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CIV. 1
CF
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 29 septembre 2021
Rejet
Mme AUROY, conseiller doyen faisant fonction de président
Arrêt n° 559 F-D
Pourvoi n° R 20-18.954
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 29 SEPTEMBRE 2021
La société Waters, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 3], a formé le pourvoi n° R 20-18.954 contre l’arrêt rendu le 3 juin 2020 par la cour d’appel de Paris (chambre commerciale internationale, pôle 5, chambre 16), dans le litige l’opposant :
1°/ à la société Sodmilab, dont le siège est [Adresse 2]),
2°/ à la société Fides, société d’exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], en la personne de M. [E] [Q], prise en qualité de liquidateur à la liquidation judiciaire de la société Karsman,
défenderesses à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société Waters, de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de la société Sodmilab et de la société Fides, ès qualités, après débats en l’audience publique du 22 juin 2021 où étaient présents Mme Auroy, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Antoine, conseiller, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris, 3 juin 2020), courant 2010, la société française Waters a formalisé les relations contractuelles qu’elle entretenait depuis 1997 avec la société algérienne Sodmilab pour la distribution de ses produits en Algérie, sans que le contrat ne mentionne un choix de loi.
2. A la suite de la résiliation du contrat par la société Waters, la société Sodmilab l’a assignée en paiement de dommages-intérêts en réparation de son préjudice.
Examen du moyen
Enoncé du moyen
3. La société Waters fait grief à l’arrêt de dire la loi française applicable, alors :
« 1°/ que lorsque les parties à un contrat d’intermédiaire, tel qu’un contrat d’agent commercial, choisissent la loi applicable à leurs rapports, ce choix doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause ; qu’à défaut de choix explicite ou certain, la loi applicable est la loi interne de l’Etat dans lequel, au moment de la formation du rapport de représentation, l’intermédiaire a son établissement professionnel ou, à défaut, sa résidence habituelle ; qu’en l’espèce, pour dire qu’il résultait « avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause que les parties ont entendu soumettre leurs relations contractuelles à la loi française », la cour d’appel a relevé l’existence d’une clause attributive de compétence au profit des juridictions françaises, l’usage du français dans le contrat, le lieu de signature du contrat, de la prétendue provenance des produits commercialisés en Algérie et du règlement des commissions en France, le libellé des prix en francs, ainsi que le renvoi, dans les conditions générales des ventes réalisées par l’intermédiaire de la société Sodmilab en Algérie pour le compte de la société Waters, au droit français ; qu’en se fondant sur de tels éléments, impropres à caractériser la volonté certaine des parties de soumettre leur contrat à la loi française, la cour d’appel a violé l’article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à la représentation par fausse application, et l’article 6 du même texte par refus d’application ;
2°/ que lorsque les parties à un contrat de distribution choisissent la loi applicable à leurs rapports, ce choix, s’il peut porter sur la totalité ou sur une partie seulement de ces rapports, doit être exprès ou résulter de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause ; qu’à défaut de choix explicite ou certain, le contrat de distribution est régi par la loi du pays dans lequel le distributeur a sa résidence habituelle ; qu’en l’espèce, pour juger que le choix par les parties de soumettre leurs relations à la loi française résultait « de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause », la cour d’appel s’est, d’une part, fondée sur « les conditions générales de vente de la société Waters reproduites au verso des factures prévo[yant] que ‘‘les ventes conclues par Waters sont régies par la loi française” » et s’est, d’autre part, appuyée sur « les circonstances évoquées plus haut » s’agissant de la détermination de la loi applicable à la relation contractuelle susceptible d’être qualifiée de contrat d’agent commercial ; qu’en se fondant sur de tels éléments, impropres à caractériser la volonté certaine des parties de soumettre leur contrat à la loi française, la cour d’appel a violé l’article 3, § 1, du Règlement n° 593/2008 du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles par fausse application, et l’article 4, § 1, f) du même texte, par refus d’application. »
Réponse de la Cour
4. L’article 5 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats intermédiaires et à la représentation dispose :
« La loi interne choisie par les parties régit le rapport de représentation entre le représenté et l’intermédiaire.
Le choix de cette loi doit être exprès ou résulter avec une certitude raisonnable des dispositions du contrat et des circonstances de la cause. »
5. L’article 3, § 1, du règlement (CE) n° 593/2008 du Parlement européen et du Conseil 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles, dit Rome I, dispose :
« Le contrat est régi par la loi choisie par les parties. Le choix est exprès ou résulte de façon certaine des dispositions du contrat ou des circonstances de la cause. Par ce choix, les parties peuvent désigner la loi applicable à la totalité ou à une partie seulement de leur contrat. »
6. S’agissant de la relation entre les parties susceptible d’être qualifiée de contrat d’agent commercial, l’arrêt relève, au titre des dispositions contractuelles, la présence d’une clause attributive de compétence à une juridiction française, et, au titre des circonstances de la cause, le choix de la loi française dans les conditions générales de l’intermédiaire, la société Sodmilab, pour les relations avec les tiers, ainsi que le fait que la France soit le pays de conclusion du contrat, de provenance des produits et de paiement des commissions et de validation par la société Waters des devis, enfin, la monnaie de paiement française dans les accords antérieurs des parties. S’agissant de la relation entre les parties susceptible d’être qualifiée de contrat de distribution, l’arrêt constate que les conditions générales de vente de la société Waters reproduites au verso des factures prévoient l’application de la loi française, ainsi que les circonstances précitées.
7. De ces énonciations et constatations, la cour d’appel, appréciant souverainement la valeur et la portée des éléments de preuve qui lui étaient soumis, a pu déduire, avec une certitude raisonnable, la volonté des parties de choisir la loi française pour leurs relations d’agence et leur intention certaine de soumettre à cette loi leurs relations afférentes à la distribution des produits en Algérie.
8. Elle a, dès lors, justement écarté l’article 6 de la Convention de La Haye du 14 mars 1978 sur la loi applicable aux contrats d’intermédiaires et à la représentation et l’article 4 du règlement CE n° 593/2008 qui permettent de déterminer la loi applicable, à défaut de choix d’une loi par les parties.
9. Le moyen n’est donc pas fondé.
PAR CES MOTIFS, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne la société Waters aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, condamne la société Waters à payer à la société Sodmilab la somme de 3 000 euros et rejette les autres demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-neuf septembre deux mille vingt et un.