Clause attributive de compétence : 29 octobre 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01066

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Clause attributive de compétence : 29 octobre 2020 Cour d’appel de Versailles RG n° 20/01066
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COUR D’APPEL

DE

VERSAILLES

Code nac : 00A

12e chambre

ARRET N°

CONTRADICTOIRE

DU 29 OCTOBRE 2020

N° RG 20/01066 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TYFP

AFFAIRE :

S.A. FACTOFRANCE anciennement GE FACTOFRANCE

C/

S.E.L.A.R.L. S.M.J agissant poursuites et diligences de Maître [D] [X] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS EUROPEENNE FOOD, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 30 octobre 2013

Décision déférée à la cour : Jugement rendu(e) le 31 Janvier 2020 par le Tribunal de Commerce de NANTERRE

N° Chambre :

N° Section :

N° RG : 2018F01582

Expéditions exécutoires

Expéditions

Copies

délivrées le :

à :

Me Claire RICARD,

Me Valérie LEGER

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

LE VINGT NEUF OCTOBRE DEUX MILLE VINGT,

La cour d’appel de Versailles, a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :

S.A. FACTOFRANCE anciennement GE FACTOFRANCE

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentant : Me Claire RICARD, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2200936

Représentant : Me Bérangère RIVALS de la SCP SANTONI & ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0287 –

APPELANTE

****************

S.E.L.A.R.L. S.M.J agissant poursuites et diligences de Maître [D] [X] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS EUROPEENNE FOOD, désignée à cette fonction par jugement du Tribunal de commerce de Créteil en date du 30 octobre 2013

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Valérie LEGER de la SELARL CABINET DE L’ORANGERIE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 404 – N° du dossier 180202-1 – Représentant : Me Ibrahim ABOUZEID de la SELEURL ABOUZEID AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE

****************

Composition de la cour :

En application des dispositions de l’article 805 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Septembre 2020 les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Monsieur François THOMAS, Président, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur François THOMAS, Président,,

Mme Véronique MULLER, Conseiller,

Monsieur Bruno NUT, Conseiller,

Greffier, lors des débats : Monsieur Alexandre GAVACHE,

EXPOSE DU LITIGE

Constituée en 1988, la société Europeenne Food est devenue au fil des années un des acteurs majeurs de la distribution alimentaire hors domicile en France.

Factofrance intervient dans le domaine de l’affacturage, technique de financement permettant aux entreprises de mobiliser leurs factures sans attendre l’échéance de règlement, en cédant leurs factures à un établissement de crédit désigné comme le ‘factor’, en l’occurrence, Factofrance.

Le 14 mai 2009, Factofrance a conclu un contrat d’affacturage avec Européenne food.

En mars 2013, le conseil de surveillance d’Européenne Food a chargé le cabinet PWC de réaliser un audit.

Un mandataire ad hoc a été désigné le 10 juin 2013 par le président du tribunal de commerce de Paris et découvert un mois plus tard l’existence d’un dispositif d’émission de fausses factures portant sur près de 28 millions d’euros dont 21 millions d’euros auraient, selon Factofrance déjà été financés.

Factofrance a alors suspendu le 24 juillet 2013 le financement des créances remises par Européenne Food, avant de reprendre ce financement après avoir conclu avec EUROPENNE FOOD un accord le 25 juillet 2013, réitéré le 5 août 2013, permettant la mise en place d’un mécanisme destiné à apurer la dette de 21 M d’euros.

Par jugement du 30 octobre 2013, le tribunal de commerce de Créteil a prononcé la liquidation judiciaire d’EUROPENNE FOOD.

Par acte d’huissier du 20 septembre 2018, la SELARL SMJ prise en la personne de Me [D] [X] [R] ès qualités de liquidateur judiciaire de la SAS Europeenne Food a assigné Factofrance devant le tribunal de commerce de Nanterre, aux fins notamment de :

Vu l’insuffisance d’actif d’Europeenne Food,

– juger que Factofrance a commis une faute qui engage sa responsabilité délictuelle,

– juger que cette faute a causé à la collectivité des créanciers d’Europeenne Food un préjudice équivalent à la totalité de l’insuffisance d’actif,

– condamner Factofrance à payer à titre de dommages et intérêts à S.M.J ès qualités, une somme évaluée provisoirement à 90 818 563,30 euros, à parfaire au vu des opérations liquidatives en cours,

– condamner Factofrance à payer à S.M.J, ès qualités, la somme de 20 000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

Factofrance a, notamment et in limine litis, soulevé une exception d’incompétence au profit du tribunal de commerce de Paris, et demandé que le tribunal de commerce de Nanterre se déclare incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris, en application de la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat d’affacturage et dans le protocole d’accord.

Par jugement du 31 janvier 2020, le tribunal de commerce de Nanterre a :

– dit la société Factofrance recevable en son exception d’incompétence,

– l’a dit mal fondée,

– s’est déclaré compétent,

– et a enjoint aux parties de conclure au fond pour l’audience du 5 mars 2020,

– a réservé les frais et dépens.

Par déclaration d’appel du 14 février 2020, Factofrance a interjeté appel du jugement.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par conclusions notifiées le 7 avril 2020, Factofrance a demandé à la cour de:

– infirmer le jugement dont appel en ce qu’il a déclaré Factofrance mal-fondée en son exception d’incompétence ;

Statuant à nouveau,

– dire et juger recevable et bien fondée l’appelante en son exception d’incompétence ;

– déclarer le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris en application de la clause attributive de compétence stipulée dans le Contrat d’Affacturage et dans le Protocole d’Accord ;

En tout état de cause,

– Réserver à ce stade les demandes reconventionnelles de l’appelante notamment au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– Condamner la Selarl Smj, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Europeenne Food sas, aux entiers dépens de l’appel.

Par conclusions notifiées le 8 avril 2020, S.E.L.A.R.L S.M.J a demandé à la cour de :

– débouter la société Factofrance de l’ensemble de ses moyens fins et conclusions,

– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a déclaré mal-fondée l’exception d’incompétence soulevée par la société Factofrance et enjoint les parties de conclure au fond,

– condamner la société Factofrance à payer la S.E.L.A.R.L S.M.J, es qualités, la somme de 5.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens.

MOTIVATION

Le jugement a retenu que SMJ, ès-qualités, avait assigné Factofrance sur la base d’une action en responsabilité civile délictuelle, exercée contre le factor au titre des fautes qu’il aurait commises au préjudice de la collectivité des créanciers de son client. Il a relevé que les clauses attributives de compétence, dérogeant aux règles de compétences juridictionnelles prévues par la loi, sont d’interprétation stricte et ne peuvent être étendues à des cas qu’elles ne prévoient pas, et que le siège social de Factofrance est dans le ressort du tribunal de Nanterre, de sorte que ce tribunal était compétent.

Factofrance soutient qu’il existe une clause attributive de compétence exclusive valablement convenue entre commerçants, et qu’elle est opposable au liquidateur du débiteur contractant qui exerce les droits et actions du débiteur, même en cas de confusion de l’intérêt collectif des créanciers avec les intérêts de la société débitrice sous procédure collective. Elle ajoute que l’action du liquidateur entre bien dans le ‘champ contractuel’ de la clause attributive de compétence, quand bien même elle est fondée sur une responsabilité civile délictuelle, dès lors que l’objet du litige est lié au contrat contenant la clause attributive.

SMJ, ès-qualités de liquidateur d’EUROPENNE FOOD, avance que son action ne porte pas sur la validité, sur l’interprétation, ou sur l’inexécution d’une des clauses des deux accords, clauses qui ne couvrent pas l’exercice d’une action en responsabilité civile délictuelle et qui sont insérées dans des accords auxquels ni la SMJ ni les créanciers ne sont parties. Elle ajoute agir non au nom de la société Europeenne Food mais à celui de la collectivité des créanciers, en réparation des préjudices causés par les agissements de Factofrance, dont elle conteste les interprétations des décisions de jurisprudence.

Sur ce

L’article 48 du code de procédure civile prévoit que

‘toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite, à moins qu’elle ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant, et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée’.

Le contrat d’affacturage du 14 mai 2009 conclu entre EUROPENNE FOOD et Factofrance prévoit en son article 15 une clause d’attribution de juridiction ainsi rédigée ‘les parties conviennent que tout différend qui surviendrait en relation avec le présent contrat, notamment quant à sa validité, son interprétation, son exécution ou son inexécution relèvera de la compétence exclusive du tribunal de commerce de Paris’.

Le protocole d’accord conclu le 5 août 2013 contient, en son article 11, une clause similaire donnant aussi compétence exclusive au tribunal de commerce de Paris.

Une telle clause est opposable au liquidateur lorsqu’il agit pour faire valoir les droits patrimoniaux de son administré, ou qu’il exerce les droits et actions du débiteur dessaisi sur le fondement du contrat, ou lorsque l’action qu’il exerce n’est pas née de la procédure collective.

Le fait que SMJ, ès-qualités de liquidateur judiciaire d’EUROPENNE FOOD, ait fait délivrer l’assignation sur le fondement de l’article 1240 du code civil n’est pas de nature à justifier que la clause attributive de compétence soit écartée, dès lors que les griefs invoqués à l’encontre de Factofrance tiennent à des fautes qu’elle aurait commises, notamment en dépassant le taux des retenues de garantie prévu par le contrat d’affacturage et en le faisant entériner par les accords des 25 juillet et 5 août 2013, dans le cadre des relations contractuelles existant entre Factofrance et EUROPENNE FOOD.

Aussi, l’objet du litige étant relatif au comportement de Factofrance dans le cadre de l’application du contrat d’affacturage amendé par le protocole d’accord, les clauses attributives de compétence prévues par ce contrat devaient recevoir application, même si SMJ n’y est pas partie.

Le jugement sera réformé en ce sens.

La SMJ sera condamnée au paiement des dépens d’appel.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement du 31 janvier 2020,

Déclare le tribunal de commerce de Nanterre incompétent au profit du tribunal de commerce de Paris,

Réserve les demandes présentées au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la Selarl Smj, agissant en qualité de liquidateur judiciaire de la société Europeenne Food sas, aux entiers dépens de l’appel.

prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

signé par Monsieur François THOMAS, Président, et par Monsieur GAVACHE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Le greffier, Le président,

 


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