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COMM.
JT
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 24 juin 2020
Rejet
Mme MOUILLARD, président
Arrêt n° 351 F-D
Pourvoi n° G 18-15.673
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
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AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
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ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 24 JUIN 2020
La société […], société par actions simplifiée, dont le siège est […] , a formé le pourvoi n° G 18-15.673 contre l’arrêt rendu le 12 avril 2018 par la cour d’appel de Paris (pôle 5, chambre 5), dans le litige l’opposant à la société Celio international, dont le siège est […], défenderesse à la cassation.
La demanderesse invoque, à l’appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Sudre, conseiller, les observations de Me Isabelle Galy, avocat de la société […], de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Celio international, et l’avis de Mme Beaudonnet, avocat général, après débats en l’audience publique du 12 mai 2020 où étaient présentes Mme Mouillard, président, Mme Sudre, conseiller rapporteur, Mme Darbois, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,
la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Sur le moyen unique :
Attendu, selon l’arrêt attaqué (Paris, 12 avril 2018), que la société […], ayant pour activité la conception, la production et la commercialisation d’articles textiles de prêt-à-porter, est devenue, à compter de 2007, l’un des fournisseurs de la société de droit belge Celio international (la société Celio) ; que n’ayant plus enregistré de commandes à partir de l’été 2016, la société […] a, par acte du 28 septembre 2016, assigné la société Celio devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de dommages-intérêts pour rupture brutale d’une relation commerciale établie ; que la société Celio a soulevé une exception d’incompétence au profit des juridictions belges, en application d’une clause attributive de juridiction figurant aux conditions générales d’achat signées par les parties ;
Attendu que la société […] fait grief à l’arrêt de dire que le tribunal de commerce de Paris est incompétent pour statuer sur sa demande indemnitaire pour rupture brutale d’une relation commerciale établie et de la renvoyer à mieux se pourvoir alors, selon le moyen :
1°/ qu’en application de l’article 25 du règlement (UE) n° 1215/2012 du 12 décembre 2012, la portée d’une convention attributive de juridiction est limitée aux seuls différends qui trouvent leur origine dans le rapport de droit à l’occasion duquel cette clause a été convenue ; qu’une clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales d’achat, visant les contestations relatives à l’interprétation et/ou l’exécution de ces conventions, n’est applicable qu’aux litiges nés des contrats de vente régis par ces conditions générales, et non au litige né de la rupture de la relation d’affaires établie entre les parties, dans le cadre de laquelle ces ventes ont été conclues ; qu’en considérant en l’espèce que les parties n’ayant conclu aucun autre contrat pour régir leurs relations commerciales, la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales d’achat, visant toutes les contestations relatives à “l’interprétation et/ou l’exécution des présentes conventions”, était applicable à la rupture des relations commerciales, la cour d’appel a violé le texte susvisé ;
2°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis du contrat ; qu’en l’espèce, la cour d’appel a constaté elle-même que les conditions générales d’achat de la société Celio international couvraient tous les éléments de la relation commerciale “de la commande jusqu’à l’achat”, et que les parties n’avaient conclu aucun contrat pour régir leurs relations commerciales ; qu’en énonçant que la clause attributive de juridiction figurant dans les conditions générales d’achat visant toutes les contestations relatives à “l’interprétation et/ou l’exécution des présentes conventions” » était suffisamment large pour couvrir les circonstances dans lesquelles l’exécution de cette convention cesse, y compris la rupture brutale des relations contractuelles, quand les “conventions” visées par cette clause étaient les conditions générales d’achat applicables à chaque vente depuis la commande jusqu’au paiement, et non la relation d’affaires verbale entre les parties dans le cadre de laquelle ces ventes étaient conclues, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause et a violé l’article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce ;
3°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis du contrat ; qu’en l’espèce la clause litigieuse visait “toute contestation relative à l’interprétation et/ou l’exécution des présentes conventions”, et ne visait pas la rupture du contrat, qui est antinomique de son “exécution” ; qu’en retenant que cette clause était suffisamment large pour couvrir les circonstances dans lesquelles la convention cesse, y compris la rupture des relations contractuelles, la cour a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause et a violé l’article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce ;
4°/ que le juge ne peut dénaturer les termes clairs et précis du contrat ; qu’en l’espèce, comme le faisait valoir la société […], les “conditions générales d’achat” dans lesquelles figurait la clause d’attribution de juridiction litigieuse ne comportaient aucune stipulation relative aux conditions de la rupture des relations contractuelles ; que dès lors cette clause, visant “toute contestation relative à l’interprétation et/ou l’exécution des présentes conventions” ne pouvait porter sur un litige à la rupture de la relation d’affaires, qui n’était pas l’objet de cette convention ; qu’en retenant que cette clause était suffisamment large pour couvrir les circonstances dans lesquelles la convention cesse, y compris la rupture des relations contractuelles, la cour d’appel a dénaturé les termes clairs et précis de cette clause et a violé l’article 1134 du code civil en sa rédaction antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable en l’espèce ;
Mais attendu qu’après avoir rappelé que la clause attributive de juridiction désignait expressément le tribunal belge dans le ressort duquel la société Celio avait son siège social pour connaître de “toute contestation relative à l’interprétation et/ou l’exécution des présentes conventions”, c’est par une interprétation souveraine, exclusive de dénaturation, de cette clause, que l’ambiguïté de ses termes rendait nécessaire, que la cour d’appel a retenu qu’intégrée dans des conditions générales d’achat couvrant l’ensemble des éléments essentiels de la relation commerciale, à chacune de ses étapes, y compris au moment de sa cessation, elle devait recevoir application dans le litige opposant les parties sur les conditions dans lesquelles leurs relations avaient été rompues ; que le moyen n’est pas fondé ;