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CIV. 1
MY1
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 26 janvier 2022
Rejet non spécialement motivé
M. CHAUVIN, président
Décision n° 10092 F
Pourvoi n° M 21-10.306
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
DÉCISION DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 26 JANVIER 2022
1°/ M. [Y] [L], domicilié [Adresse 6] (États-Unis),
2°/ M. [D] [N], domicilié [Adresse 1],
3°/ Mme [V] [H], épouse [J], domiciliée [Adresse 5],
4°/ Mme [O] [P], épouse [L], domiciliée [Adresse 2] (Israël), agissant tant en son nom personnel qu’en qualité d’héritière de [Z] [L], décédé,
ont formé le pourvoi n° M 21-10.306 contre l’arrêt rendu le 10 novembre 2020 par la cour d’appel de Paris (pôle 1, chambre 1), dans le litige les opposant :
1°/ à la société CDR créances, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 4],
2°/ au procureur général près la cour d’appel de Paris, domicilié en son paquet général, service civil, [Adresse 3],
défendeurs à la cassation.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Hascher, conseiller, les observations écrites de la SCP Nicolaÿ,de Lanouvelle et Hannotin, avocat de MM. [L] et [N] et de Mmes [H] et [P], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société CDR créances, après débats en l’audience publique du 30 novembre 2021 où étaient présents M. Chauvin, président, M. Hascher, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, et Mme Berthomier, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu la présente décision.
1. Le moyen de cassation annexé, qui est invoqué à l’encontre de la décision attaquée, n’est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.
2. En application de l’article 1014, alinéa 1er, du code de procédure civile, il n’y a donc pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce pourvoi.
EN CONSÉQUENCE, la Cour :
REJETTE le pourvoi ;
Condamne MM. [L] et [N] et Mmes [H] et [P] aux dépens ;
En application de l’article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par MM. [L] et [N], Mmes [H] et [P] et les condamne à payer in solidum à la société CDR créances la somme de 3 000 euros ;
Ainsi décidé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six janvier deux mille vingt-deux.
Le conseiller rapporteur le president
Le greffier de chambre MOYEN ANNEXE à la présente décision
Moyen produit par la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle et Hannotin, avocat aux Conseils, pour MM. [L] et [N] et Mmes [H] et [P].
M. [L], M. [N], Mme [J] et Mme [P] font grief à l’arrêt attaqué, d’avoir confirmé le jugement du tribunal de grande instance de Paris du 15 novembre 2017 en ce qu’il a déclaré exécutoire sur le territoire français le jugement rendu le 16 septembre 2011 par la cour suprême de l’Etat de New York, comté de New York (Etats-Unis d’Amérique), ayant prononcé la condamnation solidaire de M. [Y] [L], M. [Z] [L], M. [D] [N] et Mme [V] [H] [J] à la somme de 135.359.331,39 US$ avec intérêts sur ce montant au taux réglementaire à compter du 12 juillet 2007 et à la somme de 50.965.569,62 US$ plus frais et dépenses pour un montant de 400 US$, représentant au total la somme de 186.325.301,01 US$ ;
1°) Alors que le juge de l’exequatur est tenu de vérifier lui-même si les conditions de la reconnaissance sont ou non réunies ; qu’il doit donc rechercher lui-même si le juge étranger bénéficiait bien d’une compétence indirecte, si le jugement est exempt de fraude et si la décision ne heurte pas les principes essentiels du droit français ; qu’il ne peut se contenter de suivre à cet égard les observations du juge étranger ; qu’au cas présent, pour écarter l’applicabilité de la clause attributive de juridiction contenue dans le contrat de prêt, la cour d’appel s’est bornée de constater que « la cour suprême de l’Etat de New York a jugé qu’elle était saisie non pas d’une action fondée sur le contrat de prêt, mais d’une action en responsabilité délictuelle pour fraude et que l’exception d’incompétence fondée sur la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de prêt devait dès lors être rejetée » (arrêt attaqué, p. 6, § 4) ; qu’en statuant ainsi, en se mettant à la remorque de la décision du juge étranger, sans rechercher par elle-même si la clause attributive de juridiction était ou non applicable, la cour d’appel a refusé d’exercer son office de juge de l’exequatur, en violation des principes régissant l’exequatur, l’article 509 du code de procédure civile ;
2°) Alors que le juge de l’exequatur est tenu de vérifier lui-même si les conditions de la reconnaissance sont ou non réunies ; qu’il doit donc rechercher lui-même si le juge étranger bénéficiait bien d’une compétence indirecte, si le jugement est exempt de fraude et si la décision ne heurte pas les principes essentiels du droit français ; qu’il ne peut se contenter de suivre à cet égard les observations du juge étranger ; qu’au cas présent, les consorts [L] faisaient valoir que la décision étrangère avait intégralement méconnu le principe indemnitaire en indemnisant le CDR bien au-delà d’un quelconque préjudice (v. en particulier conclusions d’appel, p. 42 et s. et 56 et s.) ; que, pour écarter toute contrariété de la décision étrangère à l’ordre public international français, la cour d’appel s’est essentiellement bornée à observer que les décisions américaines « ont examiné de manière approfondie les manquements reprochés aux défendeurs à ces procédures ainsi que la question du montant du préjudice subi par la société CDR Créances, en écartant certaines de ses prétentions et après avoir examiné l’argumentaire des défendeurs » (arrêt attaqué, p. 9, § 1) ; qu’en statuant ainsi, en se mettant à la remorque de la décision du juge étranger, sans rechercher par elle-même si le CDR n’avait pas été indemnisé bien au-delà de tout préjudice, la cour d’appel a refusé d’exercer son office de juge de l’exequatur, en violation des principes régissant l’exequatur, ensemble l’article 509 du code de procédure civile ;
3°) Alors que le juge de l’exequatur est tenu de vérifier lui-même si les conditions de la reconnaissance sont ou non réunies ; qu’il doit donc rechercher lui-même si le juge étranger bénéficiait bien d’une compétence indirecte, si le jugement est exempt de fraude et si la décision ne heurte pas les principes essentiels du droit français ; qu’il ne peut se contenter de suivre à cet égard les observations du juge étranger ; qu’au cas présent, les consorts [L] alléguaient l’existence d’une fraude ayant consisté, pour le CDR, à démultiplier la créance initiale en ajoutant le capital d’une part, et le capital augmenté des intérêts, d’autre part, et en passant sous silence la cession de créance intervenue, qui avait rempli le CDR de ses droits et faisaient valoir que le jugement étranger, en validant une telle opération, avait pour effet de parachever la fraude (v. en particulier conclusions d’appel, p. 21 et s. et 49 et s.) ; que la cour d’appel n’a pas répondu sur ce point autrement qu’en affirmant que les moyens de fraude « tendent en réalité à contester l’appréciation qui a été faite du dossier par le juge américain, alors pourtant que toute révision du jugement étranger est proscrite en matière d’exequatur » (arrêt attaqué, p. 8, in limine) ; qu’en statuant ainsi, en se mettant à nouveau à la remorque de la décision du juge étranger, sans rechercher par elle-même si la créance n’avait pas été frauduleusement démultipliée et si le jugement étranger ne parachevait pas ainsi la fraude, la cour d’appel refusé d’exercer son office de juge de l’exequatur, en violation des principes régissant l’exequatur, ensemble l’article 509 du code de procédure civile ;
4°) Alors que les parties peuvent convenir d’un juge compétent pour tous les droits dont elles ont la libre disposition, y compris en matière délictuelle ; qu’en jugeant dès lors que « la cour suprême de l’Etat de New-York a jugé qu’elle était saisie non pas d’une action fondée sur le contrat de prêt, mais d’une action en responsabilité délictuelle pour fraude et que l’exception d’incompétence fondée sur la clause attributive de compétence stipulée dans le contrat de prêt devait dès lors être rejetée » (arrêt attaqué, p. 6, § 4), cependant que le caractère délictuel de l’action n’était, au regard du droit international privé français tout au moins, pas de nature à faire obstacle à l’application de la clause attributive de juridiction stipulée dans le contrat de prêt, la cour d’appel a violé l’article 17 de la Convention de Bruxelles de 1968 concernant la compétence judiciaire et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, ensemble les principes régissant les clauses attributives de juridiction internationales ;
5°) Alors que toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement et dans un délai raisonnable, par un tribunal indépendant et impartial, établi par la loi, qui décidera des contestations sur ses droits et obligations de caractère civil ; qu’une décision étrangère privant l’une des parties du droit d’être entendue et de faire valoir ses droits, et décidant que les allégations de son adversaire seront automatiquement admises, fût-ce en raison de comportements procéduraux jugés inappropriés, est contraire au droit d’accès au juge, aux droits de la défense et, donc, à l’ordre public international français ; qu’au cas présent, les consorts [L] faisaient valoir qu’en vertu de la procédure by default décidée par le juge américain en raison d’entraves prétendues de leur part, à titre de sanction, les faits et moyens de droit invoqués par le CDR étaient automatiquement admis sans que les consorts [L] puissent faire valoir leur argumentation en défense (conclusions d’appel, p. 59 et s.) ; qu’une telle procédure privait ainsi, quelle qu’en soit la raison, les consorts [L] de leur d’accès effectif au juge et de leurs droits de la défense ; que, pour écarter la contrariété à l’ordre public international, la cour d’appel s’est bornée à observer que « cette procédure n’est pas contraire à l’ordre public international français, dès lors qu’elle se borne à sanctionner des entraves répétées à la justice, dont il a été indiqué précédemment qu’elles ont été répertoriées de manière détaillée par cette ordonnance du 20 janvier 2011, que l’acte introductif d’instance a bien été signifié à MM. [Z] et [Y] [L], à Mme [H], épouse [J], et à M. [N] et qu’il n’est pas contesté qu’ils étaient représentés dans les différentes procédures par un avocat » (arrêt attaqué, p. 8, al. 5) ; qu’en statuant ainsi, en s’attachant exclusivement aux raisons ayant conduit à la procédure by default, sans rechercher si les conséquences de celles-ci, quelles qu’en soient les raisons, ne rendaient pas la décision américaine contraire à l’ordre public international, la cour d’appel a privé sa décision de base légale au regard des principes régissant l’exequatur, ensemble l’article 509 du code de procédure civile ;
6°) Alors que les consorts [L] faisaient valoir que la décision américaine avait eu pour effet d’indemniser, de manière par ailleurs démultipliée, le préjudice résultant pour le CDR, d’après lui, du non-remboursement du prêt ; que la cour d’appel a répondu que « le juge américain a examiné à différentes reprises l’affaire et a distingué les aspects contractuels, liés à la conclusion du contrat de prêt et à la cession de créance, des conséquences des comportements imputés à MM. [Z] et [Y] [L], Mme [O] [P], Mme [H], épouse [J], et M. [N] en termes d’entrave à la justice et de fraude qu’elle a sanctionnés dans ses décisions » (p. 7, in fine) ; que la circonstance que la juridiction américaine aurait statué sur la base de causes of action, c’est-à-dire de faits générateurs, distinctes de l’inexécution du contrat de prêt n’impliquait aucunement que le préjudice né de ces prétendus faits générateurs (« entrave à la justice et fraude ») soit lui-même distinct du préjudice né de l’inexécution du contrat de prêt ; qu’en statuant ainsi par un motif inopérant, la cour d’appel a violé les principes régissant l’exequatur, ensemble l’article 509 du code de procédure civile.
Le greffier de chambre