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MM/ND
Numéro 22/1693
COUR D’APPEL DE PAU
2ème CH – Section 1
ARRÊT DU 28/04/2022
Dossier : N° RG 21/01249 – N° Portalis DBVV-V-B7F-H23E
Nature affaire :
Cautionnement – Demande en paiement formée contre la caution seule
Affaire :
[L] [C]
C/
S.A. BANQUE MICHEL INCHAUSPE
Grosse délivrée le :
à :
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
A R R Ê T
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour le 28 Avril 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de Procédure Civile.
* * * * *
APRES DÉBATS
à l’audience publique tenue le 17 Février 2022, devant :
Monsieur Marc MAGNON, magistrat chargé du rapport,
assisté de Madame Nathalène DENIS, greffière présente à l’appel des causes,
Marc MAGNON, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d’opposition a tenu l’audience pour entendre les plaidoiries et en a rendu compte à la Cour composée de :
Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente
Monsieur Marc MAGNON, Conseiller
Monsieur Philippe DARRACQ, Conseiller
qui en ont délibéré conformément à la loi.
dans l’affaire opposant :
APPELANT :
Monsieur [L] [C]
né le [Date naissance 1] 1968 à [Localité 6]
[Adresse 3]
[Localité 5]
Représenté par Me Olivia MARIOL de la SCP LONGIN/MARIOL, avocat au barreau de PAU
Assisté de Me Jonathan TOBOLSKI, avocat au barreau de PARIS
INTIMEE :
S.A. BANQUE MICHEL INCHAUSPE
immatriculée au RCS de Bayonne sous le n° 312 214 315, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentée par Me Christophe DUALE de la SELARL DUALE-LIGNEY-BOURDALLE, avocat au barreau de PAU
sur appel de la décision
en date du 29 MARS 2021
rendue par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE BAYONNE
EXPOSÉ DES FAITS ET PROCÉDURE :
La banque Michel Inchauspé a octroyé un concours bancaire à la société SAS JM Holding à hauteur de 288 000 euros remboursable en 84 mensualités au taux de 3,50%, hors assurances, selon acte de prêt du 30 septembre 2014. Ce prêt a été garanti par la caution personnelle de M. [C], président de la société, selon un acte de cautionnement daté du même jour.
La société JM Holding a fait l’objet de l’ouverture d’une procédure de redressement judiciaire, selon jugement du tribunal de commerce de Créteil en date du 7 août 2019, laquelle a finalement été convertie en liquidation judiciaire, selon jugement du 14 novembre 2019.
La banque Michel Inchauspé, qui a déclaré sa créance à la procédure collective, a alors actionné la caution après lui avoir préalablement rappelé son engagement et ce, selon une première lettre recommandée du 10 septembre 2019, puis par mise en demeure en date du 14 janvier 2020, toutes deux restées sans réponse.
Par acte du 16 juin 2020, la SA banque Michel Inchauspé a fait assigner M. [L] [C] devant le tribunal de commerce de Bayonne aux fins de le voir condamné au paiement :
‘ d’une somme de 112 635,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure en date du 14 janvier 2020, jusqu’à complet règlement ;
‘ d’une somme de 4000 euros sur base de l’article 700 du code de procédure civile ;
‘ des entiers dépens de l’instance et de ses suites, avec distraction au bénéfice de la SCP Duale Ligney Madar en application de l’article 699 du code de procédure civile.
Par jugement du 29 mars 2021, le tribunal de commerce de Bayonne a :
‘ reçu les parties en leurs demandes, fins et conclusions ;
‘ débouté M. [C] de sa demande d’incompétence matérielle et territoriale ;
‘ s’est déclaré compétent ;
‘ renvoyé les parties à conclure sur le fond pour l’audience de plaidoirie du lundi 10 mai 2021 à 9h30 ;
‘ dit, qu’à ce stade de la procédure il n’y a pas lieu à application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;
‘ réservé les dépens.
Par déclaration en date du 09 avril 2021, M. [L] [C] a relevé appel de ce jugement.
Par ordonnance du 15 avril 2021, le Premier Président a autorisé M. [L] [C] a assigner à jour fixe la SA Banque Michel Inchauspé.
Par acte du 26 avril 2021, M.[C] a fait assigner la SA Banque Michel Inchauspé devant la cour d’appel de Pau.
Au-delà de ce qui sera repris pour les besoins de la discussion et faisant application en l’espèce des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la cour entend se référer pour l’exposé plus ample des moyens et prétentions des parties aux dernières de leurs écritures visées ci-dessous.
PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES :
Vu les conclusions notifiées le 26 avril 2021 par M. [L] [C] qui demande de :
Vu notamment l’article L 721 3 du Code de commerce du Code de commerce,
Vu notamment les articles 42 et 48 du Code de procédure civile,
Vu le Jugement en date du 29 mars 2021,
Vu les éléments développés et les pièces annexées,
Dire et juger Monsieur [L] [C] recevable et bien fondé en son appel,
Infirmer le Jugement dont appel en l’ensemble de ses dispositions,
Et statuant a nouveau,
Constater que Monsieur [L] [C] est une personne physique, non commerçante, résidant dans le ressort des Tribunaux de Melun (77),
Constater que la clause attributive de compétence territoriale stipulée à l’article 15 de l’acte de cautionnement du 30 mai 2016 est inapplicable à des personnes physiques, non commerçantes, conformément aux articles 42 et 48 du Code de procédure civile,
Constater que la clause attributive de compétence matérielle stipulée à l’article 15 de l’acte de cautionnement du 30 mai 2016 est inapplicable à des personnes physiques, conformément à l’article L 721 3 du Code de commerce,
En conséquence,
Déclarer le Tribunal de commerce de Bayonne territorialement incompétent au profit du Tribunal Judiciaire ou du Tribunal de commerce de Melun,
Déclarer le Tribunal de commerce de Bayonne matériellement incompétent au profit du Tribunal Judiciaire de Melun,
Condamner la SA Banque Michel Inchauspé à verser à Monsieur [L] [C] la somme de 5.000 € en application des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.
*
Vu les conclusions notifiées le 26 novembre 2021 par la SA banque Michel Inchauspé qui demande de :
Dire irrecevable et en tout cas mal fondé l’appel interjeté par Monsieur [C].
L’en débouter purement et simplement ainsi que de toutes ses demandes, fins ou conclusions contraires aux présentes.
Confirmer la décision de première Instance en toutes ses dispositions et débouter Monsieur [C] de ses demandes tirées de l’incompétence matérielle et territoriale du Premier Juge.
Condamner Monsieur [C] au paiement d’une somme de 5.000 euros sur la base de l’article 700 du CPC.
Condamner Monsieur [C] aux entiers dépens de première Instance et d’appel et octroyer à la SELARL Duale Ligney Bourdalle le bénéfice des dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
MOTIVATION :
A hauteur d’appel, M [C] maintient l’exception d’incompétence soulevée devant le tribunal de commerce de Bayonne, aux motifs que la clause de l’acte de cautionnement attribuant compétence exclusive au tribunal de commerce de Bayonne, énoncée à l’article 15, doit être réputée non écrite au regard de l’absence de qualité de commerçant du concluant, en application de l’article 48 du code de procédure civile. L ‘appelant conteste également la nature commerciale du cautionnement auquel il a consenti, qui conserve selon lui sa nature civile à son égard, de sorte que le tribunal de commerce de Bayonne devait décliner sa compétence au profit de celle du tribunal judiciaire de Melun, compétent à raison du domicile de l’appelant.
La banque Michel Inchauspé conteste cette analyse aux motifs notamment que :
‘ si le cautionnement par nature est un contrat civil, il revêt néanmoins un caractère commercial lorsque la caution a un intérêt personnel dans l’opération commerciale à l’occasion de laquelle elle est intervenue ;
‘ la seule qualité de dirigeant de droit ou de fait d’une société commerciale suffit à établir l’intérêt personnel du dirigeant, à savoir l’octroi de financement nécessaire à l’activité de sa société ;
‘ Monsieur [C] est bien le dirigeant de la société SAS JM Holding, débitrice principale, de sorte que le cautionnement signé par lui revêt un caractère commercial ;
‘ qu’en application de l’article L. 721-3 du code de commerce les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes ;
‘ qu’au surplus, toute partie même non commerçante peut toujours renoncer à se prévaloir de l’incompétence du tribunal de commerce; que c’est ce qu’a fait Monsieur [C] en signant la clause attributive de compétence ;
‘ qu’en outre, en tant que dirigeant de la SAS JM Holding, Monsieur [C] effectuait de manière habituelle des actes de commerce, ce qui lui confère la qualité de commerçant, de sorte que la clause attributive de compétence lui est parfaitement opposable.
En droit, selon l’article 42 alinéa 1 du code de procédure civile, la juridiction territorialement compétente est, sauf disposition contraire, celle du lieu où demeure le défendeur et s’il y a plusieurs défendeurs, le demandeur saisit, à son choix, la juridiction du lieu où demeure l’un d’eux.
Aux termes de l’article 48 du code de procédure civile, toute clause qui déroge directement ou indirectement aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle soit très apparente dans l’engagement de la partie à laquelle elle est opposée.
Par ailleurs, un cautionnement a un caractère commercial, quand il est souscrit, comme en l’espèce, par un dirigeant de société, qui est présumé avoir un intérêt personnel à l’opération garantie ( Cassation chambre commerciale 7 avril 2004 n° 02-12 954).
Pour autant, la nature commerciale du cautionnement n’a pas pour effet d’attribuer nécessairement à la caution non commerçante la qualité de commerçant, ce qui a pour conséquence qu’une clause attributive de compétence territoriale ne lui est pas opposable.
En effet, selon l’article L. 121-1 du code de commerce, sont commerçants ceux qui exercent des actes de commerce et en font leur profession habituelle.
Ainsi, la réalisation isolée d’actes de commerce par nature est insuffisante à conférer la qualité de commerçant, cette qualification supposant l’accomplissement répété d’actes de commerce de manière habituelle, mais pas nécessairement à titre principal.
De même, la qualité de commerçant est subordonnée à un exercice à titre indépendant d’actes de commerce. Dès lors, les actes de commerce accomplis par les dirigeants de sociétés commerciales, pour le compte des personnes morales qu’ils représentent, ne leur confèrent pas la qualité de commerçant (cassation commerciale 13 mars 2001 pourvoi 98-15798, cassation commerciale 29 janvier 2020 pourvoi 19-12584).
Il a en outre été jugé que les cautionnements souscrits par le dirigeant de différentes personnes morales cautionnées, fussent-ils multiples, ne caractérisent pas l’accomplissement à titre de profession habituelle d’actes de commerce (Cassation chambre commerciale 1er octobre 1997 pourvoi n° 95-12 092).
En l’espèce, les différents contrats conclus par Monsieur [C], en sa qualité de président de la SAS JM Holding, pour le compte de cette dernière, ne peuvent s’analyser à son égard en des actes de commerce, dès lors qu’ils l’ont été en sa qualité de mandataire social pour le compte de cette personne morale et non pour son compte personnel.
Les seuls actes de commerce accomplis par ce dernier, à titre personnel, étant constitués par l’acte de cautionnement litigieux et d’autres actes du même type, en garantie des concours accordés aux sociétés dont il était le dirigeant ou qu’il contrôlait via la SAS JM Holding, sont par ailleurs insuffisants pour caractériser l’accomplissement d’actes de commerce à titre de profession habituelle de sorte qu’il n’ a pas la qualité de commerçant.
Il s’ensuit que la clause attributive de compétence spécifiée à l’article 15 de l’acte de cautionnement doit être réputée non écrite, en application de l’article 48 du code de procédure civile, le tribunal territorialement compétent à son égard étant celui du lieu où il demeure.
En revanche, compte tenu de la nature commerciale du cautionnement souscrit en garantie du concours financier accordé à la société JM Holding dont il était le président et dans laquelle il avait un intérêt patrimonial personnel, le litige relève bien de la compétence de la juridiction commerciale, en application de l’article L 721-3 3° du code de commerce, selon lequel les tribunaux de commerce connaissent des contestations relatives aux actes de commerce entre toutes personnes.
Dès lors, la cour déclarera incompétent le tribunal de commerce de Bayonne au profit du tribunal de commerce de Melun, juridiction dans le ressort de laquelle demeure Monsieur [L] [C].
Sur les demandes annexes :
La SA Banque Michel Inchauspé-Bami, partie succombante supportera la charge des dépens de première instance et d’appel.
Au regard des circonstances de la cause, l’équité justifie de condamner la SA banque Michel Inchauspé-Bami à payer à Monsieur [L] [C] une somme de 2000,00 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile
PAR CES MOTIFS :
La cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, contradictoirement et en dernier ressort,
Infirme le jugement,
Statuant à nouveau,
Juge réputée non écrite la clause attributive de compétence territoriale figurant à l’article 15 de l’acte de cautionnement signé par Monsieur [L] [C] le 30 septembre 2014,
Juge que la nature commerciale du cautionnement souscrit par Monsieur [L] [C] détermine la compétence du tribunal de commerce du lieu où demeure la caution,
Déclare le tribunal de commerce de Bayonne incompétent au profit du tribunal de commerce de Melun, juridiction dans le ressort de laquelle demeure Monsieur [L] [C],
Ordonne le renvoi de l’affaire au tribunal de commerce de Melun, à la diligence du greffe de la cour,
Condamne la banque Michel Inchauspé-Bami aux dépens de première instance et d’appel,
Vu l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne la banque Michel Inchauspé-Bami à payer à Monsieur [L] [C] une somme de 2000,00 euros au titre des frais non compris dans les dépens de l’entière procédure.
Le présent arrêt a été signé par Monsieur Marc MAGNON, conseiller, suite à l’empêchement de Madame Jeanne PELLEFIGUES, Présidente, et par Madame Nathalène DENIS, greffière suivant les dispositions de l’article 456 du Code de Procédure Civile.
La GreffièreLe Président