Votre panier est actuellement vide !
COUR D’APPEL
DE
VERSAILLES
Code nac : 50A
1re chambre 2e section
ARRET N°
REPUTE CONTRADICTOIRE
DU 24 MAI 2022
N° RG 19/08145 – N° Portalis DBV3-V-B7D-TSQ3
AFFAIRE :
Société SOLFINEA (anciennement dénommée BANQUE SOLFEA)
…
C/
M. [K] [J] [A] [Y]
…
Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 19 Septembre 2019 par le Tribunal d’Instance de VANVES
N° RG : 1118000287
Expéditions exécutoires
Expéditions
Copies
délivrées le :24/05/22
à :
Me Jean-pierre ANTOINE
Me Kazim KAYA
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
LE VINGT QUATRE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX,
La cour d’appel de Versailles a rendu l’arrêt suivant dans l’affaire entre :
Société SOLFINEA (anciennement dénommée BANQUE SOLFEA)
Ayant son siège
[Adresse 2]
[Localité 8]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Jean-pierre ANTOINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 05
Représentant : Maître Pierre CLOIX de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0173 –
Société BNP BANQUE PARIBAS PERSONAL FINANCE
Ayant son siège
[Adresse 1]
[Localité 6]
prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège
Représentant : Maître Jean-pierre ANTOINE, Postulant, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : C 05
Représentant : Maître Pierre CLOIX de la SELARL CLOIX & MENDES-GIL, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : P0173
APPELANTES
****************
Monsieur [K] [J] [A] [Y]
né le 25 Août 1954 à [Localité 9] (85)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Maître Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 –
Représentant : Maître Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1511
Madame [F] [H] [C] [G] épouse [Y]
née le 20 Octobre 1954 à NAILLIERS (85)
de nationalité Française
[Adresse 5]
[Localité 3]
Représentant : Maître Kazim KAYA, Postulant, avocat au barreau de HAUTS-DE-SEINE, vestiaire : 574 –
Représentant : Maître Samuel HABIB, Plaidant, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : E1511
INTIMES
SELAS ALLIANCE, mandataire de la SARL THERMALIA – INTERVENANTE FORCEE
[Adresse 4]
[Localité 7]
Assignée à personne habilitée
INTIMEE DEFAILLANTE
****************
Composition de la cour :
L’affaire a été débattue à l’audience publique du 15 Mars 2022, Monsieur Philippe JAVELAS, président, ayant été entendu en son rapport, devant la cour composée de :
Monsieur Philippe JAVELAS, Président,
Madame Gwenael COUGARD, Conseillère,
Madame Agnès PACCIONI, Vice-présidente placée,
qui en ont délibéré,
Greffier, lors des débats : Madame Françoise DUCAMIN
EXPOSE DU LITIGE
Selon bon de commande du 5 avril 2013, M. [K] [Y] et Mme [F] [G], épouse [Y], ont fait l’acquisition auprès de la société Thermalia d’une centrale de production photovoltaïque comprenant 10 panneaux d’une puissance de 2 500 WC et d’une valeur de 18 000 euros TTC.
Selon une offre préalable de crédit en date du 5 avril 2013, M. et Mme [Y] ont souscrit un contrat de crédit auprès de la société Solfea, d’un montant de 18 000 euros au taux d’intérêts contractuels de 5,79 % l’an remboursable sur une durée de 131 mois.
Par acte d’huissier de justice délivré le 4 avril 2018, soit un jour avant le délai de prescription quinquennale, M. et Mme [Y] ont assigné la société Thermalia, représentée par Me [X], ès qualités de mandataire liquidateur, la société BNP Paribas Personal Finance, venant aux droits de la société Solfea et la société Solfea aux fins de voir, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :
– prononcer l’annulation du contrat de vente les liant à la société Thermalia,
– prononcer l’annulation du contrat de crédit affecté les liant aux sociétés Solfea et BNP Paribas Personal Finance,
– dire et juger que les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfea ont commis des fautes personnelles engageant leur responsabilité,
– dire et juger que les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfea ne pourront se prévaloir des effets de l’annulation à leur égard,
– en tout état de cause, condamner solidairement les sociétés BNP Paribas Personal Finance et Solfea à leur verser les sommes suivantes :
– 3 000 euros au titre de leur préjudice économique et troubles de jouissance,
– 3 000 euros au titre de leur préjudice moral,
– 4 554 euros au titre du devis de désinstallation, sauf à parfaire.
Par jugement réputé contradictoire du 19 septembre 2019, le tribunal d’instance de Vanves a :
– déclaré irrecevables les demandes de M. et Mme [Y] formées à l’encontre de la société BNP Paribas Personal Finance venant aux droits de la société Solfea,
– déclaré irrecevable la demande de la société BNP Paribas Personal Finance en restitution des fonds versés en cas d’annulation du contrat de crédit du 5 avril 2013,
– rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance,
– annulé le contrat souscrit entre la société Thermalia, prise en la personne de son représentant légal, Me [X], ès qualités de mandataire liquidateur de ladite société et M. et Mme [Y] suivant bon de commande signé le 5 avril 2013,
– constaté l’annulation de plein droit du contrat de crédit du 5 avril 2013,
– condamné la société Solfea à verser à M. et Mme [Y] la somme de 22 178,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
– débouté M. et Mme [Y] de leurs demandes de dommages et intérêts complémentaires,
– rejeté pour le surplus les demandes des parties,
– condamné la société Solfea à verser à M. et Mme [Y] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
– condamné la société Solfea à supporter les dépens,
– dit n’y avoir lieu à exécution provisoire de la décision.
Par déclaration reçue au greffe le 22 novembre 2019, les sociétés Banque Solfea et BNP Paribas Personal Finance ont relevé appel de ce jugement.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 27 décembre 2021, les sociétés Banque Solfea et BNP Paribas Personal Finance, appelantes, demandent à la cour de :
– déclarer recevable et bien fondée l’intervention forcée à l’instance de la société Alliance, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Thermalia,
– infirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
*rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance,
*annulé le contrat souscrit entre la société Thermalia et M. et Mme [Y] suivant bon de commande signé le 5 avril 2013,
* constaté l’annulation de plein droit du contrat de crédit conclu le 5 avril 2013 entre M. et Mme [Y] et la société Solfea,
* condamné la société Solfea à verser à M. et Mme [Y] la somme de 22 178,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
* débouté la société BNP Paribas Personal Finance de l’intégralité de ses prétentions et demandes, en ce compris :
– sa demande subsidiaire en cas de nullité des contrats en condamnation in solidum des époux [Y] à lui payer la somme de 18 000 euros en restitution du capital prêté,
– sa demande plus subsidiaire de condamnation in solidum des époux [Y] à lui payer la somme de 18 000 euros à titre de dommages et intérêts,
– sa demande subsidiaire en condamnation des époux [Y] à restituer à leurs frais l’installation à Maître [X],
– sa demande subsidiaire de compensation des créances réciproques à due concurrence,
– sa demande de condamnation in solidum des époux [Y] au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux dépens,
*condamné la société Solfea à payer aux époux [Y] la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, et aux dépens,
Statuant à nouveau :
– à titre principal, déclarer irrecevable l’ensemble des demandes formées par les époux [Y] au vu de la novation, à défaut, les en débouter,
– à tout le moins, déclarer la demande de M. et Mme [Y] en nullité du contrat conclu avec la société Thermalia irrecevable, déclarer par voie de conséquence irrecevable leur demande en nullité du contrat de crédit, dire et juger à tout le moins que les demandes de nullité des contrats ne sont pas fondées, les débouter de leur demande en nullité du contrat de crédit conclu avec la société Solfea et de leur demande en restitution des sommes réglées,
Subsidiairement, en cas de nullité des contrats :
– les débouter de leur demande de décharge de l’obligation de restituer le capital prêté,
– les condamner in solidum à régler à la société Solfinea (anciennement dénommée Solfea), la somme de 18 000 euros en restitution du capital prêté,
– à défaut, les condamner in solidum à payer la somme de 18 000 euros à la société BNP Paribas Personal Finance,
En tout état de cause :
– déclarer irrecevable la demande des époux [Y] visant à la privation de la créance de la banque, à tout le moins, les en débouter,
– déclarer irrecevable leur demande de dommages et intérêts, à tout le moins, les en débouter,
Très subsidiairement :
– limiter la réparation qui serait due par la société Solfea eu égard au préjudice effectivement subi par les emprunteurs à charge pour eux de l’établir et eu égard à leur faute ayant concouru à leur propre préjudice,
– limiter en conséquence la décharge à concurrence du préjudice subi, à charge pour M. et Mme [Y] d’en justifier,
A titre infiniment subsidiaire, si la cour devait priver la banque de sa créance :
– condamner in solidum les époux [Y] à payer à la société Solfinea et à défaut à la société BNP Paribas Personal Finance la somme de 18 000 euros correspondant au capital perdu à titre de dommages et intérêts en réparation de leur légèreté blâmable,
– leur enjoindre de restituer le matériel installé chez eux, à leurs frais, à la société Alliance, ès qualités de mandataire de la société Thermalia, dans un délai de 15 jours à compter de la signification de l’arrêt, ainsi que les revenus perçus au titre de la revente d’électricité,
– dire et juger qu’à défaut de restitution, ils resteront tenus de la restitution du capital prêté,
– subsidiairement, les priver de leur créance en restitution des sommes réglées du fait de leur légèreté blâmable,
– ordonner le cas échéant la compensation des créances réciproques à due concurrence,
– débouter les époux [Y] de toutes autres demandes, fins et conclusions,
En tout état de cause :
– condamner in solidum les époux [Y] au paiement à la société Solfinea et à la société BNP Paribas Personal Finance de la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d’appel de l’article 700 du code de procédure civile,
– les condamner in solidum aux entiers dépens de l’instance avec distraction au profit de Maître Jean-Pierre Antoine.
Aux termes de leurs conclusions signifiées le 6 décembre 2021, M. et Mme [Y], intimés et appelants à titre incident, demandent à la cour de :
– confirmer le jugement entrepris en ce qu’il a :
* déclaré irrecevable la demande de la société BNP Paribas Personal Finance en restitution des fonds versés en cas d’annulation du contrat de crédit du 5 avril 2013,
* rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société BNP Paribas Personal Finance,
* annulé le contrat souscrit entre eux et la société Thermalia, suivant bon de commande signé le 5 avril 2013,
* constaté l’annulation de plein droit du contrat de crédit du 5 avril 2013,
* condamné la société Solfea à leur verser la somme de 22 178,43 euros avec intérêts au taux légal à compter de la décision,
* condamné la société Solfea à leur verser la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile,
* condamné la société Solfea à supporter les dépens,
– infirmer le jugement entrepris pour le surplus,
Statuant à nouveau
– condamner solidairement la banque Solfea à leur verser la somme de :
* 4 554 euros au titre du devis de désinstallation, sauf à parfaire,
*3 000 euros au titre de leur préjudice financier et du trouble de jouissance,
*3 000 euros au titre de leur préjudice moral.
La société Alliance, représentée par Me [X], ès qualités de mandataire ad hoc de la société Thermalia, intimée, n’a pas constitué avocat. La déclaration d’appel lui a été signifiée par acte d’huissier de justice délivré le 17 janvier 2021 par remise à personne physique habilitée. Les conclusions des appelantes lui ont été signifiées par acte d’huissier de justice délivré le 3 janvier 2022 par remise à personne physique habilitée. Les dernières conclusions de M. et Mme [Y] lui ont également été signifiées le 15 décembre 2021 selon les mêmes modalités.
La clôture de l’instruction a été prononcée le 6 janvier 2022.
Conformément à l’article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens soutenus par les parties, la cour se réfère à leurs écritures et à la décision déférée.
Le présent arrêt, rendu en présence de plusieurs intimés cités pour le même objet, en présence de la société Alliance qui, bien que ne comparaissant pas, a été cité à personne morale, sera qualifié de réputé contradictoire à l’égard de tous, en application des dispositions de l’article 474, alinéa 1er, du code de procédure civile.
MOTIFS DE LA DÉCISION
I) Sur l’assignation en intervention forcée de la société Alliance
Consécutivement à la clôture pour insuffisance d’actif de la société Thermalia, les banques appelantes ont fait assigner en intervention forcée la société Alliance en sa qualité de mandataire ad hoc, au visa des articles 554 et 555 du code de procédure civile et des articles L. 643-9 et R. 643-9 du code de commerce.
Les banques justifiant d’un intérêt contre la société Alliance, destinataire de l’appel en cause, au visa des articles susmentionnés, l’intervention forcée sera jugée recevable.
II) Sur la recevabilité des demandes des époux [Y]
Les banques appelantes font valoir que les demandes des époux [Y] sont irrecevables, motifs pris de ce que :
– les emprunteurs, en remboursant de leur propre initiative, et par anticipation leur crédit affecté, le 23 mars 2016, ont entraîné l’extinction des obligations se rattachant à ce contrat, en sorte qu’ils sont désormais irrecevables à engager une action en nullité contre un contrat éteint du fait de la novation,
– les époux [Y] n’ont pas effectué de déclaration de créance à la procédure collective du vendeur, la société Thermalia, comme le prévoient les dispositions des articles L. 622-21 et L. 622-22 du code de commerce, alors que leur action en nullité du contrat de vente se traduit indirectement par une demande de condamnation en paiement, qui ne peut être initiée et poursuivie que sur justification d’une déclaration de créance.
– les époux [Y] n’ont pas exécuté la convention de bonne foi, comme ils y sont tenus en application du code civil, en essayant d’obtenir la nullité du contrat de vente tout en sachant qu’ils conserveront le bien acquis du fait de l’impossibilité matérielle pour la société venderesse de le récupérer.
Les époux [Y] répliquent que :
– la responsabilité du prêteur venant racheter le crédit initial ne peut se substituer à celle de la banque qui a accepté de financer une opération illicite, dès lors que le contrat de crédit affecté n’a pas été signé par l’établissement par lequel ils ont racheté leur crédit et que l’ensemble des opérations nécessaires à la bonne exécution du contrat principal – libération des fonds, règlement de la facture de la société venderesse – ont été intégralement effectuées par la société Bnp Paribas personal finance,
– ils n’ont formé à l’encontre de la société Thermalia aucune demande en paiement de somme d’argent, et les actions ne tendant pas au paiement d’une somme d’argent ne sont pas concernées par le principe de l’arrêt des poursuites ; en outre, seule la banque dispose d’une créance envers la société Thermalia,
– ils n’ont jamais fait preuve de mauvaise foi dans l’exécution de la convention et sont fondés à agir en nullité d’une convention dont l’exécution leur cause un préjudice notamment du fait que leur installation n’est pas rentable.
Réponse de la cour
Il est établi que M. et Mme [Y] ont procédé au remboursement anticipé de leur crédit affecté à l’équipement photovoltaïque le 23 mars 2016 et souscrit un nouveau crédit auprès de la société Crédit maritime du littoral du Sud Ouest, d’un montant de 25 000 euros, en sorte que le remboursement opéré résulte d’un refinancement.
Toutefois, il n’est pas établi que le nouveau contrat était destiné à un regroupement de crédits et soumis, de ce fait, à l’article L. 313-15 ancien du code de la consommation dans sa rédaction alors applicable et R. 313-3 de ce même code, qui dispose qu’à l’occasion du regroupement de crédits les emprunteurs sont informés de ce que, notamment :
” h) Dans le cas où le regroupement envisagé comprend un ou des crédits affectés, il entraînera la perte du droit pour l’emprunteur d’obtenir du vendeur la garantie de leur remboursement dans le cas où une résolution judiciaire ou une annulation du contrat principal survenait du fait de ce dernier ”
La référence des banques appelantes à la notion de novation est en toute hypothèse dépourvue d’objet, dès lors que le contrat initial n’a pas été nové mais soldé.
Si le paiement opéré emporte extinction des obligations afférentes au contrat de crédit, il n’exclut pas que les emprunteurs poursuivent l’annulation du contrat principal dont résulterait de plein droit la nullité du contrat de crédit.
Il ne fait pas davantage obstacle à une action en responsabilité contre le prêteur qui tend, non pas à remettre en question la créance acquittée, mais à obtenir l’indemnisation d’un préjudice.
En conséquence, M. et Mme [Y] ne peuvent être jugés irrecevables en leurs demandes relatives à la validité des contrats et l’indemnisation d’un préjudice à l’encontre des sociétés appelantes, pour le motif invoqué.
S’agissant de la deuxième fin de non-recevoir tirée du défaut de déclaration de créance par les époux [Y] au passif de la procédure collective de la société Thermalia, l’article L. 622-21 du code de commerce dispose que le jugement d’ouverture d’une procédure de liquidation judiciaire interrompt ou interdit toute action en justice qui tend à la condamnation du débiteur au paiement d’une somme d’argent.
Si la société Thermalia a fait l’objet d’une procédure de liquidation judiciaire, force est de constater que M. et Mme [Y] ne forment aucune demande de condamnation pécuniaire à l’encontre de celle-ci, leur seule demande à l’encontre de la société en liquidation judiciaire consistant en la confirmation du jugement qui a annulé le contrat de prestation de services, et cette demande ne pouvant, contrairement à ce que soutient la société appelante, être considérée comme une prétention visant à obtenir indirectement le paiement d’une somme d’argent, dès lors que les époux [Y], qui n’ont jamais versé de somme d’argent à la société en procédure collective, ne sont dépositaires d’aucune créance à l’encontre de cette société et ne réclament point la restitution du prix de vente.
L’absence de déclaration de créance au passif de la procédure collective de la société Thermalia par M. et Mme [Y] est donc indifférente à la recevabilité de leur action.
Le moyen tiré d’une telle irrecevabilité est donc rejeté.
Enfin les banques soutiennent que les conventions doivent être exécutées de bonne foi et que les époux [Y] seraient de mauvaise foi en essayant d’obtenir la nullité du contrat de vente tout en sachant qu’ils conserveront le bien acquis du fait de l’impossibilité matérielle pour la société venderesse de le récupérer.
Toutefois, le seul fait de remettre en cause un contrat postérieurement à l’expiration du délai de rétractation et en sachant que la société venderesse ne pourra le récupérer parce qu’elle n’est plus in bonis, ne suffit pas à caractériser la mauvaise foi alléguée des époux [Y], qui agissent en raison de la rentabilité économique de leur acquisition qu’ils estiment très insuffisante.
Le moyen ne pourra donc être accueilli.
Par suite, M. et Mme [Y] doivent seront déclarés recevables en leurs demandes.
II) Sur la nullité des contrats de vente et de crédit
Les sociétés Solfinea et Bnp Paribas personal finance prient la cour d’infirmer le jugement déféré en ce qu’il a annulé le contrat de vente, aux motifs que :
– le bon de commande n’est entaché d’aucune irrégularité formelle, parce que, en premier lieu, il précise, comme le prescrit l’article L. 121-23 du code de la consommation, la nature et les caractéristiques essentielles des biens vendus – la marque du matériel ne constitue pas une caractéristique essentielle du bien vendu, non plus que la dimension, le poids, la durée de vie des composants et l’impact visuel – et que l’imprécision des mentions ne peuvent être sanctionnées par la nullité du bon de commande mais seulement par une action en responsabilité liée au manque d’informations, parce que, en deuxième lieu, il comporte des stipulations relatives aux délais, modalités de livraison et d’exécution du contrat – quatre à six mois en l’espèce – étant relevé que le délai de réalisation du raccordement ne peut être précisé parce qu’il dépend d’un tiers, la société ERDF, et que le vendeur ne peut s’engager s’agissant des délais que sur sa propre prestation, parce que, en troisième lieu, s’agissant des modalités de paiement, il est conforme aux exigences de l’article L. 121-23 du code de la consommation, en précisant le prix global à payer, les prix unitaires n’ayant pas à être mentionnés, non plus que l’identité de l’établissement de crédit, et que toutes les mentions relatives au crédit, ont été portées à la connaissance des époux [Y], dans les conditions prescrites par la jurisprudence, parce que, en quatrième lieu, les époux [Y] ne justifient pas du fondement juridique leur permettant d’exciper de la nullité du bon de commande au motif qu’il ne serait pas lisible n’étant pas au corps huit et que la mention ‘ gaz de France dolce vita’ serait écrite en caractères plus apparents, introduisant une confusion dans l’esprit des acquéreurs, parce que, en cinquième et dernier lieu, il résulte de la jurisprudence de la Cour de cassation que le seul constat d’irrégularités formelles sur le bon de commande ne suffit pas à prononcer la nullité du contrat en l’absence de la preuve par l’acquéreur qu’il en est résulté pour lui un préjudice (Cass. 1er civ. 20 mai 2020, n°19-14.477),
– à titre subsidiaire et dans l’hypothèse où la cour estimerait que le bon de commande comporte des irrégularités formelles, la sanction des irrégularités entachant le bon de commande est une nullité relative, susceptible de confirmation en cas d’exécution volontaire du contrat en application des dispositions de l’article 1338 du code civil et, en l’espèce, le bon de commande précisait les mentions requises à peine de nullité en sorte que les acquéreurs avaient connaissance des mentions devant figurer dans le bon de commande et ont, de ce fait, exécuté le contrat en connaissance de cause, étant relevé que les acquéreurs ont couvert les nullités en réceptionnant sans aucune réserve l’installation, en payant le prix de la prestation, puis en utilisant l’installation raccordée pendant cinq années, en revendant de l’électricité à ERDF et en procédant à un remboursement anticipé intégral du crédit (Cass. 1er civ. 9 décembre 2020, n°18-25.686),
– les conditions du prononcé de la nullité du contrat de vente pour dol, en raison de pratiques commerciales trompeuses, ne sont pas réunies, les consorts [Y] n’établissant ni les manoeuvres dolosives ni l’erreur qu’ils auraient commise dans la conclusion du contrat et qui aurait résulté de ces manoeuvres, la rentabilité effective de l’installation n’étant pas justifiée, à défaut d’expertise contradictoire et en considération du fait que la rentabilité de l’installation ne peut être appréciée que sur sa durée de vie complète qui excède la durée de remboursement du crédit. De plus, M. et Mme [Y] ne justifient pas que la rentabilité de leur installation ait été un motif prédominant de leur acquisition alors que ce type d’achat s’inscrit également dans une finalité d’achat responsable dans le cadre d’un objectif de protection de l’environnement.
Les époux [Y] concluent à la nullité du contrat de vente motif pris du :
– non-respect sur le bon de commande des dispositions de l’article L. 121-23 du code de la consommation, ainsi que des articles L. 121-2 à L. 121-4 du même code relatives aux pratiques commerciales trompeuses, en raison, d’une part, de l’absence de descriptif précis de l’installation et du fait que ce descriptif imprécis ne correspond pas à la réalité, que le bon de commande n’indique qu’un prix global et non des prix unitaires, et, d’autre part, de l’absence d’indication sur les conditions d’exécution du contrat et les délais de mise en service des panneaux : modalités de pose des panneaux, absence de détail du coût de l’installation, délais de mise en service, absence de mentions relatives au paiement (coût total de l’emprunt non renseigné, nombre et montant des mensualités erronés), absence de lisibilité du bon de commande,
– dol par réticence ayant vicié le consentement des acquéreurs auxquels ont été cachés le délai de raccordement de l’installation, l’assurance obligatoire à souscrire, la location obligatoire d’un compteur de production auprès d’ EDF, la durée de vie de l’onduleur électrique, qui devra être remplacé trois fois au cours de l’exploitation de la centrale, la nécessité de faire procéder à la désinstallation des matériels et à la remise de la toiture dans son état initial à l’issue de l’exploitation, le prix d’achat de l’électricité, le rendement envisageable de l’installation. Les manoeuvres dolosives sont également caractérisées, selon les intimés, par le fait que la société Groupe Solaire de France a fait état de partenariats mensongers avec les sociétés EDF et GDF, présenté de manière fallacieuse la rentabilité de l’installation, et a faussement présenté aux époux [Y] l’offre de financement comme étant sans grandes conséquences, afin de les convaincre de contracter.
Les époux [Y] font, en outre, valoir qu’ils n’ont jamais confirmé la validité des contrats au sens de l’article 1338 ancien du code civil ni accepté de renoncer aux irrégularités affectant le bon de commande en laissant exécuter le contrat et en remboursant leur crédit par anticipation, et que rien ne permet de prouver qu’ils ont eu connaissance des vices affectant le bon de commande, alors même que, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, la confirmation d’un acte nul ne peut provenir de son exécution prolongée à défaut de connaissance du vice et de l’intention de le réparer.
Réponse de la cour
Il est constant que le contrat litigieux est soumis aux dispositions des articles L. 121-21 et suivants du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur au 26 novembre 2013, dès lors qu’il a été conclu dans le cadre d’un démarchage à domicile.
L’article L. 121-23, dans sa version en vigueur du 27 juillet 1993 au 14 juin 2014, dispose :
“Les opérations visées à l’article L. 121-21 doivent faire l’objet d’un contrat dont un exemplaire doit être remis au client au moment de la conclusion de ce contrat et comporter, à peine de nullité, les mentions suivantes :
1° Noms du fournisseur et du démarcheur ;
2° Adresse du fournisseur ;
3° Adresse du lieu de conclusion du contrat ;
4° Désignation précise de la nature et des caractéristiques des biens offerts ou des services proposés ;
5° Conditions d’exécution du contrat, notamment les modalités et le délai de livraison des biens, ou d’exécution de la prestation de services ;
6° Prix global à payer et modalités de paiement ; en cas de vente à tempérament ou de vente à crédit, les formes exigées par la réglementation sur la vente à crédit, ainsi que le taux nominal de l’intérêt et le taux effectif global de l’intérêt déterminé dans les conditions prévues à l’article L. 313-1 ;
7° Faculté de renonciation prévue à l’article L. 121-25, ainsi que les conditions d’exercice de cette faculté et, de façon apparente, le texte intégral des articles L. 121-23, L. 121-24, L. 121-25 et L. 121-26”.
L’article L. 121-24 dispose :
“Le contrat visé à l’article L. 121-23 doit comprendre un formulaire détachable destiné à faciliter l’exercice de la faculté de renonciation dans les conditions prévues à l’article L. 121-25. Un décret en Conseil d’Etat précisera les mentions devant figurer sur ce formulaire.
Ce contrat ne peut comporter aucune clause attributive de compétence.
Tous les exemplaires du contrat doivent être signés et datés de la main même du client”.
L’article L. 121-26 indique :
“Avant l’expiration du délai de réflexion prévu à l’article L. 121-25, nul ne peut exiger ou obtenir du client, directement ou indirectement, à quelque titre ni sous quelque forme que ce soit une contrepartie quelconque ni aucun engagement ni effectuer des prestations de services de quelque nature que ce soit […]
En outre, les engagements ou ordres de paiement ne doivent pas être exécutés avant l’expiration du délai prévu à l’article L. 121-25 et doivent être retournés au consommateur dans les quinze jours qui suivent sa rétractation. […]”.
Enfin, l’article L111-1 du code de la consommation dans sa version en vigueur du 25 juillet 2010 au 14 juin 2014 dispose :
‘I. – Tout professionnel vendeur de biens doit, avant la conclusion du contrat, mettre le consommateur en mesure de connaître les caractéristiques essentielles du bien.
II. – Le fabricant ou l’importateur de biens meubles doit informer le vendeur professionnel de la période pendant laquelle les pièces indispensables à l’utilisation des biens seront disponibles sur le marché. Cette information est obligatoirement délivrée au consommateur par le vendeur, avant la conclusion du contrat.
III.- Encas de litige portant sur l’application des I et II, il appartient au vendeur de prouver qu’il a exécuté ses obligations.’
Sur le premier moyen tiré du défaut de précision des caractéristiques essentielles des biens vendus
En l’espèce, le bon de commande mentionne que les biens et services promis consistent en ‘ une centrale solaire Clipsol GDF SUEZ 2,5 kwc – 10 modules GDF SUEZ 250 WC Norme CE- un onduleur SCHNEIDER + coffret de protection AC/DC – un kit d’intégration au bâti SOLELIS GDF – SUEZ’.
Les informations figurant sur le bon de commande telles que rappelées ci-dessus sont suffisamment précises pour permettre aux acheteurs de connaître les caractéristiques fondamentales de la centrale photovoltaïque acquise, dès lors que le bon de commande précise le nombre de panneaux, la référence des panneaux, la description des composants, la marque des panneaux et de l’onduleur, la puissance de l’installation.
Le fait que le matériel installé, au vu de la facture, ne soit pas de la même marque que celui mentionné dans le bon de commande ne saurait justifier le prononcé de la nullité du bon de commande sur le fondement d’une irrégularité formelle, dès lors que ce fait ne relève pas du formalisme du bon de commande. Il sera relevé, en outre, que les époux [Y] ont signé sans réserve le certificat de livraison.
La dimension, le poids, la durée de vie des composants et l’impact visuel ne constituent pas des caractéristiques essentielles au sens de l’article L. 121-23 du code de la consommation.
Le premier moyen ne pourra donc être accueilli.
Sur le deuxième moyen tiré de l’irrégularité formelle du bon de commande au regard des mentions relatives aux modalités d’exécution et plus particulièrement de l’imprécision du délai de livraison
Il convient de rappeler que, transposant l’article 5, d de la directive 2011/83/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2011, relative aux droits des consommateurs, l’article L. 111-1, 3ème précité impose au professionnel d’informer le consommateur sur la date ou le délai auquel il s’engage à livrer le bien ou à exécuter le service. Cette information doit être fournie en l’absence d’exécution immédiate du contrat et il incombe au juge du fond de rechercher si l’information donnée satisfait aux exigences posées par cette article de loi (Cass. 1er civ. 28 octobre 2009, n°08-19. 303) et si les documents remis aux contractant comportent des omissions, des ambiguïtés ou des insuffisances, cette appréciation étant souveraine (1re Civ., 28 octobre 2009, pourvoi n° 08-19.303).
En l’espèce, le bon de commande litigieux mentionne en son recto ‘ 4 à 6 mois’.
La cour considère qu’en mentionnant une livraison dans un délai de quatre à six mois, la venderesse a satisfait à son obligation de préciser sur le bon de commande les délais et modalités d’exécution de la prestation, en sorte qu’il n’y a pas lieu d’annuler le contrat de vente pour ce motif.
Par ailleurs, le défaut de mention sur le bon de commande litigieux de l’impact visuel, de l’orientation des panneaux et de leur degré d’inclinaison ne saurait justifier l’annulation du contrat de vente, au regard des exigences du code de la consommation.
Sur le troisième moyen, tiré de l’irrégularité du bon de commande au regard des mentions concernant le prix
Ni l’article L. 221-5 ni l’article L. 111-1 précités n’exige la mention du prix unitaire de chaque élément du prix constitutif du bien offert ou du service proposé ni celui du coût de la main-d’oeuvre, dès lors l’annulation du contrat n’est pas encourue en l’absence d’une telle mention sur le bon de commande (Cass. 1er civ. 2 juin 2021, n°19-22.607).
Le coût total du crédit ne fait pas partie des mentions requises par l’article L. 121-23, 6° du code de la consommation et seuls les frais obligatoires lors de la conclusion du contrat doivent être inclus dans la mention du coût total du crédit, ce qui exclut l’assurance facultative.
Par ailleurs, les mentions afférentes au crédit sont bien mentionnées au recto du bon de commande litigieux, et, contrairement à ce que soutiennent les époux [Y], le montant des mensualités hors assurance facultative et leur nombre, mentionnés sur le bon de commande correspondent bien à ceux indiqués sur l’offre de crédit, étant relevé, au surplus, que le contrat principal et le contrat de crédit affecté ayant été régularisés simultanément, les époux [Y] qui ont reçu une offre de crédit indiquant précisément le montant du crédit et ses conditions, ne peuvent utilement soutenir ne pas avoir été informés des conditions de financement de la prestation.
Par suite, le moyen ne pourra être accueilli.
Sur le quatrième moyen, tiré de l’illisibilité du bon de commande
Il n’est pas démontré par les époux [Y] que les mentions manuscrites figurant sur le bon de commande seraient illisibles, dès lors que les acquéreurs ne produisent pas l’original de leur bon de commande mais une simple photocopie de très médiocre qualité.
Si l’article L. 211-1 du code de la consommation prescrit, comme le soutiennent les acquéreurs, que les clauses des contrats doivent être rédigées de manière claire et compréhensible, il n’est pas démontré, en l’espèce, que les conditions générales de ventes, figurant au verso du bon de commande litigieux, qui sont parfaitement claires et lisibles, ne respecteraient pas ces prescriptions, aucun texte n’exigeant que le bon de commande litigieux soit au corps huit comme le soutiennent les époux [Y].
Sur le cinquième moyen, tiré de l’existence de manoeuvres dolosives imputables à la société Thermalia
Les époux [Y] soutiennent, par ailleurs, que le contrat de vente encourt l’annulation, au motif que leur consentement aurait été vicié par des manoeuvres dolosives de la société venderesse.
Selon l’article 1116 ancien du code civil dans sa rédaction applicable à l’espèce, “le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l’une des parties sont telles, qu’il est évident que, sans ces manoeuvres, l’autre partie n’aurait pas contracté.
Il ne se présume pas et doit être prouvé”.
S’ils imputent une tromperie dans la présentation commerciale de son offre de contrat et des manoeuvres frauduleuses qui auraient vicié leur consentement, force est de constater que les époux [Y] ne justifient pas, au vu des pièces qu’ils versent aux débats, de l’existence de telles manoeuvres et pas davantage qu’un volume de production ou un revenu annuel quantifié soit entré dans le champ contractuel, la simulation produite par leurs soins , établie sur la base de critères variables tel que l’ensoleillement, ne constituant pas un engagement contractuel.
Il convient, par ailleurs, de rappeler que l’achat d’une centrale photovoltaïque ne s’inscrit pas exclusivement dans une finalité de rentabilité, mais constitue également un achat effectué avec un objectif de protection de l’environnement.
Les époux [Y] ne peuvent valablement soutenir que le bon de commande leur a été présenté comme une simple candidature, dès lors que le document qu’ils ont signé s’intitule ‘ bon de commande’ et qu’ils ont également et simultanément signé un contrat de crédit.
Il n’est pas justifié que la société Thermalia aurait indiqué aux acquéreurs avoir été mandatée par la société EDF ou aurait fait état de faux partenariats.
Les acheteurs ne peuvent non plus faire valoir utilement ne pas avoir été suffisamment renseignés sur le délai de raccordement de l’installation, l’assurance obligatoire, la location obligatoire d’un compteur, la durée de vie du matériel acquis, les conditions afférentes au différé de remboursement du crédit, dès lors que ces informations ne sont pas prescrites par l’article L. 121-23 du code de la consommation, excèdent le devoir d’information du vendeur, et que les acquéreurs ont signé une offre de crédit précisant les conditions de remboursement de ce crédit.
Il résulte de ce qui précède que les époux [Y] seront déboutés de leur demande de nullité des contrats de vente et de crédit affecté, le jugement déféré étant infirmé en toutes ses dispositions.
Il ressort des motifs qui précèdent que M. et Mme [Y] sont tenus de rembourser le crédit affecté de sorte que les sommes qu’ils ont acquittées de ce chef ne sont pas dépourvues de cause et qu’ils sont mal fondés en leur demande de restitution.
II) Sur la responsabilité personnelle des banques et les demandes indemnitaires des époux [Y]
Les époux [Y] sollicitent la condamnation des banques appelantes à leur payer, outre le montant des sommes qu’ils lui ont réglées au titre du contrat de crédit affecté, une somme de 4554 euros au titre des frais de désinstallation, une somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice financier et de leur trouble de jouissance et une somme de 3 000 euros en réparation de leur préjudice moral.
Ils soutiennent que les sociétés banque Solfinea et Bnp Paribas personal finance ont commis des fautes en octroyant un crédit accessoire d’un contrat nul, en participant au dol de son prescripteur, en libérant les fonds hâtivement avant l’achèvement de l’installation, sans avoir, au préalable, demandé des explications et obtenu des réponses de la part de la société Thermalia.
Ils exposent à la cour que ces fautes leur ont causé, tout d’abord, un préjudice financier, dès lors qu’ils remboursent un crédit d’un montant de 2 935, 8 euros pour une production annuelle d’électricité de 1 200 euros, et un trouble de jouissance, parce que, d’une part, ils ont été contraints de rembourser un crédit assorti d’un taux d’emprunt exorbitant, ce qui a obéré leur trésorerie et continue de l’obérer puisqu’ils remboursent toujours le nouveau crédit leur ayant permis de procéder au remboursement anticipé et qu’ils devront rembourser ce nouveau crédit jusqu’en 2026.
Ils allèguent, par ailleurs, avoir subi un préjudice moral du fait qu’ils ont subi les désagréments liés à la réalisation d’importants travaux, ont dû supporter une installation ‘ aussi inutile qu’inesthétique’, et ont été angoissés par le remboursement d’un crédit ruineux.
Les banques appelantes font valoir, en réplique, que :
– les intimés sont irrecevables à invoquer d’autres manquements pour solliciter des dommages et intérêts en plus de la privation de sa créance de restitution, parce qu’il appartient à l’acquéreur d’agir par voie de décharge ou par voie de dommages et intérêts mais qu’il ne peut solliciter la réparation de son préjudice par les deux voies.
– leur responsabilité ne peut être engagée, parce qu’elles n’ont commis aucune faute liée à la vérification du bon de commande, ni dans le déblocage des fonds au regard de la réalisation de la prestation, parce qu’il ne peut leur être fait grief d’avoir débloqué les fonds avant raccordement, qui incombe à un tiers, en l’occurrence ERDF, parce qu’ils ne leur appartenait pas de s’assurer de la mise en service de l’installation,
– les préjudices allégués sont inexistants, dès lors que le matériel a été livré, posé, raccordé au réseau ERDF et mis en service et sans rapport avec les griefs invoqués à son encontre.
Réponse de la cour
Les sociétés Solfinea et Bnp Paribas personal finance sont mal fondées à dénoncer la redondance des demandes indemnitaires présentées par M. et Mme [Y], en soutenant qu’ils prétendent à une double indemnisation en sollicitant la réparation de leur préjudice à la fois par voie de décharge de l’obligation de restituer le capital emprunté et par voie de dommages et intérêts.
En effet, dès lors que les contrats de vente et de crédit litigieux ne sont pas annulés et que les prétentions relatives à une dispense de restitution du capital emprunté sont sans objet et ne peuvent donc être accueillies, le moyen avancé par la banque et tiré du caractère redondant des indemnisations sollicitées par M. et Mme [Y] est également sans objet.
En outre, si les motifs énoncés au paragraphe précédent suffisent à écarter les griefs émis par les époux [Y] à l’encontre des banques aux motifs que celle-ci aurait commis une faute en finançant un contrat nul ou aurait participé à une tromperie qui n’est pas démontrée, l’exécution du contrat de crédit ne fait pas obstacle à ce que les emprunteurs recherchent la responsabilité du prêteur dans les obligations spécifiques qui lui incombent dans le cadre d’une opération économique unique.
Les demandes de dommages et intérêts formées par les époux [Y] sont donc recevables et il convient, dès lors, d’examiner leur bien-fondé.
En application de l’article L. 311-31 du code de la consommation, les obligations de l’emprunteur ne prennent effet qu’à compter de la livraison du bien ou de la fourniture de la prestation.
Il incombe donc au prêteur de vérifier que l’attestation de fin de travaux qui lui est adressée suffit à déterminer que la prestation promise a été entièrement achevée.
En revanche, il n’appartient pas au prêteur de s’assurer par lui-même de l’exécution des prestations et l’appelante fait valoir à juste titre qu’elle n’est pas garante de l’exécution du contrat principal.
Il convient par ailleurs de rappeler que si, en application de l’article L. 311-51 du code de la consommation dans sa rédaction applicable au litige, le prêteur est garant du fait de l’intermédiaire pour ce qui concerne le contrat de crédit, il n’est pas garant des modalités de conclusion et d’exécution du contrat de prestation de services.
En l’espèce, les banques appelantes ne justifient pas avoir délivré les fonds au vu d’une attestation de livraison signée par l’emprunteur, aucune attestation n’étant versée aux débats par les appelantes.
Cependant, il est constant que le raccordement au réseau ERDF et la délivrance des autorisations administratives ne faisaient pas partie des obligations contractuelles de la société Thermalia mais relevaient des prérogatives de tiers, que l’installation a été effectivement raccordée au réseau public sans qu’un défaut de conformité des travaux y fasse obstacle et que M. et Mme [Y] perçoivent annuellement le prix de revente de l’électricité produite.
M. et Mme [Y] ont donc reçu la contrepartie du contrat conclu avec la société Thermalia et ne justifient d’aucun préjudice en lien direct avec les conditions de libération du capital.
Il n’est donc pas établi que le déblocage des fonds ait eu une conséquence dommageable pour M. et Mme [Y].
Il convient d’ajouter que la demande d’indemnisation au titre des frais de désinstallation, d’un montant de 4 554 euros, est mal fondée en l’absence de préjudice, l’installation fonctionnant et procurant des revenus aux époux [Y], étant relevé, au surplus, que la volonté de ces derniers de déposer l’installation n’est pas établie.
L’indemnisation du préjudice financier lié à l’obligation de rembourser un crédit à un taux qualifié d’exorbitant par les époux [Y] (5, 95 %) ne peut davantage être accueillie, les époux [Y] ayant accepté l’offre de crédit, qui mentionnait clairement le taux d’intérêt.
Enfin, le préjudice moral invoqués par les époux [Y] n’est pas établi.
Ceux-ci sont donc déboutés de l’ensemble de leurs demandes indemnitaires.
III) Sur les demandes accessoires
M. et Mme [Y] , qui succombent, seront condamnés aux dépens de première instance et d’appel.
PAR CES MOTIFS
La cour
Statuant après débats en audience publique, en dernier ressort, par arrêt réputé contradictoire, par mise à disposition au greffe,
Déclare recevable l’intervention forcée à l’instance de la société Alliance, ès qualités de mandataire ad hoc de la société Thermalia ;
Infirme le jugement en toutes ses dispositions sauf en ce qu’il a rejeté les fins de non-recevoir soulevées par la société Bnp Paribas personal finance et débouté M. [K] [Y] et Mme [F] [G], épouse [Y], de leurs demandes de dommages et intérêts ;
Statuant à nouveau des chefs infirmés
Déboute M. [K] [Y] et Mme [F] [G], épouse [Y], de l’intégralité de leurs prétentions ;
Condamne in solidum M. [K] [Y] et Mme [F] [G], épouse [Y], à payer à la société Solfinea, anciennement dénommée Banque Solfea, et à la société Bnp Paribas personal finance la somme totale de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;
Condamne in solidum M. [K] [Y] et Mme [F] [G], épouse [Y], aux dépens de première instance et d’appel, ces derniers pouvant être recouvrés directement par M. Jean-Pierre Antoine, avocat, conformément à l’article 699 du code de procédure civile.
– prononcé hors la présence du public par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.
– signé par Monsieur Philippe JAVELAS, Président et par Madame Françoise DUCAMIN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,