clairement des échanges entre les parties que Monsieur [L] s’est rétracté de sa démission à la demande de l’employeur, ce que ce dernier a explicitement accepté ; que le contrat de travail s’est poursuivi ; qu’à aucun moment, Monsieur [L] aurait évoqué, validé ou bien consenti à une prétendue prolongation de son préavis de démission ; qu’alors que le contrat de travail s’est poursuivi normalement, le salarié se verra licencié par courriel de Monsieur [N] [K] du 24 mai 2016 et a été sommé de quitter le navire immédiatement ; que la rupture du contrat intervenue à cette date doit être qualifiée de licenciement irrégulier et non fondé, faute de motivation, et que la Cour fera droit aux demandes du concluant à ce titre.

Monsieur [N] [K] fait valoir que Monsieur [L] a présenté sa démission pour des motifs non imputables à l’employeur ; que sa démission a été en l’espèce claire et non équivoque ; que d’un commun accord, le contrat de travail a été poursuivi jusqu’à la notification de son licenciement ; que si la Cour devait retenir l’application du droit français, il ne pourrait dans ce cas être contesté que la rupture du contrat de travail de Monsieur [L] est irrégulière et sans cause réelle et sérieuse sur le fond ; que Monsieur [L] comptant moins de deux ans d’ancienneté et “l’entreprise” employant habituellement moins de 11 salariés, celui-ci ne peut prétendre à des dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement à défaut de justifier d’un préjudice ; que Monsieur [L] avait d’ores et déjà perçu une indemnité compensatrice de préavis d’un mois et sa demande de paiement d’une indemnité compensatrice de préavis doit être rejetée ; que Monsieur [L] ne justifie aucunement de son préjudice et doit être débouté de ses demandes en paiement de dommages-intérêts au titre de la rupture de son contrat de travail.

***

Il ressort des écritures de Monsieur [N] [K] que celui-ci ne discute pas qu’après la démission présentée le 11 mars 2016 par Monsieur [L], les parties ont convenu d’un commun accord de la poursuite du contrat de travail, tel que cela résulte d’ailleurs des échanges de courriels cités ci-dessus. Le contrat de travail s’est poursuivi après la fin du préavis de démission le 1er mai 2016.

Ainsi, la rupture du contrat de travail est intervenue, non dans le cadre de la démission donnée par le salarié et dont la rétractation a été clairement acceptée par l’employeur, mais par courriel du 24 mai 2016 de Monsieur [N] [K] annonçant à Monsieur [C] [L] qu’il ne faisait plus partie de l’équipage de Vitalia II “à partir du jour de votre arrivée à [Localité 5]”, le salarié ayant confirmé avoir “débarqué de Vitalia II le 24 mai au soir” et l’employeur ayant adressé au salarié le 7 juin 2016 le décompte des sommes dues au titre de la rupture du contrat de travail.

Il résulte des échanges de courriels cités ci-dessus que Monsieur [N] [K] a pris l’initiative de la rupture du contrat de travail le 24 mai 2016, sans initier de procédure de licenciement et sans lettre motivée de rupture.

En conséquence, c’est à juste titre que le Conseil a dit que la rupture de la relation de travail initiée par l’employeur produisait les effets d’un licenciement irrégulier et sans cause réelle et sérieuse.

Alors que le premier juge constatait que Monsieur [C] [L], qui reconnaissait avoir perçu une indemnité compensatrice de préavis d’un mois, ne s’expliquait pas sur sa demande en paiement d’une indemnité complémentaire de préavis de deux mois supplémentaires, Monsieur [L] réclame en cause d’appel le paiement d’un solde de deux mois de préavis, sans étayer sa réclamation, ni en justifier.

La Cour confirme par conséquent le jugement de première instance en ce qu’il a débouté Monsieur [C] [L] de sa demande en paiement de deux mois de préavis et des congés payés y afférents.

Il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a alloué à Monsieur [L] la somme nette de 1233,32 euros à titre d’indemnité légale de licenciement calculée par le premier juge sur la base d’un salaire mensuel brut de 5000 euros et sur une ancienneté de 14 mois et 24 jours (incluant un mois de préavis) et dont le calcul (1000 euros + 166,66 euros + 66,66 euros) n’est pas discuté par le salarié qui se contente de revendiquer une indemnité d’un montant de 1490 euros, sans présenter de calcul.

Monsieur [L] réclame le paiement de la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect de la procédure de licenciement en réparation du préjudice subi, sans toutefois préciser la nature et l’étendue de son préjudice ni verser d’élément justificatif. A défaut de tout justificatif sur l’existence d’un préjudice qui résulterait de l’irrégularité de la procédure, la Cour déboute Monsieur [C] [L] de sa demande en paiement de dommages-intérêts pour irrégularité de la procédure de licenciement.

Monsieur [C] [L] réclame le paiement de la somme de 45’000 euros au titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, invoquant qu’il s’est retrouvé sans aucune source de revenus, qu’il n’a pu bénéficier d’aucune indemnisation de pôle emploi et qu’il s’est retrouvé pendant plusieurs mois dans une situation financière difficile.

Il ne verse cependant aucun élément sur l’évolution de sa situation professionnelle et sur ses ressources postérieurement à la rupture de son contrat de travail.

En considération de son ancienneté de 14 mois et du montant de son salaire mensuel brut, la Cour confirme le jugement en ce qu’il a alloué au salarié la somme de 5000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la condamnation au titre des cotisations sociales :

Monsieur [C] [L] soutient qu’il n’a pas fait l’objet d’une déclaration préalable à l’embauche et qu’aucune déclaration relative aux salaires ou aux cotisations sociales n’a été faite en France, notamment auprès des Caisses de Prévoyance et de retraite ; que le Conseil a reconnu que la relation de travail était régie par le droit français et que l’employeur aurait dû déclarer l’activité de Monsieur [L] auprès des organismes sociaux français et payer les cotisations sociales correspondantes ; que Monsieur [N] [K] ainsi que la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited devront être solidairement condamnés à régulariser sous astreinte de 1000 euros par jour de retard le paiement des cotisations sociales et patronales auprès des caisses françaises de sécurité sociale, de prévoyance et de retraite ; qu’à défaut, l’employeur sera condamné à payer à Monsieur [L] leur contrepartie évaluée à la somme de 41’853,60 euros sur l’ensemble de la période d’engagement.

Monsieur [N] [K] soutient que Monsieur [L] ne justifie nullement quelle aurait été l’obligation légale de Monsieur [K] ou de la société CMS de déclarer son emploi auprès des caisses françaises ; que le jugement doit être réformé en ce qu’il a condamné Monsieur [K] à remettre des documents sociaux à Monsieur [L] et à régulariser sa situation auprès des caisses de sécurité sociale.

***

Il a été vu ci-dessus qu’en vertu des dispositions des articles L.5551-1 et L.5552-16 du code des transports, qui prévoient que sont affiliés au régime d’assurance vieillesse des marins les gens de mer “résidant en France de manière stable et régulière et embarqués sur un navire battant pavillon d’un État étranger’”, y compris durant “les périodes pendant lesquelles le marin a dû interrompre la navigation pour cause de congé ou repos, de maladie, d’accident, de naufrages, d’innavigabilité du navire’”, Monsieur [C] [L], ayant sa résidence habituelle en France, devait être affilié au régime d’assurance vieillesse des marins, y compris durant les périodes pendant lesquelles le navire Navilia II était immobilisé à [Localité 5] durant les travaux de réfection.

Par ailleurs, Monsieur [C] [L] procède par voie d’affirmation et non de démonstration lorsqu’il soutient qu’il aurait dû également être affilié auprès des organismes de recouvrement des cotisations sociales afférentes aux salaires, n’invoquant aucun texte légal ou disposition impérative de la loi française, ni moyen de droit à l’appui de sa prétention.

En conséquence, le jugement est réformé de ce chef et l’employeur est condamné à régulariser la situation du salarié uniquement auprès du régime d’assurance vieillesse des marins, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

La demande subsidiaire de Monsieur [L] en paiement d’une somme de 41’853,60 euros en compensation des cotisations patronales et salariales est rejetée.

Sur le travail dissimulé :

Monsieur [C] [L] soutient qu’à défaut de déclaration préalable à l’embauche et de déclarations relatives aux salaires et aux cotisations sociales en France, alors que Monsieur [K] connaissait parfaitement le régime applicable à la relation de travail avant l’engagement de Monsieur [L] (pièces 11), Monsieur [N] [K] ne peut contester qu’il s’est volontairement soustrait à son obligation de déclarations et que l’employeur doit être condamné à lui verser la somme de 30’000 euros au titre du travail dissimulé.

Monsieur [N] [K] soutient que Monsieur [L] ne démontre pas que l’employeur aurait “intentionnellement” évité de déclarer l’emploi du salarié auprès de l’administration française ; que les périodes passées au chantier ne comptent pas pour apprécier et examiner les critères présidant au droit applicable (sa pièce 13 : Document d’instructions de l’ENIM) ; qu’en tout état, Monsieur [L] ne justifie nullement quelle aurait été l’obligation légale de Monsieur [K] ou de la société CMS de déclarer son emploi auprès des caisses françaises ; que le jugement déféré sera confirmé en ce qu’il a débouté Monsieur [L] de sa demande fondée au titre du travail dissimulé.

***

Alors que seules les cotisations au régime d’assurance vieillesse des marins n’ont pas été réglées par l’employeur, il n’est pas établi que l’employeur a intentionnellement dissimulé l’emploi du salarié au sens de l’article L.8221-5 du code du travail.

La Cour confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de Monsieur [L] au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé.

Sur la demande reconventionnelle de [N] [K] :

Monsieur [N] [K] soutient que la Cour est compétente pour connaître de la demande de restitution de la somme de 40’000 euros versée au conseil de Monsieur [L] dans le cadre de la saisie conservatoire du navire Vitalia II, saisi de manière totalement abusive, et que Monsieur [L] doit être condamné à lui verser la somme de 40’000 euros, déduction faite des éventuels dommages et intérêts qui pourraient lui être alloués par la Cour, cette restitution devant être assortie d’une astreinte qui ne saurait être inférieure à 500 euros par jour de retard.

Monsieur [C] [L] ne formule pas d’observation de ce chef.

***

Au vu des condamnations prononcées par la Cour de céans notamment au titre de la régularisation des cotisations au régime d’assurance vieillesse des marins, il appartiendra aux parties de procéder aux voies d’exécution applicables en matière de saisie conservatoire après justification de l’exécution entière de la présente décision.

La Cour rejette la demande reconventionnelle de [N] [K] de restitution de la somme de 40’000 euros sous astreinte.

Sur la remise des documents sociaux :

Il convient d’ordonner la remise par la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited et par Monsieur [K] d’un bulletin de paie récapitulatif des sommes allouées, mentionnant les cotisations versées au régime d’assurance vieillesse des marins, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi en conformité avec le présent arrêt, sans qu’il soit nécessaire d’assortir cette condamnation d’une astreinte.

Sur l’article 700 du code de procédure civile :

L’équité n’impose pas qu’il soit fait application, au cas d’espèce, des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Chacune des parties conservera à sa charge ses dépens.

PAR CES MOTIFS

La Cour, après en avoir délibéré, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues à l’article 450 alinéa 2 du code de procédure civile et en matière prud’homale,

Confirme le jugement en toutes ses dispositions, sauf à condamner in solidum Monsieur [N] [K] et la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited au paiement des condamnations prononcées et à rectifier la régularisation ordonnée auprès des organismes sociaux français,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Ordonne la régularisation par Monsieur [K] et la société CREW MANAGEMENT SOLUTIONS Limited, in solidum, du versement des cotisations auprès du régime d’assurance vieillesse des marins en conformité avec le présent arrêt,

Ordonne la remise par l’employeur d’un bulletin de paie récapitulatif, d’un certificat de travail et d’une attestation Pôle emploi en conformité avec le présent arrêt,

Dit que chacune des parties conservera à sa charge ses dépens exposés en cause d’appel,

Rejette tout autre prétention.

LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

Ghislaine POIRINE faisant fonction

 


0 0 votes
Évaluation de l'article
S’abonner
Notification pour
guest
0 Commentaires
Le plus ancien
Le plus récent Le plus populaire
Commentaires en ligne
Afficher tous les commentaires
Chat Icon
0
Nous aimerions avoir votre avis, veuillez laisser un commentaire.x