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ARRET N°520
CP/KP
N° RG 22/00644 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GPXM
[Adresse 3]
S.A.R.L. ZOCA MEDIAS
C/
[W]
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
COUR D’APPEL DE POITIERS
2ème Chambre Civile
ARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2022
Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 22/00644 – N° Portalis DBV5-V-B7G-GPXM
Décision déférée à la Cour : ordonnance du 09 février 2022 rendue par le Président du TJ de [Localité 4].
APPELANTS :
Monsieur [Z] [E], ès qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA MEDIAS.
né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 7]
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.
Ayant pour avocat plaidant Me Bernard PAUTROT, avocat au barreau de PARIS.
S.A.R.L. ZOCA MEDIAS prise en la personne de son gérant, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège
[Adresse 6]
[Localité 5]
Ayant pour avocat postulant Me Jérôme CLERC de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau de POITIERS.
Ayant pour avocat plaidant Me Bernard PAUTROT, avocat au barreau de PARIS.
INTIME :
Monsieur [U] [W]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Ayant pour avocat plaidant Me Séverine MINAUD de la SELARL MINAUD CHARCELLAY, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été débattue le 27 Septembre 2022, en audience publique, les avocats ne s’y étant pas opposés, devant :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Monsieur Claude PASCOT, Président
Monsieur Jean-Pierre FRANCO, Président
Monsieur Fabrice VETU, Conseiller
GREFFIER, lors des débats : Madame Véronique DEDIEU,
ARRÊT :
– CONTRADICTOIRE
– Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
– Signé par Monsieur Claude PASCOT, Président, et par Madame Véronique DEDIEU, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSÉ DU LITIGE :
Par signatures électroniques en date des 7 et 11 juillet 2021, M. [W] (cédant) et la société ZOCA Médias (cessionnaire dont le gérant est M. [Z] [E]), ont conclu trois contrats de cession portant sur les biens suivants :
1) un contrat de cession des actions n°2501 à 5000 de la société Chaise Vide Productions pour un prix de 12.000 euros (sur lequel aucune TVA n’était due) ;
2) un contrat de cession de marque et des droits d’auteurs sur le magazine BROOAP pour un montant total de 5.600 euros HT (avec une TVA de 280 euros) ;
3) un contrat de cession de noms de domaine et des supports multimédias pour un montant de 6.000 euros (avec une TVA de 900 euros).
Soutenant que la SARL ZOCA Medias aurait réglé les actions mais n’aurait pas respecté ses engagements de paiement au titre des deux autres contrats, M. [U] [W] l’a assignée ainsi que M. [Z] [E] devant le Président du tribunal judiciaire de La Rochelle statuant en référé aux fins de :
-voir condamner la SARL ZOCA Medias à lui verser, à titre de provision, la somme de 13.330,40 euros assortie des intéréts au taux légal majoré de quatre points à compter du 06 juillet 2021, outre la somme de 1400 euros au titre des pénalités forfaitaires,
-voir condamner la SARL ZOCA Medias à transférer le siège social de la société Chaise Vide et effectuer toutes les formalités y afférentes sous astreinte,
-voir condamner M. [Z] [E] a transférer le siège social de la société Chaise Vide et effectuer toutes les formalités y afférentes sous astreinte,
-voir condamner solidairement la SARL ZOCA Medias et M. [Z] [E] à lui verser la somme de 1500 euros à titre de dommages et intérêts et 2000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
la SARL ZOCA MEDIAS et M. [Z] [E], cités en l’étude de l’huissier, n’ont pas constitué avocat.
Par ordonnance de référé en date du 1er février 2022, la Présidente du tribunal judiciaire de La Rochelle a statué ainsi :
-Condamnons la SARL ZOCA Medias à verser a M. [U] [W] la somme de 8.356,40 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de quatre points a compter de la mise en demeure du 6 août 2021 outre la somme 1 400 euros,
-Déboutons M. [U] [W] de sa demande financière présentée a l’encontre de M. [Z] [E],
-Ordonnons à la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] de transférer le siège social de la Société la Chaise Vide Productions à [Adresse 6] comme prévu aux contrats et ce dans les 15 jours de la signification de l’ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,
-Rejetons la demande de M. [U] [W] tendant à ce que le juge des référés conserve le contentieux de la liquidation de cette astreinte,
-Condamnons in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] à verser à M. [U] [W] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamnons in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] aux dépens.
Une ordonnance rectificative en date du 9 février 2022 a modifié le chapeau de la précédente décision.
Par déclaration en date du 8 mars 2022, M. [Z] [E] et la SARL Zoca Médias ont fait appel de ces décisions en visant les chefs expressément critiqués contre M. [U] [W].
M. [Z] [E] et la SARL Zoca Médias, par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 9 septembre 2022, demandent à la cour de :
À titre principal : avant toute défense au fond (Exception d’incompétence)
-Infirmer les ordonnances de référé attaquées rendues les 1er et 9 février 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de La Rochelle sur la compétence,
Et statuant à nouveau,
-Juger que le tribunal judiciaire de La Rochelle était territorialement incompétent’afin de connaître de ce présent litige et ce au profit du tribunal judiciaire de GRASSE ;
-Ordonner la transmission du dossier de la procédure à la Cour d’appel d’Aix en Provence statuant en référé en application de l’article 90, alinéa 3, du Code de procédure civile dans les conditions de l’article 91 du même code ;
-Condamner M. [U] [W] à verser à la société ZOCA MÉDIAS ainsi qu’à M. [Z] [E] chacun la somme de 2.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner M. [U] [W] aux entiers dépens.
À titre subsidiaire : avant toute défense au fond (Exception de nullité)
-Prononcer la nullité de l’assignation signifiée le 10 décembre 2021 ;
-Annuler en conséquence les ordonnances de référé entreprises rendues les 1er et 9 février 2022 par le président du Tribunal judiciaire de La Rochelle sans possibilité pour la Cour de statuer au fond ;
-Condamner M. [U] [W] à verser à la société ZOCA MÉDIAS ainsi qu’à M. [Z] [E] chacun la somme de 8.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner M. [U] [W] aux entiers dépens.
À titre très subsidiaire (Fin de non-recevoir et « fond » du référé)
-Infirmer l’ordonnance de référé entreprise rendue le 1er février 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de La Rochelle en ce qu’elle a :
– condamné la SARL ZOCA Médias à verser à M. [U] [W] la somme de 8.356,40 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de quatre points à compter de la mise en demeure du 6 août 2021 outre la somme de 1.400 euros,
– ordonné à la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] de transférer le siège social de la Société la Chaise Vide Productions à [Adresse 6] comme prévu aux contrats et ce dans les 15 jours de la signification de la présente ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,
– condamné in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] à verser à M. [U] [W] la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamné in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] aux dépens.
ET,
-Infirmer l’ordonnance de référé entreprise rendue le 9 février 2022 par le Président du Tribunal judiciaire de La Rochelle en ce qu’elle a :
– ordonné la rectification de l’erreur matérielle entachant l’ordonnance sus-visée,
– dit que le chapeau de la décision page 1 indiquera en qualité de défendeur [Z] [E], en sus de la SARL ZOCA Médias, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en l’Etude d’huissiers, le 10 Décembre 2021,
– dit que les autres dispositions de l’ordonnance n°22/36 sont inchangées,
– dit que la présente ordonnance rectificative sera portée en marge de la minute et des expéditions de l’ordonnance prononcée le 1er Février 2022 dans l’affaire enregistrée sous le numéro du répertoire général n° RG 22/00075 – n° portalis DBXC-W-B7G-EPRJ.
Et statuant à nouveau de l’ensemble de ces chefs de dispositifs infirmés des deux ordonnances entreprises,
Sur la mise en cause de M. [Z] [E] « es qualité » de « gérant » ou à titre personnel :
-Juger qu’en condamnant M. [Z] [E] à titre personnel alors que celui-ci n’est intervenu à l’instance qu’ « es qualité » de « gérant » de la société ZOCA MÉDIAS, le Président du tribunal judiciaire est sorti des limites du litige en violation des dispositions de l’article 4 du Code de procédure civile ;
-Constater que M. [Z] [E] est hors de cause à défaut d’avoir été assigné à titre personnel ;
À défaut,
-Constater la qualité de tiers de M. [Z] [E] aux contrats allégués par M. [U] [W] ;
-Juger que M. [U] [W] n’est pas recevable à agir à l’encontre de M. [Z] [E] en indemnisation et en exécution forcée desdits contrats en application de l’article 1199 du code civil ;
-Déclarer en conséquence M. [U] [W] irrecevable en son action dirigée contre M. [Z] [E] à titre personnel en application de l’article 122 du Code de procédure civile pour défaut de qualité à défendre de ce dernier ;
Sur le « fond » du référé :
-Juger n’y avoir lieu à référé sur les demandes de M. [U] [W] ;
-Débouter M. [U] [W] de l’intégralité de ses demandes au titre de son appel incident et le déclarer en tout état de cause mal fondé ;
-Débouter en conséquence M. [U] [W] de son appel incident et le déclarer en tout état de cause mal fondé ;
-Débouter en tout état de cause M. [U] [W] de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;
-Condamner à titre provisionnel M. [U] [W] à restituer à la société ZOCA Médias la somme indûment perçue de 1.140,20 euros sur le fondement des articles 1302, 1302-1 et 1302-2 du Code civil ;
-Condamner M. [U] [W] à verser à la société ZOCA Médias ainsi qu’à M. [Z] [E] chacun la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral résultant de cette procédure manifestement abusive, infondée, frauduleuse et vexatoire sur le fondement de l’article 1240 du Code civil ;
-Condamner M. [U] [W] à verser à la société ZOCA MÉDIAS ainsi qu’à M. [Z] [E] chacun la somme de 20.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
-Condamner M. [U] [W] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
M. [U] [W], par dernières conclusions transmises par voie électronique en date du 25 août 2022, demande à la cour de :
Confirmer les ordonnances de référé des 1er et 9 février 2022 en ce qu’elles ont :
-condamné la SARL ZOCA Médias a verser a M. [U] [W] le solde des sommes restant dues, augmentée des intérêts au taux légal majoré de quatre points a compter de la mise en demeure du 6 Août 2021 outre la somme 1.400 euros,
-ordonné à la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] de transférer le siège social de la Société la Chaise Vide Productions à [Adresse 6] comme prévu aux contrats et ce dans les 15 jours de la signification de l’ordonnance et, passe ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,
– condamné in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] à verser a M. [U] [W] la somme de 1.200 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
– condamné in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] aux dépens.
Et,
– ordonné la rectification de 1’erreur matérielle entachant l’ordonnance sus-visée,
– dit que le chapeau de la décision page 1 indiquera en qualité de défendeur [Z] [E], en sus de la SARL ZOCA Médias, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en l’Etude d’huissiers, le 10 décembre 2021,
– dit que les autres dispositions de l’ordonnance n°22/36 sont inchangées,
– dit que la présente ordonnance rectificative sera portée en marge de la minute et des expéditions de l’ordonnance prononcée le 1er février 2022 dans l’affaire enregistrée sous le numéro du répertoire général n° RG 22/ 00075 – n° portalis DBXC-W-B7G-EPRJ,
-Débouter la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] de leurs demandes, fins et conclusions.
-Réformer l’ordonnance de référé du 19 février 2022 en ce qu’elle a :
– condamné M. [Z] [E] sans y adjoindre ‘es-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias’
– débouté M. [U] [W] de sa demande de provision à concurrence de 1 500 euros,
– fixé le montant des sommes restant dues à la somme de 8356,40 euros
-Reformer l’ordonnance rectificative du 9 février 2022 en ce qu’elle a :
-ordonné la rectification du jugement sans adjoindre au nom de [Z] [E] ‘es-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias’
Statuant à nouveau :
– Fixer le montant des sommes dues par la SARL ZOCA Médias à la somme de 819,80 euros outre les intérêts de retard et la condamner au paiement de cette somme.
Subsidiairement,
-Fixer le montant des sommes dues par la SARL ZOCA Médias à la somme de 259,80 euros outre les intérêts de retard si la Cour devait déduire la TVA pour la cession de marque, et la condamner au paiement de cette somme.
-Ordonner que les condamnations prononcées contre M. [Z] [E] le soient ‘es-qualité d’associé unique et gerant de la SARL ZOCA Médias’,
-Ordonner que le chapeau de l’ordonnance de référé du 1er février 2022, indiquera en qualité de défendeur, [Z] [E] ès-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias’, en sus de la SARL ZOCA Médias, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en l’Etude d’Huissier, le 10 décembre 2021,
-Condamner in solidum la société ZOCA Médias et M. [Z] [E] ès-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias à payer à M. [U] [W] une provision de 1.500 euros a titre de dommages et intérêts,
Ajoutant aux deux ordonnances :
-Condamner in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] es-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias à verser à M. [U] [W] la somme de 5 000 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
-Condamner in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] es-qualité d’associé unique et gerant de la SARL ZOCA Médias aux dépens d’appel.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément aux dernières conclusions précitées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 13 septembre 2022.
MOTIFS DE LA DÉCISION :
I Sur la compétence :
1- Les appelants n’ont pas comparu en première instance. Il a été jugé par arrêt de la chambre commerciale de la Cour de cassation en date du 20 octobre 1992 (n° 90-20.548) que ‘le défendeur défaillant en première instance, et qui n’a donc pu exciper, à ce stade de la procédure, de l’incompétence de la juridiction saisie, conserve la faculté d’instituer en appel un débat sur la compétence, dès lors qu’il soulève l’exception avant toute défense au fond’.
Devant la cour, c’est avant toute défense au fond, et dès les conclusions signifiées par RPVA le 21 avril 2022 que l’exception d’incompétence a été soulevée par les appelants. Elle est donc recevable.
En matière de compétence territoriale, le principe est posé par l’article 42 du code de procédure civile aux termes duquel ‘la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur’.
L’article 48 du même code dispose : ‘Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée’.
2- En l’espèce, le contrat de cession de marque et des droits d’auteur sur le magazine BROOAP signé les 7 et 11 juillet 2021contient en son article 9 une clause attributive de compétence rédigée dans les termes suivants : ‘Tout litige résultant de la formation, de l’interprétation ou de l’exécution du présent contrat sera de la compétence des tribunaux du ressort de [Localité 4], nonobstant pluralité de défendeurs ou appel en garantie’.
Devant la cour, les appelants font valoir que la clause attributive de compétence doit être considérée comme non écrite et que le dossier de la procédure doit être transmis à la cour d’appel d’Aix en Provence au motif :
-que M. [U] [W], non commerçant, est partie au contrat,
-que la clause attributive de compétence n’est pas spécifiée de façon suffisamment apparente, la police et la typographie étant identiques à celles utilisées pour le reste du texte dans lequel elle s’insère.
L’intimé fait valoir en réponse :
-que les appelants soulèvent l’incompétence du tribunal judiciaire de La Rochelle, au profit du tribunal judiciaire de Grasse, alors même que ce n’est pas le tribunal judiciaire de La Rochelle qui a statué mais le président du tribunal judiciaire,
-que seules les personnes physiques non commerçantes ont qualité pour contester une clause d’élection de for,
-que la typographie de la clause n’est pas réduite, celle-ci étant parfaitement lisible et le paragraphe bien distingué des autres,
L’échange des moyens susvisés appelle les observations suivantes.
Le litige portant sur la compétence territoriale et non pas la compétence matérielle, le fait que ce n’est pas tribunal judiciaire de La Rochelle mais le président du tribunal judiciaire de La Rochelle qui a statué est strictement indifférent.
La règle posée par l’article 48 du code de procédure civile aux termes de laquelle est réputée non écrite la clause qui déroge aux règles de compétence territoriale à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant résulte de l’ordre public de protection au profit des non commerçants. C’est donc la personne protégée, M. [U] [W], non commerçant en l’occurrence qui est apte à apprécier quelle est la solution la plus conforme à ses intérêts. Il peut donc ne pas renoncer à une clause attributive de compétence dérogatoire du droit commun. Cette règle a été posée par la jurisprudence. C’est ainsi que :
-par arrêt du 10 décembre 1997, la cour d’appel de Paris a pu affirmer : ‘Si la clause n’a été stipulée que dans l’intérêt d’une partie, la compétence du tribunal désigné ne peut être invoquée que par elle’ (CA Paris 10 12 1997 n° 97/22530),
-par arrêt en date du 30 septembre 2020, la Première chambre civile de la Cour de cassation a jugé : ‘en application de la clause d’élection de for dont aucune des personnes physiques, non commerçantes qui, seules avaient qualité pour le faire, ne contestaient la validité, le tribunal de Nanterre était la juridiction territorialement compétente dans l’ordre juridique français’.
En l’occurrence, M. [U] [W] n’est pas commerçant et dans la mesure où son domicile est situé à [Localité 4], il est manifeste que la clause litigieuse a été stipulée en sa faveur.
Il résulte de ce qui précède que la société Zoca Médias n’a pas qualité pour se prévaloir du caractère non écrit de la clause litigieuse. En qualité de tiers au contrat de cession, M. [E] in personam, n’a pas davantage qualité pour le faire.
3- Le débat sur la spécification très apparente de la clause ne présente donc plus d’intérêt. En tout état de cause, la cour constate qu’elle est particulièrement visible en ce qu’un article entier lui est consacré, portant un intitulé en gras et en lettres capitales :
ARTICLE – 9 LOI APPLICABLE ET ATTRIBUTION DE COMPÉTENCE
Les appelants seront déboutés de leur demande tendant à ordonner la transmission du dossier de la procédure à la Cour d’appel d’Aix en Provence statuant en référé en application de l’article 90, alinéa 3, du Code de procédure civile.
II Sur la demande en la nullité de l’assignation signifiée le 10 décembre 2021 :
4- En droit, l’article 56 4° du Code de procédure civile dispose :
« L’assignation contient à peine de nullité, outre les mentions prescrites pour les actes d’huissier de justice et celles énoncées à l’article 54 : (‘)
4° L’indication des modalités de comparution devant la juridiction et la précision que, faute pour le défendeur de comparaître, il s’expose à ce qu’un jugement soit rendu contre lui sur les seuls éléments fournis par son adversaire. L’assignation précise également, le cas échéant, la chambre désignée. Elle vaut conclusions. »
L’article 760 du Code de procédure civile dispose : « Les parties sont, sauf disposition contraire, tenues de constituer avocat devant le tribunal judiciaire. La constitution de l’avocat emporte élection de domicile. »
L’article 5, alinéa 2, de la loi du 31 n° 71-1130 du 31 décembre 1971 dispose : « Ils [les avocats] peuvent postuler devant l’ensemble des tribunaux judiciaires du ressort de cour d’appel dans lequel ils ont établi leur résidence professionnelle et devant ladite cour d’appel. »
Les appelants prétendent que l’assignation qui leur a été délivrée serait nulle en ce que les modalités de représentation qui y sont mentionnées ne précisent pas que l’avocat admis à postuler devait être inscrit dans un barreau de la cour d’appel de Poitiers, ce qui constituerait un grief en ce qu’ils n’auraient pas pu se faire représenter.
5- L’intimé produit en pièce n° 16 l’assignation en référé litigieuse. A sa lecture, la cour constate qu’elle porte notamment les mentions suivantes :
1) ‘ (…) D’avoir à comparaître à l’audience et par devant Madame ou M. le Président du Tribunal Judiciaire de La Rochelle, statuant en matière de référé (…) par ministère d’avocat constitué près dudit Tribunal (…)’
2) ‘(…) Vous êtes tenu(e), en vertu de la loi, de charger un avocat au barreau de La Rochelle ou des autres barreaux de la cour dont dépend le tribunal saisi (…)’
Il résulte des énonciations de l’assignation reprises ci-dessus qu’il a été satisfait aux exigences légales susmentionnées.
III Sur l’action dirigée contre [Z] [E] et sa condamnation :
6- Les appelants font valoir le moyen suivant :
‘Compte tenu de la profonde confusion inhérente à l’assignation signifiée, il est très difficile de comprendre si M. [E] a été assigné à titre personnel ou « es qualité » de « gérant » de la société ZOCA MÉDIAS. Il semblerait à la lecture de l’assignation et des ordonnances entreprises, que le demandeur à l’action confonde ces deux notions ainsi d’ailleurs, que le tribunal judiciaire de La Rochelle. Dans ces deux hypothèses, les ordonnances de référé attaquées seront infirmées.’
Ce moyen conduit à prendre en compte la teneur de l’acte introductif d’instance (Pièce n° 16 de l’intimé). Il en résulte que l’assignation a été délivrée à :
-la SARL ZOCA Médias,
-M. [Z] [E] ès-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias.
7- Dès lors, contrairement à ce que prétendent les appelants c’est clairement ès-qualité et non in personam que M. [Z] [E] a été recherché.
Au stade de l’ordonnance de référé, celle-ci a été rectifiée pour faire apparaître M. [Z] [E] dans le chapeau. Cependant, ni dans le corps de l’ordonnance d’origine, ni dans le chapeau de l’ordonnance rectificative, il n’a été précisé que c’est ès-qualité que M. [Z] [E] a été assigné.
La cour rectifiera l’ordonnance rectificative en date du 9 février 2022 en ce que, en lieu et place de :
‘Disons que le chapeau de la décision page 1 indiquera en qualité de défendeur, [Z] [E], en sus de la SARL ZOCA Média, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en étude d’huissiers, le 10 décembre 2021″,
il convient de lire :
‘Disons que le chapeau de la décision page 1 indiquera comme défendeur, [Z] [E], ès-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Médias en sus de la SARL ZOCA Média, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en étude d’huissiers, le 10 décembre 2021″.
Il convient d’aborder le bien fondé des demandes pour déterminer si une condamnation peut intervenir contre M. [Z] [E] et dans quels termes.
III Sur le bien fondé des demandes :
1) Sur les sommes dues :
a) Sur le paiement du prix :
8- M. [W] indique que les sommes qui lui sont dues sont les suivantes :
-contrat de cession d’actions : 12.000 euros,
-cession de marque et des droits d’auteur : 6.440 euros,
-cession de noms de domaines : 6.900 euros,
Total : 25.340 euros.
A déduire :
-la somme de 24.923,40 euros réglée par la SARL ZOCA Média dans un premier temps,
-la somme de 996,80 euros réglée par la SARL ZOCA Média en cause d’appel,
Soit un trop perçu par M. [W] de 580,20 euros.
Les appelants discutent les sommes dues au titre de la TVA et estiment quant à eux que le trop perçu n’est pas de 580,20 euros mais de 1.140,20 euros.
En droit, l’article 835, alinéa 2, du Code de procédure civile dispose : ‘Dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, ils [le président du tribunal judiciaire ou le juge du contentieux de la protection] peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.’ Il résulte de ces dispositions :
-que le pouvoir du juge des référés afin d’allouer une somme à titre provisionnel, est conditionné à l’existence d’une obligation qui n’est pas sérieusement contestable,
-que constitue une contestation sérieuse tout moyen de défense qui n’apparaît pas immédiatement, et à l’évidence, voué à l’échec,
-qu’en présence d’une contestation sérieuse, le juge des référés ne dispose pas du pouvoir d’allouer une quelconque provision et excède ses pouvoirs s’il tranche une contestation sérieuse.
La débat sur le principe même de l’application d’une TVA sur une partie du prix de cession et sur le taux à retenir en matière de marque et de droit d’auteur constitue une contestation sérieuse en ce qu’elle ne relève pas de l’évidence.
C’est pourquoi, la cour retiendra un trop perçu de 1.140,20 euros,
b) Sur les clauses pénales :
9- M. [W] sollicite deux provisions de 700 euros, soit un total de 1.400 euros au titre des clauses insérées dans :
-contrat de cession de noms de domaine et des supports multimédia,
-contrat de cession de marque et des droits d’auteurs.
Ces deux conventions comportent un paragraphe intitulé ‘pénalités de retard’ indiquant notamment qu’en cas de non paiement à l’échéance :
-‘le cédant percevra de plein droit et sans mise en demeure préalable, une pénalité de 700 euros(…)’.
Les clauses sont dénuées de toute ambiguïté, le non paiement à l’échéance est reconnu. La modicité de la somme convenue entre les parties n’interroge pas l’éventuelle disproportion.
L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a retenu une somme de 1.400 euros à titre de clause pénale.
c) Sur l’appel incident de M. [W] :
10- L’intimé sollicite une provision de 1.500 euros à titre de dommages-intérêts qui lui a été refusée par le premier juge.
La cour constate qu’ à l’occasion de la présente instance, la cession a fini par être payée, allant même jusqu’à atteindre un trop perçu sur la prix au principal. Certes, ce paiement est tardif et une procédure a été rendue nécessaire mais, l’intimé bénéficie de clauses pénales contractuelles et se verra allouer une somme au titre de l’article 700 du code de procédure civile. Il n’est donc pas fondé en sa demande de provision à titre de dommages-intérêts complémentaires.
d) Sur la demande de provision à titre de dommages-intérêts formulée par les appelants :
11- Les appelants sollicitent chacun une provision de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice moral.
La cour observe à cet égard que le présent litige trouve sa source dans les manquements contractuels de la SARL représentée par son associé unique et qu’il aura fallu attendre l’exercice de la voie de l’appel pour que le cédant puisse enfin recouvrer le prix de vente.
Les appelants seront dès lors déboutés de leur demande de provision à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral.
2) Sur le transfert du siège social :
12- En pièce n° 6, les appelants produisent un extrait K bis de la société La Chaise Vide Productions mis à jour au 18 mars 2022 dont il résulte que le siège social de cette personne morale a été transféré à [Localité 5] (06).
La demande de transfert de siège social est dès lors devenu sans objet.
3) Sur les dépens et l’article 700 du code de procédure civile :
13- La société ZOCA Média représentée par son gérant en la personne de M. [Z] [E] ès-qualité succombe au principal. Elle sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel.
Il sera alloué à M. [W], au titre de l’article 700 du code de procédure civile, la somme globale de 7.000 euros incluant les frais irrépétibles de première instance et d’appel. Les appelants seront déboutés de leur demande sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.
4) Sur l’imputabilité des condamnations :
14- Le présent litige concerne un contrat de cession de marque et des droits d’auteurs sur le magazine BROOAP dans lequel :
-le cédant est identifié comme étant M. [U] [W],
-le cessionnaire est la SARL Zoca Médias dont le gérant est M. [Z] [E].
Il est constant que M. [Z] [E] in personam est tiers à la convention de cession de marque.
Le dispositif de l’ordonnance d’origine contient les trois énonciations suivantes visant M. [Z] [E] :
1)
Ordonnons à la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] de transférer le siège social de la Société LA CHAISE VIDE PRODUCTIONS à [Adresse 6] comme prévu aux contrats et ce dans les 15 jours de la signification de l’ordonnance et, passé ce délai, sous astreinte de 300 euros par jour de retard,
2) Condamnons in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] à verser à M. [U] [W] la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l’article 700 du Code de Procédure Civile,
3) Condamnons in solidum la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] aux dépens.
L’absence de toute précision après la désignation de M. [Z] [E] et la spécification in solidum conduisent une condamnation de M. [Z] [E] à titre personnel.
Comme il vient d’être vu, la première énonciation devient sans objet.
En ce qui concerne les énonciations n° 2 et 3, elle seront infirmées en ce que M. [Z] [E] ne saurait être recherché in personam. C’est la société ZOCA Media, représentée par son gérant M. [Z] [E] pris ès-qualité qui sera condamnée :
-au titre du prix de cession et des clauses pénales
-au titre des dépens et des frais irrépétibles.
PAR CES MOTIFS:
La Cour,
RECTIFIE l’ordonnance rectificative en date du 9 février 2022 en ce que, en lieu et place de :
‘Disons que le chapeau de la décision page 1 indiquera en qualité de défendeur, [Z] [E], en sus de la SARL ZOCA Média, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en étude d’huissiers, le 10 décembre 2021″,
il convient de lire :
‘Disons que le chapeau de la décision page 1 indiquera comme défendeur, [Z] [E], ès-qualité d’associé unique et gérant de la SARL ZOCA Média en sus de la SARL ZOCA Média, conformément à l’assignation qui lui a été signifiée en étude d’huissiers, le 10 décembre 2021″,
CONFIRME l’ordonnance rectificative en date du 9 février 2022 pour le surplus,
CONFIRME l’ordonnance de référé du 1er février 2022 en ce qu’elle a :
-condamné la SARL ZOCA Medias à verser a M. [U] [W] la somme de 8.356,40 euros augmentée des intérêts au taux légal majoré de quatre points a compter de la mise en demeure du 6 août 2021 outre la somme 1 400 euros, sommes non sérieusement contestables au 1er février 2022,
-ordonné à la SARL ZOCA Médias et M. [Z] [E] de transférer le siège social de la Société la Chaise Vide Productions à [Adresse 6],
-débouté M. [W] de sa demande de provision à hauteur de 1.500 euros à titre de dommages intérêts,
INFIRME l’ordonnance de référé du 1er février 2022 en ses dispositions relatives aux dépens et au frais irrépétibles,
Y ajoutant, vu l’évolution du litige,
DONNE ACTE à la SARL ZOCA Média qu’elle a versé à M. [W] les sommes de 24.923,40 euros et 996,80 euros,
CONSTATE que ces paiements éteignent la créance de M. [W] et entraînent à son profit un trop perçu de 1.140,20 €,
CONDAMNE M. [W] à payer la SARL ZOCA Média la somme de 1.140,20 € au titre de l’indu (trop perçu sur le prix de vente),
CONSTATE que la SARL ZOCA Medias demeure débitrice à l’égard de M. [W], de la somme susvisée de 1.400 €(confirmation de l’ordonnance de référé du 1er février 2022) au titre des deux clauses pénales,
DÉBOUTE les appelants de leur demande de provision à titre de dommages-intérêts pour préjudice moral,
DÉBOUTE les appelants de leur demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
REJETTE toute demande plus ample ou contraire,
CONDAMNE la SARL ZOCA Média prise en la personne de son gérant M. [Z] [E] à payer à M. [W] la somme de 6.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, somme qui inclut les frais irrépétibles de première instance et d’appel,
CONDAMNE la SARL ZOCA Média prise en la personne de son gérant M. [Z] [E] aux entiers dépens de première instance et d’appel.
LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,