Clause attributive de compétence : 25 juin 2020 Cour d’appel de Lyon RG n° 18/01152

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Clause attributive de compétence : 25 juin 2020 Cour d’appel de Lyon RG n° 18/01152
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N° RG 18/01152 – N° Portalis DBVX-V-B7C-LQ6F

Décision du

Tribunal de Commerce de LYON

Au fond

du 08 décembre 2017

RG : 2016j1821

ch n°

Y…

N…

C/

SA SWISSLIFE BANQUE PRIVEE

SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE LYON

3ème chambre A

ARRET DU 25 Juin 2020

APPELANTS :

M. K… Y…

né le […] à CHARBONNIERES (71260)

[…]

[…]

Représenté par Me Jacques BERNASCONI de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocat au barreau d’AIN

M. F… N…

né le […] à BOURG EN BRESSE (01000)

[…]

[…]

Représenté par Me Jacques BERNASCONI de la SELARL BERNASCONI-ROZET-MONNET SUETY-FOREST-DE BOYSSON, avocat au barreau d’AIN

INTIMEES :

SA SWISSLIFE BANQUE PRIVEE

[…]

[…]

Représentée par Me Hervé GUYENARD, avocat au barreau de LYON, toque : 341

Assistée de Me LACORNE avocat au barrerau de PARIS du cabinet ADER et JOLIBOIS

SA SWISSLIFE ASSURANCE ET PATRIMOINE

[…]

[…]

Représentée par Me Marc BOUYEURE de la SELARL CABINET MARC BOUYEURE, avocat au barreau de LYON, toque : 120

* * * * * *

Date de clôture de l’instruction : 24 Mai 2019

Date de mise à disposition : 25 Juin 2020

Composition de la Cour lors du délibéré :

– Anne-Marie ESPARBES, président

– Hélène HOMS, conseiller

– Pierre BARDOUX, conseiller

DECISION RENDUE SANS AUDIENCE

Vu l’état d’urgence sanitaire, la présente décision est rendue sans audience suite à l’accord des parties et en application de l’article 8 de l’ordonnance n°2020-304 du 25 mars 2020 portant adpatation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale ;

La décision est portée à la connaissance des parties par le greffe par tout moyen en application de l’article 10 de l’ordonnance n° 2020-304 du 25 mars 2020 portant adpatation des règles applicables aux juridictions de l’ordre judiciaire statuant en matière non pénale, tel que précisé par l’article 2.i de la circulaire du 26 mars 2020 CIV/02/20 – C3/DP/202030000319/FC.

Arrêt Contradictoire rendu par mise à disposition au greffe de la cour d’appel, les parties en ayant été préalablement avisées par tout moyen

Signé par Anne-Marie ESPARBES, président, et par Julien MIGNOT, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.

* * * *

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte du 31 mars 2010, MM. K… Y…, B… Y…, U… Y…, F… N…, A… N… et E… N… épouse X… (les cédants) ont cédé les parts sociales qu’ils détenaient dans la société Prométal constructeur à la société Orozéal pour un prix provisoire de 1 525 000€ et ont consenti une garantie de variation du prix de cession et une garantie d’actif et de passif.

Pour garantir ces engagements, ils ont conclu avec la société Swisslife banque privée deux contrats de cautionnements, chacun dans la limite de 200000€, avec pour contre-garantie, le nantissement par MM. K… Y… et F… N…, pour chaque cautionnement, de deux contrats d’assurance-vie que chacun avait souscrits auprès de la société Swisslife assurance et patrimoine

Par jugement du 4 juin 2013 assorti de l’exécution provisoire, le tribunal de commerce de Paris, saisi par la société Orozéal, a constaté, qu’en application de la clause de variation du prix de la convention de cession d’actions, le prix définitif de cession ne s’élevait plus qu’à la somme de 756581€ et a condamné les cédants à restituer une partie du prix (864159€) solidairement avec la société Swisslife banque privée prise en sa qualité de caution, cette dernière à hauteur de 200000€.

Les cédants ont relevé appel de cette décision et ont saisi la juridiction du premier président pour solliciter la suspension de l’exécution provisoire, demande à laquelle s’est associée la société Swisslife banque privée ; pendant cette instance, la société Orozéal a fait procéder à des saisies-attributions sur différents comptes de la société Swisslife banque privée qui a payé les sommes réclamées puis a procédé au rachat des contrats d’assurance-vie nantis.

Par arrêt du 2 août 2013, le premier président a jugé que l’arrêt de l’exécution provisoire ne pouvait plus être ordonné lorsque l’exécution était consommée, a constaté qu’à défaut de contestation les sommes saisies-attribuées avaient été versées à la société Orozéal et qu’en conséquence, l’exécution ne pouvait plus être arrêtée.

Par arrêt du 15 mai 2014, la cour d’appel de Paris a infirmé le jugement, débouté la société Orozéal de toutes ses demandes et constaté que la société Swisslife banque privée n’était plus tenue d’aucune obligation dès lors que l’obligation au paiement des consorts Y… et N… était infirmée.

La société Orozéal a formé un pourvoi en cassation à l’encontre de cet arrêt qui a été rejeté le 9 février 2016.

Le 29 juillet 2014, elle a été placée en redressement judiciaire converti en liquidation judiciaire le 17 février 2015.

Par acte du 25 août 2014, MM. K… Y… et F… N… (MM. Y… et N… ci-après) ont saisi le juge des référés du tribunal de commerce de Lyon pour obtenir la restitution par la société Swisslife banque privée des sommes qu’elle avait prélevées en rachetant les comptes d’assurance-vie nantis à son bénéfice.

Par ordonnance du 19 novembre 2014, le juge des référés a dit qu’en raison d’une contestation sérieuse, la demande excédait ses pouvoirs et a renvoyé les parties à se pourvoir devant le juge du fond.

Sur appel de MM. Y… et N…, par arrêt du 9 février 2016, la cour d’appel de Lyon a confirmé l’ordonnance critiquée, sauf sur le rejet de la demande en restitution des prélèvements opérés sur les contrats d’assurance-vie nantis au profit de la garantie de passif et sur l’indemnité allouée en application de l’article 700 du code de procédure civile et a condamné la société Swisslife banque privée à restituer à MM. Y… et N… la somme de 11281,5€, chacun, outre intérêts au taux légal à compter de l’assignation en référé.

C’est dans ces conditions, que MM. Y… et N… ont assigné la société Swisslife banque privée ainsi que la société Swisslife assurance et patrimoine devant tribunal de commerce de Lyon qui par jugement du 8 décembre 2017, a :

– dit que les contrats de nantissement étaient valides et qu’il n’y avait pas eu vice du consentement au cours de leur signature ni au moment du rachat des contrats d’assurance-vie nantis,

– dit que la société Swisslife banque privée a justement poursuivi le recouvrement du montant de la caution que la société Orozéal a exécuté à son encontre et a produit sa créance au passif de cette dernière,

– dit qu’il ne peut être constaté le caractère indu de l’application du rachat des contrats d’assurance-vie nantis,

– débouté MM. Y… et N… de leur demande de condamnation in solidum des sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à leur restituer la somme de 108492,93€ chacun outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013, capitalisables par années entières,

– condamné MM. Y… et N… à payer aux sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine la somme de 3000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– rejeté les autres demandes,

– condamné MM. Y… et N… aux dépens.

MM. Y… et N… ont interjeté appel par acte du 15 février 2018.

Par conclusions déposées le 28 janvier 2019, MM. Y… et N… demandent à la cour de :

– les accueillir dans leur appel régulier en la forme et y faisant droit sur le fond,

vu les articles 1109, 1134, 1158, 1235 et 1376 anciens du code civil,

vu la clause attributive de compétence,

– réformer en toutes ses dispositions le jugement déféré et,

– débouter les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine de toutes leurs demandes, fins et conclusions,

sur la nullité du contrat de nantissement,

– juger qu’ils se sont mal représenté la réalité de l’obligation garantie,

– jugé que cette erreur a vicié leur consentement,

– annuler les contrats de nantissement n° […] et […],

– condamner in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à leur restituer la somme de 108492,93€ chacun outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013, capitalisables par années entières,

subsidiairement, sur la nullité du payement,

– juger que le rachat des contrats d’assurance-vie par la société Swisslife banque privée a la nature juridique du payement,

– annuler le payement intervenu,

– condamner in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à leur restituer la somme de 108492,93€ chacun outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013, capitalisables par années entières,

plus subsidiairement, sur la répétition de l’indu,

– constater que les contrats de nantissement garantissaient une éventuelle dette issue d’un prêt,

– constater que le payement opéré par la banque ne reposait pas sur une telle garantie,

– à défaut, constater qu’il résulte de l’arrêt de la cour d’appel de Paris du 15 mai 2014, que la société Swisslife banque privée n’était en réalité pas tenue à l’égard de la société Orozéal,

– en conséquence, constater le caractère indu de leur payement,

– condamner in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à leur restituer la somme de 108492,93€ chacun outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013, capitalisables par années entières,

à titre infiniment subsidiaire, sur les fautes des sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine,

– juger que l’expression “sommes définitivement exigibles” prévue dans les actes de cautionnement doit s’interpréter comme des sommes ayant fait l’objet d’un accord amiable ou d’une décision non susceptible de recours qui ne peuvent pas être judiciairement révisées,

– juger que la société Swisslife banque privée a commis une faute en ne contestant pas son obligation de payement en dépit du caractère provisoire des sommes sollicitées par la société Orozéal,

– juger que la société Swisslife banque privée a commis une faute en procédant au rachat des assurances-vie en garantie des sommes réclamées au mépris des dispositions contractuelles,

– juger que la société Swisslife banque privée n’établit pas le respect du délai contractuel prévu en cas de rachat à l’égard de M. N…,

– juger que la société Swisslife assurance et patrimoine a commis une faute en ne contrôlant pas la conformité des rachats aux prévisions des contrats de nantissement,

– condamner in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à leur restituer la somme de 108492,93€ chacun outre intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013, capitalisables par années entières,

en tout état de cause,

– condamner in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à leur payer chacun la somme de 7000€ au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– condamner les mêmes aux entiers dépens,

– ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

Par conclusions déposées le 26 novembre 2018, fondées sur l’article 1134 du code civil, la société Swisslife banque privée demande à la cour de :

– dire que les nantissements consentis sur leur contrat d’assurance-vie par MM. Y… et N… en garantie de sa garantie et le rachat de ces contrats est valide,

– dire n’y avoir lieu à répétition de l’indu,

– dire qu’elle n’a pas commis de faute dans la réalisation de ses nantissements,

en conséquence,

– confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris,

– débouter MM. Y… et N… de toutes leurs demandes,

– les condamner chacun, à lui payer la somme de 5000€ au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner en tous les dépens.

Par conclusions déposées le 27 juillet 2018, la société Swisslife assurance et patrimoine demande à la cour de :

– confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

– débouter MM. Y… et N… de toutes leurs prétentions à son encontre,

ajoutant,

– les condamner à lui payer la somme supplémentaire de 6000€ en application de l’article 700 du code de procédure civile,

– les condamner aux dépens de première instance et d’appel.

MOTIFS

A titre liminaire, en premier lieu, la cour rappelle qu’elle ne statue que sur les prétentions formulées dans le dispositif des conclusions des parties lesquelles ne contiennent pas une exception d’incompétence du tribunal de commerce de Lyon ce qui rend sans objet les observations de MM. Y… et N… sur la compétence de la juridiction saisie dans les motifs de leurs conclusions.

En second lieu, compte tenu de la date de conclusions des contrats antérieure au 1er octobre 2016, date d’entrée en vigueur de l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations, les dispositions du code civil visées dans le présent arrêt sont celles issues de leur rédaction antérieure à cette ordonnance.

Sur la nullité des nantissements

Au soutien de ce moyen, MM. Y… et N… invoquent une erreur ayant vicié leur consentement.

Ils font valoir que les contrats de nantissement ayant été conclus avant les contrats de cautionnements, ils se sont mal représenté la réalité des contrats ; qu’ils ont cru que la banque ne paierait que lorsque les sommes seraient devenues définitivement exigibles au sens juridique du terme alors que cette dernière prétend qu’elle devait payer à première demande dès lors que les sommes seraient définitivement établies dans le cadre de la clause contractuelle ; que cette erreur concerne la substance du contrat car elle tombe sur les conditions dans lesquelles la banque était amenée à garantir la dette et qu’ayant une incidence directe sur la façon dont cette dernière pouvait mobiliser la contre-garantie, elle a été déterminante.

La société Swisslife banque privée réplique que les nantissements étaient une condition de son engagement de caution que les cédants et le cessionnaire ont substitué, lors de la cession, à un séquestre précédemment prévu entre les parties à la cession des actions ; que la lettre des appelants en date du 29 mars 2010 démontre qu’ils avaient parfaitement bien saisi la portée de leurs engagements dès la signature des nantissements et en particulier les modalités et les conditions dans lesquelles la garantie et la contre-garantie seraient amenées à jouer ; qu’en exécutant une condamnation exécutoire et en payant la dette, elle était subrogée à tous les droits du créancier à l’encontre des débiteurs et pouvait donc mettre en ‘uvre les nantissements qui étaient une modalité d’exécution de la subrogation.

Elle ajoute que les appelants ne peuvent persister à vouloir tirer argument des dates de signatures alors qu’une garantie peut porter sur une obligation future ce que d’ailleurs ils admettent sans crainte de se contredire.

La société Swisslife assurance et patrimoine fait valoir que l’erreur sur un motif extérieur à l’objet de celui-ci n’est pas une cause de nullité de la convention quand bien même ce motif aurait été déterminant et que ni la signature des contrats de nantissement ni le règlement intervenu à la suite du rachat des contrats ne peut résulter d’une erreur.

Il n’est pas soutenu par MM. Y… et N… que les nantissements sont nuls car antérieurs au cautionnement mais, et ce sans contradiction, que cette chronologie les a induits en erreur sur les conditions de mise en ‘uvre de la garantie.

Les avenants de nantissement aux contrats d’assurance-vie ont été conclus le 26 mars 2010 en faisant référence à la conclusion d’une caution qui en fait n’a été signée que le 29 mars 2010.

Les articles 1 de ces avenants indiquent qu’ils garantissent le paiement à la bonne date par le souscripteur des sommes dues ou pouvant être dues au créancier nanti en principal, intérêts, commissions, frais et accessoires au titre de la convention de prêt contractée susvisée (qui vise une caution ayant pour objet la clause de révision de prix), dans les limites précisées à l’article 2.

L’acte de cession d’actions en date du 31 mars 2010 et faisant suite à un protocole d’accord du 18 décembre 2009 prévoit que la réduction du prix de base qui serait éventuellement dû par les cédants en fonction des comptes annuels qui seront arrêtés au 31 mars 2010, 31 mars 2011 et 31 mars 2012 serait reversée au cessionnaire dans le mois suivant l’assemblée générale devant statuer sur les comptes au 31 mars des exercices considérés.

Le contrat de cautionnement stipule que la société Swisslife banque privée a parfaitement connaissance des termes et modalités de l’acte de cession des actions et en particulier ceux relatifs à la variation du prix et qu’elle se porte caution envers la société Orozéal, dans la limite de 200000€ du paiement des sommes que les cédants pourraient devoir à la société Orozéal conformément aux stipulations de l’acte de cession d’actions, dès que ces sommes seront définitivement exigibles et qu’en conséquence :

“dans le cas où, pour quelque cause que ce soit, l’un ou l’autre des cédants n’effectueraient pas le paiement d’une quelconque somme due à la société Orozéal, conformément aux stipulations de l’acte de cession d’actions, la banque s’engage à effectuer ce paiement dans les 30 jours ouvrés à compter de la date de réception d’une notification par la société Orozéal, par lettre recommandée avec accusé de réception, contenant la preuve de la défaillance des cédants, cette preuve se faisant par tous moyens, en ce compris la production, par la société Orozéal de la copie de la mise en demeure adressée indistinctement à l’un ou l’autre des cédants et jointe à la confirmation écrite par la société Orozéal de ladite mise en demeure sans réponse après un délai de 30 jours ouvrés suivant son envoi”.

MM. Y… et N… ne démontrent pas que l’antériorité de la signature des nantissements à celle du cautionnement leur a fait croire que la banque ne paierait que lorsque les sommes seraient devenues définitivement exigibles au sens juridique du terme qu’ils définissent comme des sommes résultant d’un accord amiable ou d’une décision non susceptible de recours qui ne peuvent pas être judiciairement révisées.

En effet, d’une part, le cautionnement précise les conditions de paiement et ce que les parties entendaient par “sommes définitivement exigibles” qui ne sont pas celles aujourd’hui alléguées par MM. Y… et N… puisque l’acte précise que la caution doit payer dans les 30 jours suivant la réception de la notification par le cessionnaire de la défaillance des cédants lesquels avaient l’obligation de payer dans le mois suivant l’assemblée générale statuant sur les comptes.

D’autre part, la banque a donné sa caution suite à la demande de MM. Y… et N… par lettre du 29 mars 2010 qui mentionnait exactement les termes de l’engagement qui a été donné le même jour avec les modalités et délais des payement par la caution au créancier.

Enfin, même si les contrats de nantissement ont été signés quelques jours avant les contrats de cautionnement, duquel ils étaient indissociables, ils ont nécessairement été négociés en même temps, les conditions d’exigibilité de la caution étant ainsi connues des appelants puisque conformes à leur demande.

Cette prétention n’est pas fondée.

Sur la nullité du payement

MM. Y… et N… font valoir que la théorie des vices du consentement s’applique au payement et que le rachat des contrats d’assurance-vie par la société Swisslife banque privée au nom des assurés est un payement ; que lorsqu’ils l’ont effectué, ils croyaient que la société Swisslife banque privée était elle-même tenue auprès de la société Orozéal alors qu’en réalité la dette n’a jamais existé en vertu de l’effet rétroactif de l’arrêt du 15 mais 2014 ; que c’est donc par erreur que le payement a été fait et que cette erreur a été déterminante.

La société Swisslife banque privée réplique que le raisonnement des appelants repose sur une analyse erronée des effets de l’arrêt précité.

La société Swisslife assurance et patrimoine répond que le payement étant intervenu en exécution d’une décision de justice à laquelle la société Swisslife banque privée ne pouvait s’opposer ce qui l’autorisait à demander le remboursement à MM. Y… et N…, étant subrogée dans les droits du créancier, il ne résulte pas d’une erreur.

L’erreur est un vice du consentement donné au moment de la formation du contrat et qui exclut la validité de ce contrat défini par l’article 1101 du code civil, comme une convention par laquelle une ou plusieurs personnes s’obligent envers une ou plusieurs autres à donner, à faire ou ne pas faire quelque chose.

Le payement qui intervient en exécution d’une obligation est une cause d’extinction des obligations et n’est pas régi par les conditions de validité, au moment de sa formation, de la convention donnant naissance à l’obligation de payement.

Cette prétention n’est pas fondée en droit.

Sur la répétition de l’indu

MM. Y… et N… fondent cette prétention sur les articles 1235, 1376 et 1377 du code civil ; ils font valoir que le payement est indu car d’une part, il a été réalisé en dehors des termes du contrat de nantissement et d’autre part, il est apparu par la suite qu’il n’y avait pas de dette à contre-garantir.

Sur le premier point, ils font valoir que les contrats de nantissement visent la garantie des sommes dues ou pouvant être dues à la société Swisslife banque privée au titre d’une convention de prêt et n’ont donc pas été conclus en garantie du remboursement éventuel du prix révisé.

C’est à bon droit que la société Swisslife assurance et patrimoine soutient que la référence à une convention de prêt est une simple erreur matérielle sans incidence sur la nature des engagements dans la mesure où, comme le fait valoir la société Swisslife banque privée, cette dernière n’a pas consenti de prêt dans le cadre de la cession des actions, que le terme prêt est employé par les articles 1 et 2 mais que préalablement l’objet du contrat est désigné comme étant la clause de révision de prix, que le cautionnement contre-garanti a été sollicité par les appelants pour la clause de révision du prix et pour le substituer à un séquestre qui avait prévu dans le protocole d’accord.

Sur le second point, MM. Y… et N… invoquent l’absence de dette contre-garantie, faute de dette à garantir puisque, suite à l’arrêt de la cour d”appel de Paris du 15 mai 2014, la société Orozéal devait restituer les sommes payées par la société Swisslife banque privée, ainsi que cette dernière l’expose elle-même, raison pour laquelle elle a produit sa créance au passif de cette société et que par conséquent, elle doit leur rembourser l’argent perçu au titre du rachat des assurances-vie nanties.

La société Swisslife banque privée réplique que la cour d’appel de Paris n’a pas statué sur la question de la réalisation des contre-garanties et que les effets de la remise des parties en leur état initial est nécessairement circonscrit aux effets dont la cour a été saisie et qu’elle a tranchés ; qu’en conséquence de ce principe, la société Orozéal est tenue de lui restituer les sommes qu’elle lui a versées en exécution du cautionnement, raison pour laquelle elle a déclaré sa créance au passif de cette société, créance qui a été admise et recouvrée à hauteur de 420,26€, le reste ayant été certifié irrécouvrable par le liquidateur judiciaire.

Elle conclut que par ces éléments, il est démontré le caractère parfaitement fallacieux du raisonnement de MM. Y… et N… tendant à faire produire à l’arrêt précité des effets qu’il ne peut avoir tout en admettant que cet arrêt n’a pas tranché la question.

La société Swisslife assurance et patrimoine reprend que l’arrêt de la cour d’appel de Paris n’a pas tranché la question en ajoutant que le rachat des contrats d’assurance ayant été opérés en exécution d’une décision de justice exécutoire, la réformation de cette décision ne permet pas aux appelants de prétendre que les sommes n’étaient pas dues.

D’une part, il est constant que la cour d’appel de Paris n’a pas statué sur le sort des sommes versées en exécution de la contre-garantie n’ayant pas été été saisie de cette question, ce qui n’est nullement contesté par MM. Y… et N… qui font valoir avec pertinence que, par contre, la question est l’objet de la présente instance.

D’autre part, contrairement à ce que soutient la société Swisslife assurance et patrimoine, l’infirmation de la décision ayant condamné solidairement les cédants et la société Swisslife banque privée en qualité de caution à payer des sommes au cessionnaire permet à MM. Y… et N…, débiteurs principaux, de prétendre que les sommes n’étaient pas dues puisque précisément cette décision a débouté la société Orozéal de sa demande en restitution d’une partie du prix en application de la clause contractuelle de variation du prix, sommes qui étaient cautionnées par la société Swisslife banque privée et contre-garanties par les nantissements des contrats d’assurance-vie.

L’arrêt de la cour de Paris a d’ailleurs constaté “que l’obligation au paiement des consorts Y… et N… ayant été infirmée, la société Swisslife banque privée n’est plus tenue d’aucune obligation envers la société Orozéal”.

Cette conséquence évidente a donné lieu, en raison de l’ouverture de la procédure collective de la société Orozéal, à déclaration par la société Swisslife banque privée de sa créance de remboursement des sommes versées en exécution de la décision infirmée et à son admission.

En l’absence de dette du débiteur principal et ainsi que le font valoir MM. Y… et N…, la caution ne peut exercer un recours subrogatoire, mis en avant par les intimées, envers le débiteur principal lequel n’est pas débiteur des sommes devant être restituées à la caution par le cessionnaire dépourvu de créance.

En conséquence, MM. Y… et N… sont fondés à solliciter le remboursement des sommes qu’ils ont payées à la caution en exécution de la contre-garantie en application de l’article 1235 du code civil selon lequel : “Tout paiement suppose une dette : ce qui a été payé sans être dû, est sujet à répétition”.

Il convient par infirmation du jugement entrepris, de faire droit à la demande de MM. Y… et N… sans besoin de plus ample discussion.

En application des dispositions des articles 696 et 700 du code de procédure civile, les intimées doivent supporter les dépens et les frais irrépétibles qu’elles ont exposés et verser aux appelants une indemnité de procédure.

La demande d’exécution provisoire des appelants est sans objet, le présent arrêt n’étant pas susceptible d’un recours suspensif.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,

Infirme le jugement entrepris et statuant à nouveau,

Déboute MM. Y… et N… de leurs demandes de nullité des nantissements et du payement,

Condamne in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine à payer à chacun de MM. Y… et N… :

– la somme de 108492,93€, à chacun, avec intérêts au taux légal à compter du 12 juillet 2013, capitalisables par années entières,

– une indemnité de 6000€ sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne in solidum les sociétés Swisslife banque privée et Swisslife assurance et patrimoine aux dépens de première instance et d’appel.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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