Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 38A
13e chambre
ARRÊT N°
CONTRADICTOIRE
DU 26 JANVIER 2021
N° RG 20/00481 – N° Portalis DBV3-V-B7E-TW3V
AFFAIRE :
SOCIETE CITIBANK EUROPE PLC venant aux droits de CITIBANK INTERNATIONAL LTD
…
C/
SELARL C. [Y]
…
Décision déférée à la cour : Ordonnance rendue le 13 Janvier 2020 par le Juge commissaire du Tribunal de Commerce de NANTERRE
N° chambre : 00
N° Section : 00
N° RG : 2011J00663
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le : 26/01/2021
à :
Me Claire RICARD
Me Pascale REGRETTIER-GERMAIN
Me Claire RICARD
Me Franck LAFON
Juge commissaire TC NANTERRE
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT SIX JANVIER DEUX MILLE VINGT ET UN,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
SOCIÉTÉ FRANCE INVEST REAL ESTATE (‘FIRE’) agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 6]
Autre qualité : Intimé dans 20/00559 (Fond)
Représentée par Maître Franck LAFON avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 618 – N° du dossier 20200032 et par Maître Stéphane CAVET avocat plaidant au barreau de PARIS
APPELANTE
****************
SOCIETE CITIBANK EUROPE PLC venant aux droits de CITIBANK INTERNATIONAL LTD. agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
[Adresse 1]
. [Localité 8] (IRLANDE)
Autre qualité : Appelant dans 20/0559 (Fond)
Représentée par Maître Claire RICARD avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 622 – N° du dossier 2200906 et par Maître Bérangère RIVALS avocat plaidant au barreau de PARIS
SELARL C. [Y] prise en la personne de Maître [L] [Y] ès qualités de mandataire judiciaire de la SASU FRANCE INVEST REAL ESTATE
[Adresse 4]
[Localité 7]
Représentée par Maître Pascale REGRETTIER-GERMAIN de la SCP HADENGUE et Associés, avocat postulant au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 98 – N° du dossier P2000037 et par Maître François DUPUY avocat plaidant au barreau de PARIS
INTIMÉES
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 23 Novembre 2020, Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, présidente, ayant été entendue en son rapport, devant la cour composée de :
Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente,
Madame Marie-Andrée BAUMANN, Conseiller,
Madame Delphine BONNET, Conseiller,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Marie-Olivia TUKUMULI,
Afin de réaliser un des premiers investissements ‘charia compatible’ en France, un montage juridique complexe a été mis en place pour organiser le financement d’une opération immobilière.
La SCI Le Sévine a été créée en 2000 pour l’achat d’un terrain sis à [Localité 9] (92) en vue de la construction d’un immeuble à usage de bureaux dit ‘[Adresse 10]’. Les sociétés Findi real estate (la société Findi) et France invest real estate (la société Fire) ont été constituées afin d’acquérir les parts sociales de la société mère de la SCI Le Sévine, la société Barbanniers.
Selon acte notarié en date du 12 juillet 2006, la société Citibank International Plc, aux droits de laquelle vient la société Citibank Europe Plc (la société Citibank), a consenti à la société Findi un prêt d’un montant principal de 61 900 000 euros, remboursable in fine le 16 juillet 2011, destiné à financer l’acquisition de 1% des parts sociales de la SCI Le Sévine et de 100% des parts de la Sarl Barbanniers ainsi que le refinancement d’un prêt.
Le même jour, la société Findi a consenti à la SCI Le Sévine un prêt de 41 958 999,69 euros afin de refinancer son compte courant d’associé.
Par acte authentique également daté du même jour, la société Findi a cédé à la société Fire la totalité des parts sociales qu’elle venait d’acquérir et la créance de refinancement de 41 600 000 euros détenue à l’encontre de la SCI Le Sévine ainsi que les garanties les accompagnant. Une partie du prix de cession (61 900 000 euros) a été stipulée payable à la date d’échéance finale du prêt Citibank.
Le 26 juin 2007, la société Citibank a cédé par voie de titrisation sa créance au titre du prêt consenti le 12 juillet 2006 au fonds commun de créance Europrop, devenu FCT Europrop, ainsi que l’intégralité des sûretés et privilèges attachés à ces créances.
En 2011, la crise financière a fait perdre à l’immeuble sa valeur et, n’ayant pu réaliser l’immeuble, la société Fire n’a pu désintéresser la société Findi, laquelle n’a pu rembourser le prêt.
Selon jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 12 juillet 2011, publié au Bodacc le 27 juillet suivant, la société Fire a bénéficié d’une procédure de sauvegarde judiciaire. Un plan a été arrêté le 28 juin 2012 dont la durée a été prolongée jusqu’au 28 juin 2020.
Par lettre recommandée avec avis de réception du 26 septembre 2011, le FCT Europrop a déclaré au passif de la société Fire une créance privilégiée de 61 900 000 euros en principal au titre du prêt ‘Citi’, outre intérêts contractuels, intérêts échus du 18 avril 2011 au 18 juillet 2011 (833 982,14 euros) et intérêts à échoir du 18 juillet 2011 au 22 septembre 2011 (831 832,83 euros) au taux contractuel majoré de 2%, frais et accessoires (301 539 euros). Puis, par lettre du 18 novembre 2011, il a fait assigner la société Citibank aux fins de résolution du contrat de cession du prêt à son profit et de réparation du préjudice subi.
Compte tenu de la remise en cause de l’opération par le FCT, la société Citibank a également déclaré au passif de la société Fire une créance ‘éventuelle’ en termes identiques à celle du FCT par lettre recommandée avec avis de réception du 25 novembre 2011.
Le 9 avril 2014, le juge-commissaire désigné dans la procédure collective a sursis à statuer sur l’admission des créances déclarées par le FCT Europrop et la société Citibank au passif de la société Fire dans l’attente d’une décision définitive à intervenir dans le litige les opposant relatif à la titularité de la créance.
Par arrêt du 6 février 2019 rendu sur renvoi après cassation dans le cadre du litige opposant le FCT et la société Citibank, devenu définitif, la cour d’appel de Paris, après avoir constaté l’irrégularité des bordereaux de cession de créances professionnelles constitués en garantie du prêt pour défaut des mentions exigées par l’article L. 313-23 du code monétaire et financier, a notamment prononcé la résolution judiciaire du contrat de vente hypothécaire, de l’acte de cession de créances et des annexes, conclus le 26 juin 2007 entre le FCT et la société Citibank.
À la suite de cet arrêt, l’instance aux fins d’admission de la créance déclarée a repris et par ordonnance en date du 13 janvier 2020, le juge-commissaire a :
– constaté que la déclaration de créance de la société Citibank adressée le 25 novembre 2011 à maître [Y] ès qualités de mandataire judiciaire de la société Fire, est régulière et recevable;
– rejeté la créance de la société Citibank déclarée au passif de la société Fire considérant que seuls les créanciers personnels du débiteur en procédure collective ont l’obligation de déclarer leur créance au passif de ce dernier.
Le 24 janvier 2020, la société Fire a interjeté appel de cette décision en ce qu’elle a constaté que la déclaration de créance de la société Citibank est régulière, recevable et non forclose.
Par déclaration du 28 janvier 2020, la société Citibank a interjeté appel de l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté sa créance.
Par ordonnance du 9 juillet 2020, il a été procédé à la jonction des deux affaires.
Dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 4 novembre 2020, la société Citibank demande à la cour de :
A/ sur l’appel principal de la société Fire :
– juger irrecevable la demande de forclusion formée par la société Fire à l’égard de sa déclaration de créance ;
subsidiairement,
– juger mal fondée la demande de forclusion formée par la société Fire à l’égard de sa déclaration de créance ;
en tout état de cause,
– condamner la société Fire au paiement de la somme de 100 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
B/ sur l’appel incident :
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a prononcé le rejet total de sa créance ;
statuant à nouveau,
– l’admettre au passif de la société Fire à titre privilégié, en sa qualité de créancier bénéficiaire du nantissement de la créance Findi/Fire à hauteur de 61 900 000 euros en principal et intérêts pour mémoire conformément à la déclaration de créance en date du 25 novembre 2011 ;
– condamner la société Fire aux entiers dépens de l’instance.
La société Fire dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 14 septembre 2020 demande à la cour de :
– infirmer l’ordonnance en ce qu’elle a jugé que la créance de la société Citibank était régulière, recevable et non forclose ;
en conséquence statuant à nouveau,
– déclarer forclose car tardive la déclaration de créance de la société Citibank ;
– dire et juger que la créance déclarée par la société Citibank est inopposable à sa procédure de sauvegarde ;
en tout état de cause,
– confirmer l’ordonnance en ce qu’elle a rejeté la créance de la société Citibank ;
– condamner la société Citibank à lui payer la somme de 60 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Citibank aux dépens dont distraction au profit de maître Lafon, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
La Selarl C. [Y], prise en la personne de maître [Y], en qualité de mandataire judiciaire de la société Fire, dans ses dernières conclusions déposées au greffe et notifiées par RPVA le 23 juillet 2020, demande à la cour de :
– confirmer l’ordonnance ;
– condamner tous succombants à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamner la société Fire aux entiers dépens.
Par ailleurs, la présente cour, statuant sur l’appel interjeté à l’encontre de l’ordonnance du juge-commissaire statuant sur la créance déclarée par la société Citibank au passif de la société Findi, par arrêt contradictoire rendu le 3 novembre 2020, a :
– déclaré la société Findi real estate recevable à opposer à la société Citibank Europe PLC la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa créance mais l’en a déboutée ;
– confirmé l’ordonnance en ce qu’elle a admis la créance principale à hauteur de 61 900 000 euros et rejeté la somme de 301 539 euros au titre des frais et accessoires mais l’a infirmée pour
le surplus ;
– admis les intérêts contractuels échus du 18 avril 2011 au 17 juillet 2011 à hauteur de 404 004,11 euros et les intérêts de retard au taux contractuel majoré de 2% à compter du 18 juillet 2011 ;
– dit que les intérêts échus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêt ;
– admis la créance à titre privilégié selon les ‘sûretés au titre du prêt Citi régulières, à savoir le nantissement du solde des trois comptes bancaires ouverts par Findi, la délégation des sommes dues à Findi par la banque de couverture de taux au titre de la convention de couverture de taux et le nantissement des titres de Findi’ ;
– déclaré irrecevable la demande de paiement provisionnel formée par la société Citibank Europe PLC ;
– condamné la société Findi real estate à payer à la société Citibank Europe PLC la somme de 60 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
– condamné la société Findi real estate aux dépens de première instance et d’appel.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 5 novembre 2020.
Pour un plus ample exposé des prétentions et des moyens des parties, il est renvoyé à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.
SUR CE,
1- Sur la recevabilité de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la déclaration de créance de la société Citibank
La société Citibank soulève tout d’abord une fin de non-recevoir en application du principe de l’estoppel. Après avoir rappelé que sa créance n’a été contestée que pour des motifs de fond suivant lettre du mandataire judiciaire du 16 juin 2012 et invoquant le principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui, la société Citibank soutient qu’en présentant une demande de forclusion pour non respect des délais de déclaration pour la première fois en juillet 2019, soit après l’expiration du délai de l’action en relevé de forclusion d’un an, la société Fire a délibérément violé ce principe en sorte que sa prétention est irrecevable. Elle explique qu’il appartenait au mandataire judiciaire et au débiteur de s’exprimer immédiatement sur l’irrégularité de la déclaration de créance puisque seules les créances régulièrement déclarées doivent être vérifiées. Elle ajoute qu’il s’agit bien d’une modification des prétentions de la société Fire et non d’une évolution de ses moyens de droit, précisant que la discussion portant sur la régularité de la déclaration de créance peut avoir un impact sur l’opposabilité de la créance à la procédure collective alors que la discussion relative à une contestation sur le fond touche à l’existence même de la créance.
La société Fire conteste s’être contredite, prétendant être libre d’invoquer, quels que soient les stades de la procédure en vérification de la créance, des moyens de contestation successifs. Après avoir dénié à la société Citibank la possibilité de bénéficier du délai d’un an pour être relevée de la forclusion, elle rappelle que dès l’origine elle a clairement indiqué qu’elle se réservait l’intégralité de ses droits et moyens et l’a clairement indiqué à la société Citibank dès la lettre de contestation puis devant le juge-commissaire en sorte que celle-ci était parfaitement informée que d’autres moyens de contestation de la créance pourraient être soulevés ultérieurement. Elle fait valoir que l’argument tiré de la forclusion est un moyen de défense d’irrecevabilité et non une prétention et qu’en application de l’article 123 du code de procédure civile une fin de non-recevoir peut-être invoquée à tous les stades du procès même en cause d’appel. Elle considère par conséquent que même à supposer qu’il y ait eu un changement dans les contestations, celui-ci ne porterait que sur des moyens de défense et non sur des prétentions, étant observé qu’il est possible de formuler des contestations de créance successives.
La Selarl C. [Y], ès qualités, ne conclut pas sur ce point.
La fin de non-recevoir tirée du principe selon lequel nul ne peut se contredire au détriment d’autrui sanctionne l’attitude procédurale consistant pour une partie, au cours d’une même instance, à adopter des positions contraires ou incompatibles entre elles dans des conditions qui induisent en erreur son adversaire sur ses intentions.
Le changement sanctionné par ce principe est celui au titre des prétentions et non au titre des moyens.
Aux termes de la lettre de contestation du mandataire judiciaire du 15 juin 2012, le non respect du délai de déclaration de créance n’était pas invoqué puisque les contestations émises par la société Fire étaient limitées pour l’essentiel à l’irrégularité de la cession de créance professionnelle pour non respect des dispositions de l’article L.313-23 du code monétaire et financier et à l’existence d’un ‘doublon’ entre cette créance et celle déclarée par le FCT Europrop.
Cependant, la fin de non-recevoir tirée du non respect d’un délai, qui constitue un moyen de défense, peut être proposée en tout état de cause y compris en cause d’appel en application de l’article 123 du code de procédure civile.
Il ne peut, par conséquent, être reproché à la société Fire un manquement à la loyauté des débats, et ce peu important le délai dans lequel la société Citibank pouvait prétendre à être relevée de la forclusion.
La société Fire est donc recevable à opposer à la société Citibank la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa déclaration de créance.
2- Sur la fin de non-recevoir tirée de la forclusion de la déclaration de créance de la société Citibank
La société Fire soutient que la déclaration de créance de la société Citibank a été effectuée tardivement soit après l’expiration du délai de droit commun et que cette dernière ne peut pas bénéficier du prolongement du délai accordé aux créanciers ne demeurant pas sur le territoire de la France métropolitaine, ce délai dérogatoire étant d’interprétation stricte. Elle ne conteste pas que le prêt Citi a été consenti par une société de droit étranger dont le siège social est à l’étranger mais fait valoir pour l’essentiel que ni la nationalité de la personne morale ni le lieu de son siège social ne sont des critères visés par l’article R.622-24 du code de commerce dont la finalité est de compenser l’éloignement géographique d’une partie à la procédure. Reprenant le terme ‘demeure’ employé aux articles 643, 42 et 43 du code de procédure civile, la jurisprudence civiliste notamment celle dite des ‘Gares principales’, l’avis du professeur [V] [X] du 2 juillet 2019 ainsi que celui du 19 décembre 2019 de Mmes [N] [H], professeur, et [U] [F], maître de conférence, elle fait valoir que le lieu d’établissement de la personne morale au sens de la loi n’est pas exclusivement le lieu de son siège statutaire. Elle prétend que la localisation du créancier déclarant au regard des règles applicables aux délais de déclaration de créance doit être appréhendée de façon concrète et que le rattachement au lieu du siège social s’efface en présence d’un établissement en France en lien avec le litige. Elle expose à cette fin, en premier lieu, que le prêt a été originé, négocié, structuré et signé sur le territoire de la France métropolitaine, au domicile de la succursale française situé à [Localité 11] et par les équipes françaises de la société Citibank qui disposaient d’une réelle autonomie ; que la succursale française, immatriculée au registre du commerce et des sociétés de Nanterre, avait notamment tout pouvoir pour gérer, négocier et mener au nom de la société Citibank ses activités sur le territoire français ; que celle-ci a participé à la conclusion du prêt ainsi qu’à celle de l’ensemble de la documentation contractuelle ; que c’est M. [L] [C], domicilié professionnellement à l’adresse de la succursale française, directeur du département financement immobilier, qui a été, pour le compte de la société Citibank à l’origine du financement ; que toutes les négociations ont été menées par le bureau parisien de la société Citibank sans échange entre elle-même et le siège social de la société Citibank ; que le prêt, rédigé en langue française et signé à [Localité 11] est soumis au droit français comme la cession de créance au titre de ce prêt ; et que ce n’est qu’en réaction à la demande de résolution de la cession du prêt Citi formée par le FCT Europrop le 18 novembre 2011, et non en raison d’un quelconque éloignement géographique, que la société Citibank a procédé à une déclaration de créance ‘éventuelle’ le 25 novembre suivant.
Elle fait valoir, en deuxième lieu, que la société Citibank disposait d’un mandat légal de gestion et de recouvrement au nom et pour le compte d’un organisme de titrisation de droit français, FCT Europrop, ce qui est un critère supplémentaire de son rattachement au territoire métropolitain, qui l’obligeait à déclarer, pour le compte de cet organisme, la créance au titre du prêt Citi dans le délai de droit commun de deux mois.
Elle indique, enfin, que la société Citibank, qui n’ignorait pas ses difficultés financières, a été informée de l’existence de la procédure collective dès son ouverture ; que maître [Y], ès qualités, l’a avertie d’avoir à déclarer sa créance dans le délai de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc par lettre du 27 juillet 2011 ; que dès le 9 septembre 2011 la société Citibank était en France pour évoquer les suites de la procédure de sauvegarde et que les réponses à la consultation sur les propositions d’apurement du passif ont été signées à [Localité 11].
La société Citibank, qui mentionne l’arrêt du 3 novembre 2020 ayant rejeté cette prétention dans l’affaire l’ayant opposée à la société Findi, affirme qu’en tant que créancier résidant à étranger, elle bénéficie de l’allongement du délai de déclaration prévu par l’article R.622-24 du code de commerce. Elle rappelle qu’en droit le domicile d’une personne morale est le lieu de son siège social dès lors qu’il est réel, l’appréciation de la réalité du siège social d’une société étrangère devant être faite par référence à la loi du pays dont elle relève. Elle expose également que la succursale ne se confond pas avec le siège social et que, dépourvue de personnalité morale, elle ne peut pas agir en justice, étant observé que sous l’empire des textes applicables à l’espèce, la déclaration de créance s’analyse en une demande en justice. Elle considère par conséquent qu’une société créancière ayant son siège social réel à l’étranger dispose d’un délai supplémentaire de deux mois pour déclarer sa créance et ce quand bien même celle-ci aurait élu domicile en France métropolitaine dans la convention de financement la liant au débiteur et indépendamment de l’existence d’un établissement en France. Se prévalant de l’avis du professeur [M] [A] en date du 5 février 2020, elle prétend que la jurisprudence civiliste dite des ‘Gares principales’, qui concerne la compétence territoriale pour une société défenderesse et non la question du calcul des délais de procédure, ne peut s’appliquer en matière de déclaration de créance. Elle considère que la contrainte particulière pour le créancier liée au fait que la procédure collective n’est pas ouverte dans le lieu où il demeure doit s’apprécier par rapport à la personne qui a juridiquement le pouvoir de déclarer la créance et explique à cette fin que son siège social, où se trouvent les organes légaux habilités à la représenter, se trouvait à Londres tant lors de la conclusion du contrat en 2006 que lors de la déclaration de créance en 2011. Elle ajoute que le prêt Citi a été consenti, conclu et signé par la société Citibank international Plc qui était une société de droit anglais ayant son siège social à Londres agissant par sa succursale de Londres et qu’il stipule que toute notification au titre de celui-ci doit être faite à son siège social ; que le pouvoir spécial donné à MM. [E] [G] et [L] [C], préposés de la succursale française de la société Citibank global markets limited, distincte de la succursale française de la société Citibank international Plc, de signer le prêt au nom et pour le compte de la société anglaise, n’est qu’une simple subdélégation dont l’objet est circonscrit à la signature du prêt et dont la durée de validité est limitée au 31 juillet 2006, n’a aucune incidence et ne confère aucun rôle ni aucune qualité de contractante à la succursale française ; qu’à l’exception des actes notariés nécessairement rédigés en français s’agissant d’actes authentiques, la documentation financière a pour l’essentiel était rédigée en anglais ; que les sûretés consenties en vertu du prêt précisent également que la société Citibank international Plc ayant son siège social à Londres intervient à l’acte en tant que bénéficiaire et agent par l’intermédiaire de son établissement de Londres ; que la notification du 18 novembre 2011 à l’origine du contentieux a été faite à Londres ; que l’appelante entretient une confusion entre les succursales françaises des sociétés Citigroup global markets limited, qui disposait d’un établissement à [Adresse 2], et Citibank international Plc ; enfin, que c’était bien cette dernière qui était seule en charge du suivi du prêt Citi, qui émettait les notifications d’échéances d’intérêts et qui percevait les intérêts.
Elle ajoute que l’information qu’elle a eue de l’ouverture de la procédure collective et l’invitation à déclarer sa créance dès juillet 2011, soit avant l’expiration du délai de deux mois, ne sauraient la priver de l’allongement du délai légal ; que l’argument tiré de l’opération de titrisation structurée à [Localité 11] par ses équipes françaises est inopérant puisque le cédant était bien la société de droit anglais Citibank international Plc, immatriculée en Angleterre et domiciliée à son siège social de Londres ; que si le litige s’est déroulé devant une juridiction française c’est en application d’une clause attributive de compétence ; et que l’objet de l’instance n’est pas d’apprécier la régularité de la déclaration de créance du FCT Europrop faite par Eurotitrisation mais la sienne.
S’agissant du mandat légal de recouvrement argué par l’appelante, elle rappelle que celle-ci n’a pas contesté à l’époque la déclaration de créance du FCT Europrop en invoquant le mandat de Citibank, précisant que la société Citibank Londres était bien directement en charge d’intervenir pour le compte du FCT.
Enfin, à titre subsidiaire, elle invite la cour à procéder à un contrôle de conventionnalité au motif qu’appliquer l’article R.622-24 du code de commerce selon l’interprétation de la société Fire se heurterait à une norme européenne supérieure consacrant le droit fondamental à un procès équitable, restreindrait de façon injustifiée l’égalité des armes et le principe d’égalité de traitement des créanciers étrangers soumis à une même procédure collective ainsi que le principe de sécurité juridique, relevant que la société Citibank NA a déclaré le 25 novembre 2011, soit dans le quatrième mois suivant la publication au Bodacc, sa créance qui a été admise.
La Selarl C. [Y], ès qualités, conclut à la confirmation de l’ordonnance au motif que la créance a été déclarée dans les délais légaux, la société Citibank devant être regardée comme un créancier étranger ne demeurant pas sur le territoire de la France métropolitaine. Elle fait observer que le prêt a été conclu et consenti par la société Citibank et non par sa succursale française, que celle-ci ne disposait pas du pouvoir de déclarer la créance et que l’avis d’avoir à déclarer la créance ne pouvait être adressé qu’au siège social de la société. Elle souligne que le fait de considérer que le lien de rattachement pourrait conduire à écarter le lieu du domicile du créancier, dont le siège social est à l’étranger, est source d’une insécurité juridique importante puisqu’un tel raisonnement revient à interpréter a posteriori le délai dans lequel le créancier demeurant à l’étranger pouvait déclarer sa créance et obligerait ce dernier à déclarer sa créance dans un délai de deux mois en contradiction avec la volonté du législateur de protéger les créanciers étrangers.
Selon l’article R.622-24 du code de commerce, dans sa version issue du décret du 28 décembre 2005 alors applicable, le délai de déclaration fixé en application de l’article L.622-26 est de deux mois à compter de la publication du jugement d’ouverture au Bodacc. Cependant lorsque la procédure est ouverte par une juridiction qui a son siège sur le territoire de la France métropolitaine, le délai de déclaration est augmenté de deux mois pour les créanciers qui ne demeurent pas sur ce territoire.
Les dispositions de l’article 643 du code de procédure civile sur les délais de distance du droit commun ne s’appliquent pas au délai de déclaration de créance, qui n’est pas un délai de comparution.
Néanmoins l’allongement du délai prévu par l’article R.622-24 du code de commerce a la même finalité que ce texte à savoir celle de compenser au profit du créancier domicilié hors de la France métropolitaine, la contrainte résultant de l’éloignement géographique.
La référence de l’article R.622-24 du code de commerce à la demeure du créancier se comprend au regard de l’article 43 du code de procédure civile, selon lequel le lieu où demeure une personne morale s’entend du lieu où celle-ci est établie.
Le siège social constitue le lieu d’établissement de la personne morale et donc, le plus souvent, celui où elle demeure.
Le délai de déclaration doit être apprécié au regard de la personne du créancier en charge de la déclaration de créance à la date de celle-ci.
Le jugement d’ouverture de la procédure de sauvegarde de la société Fire ayant été publié au Bodacc le 27 juillet 2011, le délai de déclaration des créances expirait le 27 septembre pour les créanciers demeurant en France et le 27 novembre pour les créanciers demeurant à l’étranger.
Il n’est pas contesté d’une part que la société Citibank international Plc est une société de droit anglais qui avait son siège social, dont il n’est pas prétendu qu’il serait fictif, et son principal établissement à Londres tant lors de la conclusion du contrat, le 11 juillet 2006, que lors de la déclaration de créance, le 25 novembre 2011 et, d’autre part, qu’elle disposait également d’un établissement situé à [Adresse 2], immatriculé au registre du commerce et des sociétés de Nanterre depuis le 10 novembre 1994. Aux termes d’un extrait de la réunion du conseil d’administration de la société du 27 juin 1994, il était prévu que cette succursale exploite en France une activité commerciale bancaire complète au nom de la société Citibank international Plc.
Il résulte par ailleurs des pièces produites que :
– l’offre de prêt en date du 31 mai 2006, rédigée en anglais, est signée par Mme [K] [T] en sa qualité de managing director de la société Citibank international Plc ;
– aux termes du contrat de prêt, celui-ci a été accordé par cette société anglaise ‘agissant par l’intermédiaire de sa succursale de Londres représentée par M. [E] [G] et Mme [W] [I], dûment habilités’. Nonobstant l’existence ou non d’une erreur quant à la mention de la succursale anglaise plutôt que française, il y est précisé au paragraphe relatif aux notifications que toutes les communications relatives aux accords de financement devront être réalisées pour la société Citibank international Plc à son adresse de Londres en la personne de M. [P] [S], étant souligné que c’est précisément à cette adresse que Eurotitrisation, agissant pour le compte du FCT Europrop, a adressé le 18 novembre 2011 à Citibank la notification à l’origine de l’annulation de la cession ;
– l’accord du comité de crédit, à l’en-tête Citigroup, rédigé en anglais, montre que si M. [C] est le sponsoring officer, en revanche l’Originating unit, l’Approving unit et l’Administrative agent bank sont ‘London Sec Europe’ ;
– les notifications d’intérêts du prêt ont été émis le 18 septembre 2006 par M. [P] [S];
– les mails échangés courant avril, mai et juin 2011 entre DTZ Investors (pour l’emprunteur Findi) et la société Citibank, aux fins d’obtention d’une prorogation d’un an de l’échéance du prêt ont été adressés en anglais à M. [P] [S] ;
– la notification de défaut du prêt a été adressée à la société Findi par la société Citibank international Plc, adresse de Londres, et signée par M. [P] [S].
Si les échanges de mails versés aux débats montrent que les négociations ayant abouti au prêt litigieux ont été menées pour l’essentiel par M. [L] [C] ‘Director – Real estate finance, Citigroup global markets limited, a member of Citigroup,1-[Adresse 5]’, qui a également reçu les 8 mai et 29 juin 2006 le pouvoir de signer le contrat de prêt et d’accomplir les actes d’exécution de celui-ci et ce jusqu’au 31 juillet 2006, son bloc de signature indique qu’il est un préposé de la succursale française de la société Citibank global markets limited, dont l’adresse figurant sur le Kbis était également au [Adresse 2]. La preuve n’est pas rapportée qu’il était également le préposé de la succursale française de la société Citibank international Plc.
Même à supposer qu’il l’ait été, cela démontrerait seulement que l’établissement français de la société Citibank a joui d’une certaine autonomie pour représenter la société lors des négociations. Néanmoins l’existence à [Localité 11] de cette succursale, dénuée de la personnalité juridique, n’est pas de nature à écarter l’application de l’allongement du délai de déclaration de créance, déterminé par le lieu du siège social de la société Citibank international Plc où se trouvent les organes habilités à la représenter en justice et donc à déclarer les créances ou à déléguer ce pouvoir dès lors que la preuve n’est pas rapportée que les pouvoirs de MM. [G] et [C], relatifs à ce prêt, se seraient prolongés au delà du mois de juillet 2006 ni que ceux-ci auraient eu le pouvoir d’engager la société Citibank international Plc auprès des tiers au-delà de cette date ou qu’ils auraient eu qualité pour déclarer la créance en 2011, étant observé qu’en l’état des textes à cette époque une déclaration de créance équivalait à une demande en justice.
Par suite, la société Citibank international Plc, créancier demeurant à l’étranger, doit bénéficier de l’allongement du délai de déclaration de créance sans que la domiciliation professionnelle de M. [C] à [Localité 11], l’information qui lui a été donnée quant à l’ouverture de la procédure collective et les arguments relatifs à l’opération distincte de titrisation comme au mandat légal de recouvrement qui lui avait été confié par le FCT Europrop ne puissent l’en priver, étant observé qu’au-delà du strict éloignement physique, ce délai permet également au créancier étranger de surmonter les difficultés liées à la langue et à la connaissance du droit français.
La déclaration de créance effectuée par la société Citibank le 25 novembre 2011 n’est donc pas tardive.
L’ordonnance sera confirmée de ce chef.
Il n’y a pas lieu, par voie de conséquence, d’examiner la demande de la société Fire Real Estate tendant à voir jugée inopposable à la procédure collective la créance de la société Citibank.
3- Sur le fond
La société Citibank soutient que le bordereau de cession de créance irrégulier doit, en application du droit positif et de la documentation contractuelle, être requalifié en nantissement de créance opposable aux tiers et au débiteur de l’obligation nantie.
Elle invoque la jurisprudence et la doctrine selon laquelle une cession Dailly irrégulière peut être requalifiée de cession de créance de droit commun pour affirmer que le bordereau irrégulier n’en reste pas moins un acte organisant une cession de créance à titre de garantie. Considérant qu’au jour de l’établissement du bordereau litigieux organisant la cession des créances Findi/Fire en garantie du prêt consenti par la banque à Findi, la cession de créance à titre de garantie de droit commun n’avait pas encore été consacrée par le législateur et la jurisprudence et s’appuyant sur deux décisions de la Cour de cassation (Com. 19 décembre 2006, Bull. IV, n° 250 ; Com. 26 mai 2010, Bull. IV, n° 94), qui bien que rendues sous l’empire de la loi antérieure à l’ordonnance du 23 mars 2006 relative aux sûretés sont transposables en l’espèce, elle prétend que la cession de créance Findi/Fire à titre de garantie dégénère de plein droit en nantissement de créance et non en cession de créance de droit commun . Elle ajoute que la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 5 février 2019, a ‘tacitement validé’ le fait que cette jurisprudence reste d’actualité puisqu’elle a comparé les attributs d’une cession Dailly et d’un nantissement de créance. Elle affirme que la réforme de 2006 n’ayant pas institué un régime général de cession de créance hors régimes légaux spécifiques, une cession de créance à titre de garantie, qui ne bénéficie pas d’un régime légal spécifique, constitue un simple nantissement de créance soumis aux articles 2355 et suivants du code civil.
Elle fait valoir qu’une telle requalification n’est pas contraire à la commune intention des parties qui était d’organiser l’affectation d’une créance à titre de garantie et que l’acte de cession est conforme au formalisme légal des articles 2355 et suivants du code civil en ce que l’acte a été conclu par écrit et que les créances cédées et nanties sont désignées et individualisées.
Elle indique ensuite qu’en application des articles 2361 et 2362 du code civil, le nantissement de la créance Findi/Fire a pris effet entre les parties et est devenu opposable aux tiers à compter de sa date, soit le 12 juillet 2006, et qu’il est opposable à la société Fire, débiteur nanti, qui est intervenue à l’acte et a accepté la cession, et à qui la cession a été notifiée, la notification résultant de la déclaration de créance à la procédure collective de la société Fire.
Elle prétend ensuite que le nantissement de créance confère au créancier qui en est bénéficiaire un droit de créance à l’encontre du débiteur de la créance nantie et que le pouvoir du créancier bénéficiaire d’un nantissement de recevoir paiement directement du débiteur de la créance nantie découle de l’article 2263 du code civil. Elle en déduit que devenu créancier personnel du débiteur nanti le bénéficiaire du nantissement est légitime à déclarer sa créance au passif de ce dernier.
En réplique à la Selarl [Y], elle fait observer que maître [Y], également mandataire judiciaire de la SCI Le Sévine, n’a pas contesté la créance déclarée par la société Findi au passif de la SCI Le Sévine pourtant justifiée au visa de l’article 2363 du code civil au titre d’un nantissement de créance, précisant que cette créance a été admise sans que l’absence d’un droit personnel ne lui ait été opposé et que rien ne justifie une différence de traitement à son préjudice.
La société Fire prétend que la société Citibank n’est pas titulaire de la créance Findi/Fire qu’elle a déclaré au passif de la société Fire, relevant que si elle disposait réellement d’un droit personnel à l’égard de la société Fire au titre de cette créance, elle n’aurait jamais sollicité de la société Findi qu’elle renouvelle pour son propre compte les inscriptions hypothécaires, accessoires de la créance. Elle indique que la cour d’appel de Paris, dans son arrêt du 6 février 2019, a jugé que les créanciers financiers ne bénéficiaient d’aucun droit réel ou personnel tant à l’égard de la société Fire que de la SCI Le Sévine et a déjà rejeté la tentative de la société Citibank tendant à la requalification du bordereau litigieux en nantissement de créance. Elle ajoute que la cour d’appel de Versailles, dans son arrêt du 12 novembre 2019, a également rappelé l’absence de droit des créanciers financiers à l’égard des sociétés Fire et Le Sévine. Elle affirme qu’en raison de l’irrégularité du bordereau de cession de la créance Findi/Fire, celle-ci, de même que son accessoire, n’a jamais quitté le patrimoine de la société Findi dont la créance déclarée a été admise à son passif. Elle ajoute que le FCT Europrop a reconnu, au vu de l’irrégularité du bordereau, que les créanciers financiers n’avaient jamais bénéficié d’aucune créance à l’encontre de la société Fire.
Elle considère que la société Citibank fait dire aux arrêts qu’elle cite ce qu’ils ne disent pas puisqu’ils rappellent seulement qu’en dehors des cas prévus par la loi, c’est-à-dire par les articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, l’acte par lequel un créancier cède et transporte à son créancier, à titre de garantie, tous ses droits sur une créance, constitue un nantissement de créance, et n’enseignent pas qu’un acte de cession de créance professionnelle irrégulier au regard de ce texte dégénérerait en nantissement de droit commun. Elle fait observer que requalifier le bordereau irrégulier en nantissement de créance de droit commun avec tous les effets que la banque y attache reviendrait à dénier toute portée au formalisme légal attaché à l’acte de cession de créances professionnelles et à rendre sans objet les dispositions de l’article L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier et qu’en réalité le bordereau irrégulier est dépourvu de tout effet juridique.
Elle rappelle que la commune intention des parties, qui était de transférer aux créanciers financiers les droits personnels et réels sur les sociétés Fire et Le Sévine par un seul mécanisme juridique à savoir la cession à titre de garantie, soumise aux dispositions des articles L.313-23 et suivants du code monétaire et financier, de la créance Findi/Fire, constitue un obstacle à toute requalification.
Elle ajoute qu’à défaut de respecter le conformisme des articles 2355 et suivants du code civil, le bordereau irrégulier ne peut pas revêtir la qualification de nantissement de créance.
Elle affirme que même à supposer qu’il dégénère en nantissement de droit commun, celui-ci ne conférerait pour autant aucun droit à la société Citibank sur la créance Findi/Fire et ses accessoires puisque la société Citibank ne peut plus modifier le fondement juridique de sa déclaration de créance laquelle est fondée sur l’acte de cession de créances professionnelles du 12 juillet 2006.
Enfin, elle argue de l’absence de notification de ce nantissement à la société Fire avant l’ouverture de la procédure de sauvegarde pour en conclure que la société Citibank ne peut prétendre à aucun paiement de la société Fire au titre de la créance Findi/Fire.
La Selarl [Y], ès qualités, relève que la société Citibank ne justifie pas en quoi un bordereau de cession de créance professionnelle irrégulier devrait être requalifié en nantissement de créance, la jurisprudence citée par celle-ci ne permettant pas, selon elle, une telle affirmation. Elle ajoute que même à supposer que l’acte de cession puisse être requalifié, la créance devra quand même être rejetée puisque le débiteur nanti, qui n’est pas le constituant de la garantie, ne devient pas personnellement débiteur du créancier bénéficiaire du nantissement. Elle considère que le prétendu nantissement de créance est une obligation réelle et non personnelle et que la société Citibank n’est pas créancière de la société Fire de sorte qu’il n’y a pas lieu à déclaration.
L’acte de cession de créances ‘Bordereau Dailly’ conclu le 12 juillet 2006 entre les sociétés Findi, cédante, et Citibank, cessionnaire, stipule en son article 4 qu’il ‘est destiné à garantir l’ensemble des obligations, engagements et des sommes en principal, intérêts, intérêts de retard, frais, commissions et accessoires dus par le cédant […] aux banques au titre de la convention de prêt.’
La cession à titre de garantie consiste, pour un débiteur, à transférer au créancier la propriété d’une ou plusieurs créances pour garantir les crédits qui lui sont consentis, en contrepartie de l’engagement pris par le créancier, de la rétrocéder en cas de remboursement de la dette. Elle emporte transfert immédiat de la propriété, mais temporairement.
Il est acquis en suite de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 6 février 2019, qui a prononcé la résolution judiciaire de l’acte de cession de créance et des annexes conclu le 26 juin 2007 entre la société Citibank et le FCT Europrop, que le bordereau de cession de créance professionnelle en date du 12 juillet 2006 par la société Findi à la société Citibank est irrégulier.
En l’absence de cession, la banque n’est pas devenue propriétaire de la créance détenue par la société Findi à l’égard de la société Fire.
Ce litige sur la titularité de cette créance explique que la société Citibank ait sollicité de la société Findi qu’elle renouvelle pour son propre compte les inscriptions hypothécaires qu’elle avait prises, sans qu’il ne puisse être tiré de ces demandes une quelconque renonciation de la banque à se prévaloir d’un droit sur cette créance.
Pour autant la nullité du bordereau n’est pas la sanction prévue par l’article L.313-23 du code monétaire et financier. La rédaction de cet article permet au contraire d’admettre que l’acte produit ses effets dans les conditions prévues par d’autres dispositions.
La société Citibank reconnaît qu’au regard de la législation et de la jurisprudence applicables au jour de l’établissement du bordereau de cession de créances professionnelles litigieux, ce dernier ne peut pas dégénérer en cession de créance à titre de garantie de droit commun.
Il peut s’agir, en revanche, si les conditions du code civil en sont respectées, d’un nantissement de créance de droit commun.
Contrairement à ce qu’allègue la société Fire, la cour d’appel de Paris n’a pas rejeté la ‘tentative’ de la société Citibank de requalification du bordereau litigieux en nantissement de créances. Elle a seulement, pour rechercher si le FCT souffrait d’un dommage, comparé les attributs d’un nantissement de créance et d’une cession de créance par bordereau Dailly, pour en déduire qu’ils ne pouvaient pas être assimilés.
En outre, une telle requalification ne s’opposerait pas à la commune intention des parties qui était d’affecter une créance à titre de garantie, les termes des contrats de prêt et de vente ne démontrant pas qu’elles ne voulaient le faire que par ‘un seul et unique mécanisme juridique’, à savoir la cession à titre de garantie soumise à l’article L.313-23 du code monétaire et financier.
Selon l’article 2355 du code civil, issu de l’ordonnance 2006-346 du 23 mars 2006 antérieure au bordereau irrégulier, le nantissement, qui peut être conventionnel ou judiciaire, est l’affectation en garantie d’une obligation, d’un bien meuble incorporel ou d’un ensemble de biens meubles incorporels, présents ou futurs.
En l’espèce, il n’est pas contesté que l’acte de cession de créance à titre de garantie a été conclu par écrit et que les créances garanties et les créances nanties sont désignées dans l’acte conformément aux exigences de l’article 2356 du code civil.
La société Fire ne conteste pas qu’il a pris effet entre les parties et est devenu opposable aux tiers à compter de sa date soit le 12 juillet 2006.
Il lui est également opposable car, en sa qualité de cessionnaire, elle est intervenue au contrat de cession de parts et de cession d’une créance en date du 12 juillet 2006, lequel précise au point 1.3 : ‘Il est ici rappelé que le cédant (Findi) doit céder à titre de garantie les créances qu’il détient au titre de la convention à la société Citibank international plc dans le cadre du prêt qui lui a été consenti ce jour…En application des dispositions des articles L.313-23 à L.313-34 du code monétaire et financier, l’ensemble des créances dont est titulaire le cédant à l’encontre du cessionnaire en vertu de la convention avec l’ensembles des sûretés y attachées et notamment de la sûreté hypothécaire sur l’immeuble doit être cédé à titre de garantie à la société Citibank plc en application du prêt’, ce dont il se déduit qu’elle a accepté la cession de la créance Findi à titre de garantie de façon certaine et non équivoque.
De surcroît, la déclaration de créance faite par la société Citibank au passif de la société Fire mentionne les cessions du 12 juillet 2006 et du 26 juin 2007, l’identité du cédant, des cessionnaires et du débiteur de la créance nantie ainsi que les créance garanties et nanties de sorte qu’elle équivaut à une notification à la société Fire.
Les conditions prévues aux articles 2361 et 2362 du code civil étant par conséquent remplies, l’acte de cession de créance à titre de garantie bien qu’irrégulier constitue un nantissement de créance.
Si le nantissement est une sûreté réelle consentie pour garantir la dette d’un tiers qui n’implique aucun engagement personnel à satisfaire à l’obligation d’autrui, l’article 2363 du code civil, issu de l’ordonnance 2006-346 du 23 mars 2006, prévoit désormais qu’après notification, seul le créancier nanti reçoit valablement paiement de la créance donnée en nantissement, de sorte que la société Citibank était fondée à déclarer sa créance au passif de la société Fire et à en solliciter l’admission, sans qu’il ne puisse utilement être allégué d’une modification par la société Citibank du fondement juridique de sa déclaration de créance, lequel est toujours l’acte de cession de créance du 12 juillet 2006.
Il convient, par suite, d’infirmer l’ordonnance et, en l’absence de discussion sur le quantum de la créance déclarée par la société Citibank au passif de la société Fire, de faire droit à la demande d’admission.
PAR CES MOTIFS,
La cour, statuant publiquement par arrêt contradictoire,
Déclare la société France invest real estate recevable à opposer à la société Citibank Europe Plc la fin de non-recevoir tirée de la tardiveté de sa déclaration de créance ;
Infirme l’ordonnance sauf en ce qu’elle a déclaré la déclaration de créance de la société Citibank régulière et recevable ;
Statuant à nouveau,
Admet au passif privilégié de la société France invest real estate la créance déclarée par la société Citibank Europe plc, venant aux droits de la société Citibank international Plc, créancier nanti, à hauteur de 61 900 000 euros en principal et intérêts pour mémoire ;
Condamne la société France invest real estate à payer à la société Citibank Europe Plc la somme de 60 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société France invest real estate à payer à la Selarl C. [Y], ès qualités, la somme de 2 000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne la société France invest real estate aux dépens de première instance et d’appel.
Prononcé publiquement par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
Signé par Madame Sophie VALAY-BRIÈRE, Présidente et par Madame Sylvie PASQUIER-HANNEQUIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
Le greffier,La présidente,