Clause attributive de compétence : 26 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03755

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Clause attributive de compétence : 26 octobre 2023 Cour d’appel de Paris RG n° 23/03755
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Copies exécutoires RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE PARIS

Pôle 1 – Chambre 2

ARRÊT DU 26 OCTOBRE 2023

(n° , 6 pages)

Numéro d’inscription au répertoire général : N° RG 23/03755 – N° Portalis 35L7-V-B7H-CHFWB

Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 27 Janvier 2023 -Président du TC de Bobigny – RG n° 2022R00467

APPELANTE

S.A.S. [Localité 2] DISTRIBUTION, RCS de Castres sous le n°326 652 526, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représentée par Me Jean-didier MEYNARD de la SCP BRODU – CICUREL – MEYNARD – GAUTHIER – MARIE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0240

Assistée à l’audience par Me Frédéric CAZAUX, avocat au barreau de TOULOUSE

INTIMEE

S.A.S. ATENEA AND CO, RCS de Bobigny sous le n°845 044 072, agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Marie JANET de la SCP SCP BLUMBERG & JANET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : G0249

Assistée à l’audience par Me Priscillia GALEPIDES, avocat au barreau de PARIS

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 804, 805 et 905 du code de procédure civile, l’affaire a été débattue le 21 Septembre 2023, en audience publique, les avocats des parties ne s’y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère et Laurent NAJEM, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre,

Michèle CHOPIN, Conseillère,

Laurent NAJEM, Conseiller,

Qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l’audience par Michèle CHOPIN, Conseillère, dans les conditions prévues par l’article 804 du code de procédure civile.

Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL

ARRÊT :

– CONTRADICTOIRE

– rendu publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

– signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffière présente lors du prononcé.

*****

EXPOSE DU LITIGE

La société [Localité 2] distribution exploite un hypermarché E.Leclerc à [Localité 2].

Se prévalant de commandes de produits de bazar passées auprès d’une employée de la société [Localité 2] distribution, pour un montant de 87.125,15 euros non payé par cette dernière, la société Atenea and co (Atenea) a fait assigner la société [Localité 2] distribution devant le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, par acte du 15 décembre 2022, à l’effet d’obtenir sa condamnation à lui payer à titre provisionnel la somme de 87.125,15 euros majorée d’une indemnité forfaitaire d’un montant de 40 euros, des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2022 et d’une pénalité équivalente à trois fois le taux d’intérêt légal, outre la somme de 1.500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens.

La société [Localité 2] distribution a soulevé à titre principal l’incompétence du tribunal de commerce de Bobigny au profit du tribunal de commerce de Castres, dans le ressort duquel elle a son siège. A titre subsidiaire, elle a demandé au tribunal de dire n’y avoir lieu à référé, arguant de contestations sérieuses tenant à l’absence de pouvoir de son employée pour passer les commandes litigieuses et de manoeuvres dolosives de la société Atenea and co pour les obtenir. ‘

Par ordonnance réputée contradictoire du 27 janvier 2023, le juge des référés du tribunal de commerce de Bobigny, a :

– débouté la société [Localité 2] Distribution en toutes ses demandes, fins et conclusions ;

– ordonné à la société [Localité 2] Distribution de payer à la société Atenea and co’la somme provisionnelle de 87 127,15 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2022’et l’a débouté de la pénalité équivalente à trois fois le taux d’intérêt légal’;

– ordonné à la société [Localité 2] Distribution de payer à la société Atenea and co’la somme provisionnelle de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement ;

– enjoint à la société [Localité 2] Distribution de réceptionner et de payer à la société Atenea and co’la commande en date du 10 octobre 2022, sauf à concilier et trouver un arrangement entre les parties ;

– ordonné à la société [Localité 2] Distribution de payer à la société Atenea and co’la somme provisionnelle de 1.500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

– débouté les parties de toutes leurs prétentions incompatibles avec la motivation retenue ou le présent dispositif ;

– rappelé que l’exécution provisoire est de droit’;

– ordonné les dépens à la charge de la société [Localité 2] Distribution.

Par déclaration du 17 février 2023, la société [Localité 2] distribution a relevé appel de cette décision.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 11 septembre 2023, elle demande à la cour, de :

– infirmer, et en tout état de cause, réformer l’ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de Bobigny le 10 février 2023 en ses chefs de jugement suivants :

Déboutons la société [Localité 2] Distribution en toutes ses demandes, fins et conclusions,

Ordonnons à la société [Localité 2] Distribution de payer à la société Atenea and co la somme provisionnelle de 87.127,15 euros, majorée des intérêts au taux légal à compter du 10 novembre 2022, et la déboutons de la pénalité équivalente à trois fois le taux d’intérêt légal,

Ordonnons à la société [Localité 2] Distribution de payer à la société Atenea and co la somme provisionnelle de 40 euros au titre de l’indemnité forfaitaire de recouvrement,

Enjoignons à la société [Localité 2] Distribution à réceptionner et payer à la société Atenea and co la commande en date du 10 octobre 2022, sauf à concilier et trouver un arrangement entre les parties,

Ordonnons à la société [Localité 2] Distribution de payer à la société Atenea and co la somme provisionnelle de 1500 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Déboutons les parties de toutes leurs prétentions incompatibles avec la motivation ci-dessus retenue ou le présent dispositif,

Rappelons que l’exécution provisoire est de droit,

Ordonnons les dépens à la charge de la société [Localité 2] distribution,

Liquidons les dépens à recouvrer par le Greffe à la somme de 41,98 euros TTC dont 7 euros de TVA ;

Statuant à nouveau,

In limine litis :

– Se déclarer incompétente au profit de la cour d’appel de Toulouse,

Sur le fond, si par extraordinaire la cour se déclarait compétente :

– dire et juger que les demandes provisionnelles de la société Atenea and co sont affectées de plusieurs contestations sérieuses ;

– dire n’y avoir lieu à référé’;

– débouter la société Atenea and co de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

En toutes circonstances :

– condamner la société Atenea and co à payer à la société [Localité 2] Distribution la somme de 10.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

– condamner la société Atenea and co aux entiers dépens.

Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 12 septembre 2023, la société Atenea and co demande à la cour de :

– déclarer l’appel de la société [Localité 2] distribution mal fondé ;

– l’en débouter’;

En conséquence :

– ‘confirmer l’ordonnance rendue par monsieur le président du tribunal de commerce de Bobigny en date du 27 janvier 2023 en toutes ses dispositions’;

– ‘débouter la société [Localité 2] distribution de toutes ses demandes et prétentions’;

– ‘condamner la société [Localité 2] distribution au paiement de la somme de 7.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ;

– ‘condamner la société [Localité 2] distribution aux entiers dépens.

Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties susvisées pour un plus ample exposé de leurs prétentions et moyens.

SUR CE, LA COUR ‘

Sur la compétence territoriale

La société Atenea a saisi le tribunal de commerce de Bobigny sur le fondement d’une clause attributive de compétence contenue dans ses conditions générales de vente et figurant sur les bons de commande signés par l’employée de la société [Localité 2] distribution.

La société [Localité 2] distribution argue de l’inopposabilité de cette clause et revendique la compétence de droit commun du tribunal de commerce de Castres, dans le ressort duquel elle a son siège, faisant valoir que la clause attributive de compétence est subordonnée à la condition essentielle du consentement des parties et que son moyen de défense au fond, tiré de l’inopposabilité du contrat pour défaut de pouvoir de sa salariée pour l’engager, est inconciliable avec la compétence territoriale découlant de la clause attributive de compétence.

La société Atenea revendique pour sa part l’application de la clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention dans laquelle elle est insérée.

Selon l’article 48 du code de procédure civile, «Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu’elle n’ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu’elle n’ait été spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée.»

En l’espèce, les conditions générales de vente de la société Atenea contiennent en leur dernier paragraphe une clause intitulée «Juridiction compétente» stipulant que «tout litige relatif à l’interprétation et à l’exécution des présentes conditions générales de vente est soumis au droit français. A défaut de résolution amiable, le litige sera porté devant le tribunal de commerce de Bobigny.»

Chaque page de ces conditions générales de vente a été signée par l’employée de la société [Localité 2] distribution, Mme [O], sa signature étant précédée de la mention manuscrite «Lu et approuvé sans réserves»

Sur chacun des bons de commande signés par Mme [O] avec la mention manuscrite «Commande passée le (date). Bon pour accord», figure directement sous la signature un rappel des conditions générales en caractères gras incluant la mention soulignée «Toutes les contestations seront de la compétence exclusive du tribunal de Bobigny. L’acceptation de ce bon de commande implique l’acception des CGV qui figurent au dos».

La clause attributive de compétence litigieuse est ainsi spécifiée de façon très apparente dans l’engagement de la partie à qui elle est opposée, conformément aux dispositions de l’article 48 du code de procédure civile.

Même si la société [Localité 2] distribution conteste l’opposabilité des contrats de vente fondant la demande de provision formée à son encontre, la clause attributive de compétence est applicable au litige dès lors qu’« Une clause attributive de compétence, en raison de son autonomie par rapport à la convention principale dans laquelle elle s’insère, n’est pas affectée par l’inefficacité de l’acte ». (Civ.1ère, 08/07/2010, n° 07-17.788 ; Com.05/07/2017, n° 15-21.894) .

L’ordonnance entreprise sera confirmée en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence territoriale soulevée par la société [Localité 2] distribution.

Sur le fond du référé

L’article 873 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal de commerce peut, en référé, accorder une provision au créancier ou ordonner l’exécution de l’obligation même s’il s’agit d’une obligation de faire.

Le montant de la provision en référé n’a d’autre limite que le montant non sérieusement contestable de la dette alléguée.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l’un des moyens de défense opposés aux prétentions du demandeur n’apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

Au soutien de sa demande de provision, la société Atenea expose que l’obligation de paiement de la société [Localité 2] distribution résulte incontestablement de la conclusion de contrats de vente via son employée Mme [O] qui, lors de trois réunions qui avaient été programmées avec elle par téléphone et qui se sont tenues à l’hypermarché Leclerc les 7 septembre, 13 septembre et 10 octobre 2022, a passé trois commandes en complétant, signant, validant et tamponnant avec le cachet de la société [Localité 2] distribution-E.Leclerc toutes les pages des bons de commande ainsi que les conditions générales de vente, en réceptionnant la marchandise sans réserves et en n’émettant aucune contestation par la suite. Elle ajoute que l’apparence de pouvoir de Mme [O] est indiscutable, les bons de commande ayant été signés lors de trois rendez-vous différents, avec la mention de la capacité à signer clairement cochée, Mme [O] ayant signé les mails échangés entre les parties en tant que responsable bazar, la sanction qui a été infligée à Mme [O] par la société [Localité 2] distribution confirmant que Mme [O] elle-même a cru qu’elle était capable de signer les bons de commande, son contrat de travail lui donnant compétence pour s’occuper des commandes.

La société [Localité 2] distribution se prévaut de contestations sérieuses, faisant essentiellement valoir que Mme [O] ne disposait d’aucune délégation de pouvoir pour ratifier des bons de commande ni engager la société [Localité 2] distribution et qu’elle a été mise à pied pour ces faits ; que la société Atenea, en tant que professionnel et partenaire de la grande distribution comme elle le revendique, connaissait les mécanismes d’approvisionnement de la société [Localité 2] distribution-E.Leclerc et n’ignorait donc pas qu’une commande ne peut être conclue qu’avec la direction et non avec une simple vendeuse, d’autant plus qu’aucune relation préalable n’a jamais existé entre les parties, la société Atenea n’étant pas un fournisseur référencé des établissements Leclerc ; qu’en outre la société Atenea a usé de manoeuvres frauduleuses auprès de Mme [O] en se présentant comme un fournisseur référencé auprès de la centrale d’achat de la société [Localité 2] distribution.

Selon l’article 1156 du code civil, l’acte accompli par un représentant sans pouvoir ou au-delà de ses pouvoirs est inopposable au représenté, sauf si le tiers contractant a légitiment cru en la réalité des pouvoirs du représentant, notamment en raison du comportement ou des déclaration du représenté.

En l’espèce, il est constant que Mme [O], avec laquelle la société Atenea a pris directement rendez-vous et passé les commandes litigieuses, n’avait pas le pouvoir de signer ces commandes et qu’elle a été sanctionnée disciplinairement pour l’avoir fait, après que son employeur a eu connaissance des livraisons effectuées par la société Atenea et des factures adressées par cette dernière. Mme [O] occupait en effet le poste d’adjointe responsable rayon bazar niveau 4, pour lequel elle n’était pas habilitée à signer des commandes auprès de fournisseurs. La mission de suivi des commandes que lui confère sa fiche de poste l’autorise seulement à :

– remplir les bordereaux selon les besoins en évitant les surstocks et la pénurie,

– tenir les cadenciers à jour,

– prendre les directives auprès du responsable ou de la direction,

– respecter des systèmes spécifiques de relations avec la Centrale : méthodes de commandes, d’achats, de livraison, suivi, contrôle, etc…

Il n’est pas non plus discuté que Mme [O] ne bénéficiait d’aucune délégation de pouvoir de la direction de la société [Localité 2] distribution pour passer directement les commandes de son rayon bazar avec les fournisseurs.

L’opposabilité des ventes litigieuses à la société [Localité 2] distribution est ainsi sérieusement contestable, sauf à ce que la société Atenea puisse se prévaloir, avec l’évidence requise en référé, d’un mandat apparent de Mme [O].

Or il n’est pas discuté que la société Atenea n’était pas un fournisseur habituel de la société [Localité 2] distribution, ni même qu’elle s’était déjà trouvée en relation commerciale avec cette société et avec Mme [O]. La société Atenea ne prétend pas que Mme [O] aurait affirmé au représentant venu la démarcher qu’elle avait bien le pouvoir d’engager la société [Localité 2] distribution. Au demeurant, il appartenait à la société Atenea, en tant que fournisseur professionnel, de vérifier les pouvoirs de la salariée de la société [Localité 2] distribution, «responsable bazar», avec laquelle elle a directement contracté, ce qu’elle ne prétend pas avoir fait.

L’obligation de paiement de société [Localité 2] est ainsi sérieusement contestable.

L’ordonnance entreprise sera infirmée et il sera dit n’y avoir lieu à référé sur la demande de provision de la société Atenea.

L’ordonnance sera également infirmée sur les dépens et l’application de l’article 700 du code de procédure civile.

Partie perdante, la société Atenea and co sera condamnée aux entiers dépens de première instance et d’appel et à payer à la société [Localité 2] distribution la somme de 6.000 euros au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

PAR CES MOTIFS

Confirme l’ordonnance entreprise en ce qu’elle a rejeté l’exception d’incompétence territoriale,

L’infirme pour le surplus,

Statuant à nouveau et y ajoutant,

Constate l’existence de contestations sérieuses,

Dit n’y avoir lieu à référé sur les demandes de la société Atenea and co,

Condamne la société Atenea and co aux entiers dépens de première instance et d’appel,

La condamne à payer à la société [Localité 2] distribution la somme de 6.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile, au titre de ses frais irrépétibles de première instance et d’appel.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE

 


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