Clause attributive de compétence : 24 octobre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/02657

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Clause attributive de compétence : 24 octobre 2023 Cour d’appel de Rennes RG n° 23/02657
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3ème Chambre Commerciale

ARRÊT N°449

N° RG 23/02657 – N° Portalis DBVL-V-B7H-TXJR

S.A.R.L. [D] SONDERFAHZEUGE GMBH

C/

S.A.S. SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS I)

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me BOURGES

Me LE COULS BOUVET

Copie délivrée

le :

à :

TC Nantes

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS

COUR D’APPEL DE RENNES

ARRÊT DU 24 OCTOBRE 2023

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ :

Président : Monsieur Alexis CONTAMINE, Président de chambre,

Assesseur : Madame Fabienne CLEMENT, Présidente de chambre,

Assesseur : Madame Olivia JEORGER-LE GAC, Conseillère, rapporteur,

GREFFIER :

Madame Julie ROUET, lors des débats et lors du prononcé

DÉBATS :

A l’audience publique du 04 Juillet 2023

ARRÊT :

Contradictoire, prononcé publiquement le 24 Octobre 2023 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l’issue des débats

****

APPELANTE :

S.A.R.L. [D] SONDERFAHZEUGE GMBH société de droit allemand, inscrite au RCS de Düsseldorf (Amtsgericht Düsseldorf) sous le n° HRB 71251 prise en la personne de son gérant domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Adresse 2]

ALLEMAGNE

Représentée par Me Loïc PANHALEUX de la SEP PANHALEUX ET GNAN, Plaidant, avocat au barreau de NANTES

Représentée par Me Luc BOURGES de la SELARL LUC BOURGES, Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉE :

S.A.S. SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS inscrite au RCS de Nantes sous le n° 702 011 099, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Dominique LE COULS-BOUVET de la SCP PHILIPPE COLLEU, DOMINIQUE LE COULS-BOUVET, Postulant, avocat au barreau de RENNES

Représentée par Me Isabelle LAGRANGE-SUREL de la SELEURL LAGRANGE AVOCATS, Plaidant, avocat au barreau de PARIS

La SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS (dite SDVI) a pour activité la distribution de véhicules industriels de marque IVECO.

Elle a souhaité passer commande d’un véhicule spécifiquement équipé destiné au remorquage et au transport de véhicules industriels auprès de la société [D] Sonderfahzeuge Gmbh , société de droit allemand ayant son siège à Hilden (land de Rhénanie-du-Nord-Westphalie).

Le 19 octobre 2017, la société [D] a établi une off re en langue anglaise, contenant les spécifications techniques du véhicule, sur laquelle la société SDVI a apposé sa signature valant bon de commande.

La société [D] a confirmé la commande du véhicule le 6 février 2018 pour un prix de 294.900€, la livraison devant intervenir au mois de juin ou juillet 2018 au plus tard.

La facture a été émise le 23 juillet 2018, alors que la fabrication du véhicule n’était pas achevée.

Le véhicule a été livré avec retard et ne serait pas conforme à la commande.

Par lettre en date du 12 février 2019, le conseil de la société SDVI a mis en demeure la société [D] de restituer la somme de 284.900€ TTC payée, contre reprise du véhicule, et a sollicité la résolution de la vente.

La société SDVI a sollicité la désignation d’un expert judiciaire sur le fondement de l’article 145 du CPC.

Par ordonnance de référé en date du 23 juillet 2019, le Juge des référés a désigné Monsieur [K], remplacé par Monsieur [M], par décision du 5 septembre 2019.

Monsieur [M] a déposé son rapport et a conclu que le véhicule est impropre à l’usage auquel il est destiné, soit le dépannage de poids lourds .

Par acte du 11 mai 2022, la société SDVI, a saisi le Tribunal de commerce de Nantes afin qu’il prononce la résolution de la vente, ordonne la restitution du prix de vente, outre la réparation du préjudice complémentaire subi.

La société [D] a soulevé l’incompétence du tribunal de commerce de Nantes au motif qu’une clause de prorogation de compétence au bénéfice de la juridiction de Hilden figure dans ses conditions générales de vente et que subsidiairement, le véhicule a été livré en Allemagne.

Par jugement en date du 27 février 2023, le Tribunal de commerce de Nantes :

– s’est déclaré compétent pour traiter du litige au fond

– a enjoint à la société [D] de conclure au fond et à la société SDVI de répondre au besoin,

– a renvoyé les parties à l’audience du 24 avril 2023 à 14h00 en JCI pour vérifier l’instruction de l’aff aire,

– a réservé les dépens

Par déclaration en date du 5 mai 2023, la société [D] a interjeté appel de la décision rendue en intimant la société SDVI, déposé une requête devant le Monsieur le Premier Président de la Cour d’appel de Rennes afin d’être autorisé à assigner à jour fixe, et signifié ses conclusions d’appel.

Le 9 mai 2023 le Président de chambre délégué par le Président de la Cour d’appel de Rennes a autorisé la société [D] à assigner à jour fixe la société SDVI à une audience fixée le 4 juillet 2023 à 14h00.

L’assignation a été délivrée le17 mai 2023.

La société [D], dans ses conclusions du 05 mai 2023 redéposées le 03 juillet 2023 a demandé que la Cour:

– déclaré recevable l’appel interjeté par la société [D] SONDERFAHRZEUGE GMBH,

– infirme le jugement du 27 février 2023 rendu par le Tribunal de commerce de Nantes en ce qu’il s’est déclaré compétent pour traiter du litige au fond et juger des demandes de la société SAS SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS,

– infirme le jugement du 27 février 2023 rendu par le Tribunal de commerce de Nantes en ce qu’il a déclaré irrecevable la pièce n° 4 de la société [D] et en a déduit que la société [D] ne faisait pas la preuve de la clause attributive de juridiction,

– infirme le jugement du 27 février 2023 rendu par le Tribunal de commerce de Nantes du chef des frais irrépétibles et des dépens.

– juge que la pièce n°4 produite par la société [D] est recevable et qu’en conséquence, la société [D] fait bien la preuve de la clause attributive de juridiction conformément à l’article 9 du code de procédure civile.

– fasse droit à l’exception d’incompétence soulevée par la société [D] SONDERFAHRZEUGE GMBH et juge que le Tribunal de commerce de Nantes n’est pas compétent pour statuer sur les demandes de la SAS SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS, le Tribunal de Hilden en Allemagne étant compétent,

et renvoie les parties à mieux se pourvoir,

– déboute la société SDVI de toutes ses demandes fins et conclusions contraires y compris au titre des dépens et des frais irrépétibles.

– condamne au titre de la procédure de première instance, la SAS SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS à payer à la société [D] SONDERFAHRZEUGE GMBH une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les entiers dépens conformément aux articles 696 et suivants du code de procédure civile.

– condamne au titre de la procédure d’appel, la SAS SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS à payer à la société [D] SONDERFAHRZEUGE GMBH une somme de 5 000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi que les dépens conformément aux articles 696 et suivants du code de procédure civile.

Par conclusions du 03 juillet 2023, la société de DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS (SDVI) a demandé que la Cour:

– confirme le jugement déféré,

– déboute la société [D] de ses demandes,

– la condamne au paiement de la somme de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

– la condamne aux dépens.

MOTIFS DE LA DECISION:

La clause de prorogation de compétence:

La clause de prorogation de compétence dont la société [D] demande l’application est incluse dans ses conditions générales de vente.

Celles-ci, rédigées en allemand, ont été versées aux débats en première instance non traduites, sauf la clause de prorogation de compétence, et le premier juge, sur le fondement de l’ordonnance de Villers-Cotterêts, a jugé dans ses seuls motifs la pièce irrecevable (pièce numéro 4) et dit que la société [D] n’apportait pas la preuve de l’existence de la clause de prorogation.

L’ordonnance du 25 août 1539 dit de Villers-Cottterêts n’impose l’usage de la langue française que pour les pièces de procédure, ce qui n’est pas le cas de conditions générales de vente.

Pour autant, les pièces de fond versées aux débats doivent être rédigées dans une langue que la juridiction comprend, ce qui est rarement le cas de l’allemand lorsque les juridictions ne sont pas situées près de la frontière.

Devant le premier juge, la société SDVI avait soulevé la difficulté relative à l’absence de traduction de la pièce, sans pour autant que la société [D] estime nécessaire d’en proposer une version traduite.

Sur ce point, la société [D] a commis une erreur d’appréciation en soutenant que la traduction de l’intégralité des conditions générales de vente n’était d’aucun intérêt pour le premier juge: elle ne peut demander l’application de ces conditions générales et choisir les paragraphes qu’elle entend soumettre à l’appréciation des juges, une convention s’appréciant toujours comme un ensemble dont la cohérence des dispositions entre elles doit pouvoir être vérifiée.

Dès lors, elle ne peut reprocher au premier juge d’avoir déclaré sa pièce numéro 4 irrecevable et le jugement n’a pas à être infirmé pour ce motif.

Devant la Cour, la difficulté ne subsiste plus puisque ses conditions générales de vente sont versées aux débats traduites.

Ces conditions générales de vente contiennent un article 12 instituant le tribunal de la ville de Hilden, en Allemagne, compétent pour tous les litiges découlant de la relation contractuelle et les soumettant à l’application du droit allemand;

La question est alors de savoir dans quelle mesure ces dispositions sont applicables à la société SDVI.

Les conditions particulières de la convention conclue entre la société SDVI et la société [D] tiennent en deux documents:

– un devis, rédigé pour sa majeure partie en anglais, intitulé ‘offer agreement’: rédigé par la société [D], il a ensuite été signé et paraphé par M. [L], directeur général de la société SDVI,

– une acceptation de la commande, rédigée et signée par la société [D], à la réception du devis accepté.

Le devis est donc rédigé en langue anglaise, sauf:

– une ligne présente en bas de chaque page, rédigée en allemand,

– une mention manuscrite de M. [L] figurant page 3, et relative à la couleur du véhicule et une mention manuscrite de M. [L] en dernière page ‘bon pour accord’.

Lorsqu’il a paraphé le devis, M. [L] a apposé son paraphe à proximité de la ligne rédigée en allemand.

Selon la société [D], cette ligne se traduit par ‘toutes les offres et tous les contrats sont soumis à nos conditions générales et constituent une annexe de la confirmation de commande’.

Il est possible de retenir la thèse de la société [D] selon laquelle M. [L] ès-qualités a accepté la disposition sus-visée bien qu’elle ait été rédigée en allemand et que la langue du contrat soit l’anglais: d’une part, il lui appartenait, puisqu’il paraphait la page, de se préoccuper de sa signification, d’autre part, M. [L] a lui-même apposé des mentions en français, démontrant que l’anglais n’était pas la seule langue du contrat.

En revanche, il ne peut se déduire de cette ligne que les conditions générales de vente aient été annexées aux pièces contractuelles; il se déduit uniquement de cette ligne, selon la propre traduction de la société [D], que le devis accepté est une annexe de la confirmation de commande, et comme elle, soumis aux conditions générales de vente.

A l’examen de toutes les pièces versées aux débats, soit les pièces conventionnelles mais aussi les courriels, il n’est pas justifié que la société [D] ait transmis à la société SDVI ses conditions générales de vente, ou l’ait mis en mesure d’en prendre connaissance, par exemple en lui transmettant un lien internet.

Or, dans un arrêt du 14 décembre 1976 Estasi Saloti di Colzani C-24/76 la CJUE a dit que des conditions particulières peuvent valablement renvoyer à des conditions générales si il est établi que les conditions générales ont été effectivement communiquées à l’autre partie contractantes ou que celle-ci a été mise en mesure d’en prendre connaissance;

Tel n’étant pas le cas en l’espèce, les conditions générales de vente de la société [D] dans leur ensemble et la clause de prorogation de compétence en particulier sont inopposables à la société SDVI et ne peuvent donc fonder la compétence du juge allemand.

Sur le lieu de livraison de la chose:

En l’absence de clause conventionnelle de prorogation de compétence opposable aux deux parties, s’applique l’article 7 du règlement UE 1215/2012 concernant la compétence judiciaire, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière civile et commerciale, qui dispose que:

Une personne domiciliée sur le territoire d’un État membre peut être attraite dans un autre État membre:

1) a) en matière contractuelle, devant la juridiction du lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande;

b) aux fins de l’application de la présente disposition, et sauf convention contraire, le lieu d’exécution de l’obligation qui sert de base à la demande est:

‘ pour la vente de marchandises, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les marchandises ont été ou auraient dû être livrées,

‘ pour la fourniture de services, le lieu d’un État membre où, en vertu du contrat, les services ont été ou auraient dû être fournis;

c) le point a) s’applique si le point b) ne s’applique pas.

Les parties s’accordent sur le fait que s’applique l’alinéa b) mais s’opposent sur le lieu de livraison de la chose.

Les pièces conventionnelles ne contiennent aucune précision sur le lieu de livraison envisagé pour le camion.

Au mois de septembre 2018, les relations contractuelles s’étaient tendues entre les parties, la livraison du camion subissant un retard de plusieurs semaines et la société SDVI n’ayant pu l’examiner lorsqu’elle s’est déplacée en Allemagne.

La société SDVI a alors exigé que le camion lui soit livré avant qu’elle ne paie la totalité du prix, ce qu’a refusé la société [D].

Durant ces échanges, la société [D] s’est engagée à plusieurs reprises à livrer le camion en France moyennant le paiement préalable de l’intégralité du prix (pièce numéro 22). Elle s’est même très précisément engagée, par des courriels émanant de son dirigeant, à livrer le camion dans un premier temps dans les locaux de la société chargée d’effectuer les formalités nécessaires à l’importation du véhicule (société AG), puis, une fois l’immatriculation française obtenue, à transporter le camion jusque dans les locaux de la société SDVI (courriel du 11 septembre).

La société SDVI a accepté de payer la totalité du prix du camion avant que le camion ne lui soit livré.

Pour autant, il est constant que la société SDVI ne s’est pas exécutée et qu’il est revenu à la société SDVI la charge de faire appel à la société AG pour aller chercher le camion dans les locaux de la société [D] et le ramener en France pour le faire immatriculer.

Pour autant, le lieu de livraison de la marchandise tel que prévu par l’article 7b du règlement sus-visé s’entend comme le lieu contractuellement prévu pour la livraison et non comme le lieu de livraison effectif si celui-ci s’avère différent.

En l’absence de dispositions conventionnelles spécifiques, l’accord des parties pour une livraison du camion dans les locaux de la société SDVI se déduit d’une part de l’engagement exprimé par M. [D] pour le compte de la société [D] dans son courriel du 11 septembre, d’autre part part de l’acceptation de cet engagement par la société SDVI qui a payé le prix avant d’être livrée.

Le lieu de livraison contractuellement prévu était donc le siège social de la société SDVI, situé à [Adresse 4] (44).

Le premier juge s’est donc déclaré à bon droit compétent et la société [D] doit être déboutée de son recours.

Sur les frais irrépétibles et les dépens:

La société [D], qui succombe dans son recours, supportera la charge des dépens d’appel et paiera à la société SDVI, sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, la somme de 5.000 euros.

PAR CES MOTIFS:

La Cour,

Confirme le jugement déféré.

Rejette le surplus des demandes.

Condamne la société [D] Sonderfahzeuge Gmbh aux dépens d’appel.

Condamne la société [D] Sonderfahzeuge Gmbh à payer à la société SOCIETE DE DIFFUSION DE VEHICULES INDUSTRIELS la somme de 5.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

LE GREFFIER LE PRESIDENT

 


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